NETTALI.COM - A travers les ondes de la Rfm, Aminata Touré a annoncé qu’elle participera à la Présidentielle de 2024. Cependant, sa candidature, qui n’est point une surprise, a-t-elle des chances de lui donner ce qu’elle convoite, dans la mesure où l’ancien Premier ministre est comptable du bilan des 11 années du Président Macky Sall.  

L’ancien Premier ministre Aminata Touré, plus connue sous le sobriquet de Mimi, a déclaré sa candidature à la Présidentielle de 2024. En rupture de ban avec le Président Macky Sall depuis qu’elle a été zappée de la Présidence de l’Assemblée nationale, l’ancienne ministre de la Justice, qui avait tourné le dos à la mouvance présidentielle, vient de signer un autre acte pour matérialiser son divorce avec son ancien mentor.

Invitée ce dimanche à l’émission «Grand Jury» de la Rfm, sans demi-mot, elle a clairement annoncé qu’elle se présentera à la prochaines joute électorale sous sa propre bannière. «Après mûre réflexion, je souhaite présenter ma candidature à la prochaine élection présidentielle. A l’issue d’une discussion avec des amis et des Sénégalais qui ont mis en place le mouvement ‘’Mimi 2024’’, nous allons discuter avec les Sénégalais. Nous avons parcouru le pays et sommes allés à la rencontre des femmes, des jeunes… Nous pensons connaître notre territoire (…). Notre expérience internationale nous permet également de percevoir dans quelle dynamique le Sénégal arrimé à l’Afrique doit s’engager dans ses rapports plus égalitaires, des rapports gagnants-gagnants», a dit la toute nouvelle candidate à la Présidentielle de 2024.

Mimi Touré qui a tracé une nouvelle trajectoire politique contraire à celle de la coalition Benno bokk yaakar (Bby), avait déjà annoncé la couleur. Sa candidature n’est donc point une surprise pour certains. Du moins, telle est la conviction du professeur Alassane Ndao, Maître de Conférences titulaire en Sciences politiques à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Ubg). Ainsi, de l’avis de cet enseignant : «C’est une candidature qui était attendue dans la  mesure où, Mimi Touré avait envoyé les premiers signaux depuis que ses bisbilles avec la mouvance présidentielle ont commencé. Ses prises de position ont été sans équivoques.  Donc, les indices de sa candidature étaient visibles après que ses relations avec le Président Sall se sont détériorées considérablement.»

Bacary Domingo Mané, journaliste spécialiste en communication politique, est du même avis. Il analyse : «C’est dans l’ordre normal des choses que Mimi Touré déclare sa candidature à la Présidentielle de 2024. Déjà, lorsqu’elle était membre du gouvernement et même présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese), elle ne cachait pas ses ambitions. D’ailleurs, dans une interview qu’elle avait accordée à ‘’Jeune Afrique’’, elle avait la posture d’une candidate.  Donc qu’elle l’annonce aujourd’hui ça ne doit pas étonner, d’autant qu’elle s’est séparée de Macky Sall. Même si elle restait dans le parti et qu’elle continuait de dire que son mentor n’a pas droit à un 3e mandat, c’est tout à fait logique qu’elle annonce sa candidature, parce que c’est comme ça qu’elle va marquer son territoire.  Donc, cela entre en droite ligne des positions de principe qui l’oppose au Président Macky Sall. D’ailleurs, les positions qu’elle défend à l’Assemblée nationale prouvent que c’est une femme libre qui veut exercer sa liberté. Le fait qu’elle annonce sa candidature ne doit surprendre personne. C’est une femme battante qui a toujours affirmé son caractère et à travers ce qui se passe à l’Assemblée et ses prises de position, il est évident qu’elle annonce sa candidature.»

 

Les deux boulets qu’elle traîne…

Cependant, Mimi Touré traîne deux boulets : elle est comptable du bilan de Macky Sall qu’elle dénonce aujourd’hui car elle a été sa Directrice de campagne pour les 2 présidentielles que Macky a remporté et elle n’a pas de base politique.

Elle qui a occupé des fonctions stratégiques au sommet de l’Etat, durant les deux mandats du Président Macky Sall, sera certainement gênée de critiquer le bilan du chef de l’Etat puisqu’elle est comptable, en grande partie, de ce bilan. L’analyste politique Dr Alassane Ndao clarifie : «Force est de constater que Mimi Touré n’a pas une base politique assez solide. La tâche sera donc compliquée pour elle. Une fois qu’elle franchira l’obstacle du parrainage, elle devra aussi se battre pour se positionner. Son background sera son atout, car elle a déjà occupé des postes stratégiques au sommet de l’Etat en plus de ses fonctions internationales. Avec toute cette expérience qu’elle a engrangée, elle sera en mesure de se positionner pour les alliances à venir. Au Sénégal, un parti politique, à lui seul, ne pourra pas gagner une élection.»

Poursuivant, Dr Ndao émet des réserves sur le discours que la candidate tiendra pour convaincre les électeurs. «Aminata Touré a  intérêt à construire un bon discours pour convaincre les électeurs. Elle  est comptable du bilan de Macky Sall, donc elle ne pourra pas le critiquer sur ce plan. D’ailleurs, elle a axé ses arguments sur le refus de cautionner la 3e candidature de Macky Sall.  Sur cette question précise, elle est très critique à l’endroit de son ancien mentor.  Seulement, c’est un couteau à double tranchant, car si le Président sortant ne se présentera pas, elle aura du mal à faire une bonne campagne. Elle aura un discours plus ou moins vide dans la mesure où, elle ne pourrait jamais critiquer le bilan de Macky Sall», prévient Dr Ndao.

Bacary Domingo Mané revient à la charge et fait un prêche par l’exemple : «La question de la crédibilité de son discours va se poser forcément. En politique, la crédibilité n’est rien d’autre que l’adéquation entre les actes et la parole de l’individu. C’est vrai qu’elle était dans le camp de Macky Sall. Elle fut Premier ministre, ministre de la Justice, donc c’est un bilan qu’elle partage avec l’actuel Président, mais  nous sommes en politique, en un moment donné, quand pour une question précise vous ne vous entendez plus avec votre mentor, vous pouvez, à ce moment-là, décider de quitter le navire. C’est ce qu’elle a fait. La jurisprudence a toujours montré que des gens ont quitté le camp du pouvoir pour se retrouver dans l’opposition pour ensuite être lavés à grande eau par les électeurs. C’est comme s’il y avait une sorte d’amnésie collective qui consiste à oublier ce que la personnalité politique a fait quand elle était dans le camp présidentiel. Donc, aujourd’hui c’est le tour de Mimi Touré, hier c’était Macky Sall lui-même. Il était le Premier ministre de Me Abdoulaye Wade, il n’a pas hésité de croiser le fer avec lui en 2012. Aujourd’hui que Mimi Touré est dans la même posture, il ne faut pas lui en vouloir, c’est comme ça. Bien avant Macky Sall, d’autres ont été dans cette même posture. Donc, la jurisprudence déjà en la matière l’a blanchie. Dans tous les cas, c’est elle qui doit faire son petit bonhomme de chemin. Elle est en train de s’afficher avec une certaine opposition. Après, de fil en aiguille, les Sénégalais vont oublier et certainement, elle va être dans la position de faiseuse de roi. Peut-être elle s’alignera derrière un candidat au second tour, mais attendons d’abord qu’elle franchisse l’étape du parrainage», indique Bacary Domingo Mané.