NETTALI.COM - Qu’est-ce qu’elle nous pompe l’air cette affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr ! Elle occupe tout l’espace au point que les autres sujets, même graves, finissent par être relégués au second plan. Dans son traitement, elle vire à la polémique, aux échanges musclés, à l’intimidation de journalistes, de chroniqueurs, aux attaques sous la ceinture à travers les réseaux sociaux, sans oublier la manipulation et surtout, mais surtout à la désinformation.

Il y a en effet beaucoup trop de gens qui s’expriment sur le sujet sans que l’on sache réellement d’où ils tirent leurs informations et thèses, le tout sur fond de déductions. Ils sont bien trop nombreux ceux qui répètent ce qu'ils ont entendu ailleurs ou lu sur les réseaux sociaux. A entendre les thèses qui s’affrontent, parfois au sein d’un même camp, on se rend bien compte qu’il n’existe pas qu’une seule vérité, mais des vérités dans cette affaire. Que n’a-t-on pas par exemple entendu comme raisonnement, comme théorie ! Il convient toutefois de retenir, qu’à la fin, il n’y aura qu’une seule vérité, la vérité judiciaire. Celle-là qui se nourrit de la règle de droit adossée à la procédure pénale. Mais pas cette vérité qui paraît si évidente et logique aux yeux de beaucoup de profanes de la matière juridique qui, avouons-le, restera toujours cette manière élastique et interprétable, selon les sensibilités des uns et des autres ; selon le bord auquel on appartient.

Tout le monde est devenu juriste sur les plateaux-télés et certains journalistes qui ne comprennent rien au droit, se noient dans le lexique et tentent de faire preuve de pédagogie pour rendre le discours des juristes et avocats, digeste pour les télespectateurs. On parle de bénéfice du doute, de présomption d’innocence, d’intime conviction, de non-lieu, de classement sans suite, d’indices, etc sans que le grand public comprenne vraiment la différence entre ces termes et expressions juridiques. La confusion est à son comble. Il y en a même pour confondre le procureur de la République (qui poursuit au nom de la société et qui est lié dans un rapport hiérarchique avec le ministre de la justice) avec le juge du siège (qui juge lors des procès) et même avec le doyen des juges (qui ne s’occupe que de l’instruction). Sacrés Sénégalais, au pays de Senghor, tout le monde devient spécialiste de toute matière qui s'invite dans le débat public, ces derniers temps, après avoir délaissé cette spécialisation bien sénégalaise qu’est le foot, l’euphorie liée à la coupe d’Afrique et à la qualification au mondial, étant tombée.

Ne sont pas analystes et chroniqueurs qui veut...

Quelques personnages à la tête bien faite sont jugés « meilleurs analystes » de l’heure parce qu’ils auraient la langue bien pendue, un discours à priori structuré aux yeux de leur public qui ne rate pas leur rendez-vous, avec une médiatisation qui fait le reste. Ce qu’ils oublient, c’est que même dans la presse sénégalaise, pour avoir droit au statut d’analyste, il faut quand même justifier d'au moins 10 ans d’expérience car l’analyse, tout comme la chronique, sont considérées comme des genres rédactionnels nobles qui ne sont pas à la portée de tous. Mais à la vérité, sous nos cieux, on confond ce qui est vraisemblable avec ce qui est vrai ; faits recoupés et juxtaposition d’informations ou de rumeurs glanées par ci, par là. Le dernier cas cité ne saurait suffire à faire le bon analyste. Non pas que l’analyse soit réservée à une caste d’intellectuels ou à une profession donnée, mais le contact avec les faits et une vraie connaissance de ceux-ci pendant plusieurs années. Ce qui suppose une pratique journalistique digne de ce nom et la disposition de sources crédibles qui compte beaucoup.

Mais, de nos jours, ce sont les réseaux sociaux qui créent des réputations surfaites et octroient des titres non mérités. Il suffit qu’un camp sur un sujet donné, trouve un porte-parole en la personne d’un « analyste », « chroniqueur » ou journaliste pour que celui-ci soit élevé au rang de personnage "pertinent", pour ne pas dire courageux et héroïque. Et le supposé héros qui n'a pas forcément beaucoup de recul par rapport à ce qu’il note sur les réseaux sociaux, peut se laisser griser par l’encensement dont il y bénéficie. Certains chroniqueurs dont on ne sait pourtant rien de leur background, doivent dès lors savoir raison garder.

L'attitude d'un chroniqueur tel que Pape Matar Diallo, encensé sur les réseaux sociaux, laisse songeuse. En plus de ne donner que ses opinions qui sont au demeurant discutables parce qu'elles ne sont au fond que sa vérité, mais qu'est ce qu'il souffre d'écouter des arguments qui ne vont pas dans le sens ce qu'il développe. La prise de gueule qu'il a eue avec Aliou Sow sur Walf TV, au cours d’une récente émission « Salon d’honneur » sur Walf TV, était en tout cas évitable. Pape Matar Diallo l'a non seulement interrompu en plein développement, mais il s'est en plus permis de remettre en cause ce qu'il disait sans toutefois argumenter.

Son comportement vis-à-vis de Souleymane Ndéné Ndiaye a été d'autant plus discourtois qu’il s’est permis de lui faire remarquer qu’il n’a jamais gagné de procès dans sa carrière d’avocat. Qu’est-ce qu’une telle attitude apporte-t-elle au débat ? Sinon de braquer l’invité. Non seulement, il n’a pas connaissance de la carrière d’avocat de l’ancien Premier ministre sous Wade. Mais lorsque les jugements de valeur l’emportent sur des propos que l’on ne peut étayer … On peut ne pas avoir de la sympathie pour un personnage au plan personnel, mais de là à ce que cela transpose dans le cadre d'une émission, il y a un pas qu'il ne devait pas franchir. Il ne peut pas se comporter comme il l'a fait et s'amuser à faire preuve de calme et d'esprit de dépassement lorsque l'invité s'emporte.

Soulignons le clairement, l’objectif d’une interview n’est nullement de montrer de l’hostilité à l’invité, mais de l’amener à dire tout ce qu’on veut lui faire dire. Et pour cela rien de tel que de fouetter son égo de manière à créer de l’empathie. Il ne peut nullement être question de jouer aux insolents ou de casser de l’inviter pour se faire par la suite encenser sur les réseaux sociaux. Tyrannie des vus, quand tu nous prends ! L’on se rappelle d’ailleurs de son altercation avec Farba Senghor alors qu’il officiait sur Sen TV. La suite est connue, il avait quitté le groupe D-Médias alors qu’une certaine presse liait son départ avec ce vif affrontement.

Heureusement que le très expérimenté et pondéré Moustapha Diop, a su ce soir-là,  redresser la barre et ramener la sérénité.

Dans cette affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, beaucoup se sont improvisés journalistes d'investigation, donnant des détails sur les PV, les raisons de la radiation du capitaine Touré, ses supposées accointances avec Ousmane Sonko. Bref on croit rêver. Entre des PV qui refont sans cesse surface et les audios diffusés, l’affaire vire à la bataille d’opinion. Elle est dans la rue et elle n’est pas prête d’en sortir. Car après tout, les réseaux sociaux, c’est le prolongement de la rue. Le bon refuge pour ceux-là qui veulent accomplir leurs basses besognes, sans l’affrontement physique bien plus risqué. Mais que de manipulations et de contrevérités dans cette affaire. Beaucoup affirment attendre le procès, ignorant sans doute que le doyen des juges peut décider de l’arrêter au stade de l’instruction. Et pour parer à toute éventualité, il a même à nouveau jugé utile, lors de la confrontation Ndèye Khady Ndiaye- Adji Sarr, d’inviter le parquet, comme il le fait depuis le début de ses auditions.

La presse, elle, est divisée. Bien divisée. Et certains journalistes et chroniqueurs affichent clairement leurs penchants et ne manquent pas de prouver dans leur discours, leur manque d’impartialité. Ils ne produisent plus de faits mais des opinions basées sur leur subjectivité ou leur sympathie. Il y en a même parmi les femmes journalistes pour plaider en faveur d’Adji Sarr parce qu’elle est juste une femme. Un argument qui ne saurait d’ailleurs suffire. Mais il y a aussi des attaques au-dessus de la ceinture dont est victime Astou Dione, qui s'est sentie diffamée. Profitant d'une occasion sur la 2 STV à l'émission "Encore +", elle a dénoncé les menaces et intimidations dont elle a fait l'objet après qu'elle a cité les moments où Guy Marius Sagna prévenait de la situation actuelle alors que personne ne l'écoutait. Cela lui a, à son avis valu d'être jugée proche du parti Pastef. Même si elle n'a pas toutefois révélé sur le plateau, la diffamation en question, une bonne partie des supports d'informations s'en est chargée. Inutile de relayer ce que beaucoup de gens savent déjà, mais vraies ou fausses, ces attaques n’honorent pas du tout son auteur. Pauvre Astou, elle a eu mal et a craqué sur le plateau de la 2 STV et arrivera difficilement à trouver ses mots pour nier les faits.

A l'heure de la confrontation

Une affaire de supposé viol qui est en tout cas du pain béni pour une presse bien trop sédentaire de nos jours pour mener les investigations nécessaires à l’information de l’opinion. Elle est devenue, à la vérité, une caisse de résonnance qui se contente de traiter les communiqués et de relayer les conférences et points de presse avec des invités pour débattre du sujet hors et pendant le Ramadan.

Une bonne partie de la presse s’est en tout cas donnée à cœur joie de relayer la confrontation du jeudi 13 avril chez le doyen des juges. Mais qu’est-ce qu’elles ont volé bas ces auditions ! D’une part entre Me El Hadji Diouf et Ndèye Khady Ndiaye et d’autre part entre Adji Sarr et Ndèye Khady Ndiaye… Elle est en tout cas bien intéressée par le côté sensationnel de l’affaire et l’effet buzz. Comme « Libération » qui a barré à sa une du samedi 16 et 17 avril : « on a frôlé l’affrontement » avant de se signaler avec quelques appels bien croustillants : « accusée d’être une prostituée lors de la confrontation, Ndèye Khady Ndiaye qualifie Me ElHadji Diouf de "violeur international" et promet de dévoiler des vidéos compromettantes en cas de procès » ; « l’avocat dénie toute qualité pour procéder à des massages thérapeutiques, elle se propose de lui faire un massage devant le doyen des juges pour " diminuer son ventre" » ; « Adji Sarr évoque la pratique du "massage Nourou" à Sweet Beauty », Ndèye Khady Ndiaye soutient l’avoir surprise dans une cabine à califourchon sur un député de l’Apr, les mots volent très bas entre les deux » ; « la fausse grossesse avouée d’Adji Sarr, le  "transporteur" Sidy Ahmed Mbaye, le médecin et la "pilule anti-grossesse", « Me Sow », la rédaction de la plainte déposée à Sr… au cœur des échanges houleux »

Mais à l’heure de se rendre au tribunal, les deux jeunes femmes se sont offerts des bains de foule avec une Adji sarr, très décontractée et qui s’est montrée prête à aller au procès avec ses « oui pour un procès ». La teneur des propos de Ndèye Khady Ndiaye démontre aussi qu’elle n’a nullement froid aux yeux. On l’a vue sur des vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux et qui la montre dans une voiture en compagnie de son mari, adresser des remerciements aux pros Sonko qui l’ont accompagnée le temps du trajet.

L’on a aussi noté la remarquable présence de Gabrielle Kane qui n’a pas hésité à accompagner Adji Sarr au tribunal, bravant les quolibets des détracteurs de la jeune femme avec un ton bien acerbe. Sur un plateau diffusé sur les RS, elle a appelé à la cessation de l’indignation sélective, relevant au passage qu’"aucune indignation n’est notée lorsqu’elle se fait insulter". De même, elle a estimé être née au Congo, avoir « vécu la guerre » et revendique à ce titre le statut de « sénégalaise hybride », de « sénégalaise différentes des sénégalaises nées au Sénégal » et qui a subi des « influences étrangères ». Tout au plus, réclame-t-elle son "droit à la différence", en n’ayant pas les mêmes ressentiments et les mêmes réactions, ajoutant qu’il ne va pas "se faire violence pour plaire aux gens". Elle est allée plus loin faisant remarquer qu’elle n’a jamais manqué de respect à personne, concluant que s’ils ont des leçons à donner, qu’ils les donnent à ceux qui insultent tous les jours. Il leur demande tout simplement d’arrêter de l’inviter si son discours déplaît tant.

On peut évidemment s’accorder avec elle sur l’indignation sélective qu’elle relève, mais difficile de savoir d’où elle tire sa légitimité pour mériter le titre de féministe ? Féministe, cela se justifie quand même un certain background dans la lutte en faveur du droit des femmes. Mais qu’est-ce qu’elle manque de retenue la jeune femme ! On l'a suivi au cours d'un débat à "jakarloo" face à Mame Makhtar Guèye, elle était loin d'avoir de la retenue dans son langage. A l’entendre parler, on peut se rendre à l’évidence qu’elle s’est trompée de pays, au regard du comportement qu’elle a et de la posture qu’elle adopte et surtout de son ton virulent. Elle ne se rend peut-être pas compte, mais on ne parle pas de cette manière-là sous nos cieux. Nulle part ailleurs  d'ailleurs ! Cela, elle le sait.  La tenue et la correction importent beaucoup. Elle n’est pas si différente qu’elle veut le laisser croire. Elle a un bon niveau de wolof et de pulaar et exprime clairement sa pensée dans ces langues là sans qu'on sente une quelconque différence dans le langage avec les femmes d'ici. Combien de Sénégalais ont vécu à l'étranger et subi des influences extérieures ? Combien sont binationaux ? Se comportent-ils de cette manière-là ? Soulignons aussi que tout de même que nous avions suivi Gabrielle Kane pour la 1ère fois à l’émission « Jakarloo » sur la TFM, avec le titre de « directrice de la communication », sans que l’on sache de quoi d’ailleurs ! Par la suite, lors des émissions où elle est à nouveau apparue, c’est la mention « féministe » qui a remplacé le 1er titre. On aimerait bien comprendre ?

Qu’est-ce qu’ils ont un don, nos journalistes pour fabriquer des « stars » et créer des « bons clients ». Difficile en tout cas de savoir de quel background elle se prévaut pour mériter ce titre ! Elle est jeune et gagnerait à davantage structurer son discours et apprendre à faire preuve de calme, de pondération et surtout à mettre un peu plus de fond dans son discours. Elle sera d'autant plus écoutée si elle fait preuve de plus de calme en adaptant son discours; si elle veut créer de l'empathie avec les télespectateurs. Elle ne peut demander aux autres de s'adapter à elle.

Le juge d'instruction dans ses oeuvres

Mais à la vérité, beaucoup de ceux qui parlent de cette affaire, en savent le moins. Ils ignorent tout du fonctionnement de la justice. Que ceux-là qui demandent que l’affaire aille jusqu’au procès, sachent qu’elle peut s’arrêter au stade de l’instruction car au finish tout dépendra du doyen des juges qui appréciera les faits. A vrai dire, ni les PV, ni les déclarations dans la presse, ne lient le juge.

Nombre de personnes qui évoquent le dossier, ignorent que le Procès-verbal d’enquête préliminaire n’est en réalité destiné qu’au Procureur de la République, Maître des poursuites. Il ne vaut qu’à titre de renseignement. Même si le Procureur transmet le Pv au juge d’instruction, ce dernier n’est nullement lié par ce document.

Le juge d’instruction ou doyen des juges dans ce cas-ci, a même l’obligation de reprendre quasiment tout le travail effectué par les officiers de police judiciaire puisque le code de procédure pénale lui impose d’instruire à charge et à décharge. L’article 414 du même code précise d’ailleurs qu’il «ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui ont été apportées au cours des débats et discutées devant lui». Ce qui veut dire qu’il devra, lui-même, auditionner toutes les parties prenantes avant de se fonder sa propre opinion et prendre une décision en dernier ressort : un non-lieu ou un renvoi devant une juridiction de jugement.

D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle dans l’affaire Ousmane Sonko, le Doyen des juges (instruction) a auditionné Adji Sarr, la dame Ndèye Khady Ndiaye ainsi que son mari. Il a ensuite organisé une confrontation entre la plaignante et son ex-patronne. Toutes choses que la gendarmerie avait déjà faite. Le magistrat instructeur ira ensuite au-delà, en auditionnant le principal mis en cause, Ousmane Sonko, et toute personne qui peut participer à la manifestation de la vérité. Preuve que le Pv ne le lie pas.

Les Sénégalais doivent être vraiment pressés d'en finir avec cette affaire qui se poursuit au rythme que lui imprime la justice. Mais ils doivent se rendre à l'évidence que le temps de la justice que l'issue ne peut plus être éloignée. En tout cas vivement que revienne la sérénité et que le climat politique et social s'apiaise.