NETTALI.COM - Un malheur ne venant jamais seul, le Parti Les patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité d’Ousmane Sonko a été dissous dans la foulée par les autorités, au grand dam de nombre de démocrates.

 Selon la loi n 81-17 du 6 Mai 1981 relative aux partis politiques, il existe plusieurs causes de dissolution des partis politiques. Il résulte en effet de l’alinéa 1er de l’article 4 que : « les déclarations et dépôts prévus aux articles 2 et 3 sont effectués sous peine de dissolution, auprès du ministre de l’Intérieur qui est tenu d’en délivrer récépissé.”

Lesdites dispositions prévoient en effet que chaque parti politique doit : “déclarer sans délai toute modification apportée à ses statuts ; déposer chaque année au plus tard le 31 janvier le compte financier de l’exercice écoulé. Lequel compte doit faire apparaître que le parti ne dispose d’autres ressources que celles provenant des cotisations dons et legs de ses militants et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de l’organisation de manifestations… »

Il ressort par ailleurs de l’article 4, que la dissolution peut également intervenir pour un certain nombre d’autres motifs dont : « 1- dans le cas où un parti a reçu directement ou indirectement des subsides de l’étranger ou d’étrangers établis au Sénégal ; 2 dans le cas où le parti applique une modification statutaire refusée par le ministère de l’intérieur ; 3 dans le cas où, par son activité générale ou ses prises de position publiques, un parti a gravement méconnu les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 3 de la constitution et rappelé dans les engagements prévus à l’article 2 ci-dessus, notamment en ce qui concerne le respect : des caractères de l’Etat : républicain laïc et démocratique ; les institutions de la République : de leur statut, de leurs pouvoirs et de leurs compétences ; de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et de l’unité de l’état ; et enfin de l’ordre public et des libertés publiques ».

Selon les dispositions de la loi 81-17, la dissolution est prononcée par décret pris sur le rapport du ministre de l’Intérieur.

Ce lundi 31 juillet, alors que tous les esprits étaient orientés vers le tribunal de grande instance hors classe de Dakar, pour guetter le sort du leader de Pastef, au moment même où la nouvelle que tout le monde appréhendait est tombée, un communiqué a été publié par le ministre de l’Intérieur pour informer de la dissolution du Parti. Très vite, la nouvelle s’est répandue et les condamnations ont été presque unanimes, en dehors bien entendu des partisans du régime.

Dans sa motivation, le Ministre justifie : “Le parti politique Pastef, à travers ses dirigeants et ses instances, a fréquemment appelé ses partisans à des mouvements insurrectionnels, ce qui a entraîné de lourdes conséquences, incluant de nombreuses pertes en vies humaines, de nombreux blessés, ainsi que des actes de saccage et de pillage de biens publics et privés. Les dernières en date sont les graves troubles à l’ordre public enregistrés au cours de la première semaine du mois de juin 2023, après ceux du mois de mars 2021….”

Le ton avait été donné depuis son discours du 3 juillet lors de la déclaration de non candidature du Président de la République. A cette occasion, le Président, comme une bête blessée, montrait sa détermination à en découdre avec le Pastef. Depuis, la machine a été mise en branle, jusqu’à ce vendredi 28 juillet 2023, avec l’arrestation d’Ousmane Sonko qui a pris de court une bonne partie de l’opinion.

A partir de là, tout est allé très très vite. Le réquisitoire du procureur, la présentation au juge d’instruction le week-end, le placement sous mandat de dépôt décidé hier lundi…. Et comme pour assommer définitivement le Parti mal en point, l’Etat décide tout bonnement de dissoudre Pastef.

Interpellé sur les motifs de dissolution d’un Parti politique, l’ancien Gouverneur Cheikh Mbagnick Ndiaye déclare : “Pour résumer, à chaque fois qu’une organisation politique, religieuse ou syndicale s’écarte des objectifs proclamés dans son statut, et de façon avérée, alors la dissolution s’impose. C’est un motif de dissolution ; c’est en raison de ces objectifs que le récépissé lui a été accordé.”

Ce que prévoit la loi pour les biens de Pastef

A la suite de cette dissolution, certains se sont demandé ce qui pourrait advenir des élus militant au Parti Pastef, notamment les députés ? Pour ces derniers, le doute n’est pas permis, puisqu’ils ont été élus sous la bannière d’une coalition, en l’occurrence la coalition Yewwi Askan Wi. Mais même s’ils étaient élus sous la bannière de leur parti, ils n’encourraient aucune destitution. C’est du moins la conviction du vice-président de l’association des anciens gouverneurs. “Une fois élus, les députés sont investis d’un mandat du peuple et non d’un mandat de Parti. Même s’ils avaient acquis leurs mandats sous la bannière de Pastef, je ne pense pas que cela puisse avoir une incidence sur leur statut”, analyse l’ex Gouverneur.

La même logique pourrait également prévaloir pour les autres élus du Pastef. Cela dit, les partis, fait savoir Monsieur Ndiaye, sont des personnes morales de droit privé avec des droits et des obligations. A ce titre, s’ils sont dissous, ils cessent d’exister et ne peuvent plus se réclamer de leur statut auprès du ministère de l’Intérieur, pour mener une quelconque activité que ce soit.

Dans le communiqué du ministre de l’Intérieur, il y a également un détail qui a été très commenté. Il s’agit de la liquidation des biens appartenant au Parti dissous. “En conséquence (de la dissolution), les biens du parti seront liquidés conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur”, lit-on dans le communiqué. De l’avis de Gouverneur Ndiaye, pour les besoins de la liquidation, il doit se faire conformément aux dispositions statutaires.

“Les organisations mettent dans les statuts ce qui advient de leur patrimoine en cas de dissolution. Certaines prévoient par exemple la dévolution des biens à des organisations caritatives, mais ça peut aussi être d’autres formes. Il faut se référer aux statuts de l’organisation.” En effet, aux termes de l’article 4 de la loi 81-17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n 89-36 du 12 Octobre 1989, “les biens d’un partis dissous sont liquidés, conformément aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article 817 du Code des obligations civiles et commerciales.”

Aux termes de cette disposition (article 817 al 2), “à défaut de dispositions statutaires, il est pourvu à la liquidation des biens de l'association dissoute par décision judiciaire prise soit à la requête de tout intéressé, soit à la diligence du ministère public.” A l’alinéa 1er de l’article, l’article 817 COCC dispose : “Sous réserve des dispositions législatives particulières, les biens de l'association dissoute sont dévolus ou liquidés conformément aux statuts.” Il faut noter que de l’indépendance à nos jours, il est très rare de voir au Sénégal la dissolution d’un parti politique. Il faut remonter aux années de Senghor et au début de l’indépendance pour voir la dissolution d’un parti politique.