NETTALI.COM - Comme annoncé par EnQuête, l’opposition est allée défendre en rangs dispersés la motion de censure déposée par la coalition Yewwi Askan Wi. Comment Wallu a appris le dépôt de la motion ? Quelle a été la réponse de Birame Soulèye à Lamine Thiam qui demandait la motion pour appréciation du contenu ? Quel avenir pour cette alliance de l’opposition ? Éléments d’éclairage.

Finalement, quel était l’objectif de la coalition Yewwi Askan Wi à travers le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement d’Amadou Ba ? Était ce véritablement de le faire tomber ou juste de marquer son désaccord ferme envers la politique du régime actuel ? Pourquoi ont-ils jugé nécessaire de ne pas associer leurs alliés de Wallu comme ces derniers le prétendent ? En tout cas, si l’on en croit la députée Nafissatou Diallo, par ailleurs secrétaire nationale chargée de la communication du PDS, la majorité des membres de leur groupe a préféré s’abstenir, parce qu’ils ne sont d’accord ni dans le fond ni dans la forme. À entendre la libérale, c’est à la limite si leurs collègues de Yewwi jouaient au cache-cache avec eux. Elle s’explique : ‘’Le jour de la DPG, on a appris qu’ils allaient faire une motion. Lamine leur a dit : malgré le fait que vous ne nous avez rien dit, j’aimerais bien qu’on en discute. Nous pensons que ce n’est pas le moment, mais comme vous avez pris la décision de le faire, ce serait bien qu’on en discute pour harmoniser nos positions. Ils ont dit qu’ils l’ont déjà déposée. Comme il est très calme et conciliant, il leur a dit : mais donnez-moi le document pour que je l’apporte à ma hiérarchie et en discuter avec eux. Birame lui a dit qu’il n’a pas son ordinateur avec lui, mais il va lui envoyer ça demain avant 10 h…’’

Désarmé, Lamine Thiam est retourné auprès de ses collègues pour les calmer et de tout faire pour préserver l’unité de l’opposition. Mais vers les coups de 23 h, certains députés libéraux se sont montrés fous de rage. ‘’On a vu le document qu’ils n’ont pas voulu nous envoyer dans la presse. C’est comme ça qu’on a appris le contenu de la motion. Vous pensez que c’est sérieux ça ? Pensez-vous que nous sommes des moutons de panurge pour suivre comme ça bêtement des initiatives ? Même un parti ‘yoobaalema’ (petit parti) qui se respecte n’accepte pas ça. Nous sommes avec des partis qui n’ont pas le même poids que le PDS, mais à chaque fois qu’une décision doit être prise, on en discute. C’est cela notre conception de l’alliance, c’est dans notre ADN. C’est pourquoi nous ne pouvons pas accepter certains manques de respect’’.

Les bons offices de Lamine Thiam pour arrondir les angles et calmer ses hommes

Selon la voix libérale, si l’initiative avait été discutée, on aurait peut-être pu mieux la formuler. ‘’Notre parcours, soutient-elle, ne nous permet pas de dire que nous faisons une motion de censure, parce que le Premier ministre n’a pas soumis à l’Assemblée un vote de confiance après sa Déclaration de politique générale. Nous ne pouvons pas nous le permettre, parce que nous avons dirigé ce pays pendant 12 ans. Jamais nos différents PM ne l’ont fait. Il faut comprendre que nous ne sommes pas dans la politique politicienne. Nous voulons être cohérents avec nous-mêmes. Nous allons soutenir toutes initiatives qui prennent en charge les véritables préoccupations des populations’’. Quelques instants plus tôt, à l’Assemblée nationale, leur collègue Dr Ismaila Diallo de Yewwi les apostrophait pour les inviter à soutenir la motion. Il disait : ‘’Je parle aux députés de Wallu. Les Sénégalais nous regardent. Nous n'avons pas le droit à l'erreur. Nous sommes élus députés, parce que les Sénégalais croient en cette opposition.’’ Et dans la soirée, sur le plateau de Walf TV, il a été interpellé sur le manque de concertation avec les alliés. Il dira : ‘’D’abord, je ne pense pas que ça s’est passé comme ça. Dans tous les cas, j’estime que les concertations se sont faites en amont des élections législatives, quand nous sommes ensemble allés sous la bannière de l’inter-coalition pour briguer les suffrages des Sénégalais. Nous devons mériter cette confiance et Yewwi Askan Wi est toujours dans cette logique.’’ Au niveau de l’Assemblée nationale, le jeune parlementaire a d’ailleurs eu une prise de bec avec la tonitruante Mame Diarra Fam, qui n’a pas digéré son propos consistant à dire : ‘’Yala nagnou yala mousseul si Macky Sall (Dieu nous préserve de Macky Sall), comme ce fut le cas avec son prédécesseur Abdoulaye Wade…’’

Ligne de démarcation

Une chose est sûre, s’il y a quelque chose que cette motion a définitivement scellé, c’est la démarcation de plus en plus nette entre la ligne de conduite de Yewwi (opposition radicale) et celle de Wallu qui, dans son écrasante majorité, se veut moins radicale dans sa position. D’ailleurs, et c’est un des griefs que leur font leurs alliés, même pour la loi de finances, deux de leurs 27 membres ont jugé nécessaire de voter pour. Une autonomie d’action qui n’est pas pour plaire à leurs alliés. Ismaila Diallo : ‘’Il faut regarder un peu dans le rétroviseur. Lors des Législatives, quand ils étaient en difficulté et appelaient les responsables de Yewwi pour leur demander de venir leur donner un appui, notamment à Touba, à Pikine, ils ne disaient pas ça…’’ Pour sa part, Nafi Diallo s’en remet au jugement exclusif des Sénégalais. À son avis, il est hors de question pour Wallu d’être des suiveurs. ‘’Tous ceux qui nous accusent sont de mauvaise foi. Les Sénégalais voient tous les jours notre position, quand il s’agit de défendre leurs véritables préoccupations et de combattre ce régime, de même que dans notre volonté d’aller dans une démarche unitaire. Nous sommes très à l’aise à ce propos’’.

L’unité de l’inter-coalition en jeu

Interpellée sur les menaces sur l’unité de l’inter-coalition, elle rétorque : ‘’Sûrement ! Nous, nous avons été toujours clairs dans notre démarche. On a dit, nous n’avons pas le même parcours, nous n’avons pas la même histoire, la même identité… On chemine ensemble, mais chacun garde son identité. Voilà pourquoi on n’a pas eu une liste commune, voilà pourquoi on n’a pas un seul groupe parlementaire. C’est ça la réalité. Nous voulons l’unité, nous travaillons dans ce sens. Mais, si kaw niou nawlente (qu’on se respecte).’’ Nafi Diallo d’ajouter : ‘’Nous, nous ne sommes remorqués par qui que ce soit. Allez voir notre nombre de voix aux élections territoriales, quand nous n’étions pas avec Yewwi et notre nombre de voix aux Législatives, rien n’a bougé. Nous avons eu plus de 450 000 voix aux Locales en étant absents sur 120 communes. Pour les Législatives aussi, on a eu à peu près le même nombre de voix. Et sans Abdoulaye Wade. Maintenant, si l’inter-coalition a été heureuse, c’est tout le monde qui en a bénéficié, vu la configuration des scrutins.’’ Et si l’objectif de Yewwi était justement, davantage, de s’affirmer comme la vraie locomotive de l’opposition et de s’imposer comme seule alternative possible ? On se rappelle que, lors des Législatives, Aar Sénégal avait voulu marcher sur les platebandes de YAW. La réponse de Sonko n’avait pas tardé et leur avait fait très mal, en les taxant de jouer un double jeu. Le PDS et ses alliés ne sont-ils pas tombés dans le piège, en s’abstenant de voter la motion ? Ou bien, actuellement, est-ce la logique des agendas qui prévaut ? En tout cas, de l’avis de Nafi Diallo, ‘’les Sénégalais ne sont pas dupes’’. ‘’Si des gens pensent qu’ils peuvent entrainer le PDS, ils se trompent. Nous, à la Présidentielle, quand on a jugé utile de ne pas y aller, on a tout entendu. On a assumé. Il faut que les gens intègrent le fait que nous sommes un parti qui a une histoire et un parcours. Il faut nous respecter, quand on veut cheminer avec nous. Nous espérons que tout le monde va revenir à la raison et qu’on fasse focus sur l’essentiel. C’est mieux que de se jouer des coups bas. Nous ne sommes pas dans ça’’.

Ainsi, en perspective de l’élection présidentielle, il semble clair que chaque coalition veut prendre son destin en main et tracer sa route. Et c’est l’unité de l’opposition au Parlement qui en prend un coup, pour le moment.