NETTALI.COM - Pour une émission télévisuelle, le spectacle était bien inhabituel. C’était comme qui dirait un duel au sommet entre la jeune Gabrielle Kane, présentée comme une féministe et Mame Matar Guèye de Jamra, désormais présenté par ses détracteurs comme le puritain de la République. Ou plus exactement le censeur de tout ce qui irait à l’encontre des bonnes mœurs sénégalaises.

A l’émission « Jakarloo » du vendredi 17 septembre où il était question d’autoriser ou non l’avortement médicalisé, suite à un viol ou un inceste, le membre de Jamra a pu exposer le bien-fondé de la position de son organisation. Tout le contraire de Gabrielle Kane, tantôt présentée comme «Directrice de la communication» dans une autre émission, sans que l’on nous dise de quoi au juste ! «La République ne décide pas sur la base des religions». C’est ce qu’elle a en tout cas affirmé tout de go. Ce dont on se rend compte, à l’écouter attentivement, c’est qu’elle ignore tout de l’édification des lois et de la marche de la société. Ne sait-elle pas par exemple que la majeure partie des textes de lois sont d’inspiration morale et religieuse ?

La morale et la religion, deux notions d’ailleurs étroitement liées. Non, devrait-on lui rétorquer, les lois ne peuvent pas ne pas tenir compte de la religion dans un pays qui compte 98 % de croyants. Les lois, eh bien, elles sont faites par des hommes, appliquées par des Hommes et pour des hommes. Une fois qu’elle sera au courant, on pourra avancer dans la discussion.

Gabrielle Kane semble même ignorer par exemple que le code de la famille s’inspire aussi fortement de la religion. Le droit des successions par exemple. Pour ne citer que ces deux domaines-là. Un mariage religieux par exemple, est aussi valable qu’un mariage célébré devant l’officier d’état civil. Et que lorsque la loi dispose que les populations sont libres de faire ce qu’elles veulent sous réserve de l’ordre public et des bonnes mœurs, ça ne renvoie à rien d’autre qu’à la morale et à la religion. Qu’elle aille donc revoir ses copies ou préparer ses émissions, elle ne sait pas ce dont elle parle.

Elle est une partisane de l’interruption volontaire de grossesse dans le cas des viols et d’inceste et elle demande ainsi aux hommes, pour une fois, de laisser les femmes en discuter afin qu’on sache ce qu’elles veulent. Mesure-t-elle seulement la portée de son combat ? Qui représente-t-elle réellement ? Qui l’a désignée représentante des femmes ? Son attitude et sa posture sont en tout révélatrices d’une certaine immaturité et d’un manque de recul par rapport aux choses. Ce n’est pas parce que Mame Makhtar Guèye la titille, la provoque, ou lui assène un « elles sont toutes pareilles » ou encore qu’elle ressente un certain mépris (ce n’est pas totalement faux) sur un ton ironique, qu’elle doit montrer sur ses grands chevaux.

Participer à un débat requiert un tout petit peu de self-control, de la retenue, mais surtout de savoir encaisser des coups. Et lorsqu’on a des arguments forts à faire valoir, il sera difficile de se faire démonter. Bien au contraire, on peut arriver à conduire le débat et à dominer son sujet. Mais ce qu’on a noté de sa part, c’est un comportement loin d’être convenable pour une femme qui souhaite prendre en charge un sujet aussi sérieux. Mais quelle insolence ! Quel manque de sérénité ! Impulsive, acerbe dans son langage, celle qui qui se définit comme une féministe, n’a cessé de vociférer. Une vraie effrontée. Elle est passée complètement à côté de son sujet. Son ton n’était non seulement pas courtois, mais sa tenue sur le plateau a laissé à désirer. Une prestation digne d’une fille immature. On se demande même qui elle représente du haut de ses moins de 30 ans. Entre ses propos inappropriés « c’est quoi ce délire-là ? », « là tu délires », « je ne retire rien » avec le ton façon « pank » (belliqueuse), « ce n’est pas parce que tu cries plus fort que tu as raison », ses tutoiements, etc. parce qu'elle avait visiblement du mal à parler pour une émission dans la langue de Kocc Barma, le wolof. Ses expressions à la française et son comportement prouvent en réalité qu’elle se trompe de pays.

On peut dès lors s’interroger sur les raisons de sa présence sur ce plateau. Veut-on en faire une bonne cliente ? Cherche-telle juste de la visibilité ? Il lui faudra qu’elle s’arme d’un peu plus d’expérience et de règles du savoir-être pour pouvoir en être une bonne cliente. Dans d’autres émissions, on l’a présentée comme « Directrice de la communication ». On aurait aimé connaître son background, ses faits d’armes, en dehors d’être en plus une féministe.

Il aurait en tout cas été plus indiqué d’inviter une sociologue ou une psychologue, un gynécologue ou encore un philosophe, etc avec un peu plus d’expérience et de background pour aborder ces questions qui nécessite des analyses un peu plus pointues que celles entendues. Mais il est parfois difficile de faire autrement lorsque ces femmes juristes de loin mieux outillées, avec une bonne connaissance du sujet, se débinent au dernier moment, alors qu’elles avaient donné leur accord pour participer au débat. Avec Gabrielle Kane, la posture a semblé relever d’une logique de rébellion et d’affirmation de personnalité, plus qu’une maîtrise du sujet. Cette dernière peut choisir de ne pas se référer aux textes religieux d’ailleurs cités par Maïmouna Mbacké Djamil, doctorante en économie, et « chercheur mouride » qui a évoqué l’exception de la pratique de l’avortement médicalisé dans le seul cas de danger pour la vie de la mère. Mais qu’est-ce qu’il est difficile de demander à des citoyens d’un pays composé de 98% de croyants, de faire fi des recommandations aussi bien de l’Islam que de la religion catholique !

Mame Makhtar Guèye, en dehors du fait de n’avoir pas, à certains moments, été à l’écoute des arguments de la jeune femme, en étant dans un vif échange avec elle, tout en l’interrompant, était non seulement sur le terrain religieux, mais encore de l’expérience de la prise en charge et du pragmatisme. Il a en effet expliqué avec force détails, les actions que Jamra, en collaboration avec des orphelinats, mènent avec des réussites en plus d’instaurer le dialogue avec des victimes, sur le terrain.

Selon le membre de Jamra, au Sénégal, pays où toutes les confréries se fondent sur le rite malikite, l’Islam ne parle de vie humaine qu’à partir de la 42ème nuit. Etant entendu que l’âme de l’humain est insufflée en ce moment-là par l’ange. Le christianisme qu’il cite aussi, considère la date de départ de la vie humaine, dès la conception de l’enfant. Pour Mame Makhtar Guèye, l’islam a donné sa position sur l’avortement, expliquant que le croyant face à deux maux, doit choisir le moindre mal. Pour l’avortement, selon lui, le principe est l’interdiction, sauf si la grossesse doit représenter un danger pour la santé de la maman. Mais, à la condition que cela soit attesté au moins par deux médecins dans le but de sauver la vie de la mère. C’est la seule et unique dérogation qui existe, a-t-il insisté.

Il a aussi cité le législateur avec l’article 305 du code pénal qui dispose que l’avortement médicalisé est interdit. Il fera également référence au code de déontologie des médecins qui s’interdit toute IVG, , sauf s’il est médicalement attesté qu’il présente des risques graves pouvant hypothéquer la santé et la vie de la mère et la loi sur la santé de la reproduction.

Mais Guèye ne s’en est pas arrêté là. Selon lui, l’Islam est une religion de miséricorde. Que faire en cas de viol et d’inceste ? Personne n’a, à son avis, le droit d’abandonner ces femmes à leur propre sort, estime-t-il, surtout dans les cas de viol de groupe où il est difficile, voire impossible, d’identifier l’auteur ; ou dans le cas d’un oncle qui viole par exemple sa nièce. Pour le membre de Jamra, les cas de viol et d’inceste, ne doivent pas être un prétexte, voire une raison pour ne pas traiter les situations de grossesses au cas par cas, au lieu de chercher à démanteler l’arsenal juridique Sénégalais. Le danger est que si l’on démantèle l’article 305 du Code pénal, le risque serait à son avis de placer la société sénégalaise dans une situation de confusion, de suspicion et de délation permanentes que pourraient utiliser certaines pour se faire avorter quand bien même les raisons pourraient être fausses. Tout le monde, pense-il, connaît le fléau des certificats médicaux de complaisance que d’aucuns pourraient utiliser pour des avortements de confort. C’est pour éviter, selon lui, les dérives et les abus, la délation mensongère. On ouvrirait la boite de pandore si on laissait faire.

Pour Mame Matar, ces personnes qui utilisent le terme avortement médicalisé, sont juste dans l’abus de langage. Il n’existe pas, selon lui, d’avortement qui ne serait pas médicalisé.

Mame Makhtar Guèye nous a dans son argumentaire, fait part de sa réponse à Ndèye Ami Sakho qui dirige la task force du comité de plaidoyer, en termes de propositions. Il a, à cet effet, expliqué que Jamra a la même compassion pour ces femmes du comité de plaidoyer. L’organisation, selon lui, a proposé une alternative qui va sauver les deux parties : la vie de la mère et celle de l’enfant, estimant que la vie de l’enfant n’appartient pas à ces femmes. Une raison pour ne pas condamner l’enfant à mort. Aussi, a-t-il rappelé, sous le contrôle de Ndèye Awa Sadio qui dirige l’orphelinat des Parcelles Assainies Unité 11 et qui a recueilli discrètement des femmes tentées par l’avortement. Celles-là ont, selon lui, écouté le prêche d’Imam Massamba Diop qui les a convaincues. Aussi, avec leur accord, la dame Sadio en question les a accueillies, encadrées discrètement sans contrepartie de demande de pièces d’identité, ni de dépenses liées à l’achat de lait, vivre et encore moins de couches, etc jusqu’à ce qu’elles accouchent. Celles-ci ont par la suite laissé les enfants à l’orphelinat et sont retournées d’où elles venaient dans l’anonymat.

Poursuivant, Mame Makhtar Guèye de déclarer que la dame Sadio a comptabilisé aujourd’hui un total de 97 enfants sauvés, de telle sorte que le ministère de la Justice qui a sous sa coupole l'Action éducative en milieu ouvert (AEMO), permette l’adoption de ces enfants par des particuliers. D’ailleurs, précise-t-il, un des bébés se nomme « Bébé Massamba Diop » du nom du président de Jamra et a 6 ans avec une vie sauvée. A ces femmes qui dépensent des millions dans des opérations de communication (spots publicitaires), à coups de millions, le membre de Jamra leur a demandé d’utiliser cet argent pour soutenir les orphelinats, citant au passage ceux de Mbour, Kaolack, Médina, Parcelles assainies Unité 11, etc. qui ont des problèmes récurrents de paiement de loyers, de factures d’eau et d’électricité. L’Etat, à son avis, doit aussi soutenir ces orphelinats.

D’ailleurs en fait de prises de position sur le sujet, l’on ne doit jamais perdre de vue, les pressions que mènent les organisations non gouvernementales internationales pour imposer des évolutions qu’ils ne voient qu’à travers leurs lunettes d’occidentaux. Ce sont les mêmes types de pression que sur le sujet de l’homosexualité, l’émancipation des femmes et d’autres encore. La preuve aussi que les Etats occidentaux également mettent la pression sur nos états jugés non progressistes. Pourquoi devrait-on accepter cela ? Ce d’autant plus qu’en France, il serait illusoire de voir émerger des ONG qui vont tenter de militer en faveur de la polygamie, quand bien même certains souhaitent le devenir, sans toutefois le pouvoir. Les mœurs sont différentes dans l’espace et les Occidentaux doivent se garder de vouloir imposer les leurs et leur vision du monde.

Un sujet qui mérite en tout cas beaucoup de prudence et de précautions que cette désinvolture que lui impose Gabrielle Kane. « Je suis désolé que ce soit les hommes qui parlent de l’avortement. Pour une fois, ayez l’humilité de vous taire et de nous écouter. Aucune femme ne va avorter dans une logique de confort. Vous nous avez monopolisé partout… Les techniques dont vous parlez (ndlr- à Mame Matar Guèye) sont révolues. Tu avales une pilule et ça se fait. Celles qui en souffrent, ce sont les filles des pauvres. Aujourd’hui, tu paies 200 000 F, 300 000 f, tu as un avortement en bonne et due forme ; ou bien le gars te paie un billet, tu vas à l’étranger pour avorter. Celles qui n’ont pas accès à l’avortement, ce sont les filles pauvres dans les quartiers ». Entre les mots mal choisis « thiagas » (terme moins doux en wolof pour désigner une prostituée), « foofou rek laa yem » « c’est tout ce que j’ai à vous dire » dans une assemblée où elle n’avait que des aînés, semble mépriser les codes culturels qu’on ne devrait nullement ignorer. Quid du respect dû aux télespectateurs et à ces femmes dont c’est le métier et dont elle parle ?

Certains de ses propos sont excessifs. C’est sûr. Et la passion ne devrait pas conduire à asséner des propos dans le but de faire mal. « Moi, on ne m’a pas chopée dans une auberge ». Elle faisait évidemment référence à la fille de Mame Makhtar Guèye qui avait été introuvable un moment, avant que des médias ne déclarent qu’elle était dans une auberge avec son copain. Un coup en dessous de la ceinture pour la féministe qu’elle prétend être. Comment a-t-elle pu vouloir aliéner la liberté d’une jeune femme qui peut avoir la liberté de se trouver où elle souhaite ! Charles Faye a d’ailleurs demandé à Gabrielle Kane de rester sur la posture de l’intellectuelle face à un Mame Makhtar Guèye qui demandait à Gabrielle de « retirer ses mensonges » au sujet de sa fille.

Difficile en tout cas de suivre cette jeune femme dans son raisonnement. Entre le fait de décrier les sorties du président Sall contre les dérives des téléfilms et ses propos selon lesquels, ce dernier a du temps à perdre alors qu’il aurait dû s’atteler à faire le ménage avec le code de la presse. Elle semble en réalité ignorer que le nouveau code de la presse a été voté, même si le contenu peut encore être parfait. Avec elle, les amalgames sont au rendez- vous. Elle ne se rend certainement pas compte que les séries sont un vrai problème de société et qu’elles doivent tenir compte des réalités socioculturelles et aussi de l’image qu’elles montrent du Sénégal. D’ailleurs, Macky Sall n’a fait que confirmer un fait déjà dénoncé par les services compétents, à savoir le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra), qui a, par exemple, interdit aux télévisions de diffuser la série «Infidèles» jugée aux antipodes des mœurs sénégalaises.

Peut-être que Gabrielle Kane est « en avance » sur la société ? Comment peut-elle, par exemple, penser que les hommes doivent rester en dehors de ce débat qui concerne les femmes, les laisser se concerter entre elles avant de leur soumettre leurs souhaits et voeux. Ignore-t-elle qu’un enfant est l’affaire d’un couple : un homme et une femme ? En réalité, c’est elle qui nageait en plein délire. Tout le contraire de Mame Makhtar Guèye qui a réussi à passer son message, malgré quelques écarts.