NETTALI.COM - A 7 mois de la présidentielle, c’est à une inflation de candidatures sans précédent que l’on assiste. La cinquantaine de candidatures, d’ailleurs pas près de s’arrêter. Des plus farfelues aux plus logiques, les Sénégalais vont avoir du mal à se retrouver dans la pléthorique liste de postulants.

Beaucoup parmi ceux qui s'aventurent sur le terrain de la candidature à la présidentielle, ignorent le poids que c'est de diriger un état. Cela leur paraît si aisé qu'ils s'imaginent qu'il faille juste être connu dans un microcosme, être chef d'entreprise ou se comparer à Macky Sall en termes de niveau d'études et de background, pour en être capables. Avoir un certain niveau d'études supérieures, ne suffit pas à vrai dire. Gérer un état nécessite, pour plus d'aisance, d'avoir au moins géré une collectivité, de grimper dans les échelons de l'Etat après avoir roulé sa bosse et de connaître le terrain ainsi que les rouages du système. Savoir gérer les équilibres aussi bien au niveau sociologique que sur le plan de la gestion proprement dite, sont aussi des atouts considérables. La gestion étatique requiert aussi d'autres talents, tels qu'oratoires, de négociations, etc. Bref tout cela pour dire, sans être catégorique sur les qualités à avoir, que la gestion d'un état n'est pas à la portée de tout le monde.

Certains parmi ces candidats savent déjà qu’ils ne vont pas dépasser le cap du parrainage, mus qu’ils sont par une simple volonté de se faire de la pub à moindre frais. Il va en tout cas y avoir du monde sur les starting-block du parrainage légèrement assoupli dans ses modalités, avec cette fois-ci une option citoyenne de parrainage par des élus et un tirage au sort qui va permettre d’éviter la si problématique carte du premier arrivé, premier servi.

Mais il va falloir aussi conjuguer avec le casse-tête que connaissent les états-majors les plus capés, ceux de Pastef et Benno. Dans le cas des patriotes, la candidature d’Ousmane Sonko reste toujours possible, malgré ses condamnations, alors que des suggestions sont faites quant à la recherche d’un plan B pour le cas où… "Ousmane Sonko participera de gré ou de force", a déclaré l’intrépide Guy Marius lors de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale.  Mais on n’en est pas encore là, puisque les alliés du leader patriotique de Yewwi et du F 24 sont toujours en ordre de bataille pour insister encore et encore sur une élection inclusive. Vendredi est d’ailleurs prévu un rassemblement à cet effet. Rassemblement finalement interdit par le Préfet de Dakar, Mor Talla Tine, au motif de "risque de trouble à l'ordre public" et d'"entrave à la libre circulation des personnes et des biens".

Mais si casse-tête, il y a, il est bien plus compliqué du côté de la coalition "Benno Book Yaakaar" quant à la désignation de son candidat. Après le renvoi de sa décision prévue après son retour de voyage, C’est toujours l’expectative avec un déclenchement prématuré des hostilités signé par les partisans d’Abdoulaye Diouf Sarr et ceux d’Amadou Ba, l’actuel favori des pronostics pour avoir vu son nom régulièrement cité dans toutes les prévisions. Pas que seulement puisque ce dernier bénéficie d’une image médiatique certaine, même si sa légitimité populaire reste toujours à être prouvée, l’argument de l'absence de victoire dans son bureau de vote et son fief, à relativiser toutefois,  étant en permanence brandi.

Amadou Ba a un certainement un avantage, celui d’être l'actuel premier ministre et d’être exposé par ses actions au quotidien. Il lui est aussi prêté un certain pouvoir financier qui ne manque d'ailleurs pas de déteindre sur son image ; en plus de réseaux sur le plan national et international. Il a aussi l’avantage d’être très impliqué dans la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (Pse), si cher à Macky Sall, et d’avoir piloté le dossier au Groupe consultatif de Paris pour la recherche de financements en décembre 2018. Mais dans une compétition, comme tout le monde le sait, le favori n’est pas toujours celui qui gagne.

Le choix de Ba est donc de l’ordre du possible. Il a en effet toujours refusé d’afficher ses ambitions et apparaît comme quelqu’un d’incontournable au sein du parti et même au-delà, mais son attitude effacée et trop discrète, surtout face à l’opposant farouche au régime Ousmane Sonko, lui vaut une certaine inimitié au sein de l’APR, où il était même accusé de téléguider en sous-main le tonitruant leader de Pastef.

La concurrence est de toute façon rude du côté de l’Apr. Car, entre Amadou Ba, Abdoulaye Daouda Diallo, Aly Ngouille Ndiaye, Boun Abdallah Dione, Abdoulaye Diouf Sarr et d’autres que l’on cite, en plus de Mame Boye Diao et d’autres encore embusqués, il risque d’y avoir beaucoup de protestations voire de candidats contre la volonté du président qui n’a plus de fait, la même autorité. Il a en tout cas prévenu qu’il continuerait à exercer son pouvoir jusqu’à son départ de la présidence de la république.

Entre Amadou Ba et Abdoulaye Daouda Diallo, connus pour être de grands rivaux, ce qui est certain est qu'aucun des deux n’acceptera de se ranger derrière l’autre. La vérité est que la liste de candidats est loin d’être simple à départager et n’importe lequel des choix, ne peut qu’être problématique.

Si Aly Ngouille Ndiaye a l’avantage d’avoir son fief sans avoir une implantation en dehors, Abdoulaye Daouda Diallo souffre aussi d’un problème de légitimité populaire, même s’il a un fief, nommé Boki Dialloubé, dans le Podor qui est loin de suffire comme argument à brandir. Si à cela, on ajoute la barrière de la langue, la plus parlée au Sénégal, le wolof et un manque d’envergure et de charisme, il y a de quoi avoir des réserves sur sa capacité à représenter la coalition.

Quid de Boun Abdallah Dione ? Disparu des radars depuis son éviction du poste de Premier ministre, que l’on agite depuis quelques temps comme un autre choix possible, l'homme qualifié de dévoué et de loyal à Macky Sall, comporte des points faibles. Un choix sur sa personne est qualifié de risqué, du fait d'un manque de charisme et de légitimité politique de celui-ci. Mais un point faible qui peut toutefois se muer en point fort puisque l’homme est vu  comme une solution qui pourrait coller à la stratégie de maintien de l’unité au sein de Benno. En effet, un homme politique à forte coloration apériste peut rencontrer l’hostilité́ des partis alliés (PS, AFP, LD et PIT) qui au cours de la dernière décennie, n’ont cessé́ de dénoncer l’omnipotence de l’APR au sein de la coalition. Ce profil plus technocratique que politique, pourrait avoir aux yeux de certains observateurs, cette vertu qui est de contrecarrer les velléités de multiplication des candidats issus de la coalition présidentielle, surtout que l'on n'ignore pas que des membres de la mouvance présidentielle ont déjà déclaré leur candidature : Idrissa Seck, Arona Coumba Ndoffène Diouf, Alioune Sarr, alors que sont notées des velléités de candidature au Parti socialiste.

Macky Sall, en misant sur son «poulain» qui lui doit tout politiquement, s’assurerait une influence certaine sur son dauphin, même après son départ. Un moyen pour le patron de l’APR de s’assurer le maintien de son héritage politique et son bilan économique, l'éventualité d’un retour surréaliste de Macky Sall pour la présidentielle de 2029 ayant été soulevé par Mansour Faye, jeudi 14 juillet, à l'occasion du lancement des travaux de désenclavement de Malem Hodar.

Le profil de Dione pourrait aussi rassurer les cercles et réseaux d’affaires qui gravitent aussi autour du locataire du palais actuel. Bref du monde aux dents longues dans la course.

Mais attention à certains que l’on cite. Mame Boye Diawo l’actuel DG de la Caisse des dépôts et Consignations (Cdc) a par exemple l’avantage de la jeunesse et d’avoir une base politique à Kolda dont il est le maire. Cité dans le lot des candidats, l'ancien directeur des domaines est connu pour être un homme courageux et ambitieux, tout en étant un brillant commis de l'Etat. Il pourrait prendre son destin en main.

De même, l’on a noté l’apparition de photos et vidéos montées en faveur de la candidature de Mouhamadou Makhtar Cissé, ancien ministre du budget en compagnie d’Amadou Ba, ministre des finances d’alors. Bizarre comme souple ! Une manière de lui prêter des intentions sans qu’il ne se soit pour l’instant prononcé sur le sujet. Il pourrait lui aussi en tant que grand commis de l’Etat, l'actuel Inspecteur général d'Etat. Après des passages glorieux à la tête des Douanes sénégalaises, de la Senelec et du ministère de l’Energie, il a des atouts à faire valoir en cas de candidature. Sauf qu’il souffre d’une absence de base politique digne de ce nom, même s’il est crédité d'une présence remarquée dans son fief de Dagana, en plus d'être très introduit dans les foyers religieux de Touba et de Tivaouane où il est en charge de l’édification du chantier de la mosquée.

Macky Sall semble donc  être au pied du mur dans un choix cornélien. Toute décision qui devrait faire l’unanimité, risque d’imploser un peu plus la coalition. Déjà, Abdou Aziz Diop, conseiller spécial à la présidence, a annoncé sa démission de son poste et son départ de l’APR.

Un choix de candidat qui n’est pas sans risque puisque beaucoup dans les rangs de ladite coalition n’attendent plus que le candidat de Benno soit connu pour pointer le bout de leur nez. La conséquence inévitable sera certainement des dissidences dans les rangs de l’Apr ; mais aussi du côté de Benno où même le choix de Macky Sall de faire auditionner les candidats par Moustapha Niasse, ne permettra pas d’éviter des frustrations. Les socialistes Abdoulaye Wilane et Abdou Karim Mbengue, souhaitent déjà de leurs vœux, voir émerger un candidat socialiste après des années de compagnonnage.

Une situation finalement bien compliquée pour Macky Sall qui ne doit s’en prendre qu’à lui-même pour n’avoir pas pris le temps de structurer son parti et encore moins de se choisir un dauphin. Comme du reste l’ont fait ses prédécesseurs. Senghor l’a fait avec Diouf, et Wade pour son fils Karim Wade, même si cela lui a coûté beaucoup de contestations et une saignée. Aujourd’hui, Karim Wade pourrait bien être de la partie, sans aucune contestation au sein de la coalition Wallu.

Une situation difficile qui s’impose finalement à Macky et qui semble être une surprise pour lui. Pensait-il à un moment donné faire du forcing en vue d’une 3ème candidature ? Il faut sans doute être dans sa tête pour le savoir. La contestation dans le temps ou la hantise de se faire battre même dans le cas d’un forcing, a-t-il eu raison de son désistement ? Toujours est-il que personne ne souhaite être à sa place.

Une primaire bien trop tard, aurait sans doute été la voie la moins risquée, la plus démocratique et à même de certainement départager les candidats de Benno. Mais l’on semble noter une volonté de Macky Sall de continuer à exister et à peser dans le pouvoir. Une raison sans doute de ne pas avoir eu recours à ce procédé. On aurait peut-être sondé l’ambition et le bien fondé de chaque candidature qu’on aurait pu savoir le meilleur profil et en même temps celui qui serait le plus apte demain à vendre son programme aux Sénégalais dans les rangs de Benno. Mais puisqu’on a affaire à une démocratie électorale dans ce pays de Senghor, les partis politiques, en dehors de ceux d’une certaine gauche, n’ont pas encore expérimenté la démocratie partisane. Tout se ramène au chef qui décide pratique de tout. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard si les termes tels que « la seule constante », « la vision du chef de l’Etat », « le gardien de la constitution », ce groupe de mots cher à El Hadji Mansour Mbaye, etc ont jalonné toutes les gouvernances. Sacrée démocratie tropicale, elle a de beaux jours devant elle.

Avec l’expérience récente des débats au ras de pâquerettes, le paradigme musculaire qui les structure, sans oublier la violence qui rythme les oppositions et le champ politique, l’on n’est pas encore sortis de l’auberge. C’est surtout l’absence de débats programmatiques qui est ahurissant.

Il est sans aucun doute de la responsabilité de la presse de faire son travail en imposant la mise en avant des programmes, leurs décryptages et leurs expositions  aux Sénégalais, lors de la future présidentielle. On fait évidemment référence à la presse neutre, pas celle-là qui s’est reconvertie dans la propagande et la communication.