NETTALI.COM - Lors de la cérémonie de clôture de la session ordinaire unique, le président de l’Assemblée nationale, El Hadji Malick Ndiaye a dressé le bilan de l’action parlementaire depuis l’installation de la 15e législature. Et parmi les avancées majeures, il a cité entre autres, la réactivation de deux commissions inopérantes depuis plus de 30 ans : la Commission de la comptabilité et du contrôle budgétaire, désormais saisie d’un rapport trimestriel ; la Commission des délégations chargée du suivi de l’application des lois, l’introduction d’un plan de travail annuel pour chaque commission, avec des objectifs clairs et mesurables, un plan de transformation digitale lancé. Afin de rapprocher le Parlement des citoyens, un projet de tournée intitulé “Le Parlement chez vous” est en cours d’élaboration. Il prévoit des visites dans les 14 régions du pays. Sans oublier la nouvelle chaîne parlementaire intégrée au règlement intérieur qu’il veut “un outil pédagogique, un levier de transparence et un pont entre le citoyen et l’Assemblée qui le représente”.

Bref tout cela est bien beau, mais ne doit pas toutefois pas faire oublier la question de la transparence dans les faits, alors que Guy Marius Sagna venait juste de dénoncer, quelques jours avant ce qu’il a considéré comme de la bamboula à l’Assemblée nationale : "distribution de sukëru koor aux députés de (son) groupe parlementaire", "montant de l'appui financier aux groupes parlementaires sans pièces justificatives, ni compte rendu fait aux membres de (son) groupe parlementaire et à l'Assemblée nationale", "distribution aux députés, de billets de pèlerinage à des lieux saints (la Mecque et Rome) ", "non consultation des députés par l'Assemblée nationale et par (son) groupe parlementaire sur des questions importantes dont la problématique de l'achat ou non de voitures aux députés", "retards importants de l'Assemblée nationale et de sa commission comptabilité et contrôle qui n'ont présenté ni rapport annuel 2024, ni rapport du dernier trimestre de 2024, ni rapport du premier trimestre 2025".

Le hic dans cette affaire, c’est qu’à la place d’arguments clairs à lui opposer, ce sont des attaques que Guy Marius a subies avec un objectif clair, celui de le discréditer. Le vice-président de l’Assemblée nationale lui a par exemple opposé un "agenda personnel" avant de lui balancer à la figure, "ses deux salaires ", 500 000 francs qu’il devait au groupe parlementaire Yewwi ». Ansoumane Sambou, membre du secrétariat national à la communication du parti Pastef lui a pensé que Guy Marius Sagna aurait mieux fait de s’adresser directement au président de l’Assemblée nationale. On rappellera même à ce cher Guy, que des Sénégalais avaient eu à cotiser pour lui, aux temps de l’opposition, dans l’achat d’une 4 X4 !

Mais c’est mal connaître Guy Marius Sagna que de penser qu’il allait se laisser démonter. Dans un post sur facebook, il était revenu à la charge pour apporter davantage de précisions sur le montant du « sukerou koor », informant que ce sont « 100 000 F mis à la disposition » de son groupe parlementaire, rappelant qu’en mars 2025, une dizaine de jours après le début du mois de Ramadan, l’information tombe dans le groupe parlementaire: "passez récupérer une enveloppe pour un appui", précisant au passage qu’il ne parle ni de dattes, ni d’avance Korité, ni d’avance Tabaski mais de "sukëru koor " baptisé pudiquement pour tromper la vigilance "appui ".

Un acte qui aurait pourtant dû être applaudi puisque le déballage a été fait à la façon lanceur d’alerte, ce procédé là que prônait le Pastef, il n y a guère longtemps. De deux choses, soit on croit aux 3 J et en ce moment et on défend cette cause ; soit on y croit, là l’option claire reste la politique de l’autruche.

A la vérité, si l’on n’a pas choisi de perdre sa mémoire, Ousmane Sonko avait tantôt pris position sur l’achat de véhicules aux députés et disait en ces termes : "acheter une 4x4 à 40 millions ou 50 millions et la donner à un député, ça doit cesser dans ce pays. Si on décide d’acheter un véhicule, le député devra payer les 75%, le reste peut être sous forme de subvention ". Autre époque, autre posture.

Le pire, c’est cette histoire de véhicules à coups de plusieurs dizaines de millions dans cette atmosphère de dèche généralisée et dans un contexte économique des plus moroses. D’ailleurs en fait de montants, l’on ne sait jusqu’ici plus à quoi s’en tenir ! 50 millions ? 54 millions ? That’s the question. Et Serigne Saliou Guèye du journal « Yoor Yoor » qui s’est invité dans le débat, a pensé que seul El Malick Ndiaye, le président de l’Assemblée peut édifier les Sénégalais. « Les gens pensent que la voiture va coûter 54 millions, si c’est le cas et que les gens se posent des questions, il appartient à El Malick Ndiaye de se prononcer et d’éclaircir les choses, ses services de com doivent sortir et communiquer », a-t-il fait savoir, avant de relever que « tantôt, on vous dit qu’on a commandé les véhicules, tantôt on ne les a pas commandés, une autre fois, on dit que le marché a été attribué à tel ou à tel autre, c’est d’ailleurs ce qui a valu la plainte contre Bachir Fofana ».

A entendre un député de Takku Wallu, lors du débat d’orientation budgétaire du samedi 28 juin, dire au président de l’Assemblée El Malick Ndiaye, avec un ton aussi désinvolte qu’irresponsable, agrémenté d’un éclat de rire, dire : « Président moi je vous couvre pour l’achat des véhicules. S’il faut aller en prison, nous irons ensemble », l’on ne peut manquer d’être indigné. Une attitude qui montre que l’on se moque vraiment des Sénégalais. Ce qui a surtout été décevant et choquant, c’est d’entendre ces éclats de rires qui fusaient dans l’hémicycle, comme si l’on avait affaire à un jeu dans une cour de récré ! « A Diaarama seydi Diaw, an ka essam », répondra El Malick comme pour dire « merci, vous êtes mon gendre »

Au-delà, le « j’assume » d’El Malick Ndiaye au sujet de l’achat des véhicules, a quelque chose d’autant plus choquant. Comme si l’on avait affaire à son patrimoine personnel ou à une décision qui ne devrait relever que de son seul bon vouloir ou pas. Sur les réseaux sociaux, beaucoup ont d’ailleurs assimilé cette réponse à de l’arrogance.

Il est en tout cas impératif de scruter de près la gestion de cette grosse maison qu’est l’Assemblée nationale, surtout qu’on nous a tant tympanisés avec la rupture en cours.

Cheikh Bara Doly à la Une du journal « Source A » du vendredi 27 juin a d’ailleurs ajouté une couche aux propos de Guy Marius, nous apprenant que, lors de la législature antérieure, « chaque fin de mois 5 à 10 millions étaient alloués au Groupe parlementaire de la majorité », tandis que « le groupe parlementaire de l’opposition recevait 3 millions recevait 3 millions ». Et celui-ci de se demander si les choses ont changé avec le nouveau régime, préférant donner sa langue au chat.

Bref l’on n’est pas sortis de l’auberge surtout après avoir entendu Fadilou Keita, le DG de La CDC et vendeur de moutons à ses heures perdues, évoquer son salaire d’un peu moins de 7 millions de francs. Seulement ? A l’entendre parler, l’on doit plutôt s’estimer heureux qu’il n’ait pas encaissé tout ce qu’il aurait pu, en baissant les montants auxquels il avait droit, en tant que président du conseil d’administration de trois filiales de la CDC. Il a informé avoir réduit ses rémunérations jusqu’à 500 000 F sur chaque société. Au finish, un sacré don de soi !

Sacré « pays en ruines » où l’on songe à acheter des véhicules à coups de millions pour les députés et où des DG se tapent d’aussi gros salaires ! Serigne Saliou Guèye qui a levé un autre lièvre nous a également appris qu’il y a des Dg qui construisent des villas à coups de centaines de millions ! Réponse de Fadilou Keïta. Même s’il ne se sent pas concerné : « Si j’étais le président Ousmane Sonko ou le président Bassirou Diomaye Faye, je ferais tout pour que Serigne Saliou Gueye donne les noms de ces directeurs. Ce sont des informations importantes qui peuvent servir de base à des réformes profondes.

Pendant ce temps, le feuilleton Aser, cette fameuse affaire qu’on nous a tant vantée sur fond de renégociation qui nous aurait fait gagner un nombre de villages à électrifier, en passant de 1 500 à 1 740, se poursuit. Un dossier qui a donné naissance à une polémique sans fin, que même la fin de la récréation sifflée par le PM Ousmane Sonko himself n’aura pas suffi à stopper. Pas même les salves du très jeune et émotif DG Jean Michel Sène n’auront permis d’éclairer davantage nos lanternes. Et la note explicative du très pondéré Cheikh Diba ne dissuadera point le très endurant député opposant, à relancer une affaire qui a fini par virer au charabia technique avec une extension sur une affaire de prime ou de supposée violation du code Cima qui régit les sociétés d’assurances africaines.

Il y a en effet de quoi s’alarmer. Si au moins l’économie tournait à plein régime.

Une machine économique grippée

Les rapports trimestriels du 4ème 2024 et du 1er trimestre 2025 ont été enfin publiés, après quelques pressions opérées çà et là. Et l’on découvre, si on en croit le journal Enquête, que dans le rapport d'exécution budgétaire pour le premier trimestre 2025, un niveau très faible des investissements sur ressources internes. Et les services du ministère des Finances de justifier : “en termes de volume, les investissements exécutés par l’État constituent la catégorie de dépenses la plus faible. Cette situation s’explique par des procédures de passation de marchés qui ne se dénouent généralement qu’à la fin du premier semestre pour cette catégorie de dépense.”

Des contraintes qui ne justifient cependant pas toutes les lenteurs actuelles dans le déroulement des investissements de l'État. La preuve, malgré les difficultés alléguées, les autorités contractantes ont su mener correctement les marchés relevant de leur fonctionnement. Il en est, par exemple, des dépenses d’acquisition de biens et de services ordonnancées à hauteur de 84,65 milliards F CFA, soit 20,35 %. Idem pour les transferts courants estimés à 463,93 milliards F CFA, soit un taux d’exécution de 30,63 % contre 402,74 milliards F CFA un an auparavant. Cela montre que quand l'autorité veut, il peut.

Au-delà du Code des marchés publics, ils sont nombreux à remettre en cause l'efficacité de cette volonté primatoriale à vouloir tout contrôler, même les voyages des fonctionnaires. Ce qui n'est pas sans conséquence sur la mise en oeuvre de l'action publique. D'ailleurs, beaucoup d'agents de l'Administration se plaignent de cette décision. Aujourd'hui, même pour voyager, participer à des rencontres importantes pour leur secteur, ils ont besoin de l'autorisation de la primature.

En sus de cette centralisation des décisions et des contraintes liées aux règles de passation des marchés, il y a aussi un sérieux problème de disponibilité des financements, malgré les tentatives de dédramatisation. En effet, en raison de la situation difficile des finances publiques, le gouvernement peut difficilement lever des financements sur le marché financier international. Soumis à des taux d'intérêt exorbitants, il est obligé, depuis quelques mois, à se rabattre sur le marché régional avec des taux certes plus intéressants, mais qui peuvent difficilement permettre de lever certains montants. L'autre alternative reste le Fonds monétaire international qui refuse, depuis juin-juillet, de signer un nouveau programme avec l'État du Sénégal.

Compte tenu des difficultés, un changement important de cap a été noté dans les orientations du gouvernement. Alors que jusque-là on a fait l'éloge du financement endogène, la Loi de Finance rectificative (LFR) informe : “La présente LFR pour l'année 2025 traduit la volonté du gouvernement de faire face aux contraintes budgétaires tout en préservant les capacités d'investissement de l'État pour la relance de l’économie. Cette approche s'articule autour d'une réorientation partielle vers le financement externe, avec une augmentation de 15,6 % des investissements sur ressources externes, compensant partiellement la réduction de 33,3 % des dépenses en capital sur ressources internes.

Pour l’heure, le gouvernement s'est engagé à mettre en place un programme triennal de redressement des finances publiques pour revenir progressivement à un déficit conforme aux normes communautaires de l'UEMOA. La loi de finances rectificative est par ailleurs revenue, par ailleurs, sur les corrections et ajustements apportés à la suite des conclusions de la Cour des comptes.

La transparence et le casting, en question !

Le Premier ministre Ousmane Sonko a en tout cas tapé du poing sur la table lors du dernier Conseil des ministres du mercredi 18 juin, dressant un sévère réquisitoire contre les pratiques observées dans plusieurs structures publiques, en dénonçant des manquements graves, récurrents et contraires aux règles de transparence et de bonne gouvernance, mettant par la même occasion en cause, la performance du service public. Il a aussi relevé la mauvaise qualité de la représentation dans certains conseils d’administration, due au profil inadapté de certains représentants.

Une situation qui ne devait pourtant pas le surprendre au regard du casting à la tête des conseils d’administration, au niveau du gouvernement et des directions générales et agences de l’Etat. La question qu’il faudra se poser, c’est surtout de se demander pourquoi se met-il dans une posture qui consiste à dénoncer, alors qu’il détient les leviers pour agir ? Peut-être envisage-t-il d’effectuer des changements d’ici peu de temps. Qui sait ?

Mais à la vérité, il faut de se couvrir d’illusions. Etre PCA ou dirigeant d’une structure publique n’est pas une fonction qui s’improvise. Toutes les deux fonctions requièrent de grandes aptitudes et surtout une grande expérience. N’oublions quand même pas que des choix très discutables ont été opérés pour certains postes de présidents de Conseil d’administration sur la base de critères loin d’être objectifs et des références peu solides. Car alors comment comprendre les choix de Kilifa, Nitt doff, Falla Fleur, Queen Biz. Pour ne citer que ceux-là. Qu’on ne nous dise surtout pas que Falla Fleur est titulaire d’un DEA ou que Queen Biz, d’un master car le Sénégal regorge de diplômés sans expérience.

De plus, il ne s’agit pas de se méprendre sur le poste de PCA. Ce dernier est en charge de l’orientation stratégique et de la vision de l’entreprise, dont un des rôles est par exemple d’amener les administrateurs et la direction à bien connaitre et assimiler la mission de l’organisation. Une mission adossée à une vision stratégique à long terme pour l’entreprise et qui s’appuie sur un plan stratégique de mise en œuvre. Le PCA dans sa mission de surveillance, doit ainsi s’assurer que les enjeux et attentes de l’actionnaire qui est l’Etat, soient clairs et bien compris par l’ensemble des membres du conseil. Tout ceci pour donner un petit aperçu de l’énorme responsabilité qui pèse sur les épaules d’un PCA et de son conseil. Comment peut-on l’être si on ne connaît pas le monde de l’entreprise et lorsqu’on ne sait pas lire un état financier ? Dans les états organisés, ce sont en général des personnes qui ont leurs carrière derrière eux qui occupent ces postes après avoir roulé leur bosses dans les arcanes des entreprises.

N'oublions pas aussi que le nouveau régime a cherché à récompenser beaucoup de ses militants. Sa posture sur le plan du casting ne semble pas très logique surtout au regard de la jeunesse de beaucoup de DG nommés à des postes stratégiques, sans toutefois avoir le profil approprié et l’expériences requise. Ce qui grippe d’une certaine manière la machine de la gestion des entreprises. Il est d’ailleurs bien dommage de constater que beaucoup d’entre eux ont cru bon de devoir pavaner dans les médias pour se prononcer sur de supposés cafards de la gestion du régime précédent ou pour évoquer des mesures d’austérité qu’ils allaient prendre. Le but du jeu, pour certains, est de donner l’impression qu’ils assument leurs fonctions de manière orthodoxe en étant dans ce jeu de déballage et d’austérité feinte.

C’est le même constat qui est fait du côté des ministres où l’on peut noter que certains traînent des lacunes graves en termes de communication pour des personnages censés assurer des fonctions de représentation. Le cas de la ministre des affaires étrangères est souvent évoquée, sur fond de railleries dans les réseaux sociaux. L’autre constat qui est à relever, c’est le cas de ministres qui sont dans l’activisme débordant, sans que l’on constate ce qu’ils produisent comme résultat concret.

Cheikh Oumar Diagne avec le franc parler qu’on lui connaît, a récemment soutenu que « le ministre de l’agriculture actuel Mabouba Diagne ne relèvera aucun défi parce qu’il n’en est pas capable. Il flâne seulement et ne fait rien d’important», estimant qu’ entre « être sur le terrain, se photographier et passer son temps sur whatsapp et faire le travail sérieusement dans le fond pour impacter, il y a une grande différence », ajoutant qu’il note « beaucoup de personnes dans le gouvernement qui ne sont même pas compétents pour déployer les missions qui leur sont confiées. », estimant qu’il « il y’en a qui veulent bien faire, mais ne sont pas compétents. ». De même il s’offusquera que des départements très stratégiques soient confiés à des personnes n’ayant pas les qualités pour les gérer.

Un exercice de la gouvernance pas simple et qui requiert beaucoup de qualités et d'aptitudes 

C’est finalement un sacré boulot que l’exercice de la gouvernance. Il nécessite une grande capacité de management, une bonne connaissance des rouages de l’Etat et de la diplomatie, sans oublier toutes ces autres aptitudes qu’il faut avoir et qui consistent à connaître la sociologie de son pays et la psychologie de ses concitoyens et surtout la vertu à avoir tout en se montrant juste. Quant à la rupture, elle ne peut ni se décréter, ni se faire avec un coup de baguette magique. Elle se construit dans le temps et passe d’abord par une réelle exemplarité des gouvernants dans leurs actes de tous les jours, en termes de respect de la constitution, des lois, de choix à opérer, de prises de décisions, de dépenses des deniers publics, d’exercice de la justice, etc. Et surtout à la condition de ne pas reproduire ce qu’on a toujours dénoncé et combattu. Et cela, seule une prise de hauteur et une posture de dirigeant juste peuvent le permettre.