NETTALI.COM – Ces casseurs qui ont envahi nos rues pour détruire tout sur leur passage, lors de ces récentes manifestations violentes, auraient-ils pu faire pire ? Le niveau de saccages, de pillages et de destructions, opéré, n’a jamais atteint de telles proportions.  Ces saccages orchestrés, disons le clairement, n'étaient pas mus que par une volonté d'exprimer une révolte et encore moins des colères mal contenues. Ils ont relevé d'une certaine folie ainsi que des occasions de voler, piller, pire de créer une anarchie.  

Il n’y a en réalité que les inconscients ou les pyromanes professionnels pour penser que le rapport de forces violent soit le seul moyen pour arriver à régler des contradictions !  Ceux-là qui agi de cette manière-là, ignorent tout de la violence et de ses conséquences pour oser s’y aventurer et la perpétrer. Ils ne se rendent évidemment pas compte que lorsqu’elle est à l’œuvre, plus personne n’est épargné. Pas même ceux qui se croyaient à l’abri. Comme le dit si bien d’ailleurs le Sage Bambara, « lorsque le feu prend la savane, il ne fait pas la différence entre hautes et basses herbes ». Il ne discrimine en effet pas entre le sage, le pacifiste et le pyromane. Le feu ne connaît pas de frontières, si ce ne sont celles que lui imposent d’autres forces. Le feu peut aussi densifier sa puissance destructrice en s’alliant avec d’autres forces qui l’attisent. Ils ignorent sans doute que ces forces, à l’image du vent, sont bien invisibles. Elles existent réellement, malgré ce cinglant démenti contre la police et peuvent avoir des motivations politiques, religieuses, géostratégiques ou même localement circonscrites.

Lors de ces manifestations violentes, en effet, ce sont surtout les professions libérales et les acteurs du secteur informel qui ont plus fait les frais de ces évènements. De même que ces débrouillards du quotidien que sont les conducteurs de motos.   Les transporteurs eux craignaient pour leur sécurité et aussi de se voir caillasser leurs véhicules ou de voir leur butin emporté. Le tourisme, déjà bien mal en point, n'a pas également été épargné. 

Ce sont surtout des symboles du savoir qui ont été attaqués. De manière si violente que l'on peut se demander ce que ceux-là cherchaient. Ce temple du savoir qu’est l’université de Dakar et ses campus pédagogiques ont en effet payé un lourd tribut. De la faculté de lettres et sciences humaines, en passant par celle de médecine, de droit, sans oublier le Cesti (où l’on forme les journalistes), le désastre est ample. Tous ont subi d’énormes dommages. Que des archives de plusieurs décennies soient détruits, prouve un niveau d’inconscience poussé à l’extrême. Ce sont en effet les mémoires des deux facultés précitées qui sont parties en fumée. A quoi celui qui brûle des écoles et des universités, prépare-t-il son pays ? A devenir un ilot d’ignorants ou un pays de montres ?    

Ce qui a été surtout regrettable, c'est l'absence de condamnation unanime et ferme de certains membres de la classe politique par rapport à ces violences démesurées, est tout aussi choquante ? La neutralité n’impliquerait-elle pas finalement une sorte de complicité ? Il ne semble que seuls les combats politiques et la convoitise du pouvoir les intéressent, ceux-là. 

A l’heure où les langue se délient, suite à des interpellations faites par les forces de défense et de sécurité, l'on commence à y voir plus clair dans ces incendies et saccages. C'est en tout cas la confusion à tous les étages. On ne sait plus qui est responsable de quoi ! L'on s'offusque des arrestations et l'on accuse à tout. Elle a été, et est en tout cas partout, la  manipulation ; de tous les côtés. Comme cette affaire de nervis démentie de manière cinglante ! Tout comme ces instrumentalisations de jeunes sur les réseaux sociaux appelant les Sénégalais à sortir, à faire face à Macky Sall, voire même à rallier la place de l’indépendance, tout en demandant des renforts pour aller déloger le président au palais. 

Une situation qui n’existait en réalité que dans la tête de ceux-là qui haranguaient les jeunes et dont le but n’était ni plus, ni moins que d’encourager leur furie et les casses. Ne sont-ils pas tout aussi coupables d’actes criminels ? Ils ne se rendent même pas compte que ces conséquences ne se sont pas finalement abattues sur le président de la république bien gardé dans son palais, mais bien au contraire sur les populations et les entrepreneurs du quotidien qui ont vu leurs biens saccagés, leur liberté d’aller et de venir restreinte, leurs revenus s’amoindrir et pour certains d’être tout simplement privés de revenus. 

Que des Sénégalais en arrivent à vouloir remettre la « dépense quotidienne » à leurs épouses et n’y arrivent pas, parce qu’ils sont restés deux ou 3 jours sans se rendre au travail, est un des aspects de la manifestation de ces actes irréfléchis et sans rapport avec des manifestations politiques. En tout cas, telles qu’on les a connues dans le passé.

Nous étions en effet jeunes quand Me Abdoulaye Wade, alors leader tout puissant de l’opposition sénégalaise, mobilisait les jeunes dans la rue pour instaurer des bras de fer continus et stressants au président Abdou Diouf. Ceux qui connaissent bien Me Wade diront que le plan développé à l’époque par le “Pape du Sopi” est celui qu’on appelle “Stratégie du bord du gouffre” qui consiste à entrainer son adversaire jusqu’au sommet de la falaise, pour lui faire entrevoir le danger de la chute (et donc de la mort certaine). Maitre Abdoulaye Wade a bien pu lancer à l’endroit de la “jeunesse malsaine’’ des années 80 qu’elle pouvait aller au palais pour y déloger le maître des lieux. A cette époque, c’était Abdou Diouf qui ’’régnait’’ sur l’avenue Roume rebaptisée plus tard au nom de son premier occupant sous le Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor. Maitre Abdoulaye Wade pouvait pousser le bouchon plus loin, allant jusqu’à demander aux jeunes de rendre les coups que pouvaient leur donner les forces commises à l’époque pour réprimer les manifestations. Mais cela n’avait jamais atteint un niveau de violence. C’est en cela qu’on peut dire de lui qu’il fut un opposant fort talentueux. Il savait être “lion’’ et “njomboor’’ à la fois. Intrépide et audacieux, mais aussi ouvert et diplomate.

De même, l’esprit du 23 juin, était bien le fruit mûr d’un processus mené avec une très grande finesse par l’opposition d’alors et la société civile. C’est le consensus et l’éthique discursive qui avaient prévalu, loin du bruit. Dans la transpiration à la physique et cérébrale. Les Assises nationales, faut-il le rappeler, avaient fini de produire leurs conclusions au terme d’un travail titanesque de franges entières de la société, dans une approche inclusive.

Si nouveauté il y a sous nos cieux dans l’opposition politique, elle réside sans nul doute dans l’affaissement du niveau des politiques (comme des autres secteurs d’ailleurs de la vie nationale) au point que le seul génie déployé est de type musculaire. C’est une sorte de carence qu’on cherche à camoufler avec la poussière de la meute et surtout la violence meurtrière. Les jeunesses actuelles manquent d’intelligence politique, et la culture tik-tok ou fast-food ne les aide pas empêchant les jeunes loups de la politique de passer par les étapes nécessaires à une maturité.

Tout cela pour dire que le discours va-t’en guerre et les manifestations de rue, ne sont pas si nouveaux que cela sous nos Tropiques. Il ont sans doute pris des muscles, gagné en virulence et s’est complexifié du fait des nouveaux supports qui l’accueillent.

Le fait d'être braqué contre Macky Sall, devrait-il conduire à un tel niveau de violences au point de tout saccager. Combattre le 3ème mandat, est certes un droit pour ceux qui le considèrent comme un reniement du président Sall ainsi qu'un moyen pour lui de conserver le pouvoir à tout prix ?

Les voies du dialogue, quoi qu’on en pense, sont ouvertes. Sincères pas sincères, peu importe, c’est au finish vers cette seule solution que cet affrontement se terminera. Le commencer dès maintenant serait une preuve de maturité, à la condition de s’y rendre et se battre pour ses convictions et les sujets que l’on souhaite y voir discuter. Surtout que le président ne voit non plus de sujet tabou. Y compris le 3eme mandat. 

Ont-ils plus de mérite ces pyromanes qu’un Mandela qui, malgré ses 26 ans passés en prison, a bien fini par composer avec ce régime d’apartheid en Afrique du Sud, au point d’arriver lui-même au pouvoir, dans un pays qu'il était impensable de voir un homme noir, un jour ? Depuis lors, ce ne sont que des dirigeants noirs qui se succèdent au pouvoir, même si les noirs d’Afrique du Sud restent pour l'heure les populations les moins éduquées et les plus pauvres. Le temps arrivera à résorber tout cela. 

16 morts dénombrés, 17 agences de banques et 14 stations Shell saccagées, des biens publics détruits, des biens privés emportés, des bus Dakar Dem Dikk et des véhicules privés incendiés, des commerces attaqués et pillés pour certains etc ! Un bilan bien trop lourd. Auchan qui comme d’habitude, fait les frais de ces évènements violents, prédit déjà des licenciements. Que la gérance de magasins en soit réduite à limiter les heures d’ouverture et de fermeture,  est un manque à gagner évident pour les enseignes et l'Etat du Sénégal. 

Ce sont en effet des pertes économiques énormes sans précédent qui sont enregistrées. De l’ordre de plusieurs milliards. En effet, entre ces travailleurs qui ont déserté leurs bureaux des jours durant pour leur sécurité, ces entreprises, banques, assurances, commerces qui ont baissé les rideaux pendant autant de temps, c’est un désastre pour l’économie. 

Une situation que le président Sall n’entend pas passer par pertes et profits comme il l’a fait savoir lors du conseil des ministres de ce mercredi 7 juin. Après s’être incliné devant la mémoire des personnes décédées, il a « rappelé au Gouvernement l’impérative nécessité de protéger notre République et de préserver notre nation face aux attaques qui sont devenues récurrentes et multiformes visant la paralysie de notre économie».

Il a aussi « invité le Gouvernement à faire un bilan exhaustif des pertes économiques et des dégâts matériels causés pour avoir une évaluation exacte des préjudices subis ».

Pendant ce temps, le F24 voulait profiter de ce contexte chargé pour organiser une manifestation les vendredi et samedi 8 et 9 juin, question de mettre la pression sur le régime. Mais c'était sans compter avec le préfet qui a opposé un niet catégorique pour des raisons de forme et aussi de contexte tenu après les manifestations violentes. L’on a en effet senti une volonté de la part du F 24 de mettre de l’huile sur le feu au regard du contexte, alors que les Sénégalais viennent à peine de sortir de ce traumatisme causé par cette horde de jeunes qui ont déferlé dans nos rues pour semer la désolation.  

Tout cela pour dire que Macky Sall, tout comme l’opposition, doivent assouplir leur position. Mais celui à qui incombe le plus cette responsabilité de prendre davantage de la hauteur, eh bien c’est le président de la république à qui sont confiées les rênes du pays.

L’opposition comme le pouvoir devraient de même pouvoir s’inspirer de Me Wade. Me Abdoulaye Wade, “gaindé” et “leuk” en même temps, savait aussi manier les bonnes vertus de la discussion. Il laissait toujours des brèches et une ouverture pour désamorcer la “bombe” avant qu’elle n’éclate, au prix souvent de sa crédibilité politique. C’est bien cette posture qu’il partageait avec des hommes à l’intégrité reconnue tels que Maguette Thiam, Dansokho, Bathily, etc. Ce qui a rendu possible les différents gouvernements d’union que le Sénégal a connus dans les années 90. C’est aussi cela la différence fondamentale entre le “Bleu en chef”’ de la période des braises et les nouveaux caïds de la pègre politique.

Se mettre à l’esprit qu’il faille tout  détruire pour arriver à imposer un rapport de forces à même de faire trembler le pouvoir en place, relève d’une courte vue. Nous sommes un pays pauvre qui ne compte que sur ses recettes classiques que sont celles issues principalement de la Douane et des Impôts. Si on ajoute à cela, un secteur privé faible et un niveau d’endettement élevé, il y a de quoi réfléchir avant d’affaiblir cette économie qui se cherche depuis bien longtemps avec un programme Sénégal Émergent sur lequel, on peut se poser la question sur ses résultats. Anéantir le peu de choses que nous avons mis du temps à édifier, ne peut nullement être une vocation.  Il n’y a d'ailleurs que ceux qui ont expérimenté la violence qui comprennent finalement la nécessité de cultiver la paix.