NETTALI.COM - Un chef d’Etat qui se fait traiter de tous les noms d’oiseaux par son beau-frère, à rebours de tous les codes de la courtoisie républicaine ! On n’a jamais connu cette manière de laver le linge sale en public dans l’histoire politique du Sénégal contemporain. Pourtant Adama Faye l’a réussi ! Il n’est pas allé de main morte, en trempant sa plume dans du vitriol pour rappeler au président de la République de but les tares de sa gestion.

« Votre liberté qui vous permet d’appliquer la justice sélective n’a pas droit sur celle des uns et des autres. Monsieur le Président, attendez-vous à ce que l’on ne soit pas toujours d’accord avec vous et ce, en toute liberté. De par votre expérience, vous devriez être le meilleur président que le Sénégal ait connu. Vous avez changé positivement la vitrine physique du Sénégal, mais qu’en est-il de la vignette morale, éthique et déontologique de notre pays ?

Tant que c’est à huis clos, cela peut ne pas déranger, mais votre excès de pouvoir et votre comportement de dictateur ou de monarque inquiètent plus d’un. Au-delà du fait que le sang royal ne coule guère dans vos veines, je vous rappelle que le Sénégal n’est point un royaume, mais une République que vous dirigez, vous, mon président, mon leader, vous qui êtes né sous l’ère de la liberté, après l’indépendance, sans aucune contrainte coloniale ». Ces mots du beau-frère du président Macky Sall, s’adressant à ce dernier, vont demeurer longtemps sur les langues de la postérité.

Avant Adama Faye, seule Aminata Tall a osé s’adresser à un chef d’Etat avec une telle irrévérence, lorsqu’en période de disgrâce, en 2009, l’ex-patronne du Conseil économique, social et environnemental rappela au pape du Sopi que si le Sénégal était un royaume, Wade ne l’aurait pas dirigé.

La charge de Adama est si lourde que des responsables du parti au pouvoir n’ont pu s’empêcher de mettre le doigt entre l’arbre et l’écorce pour tenter de remettre le petit frère de la Première dame à sa place. La première algarade est venue de Aliou Dembourou Sow qui, dans un entretien avec Seneweb mercredi, dira de Adama Faye qu’il est impoli. « Dafa yaradiku », servira-t-il en wolof. Même son de cloche du Directeur général de la Lonase qui a eu la main lourde en caractérisant une sorte de crime de lèse-majesté quand il indexe « de l’impolitesse, un manque de loyauté et de dignité caractérisé ». « J’ai bien lu le contenu de sa lettre. Ça ne l’honore pas du tout. Il y a certains comportements que la liberté peut autoriser, mais que la dignité récuse. De par sa posture, Adama Faye devrait être la dernière personne à s’attaquer au président de la République et en l’occurrence au régime de cette façon. Parce qu’il a eu à bénéficier des privilèges du régime », a dit Lat-Diop, d’autant plus que, pense-t-il, Adama Faye avait plusieurs canaux pour parler au président de la République et lui exposer ses problèmes au lieu de s’épancher comme il l’a fait dans la presse. « Ce n’est pas normal, ce n’est pas sain. A la limite, cela révèle de l’impolitesse. C’est de l’indignité et de la déloyauté, très franchement …», répète-t-il, comme une ritournelle. Yakahm Mbaye va plus loin et annonce des sanctions contre le petit frère de Marième Faye.  « Limou Wakh, khamadi mokooy qualifié… Que les gens le prennent au sens propre comme figuré. Il a posé des actes politiques, il aura des réponses politiques », dira le directeur général du quotidien « Le Soleil ».

Nous devons à la vérité de rappeler que Adama Faye n’est pas le premier frère de l’épouse du président de la République à s’attaquer à ce dernier. En janvier 2016, Ibrahima Faye, frère aîné de Marième Faye Sall animait une fronde contre le chef de l’Etat. Il déclarait ceci s’adressant à Macky Sall qu’il traita de « Président par défaut ». « Tous les régimes qui se sont succédé au Sénégal, ont tous procédé de la même manière. Ils font beaucoup de promesses et sur le plan des réalisations, ils péchent. Il y a beaucoup de paroles, peu de réalisations », brocardait Ibrahima Faye qui procédait au lancement, à Ndioum, de son mouvement « Aar Sa Rew ». Celui qui proposait un nouvel ordre politique pour sortir le Sénégal de cette situation ajoutait : « Il est important que chaque citoyen sache que sa survie, sa sécurité, ne sauraient être garanties exclusivement par la politique et les hommes politiques. Un des instruments majeurs et souverains qui peut émanciper le citoyens, c’est une société civile organisée et solidaire ». « Désormais, ajoutait-t-il, nous choisirons un bon Président et non un Président par défaut car, au Sénégal, nous savons faire partir. Nous entretenons les ministres, les directeurs généraux et leurs familles dans de bonnes conditions que nous-mêmes n’avons pas. Ce que nous attendons d’eux, ce sont les bonnes décisions. Malheureusement, les changements économiques et sociaux heureux, c’est toujours eux qui en bénéficient. Aucune répercussion sur le peuple ».

Quelques mois plus tard, c’est au tour de Thierno Homère Seck, fils de Abdourahmane, beau-père du Président Macky Sall, de signer une contribution qui eut le don d’installer un malaise au sein de sa famille. Dans le document intitulé : « Libération de Karim Wade, et le peuple souverain dans tout cela ? », Thierno Homère Seck, qui se présente comme un militant de l’Apr à la Patte d’Oie, a sévèrement critiqué les conditions dans lesquelles le fils de Wade a été gracié par Macky Sall. Ce, non sans accuser l’entourage du chef de l’Etat à qui il demande de se ressaisir.

C’est dire que la Première dame doit être bien gênée par l’attitude de ses frères qui s’attaquent ainsi à son mari de président. L’on n’ose pas considérer que ces attaques géométriquement centrées sur le chef de l’Etat, rencontrent son assentiment, même si, en 2014, Adama Faye a osé défier Aminata Touré à Grand-Yoff, aux locales.

En définitive, la sortie d Adama Faye est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase et l’on s’interroge sur ses motivations profondes. Certains disent que le frère de Marième qui avait été cité, à tort ou à raison, dans un scandale foncier, a réagi de la sorte pour chasser une frustration.

Qu’à cela ne tienne, ces actes de défiance et de déviance posés à l’endroit du président de la République, par des membres de sa belle-famille, sont emblématiques de l’écart entre le slogan « la Patrie avant le parti » et la réalité qui établit l’omniprésence de la famille présidentielle dans les hautes sphères de l’Etat, sous le mode d’une gestion clanique des affaires publiques.