NETTALI.COM - « Mr President you’re fired » ou plus exactement : « monsieur le Président vous êtes viré ». Le ton du titre du « Boston Globe » renseigne sur l’impatience de voir Trump enfin quitter la présidence américaine. Une victoire de Biden qui même si elle n’est pas encore officielle, a été saluée par les président du monde entier à l’exception de Poutine qui attend les résultats officiels pour le féliciter.

Merkel, elle a rapidement déclaré son envie d’affronter avec les Etats Unis « les problèmes mondiaux ». Justin Trudeau a parlé d’une « bonne nouvelle ». L’ex-président Georges Bush a, de son côté, félicité Biden et évoqué une « victoire claire » à travers un communiqué. Nicolas Maduro lui espère un « dialogue décent » avec les Etats Unis. Netanyahu, Macky Sall, Emmanuel Macron, l’Arabie Saoudite, etc tous ont félicité « Joe l’endormi » qui a eu raison de "« Trump l’enragé ». Mais ce dernier n’en démord toujours pas. Il conteste et entend toujours porter l’affaire devant la justice. Il a repris son rythme quotidien, trouve le temps de jouer au golf comme pour montrer son indifférence. L’on ne voit en tout cas pas du tout comment l’affaire pourrait-elle être retournée. Mais quoi qu’il en soit, Joe Biden est déjà dans ses habits de président des Etats-Unis. Il s'est déjà au coronavirus qui décime la population américaine.

Pendant ce temps pas si loin de chez nous, les résultats des élections présidentielles guinéenne et ivoirienne sont connus. Dernier en date, ce lundi 9 novembre, celui confirmant la victoire de Ouattara avec un score soviétique de 94, 27%. Une victoire sans gloire qui pose au-delà, la question de légitimité de tous ces gens qui usent de manœuvres pas du tout catholiques pour arriver à leur fin . Ce qui prouve qu'il y a encore un long chemin à parcourir pour faire de ces Etats africains, des démocraties dignes de ce nom.

Au Sénégal, il n’y a pas que du chemin à parcourir, il y a aussi des valeurs à ressusciter et à forger. Nos ancêtres eux en avaient et la parole donnée suffisait en lieu et place d’écrits ou de témoins devant l’histoire. C’est en tout cas un réquisitoire sans appel qu’a livré Mamadou Diop Decroix sur une radio de la place, ce dimanche 8 novembre comme pour dire que les politiques qu’on qualifie de traîtres aujourd’hui ou d’hommes sans parole, ne sont qu’une émanation de la société dont ils font partie. « Quand les gens discutent dans les salons, c’est comme si les politiciens viennent de la lune ou de Jupiter, qu’ils ne sont pas nés au Sénégal, n’ont pas grandi au Sénégal et qu'ils n'ont pas été forgés par notre société. Je dis que ce sont des produits de notre société. Donc quand on dit, ils sont mauvais, ils trahissent, il n’y a pas de valeur etc, c’est comme s’ils sont les seuls dans ce cas-là…», a fait remarquer l’ancien camarade de Landing Savané. «Ceci ne dédouane pas les politiciens. Parce que le fait de demander à ses semblables de vous faire confiance et de les diriger, vous devez être, en termes de modèle, de valeur etc, mieux pourvu. », a toutefois tempéré Decroix.

Moustapha Diop, au cours de la matinale du vendredi 6 novembre de Walf TV, n’a pas été loin de confirmer ces propos, citant dans ce sens, ceux de Macky Sall face à Pierre Edouard Faye sur le plateau de Walf TV. Celui-ci disait ainsi, que si demain il accédait au pouvoir, tout transhumant se rangerait derrière les premiers venus, qui ont participé à la victoire. Et le journaliste, de se désoler en citant tous ceux qu’il appelle « les transhumants » : « Idrissa Seck, c’est lui qu’il a nommé au Conseil économique et social. Aissata Tall Sall est aujourd’hui le chef de la diplomatie. Il n’y a guère longtemps, et on oublie de le dire, l’un des plus critiques contre le régime de Macky Sall, Oumar Sarr, est devenu le ministre des Mines….Il avait même été emprisonné pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation pour avoir évoqué l’argent de la campagne qui avait permis à Macky Sall d’avoir gagné contre Abdoulaye Wade. Si nous sommes des hommes dignes et d’honneur, est-ce que c’est le seul exemple qu’on doit offrir à nos enfants…Si tout ce qu’ils disent aujourd’hui, ne correspond pas à ce qu’ils vont faire. Des personnes qui se dédisent tout le temps. J’ai entendu certains dire quelque part, laissons Idrissa Seck, il fait de la politique. Je suis désolé, on ne fait pas de la politique comme ça. Si on veut que notre pays avance, il faut que cette gestion s’accommode de ces valeurs qu’on a toujours connues. Si nos grands-parents le voulaient, ils allaient négocier avec les blancs. Certains ont pourtant été exilés 7 ans durant »

Et celui-ci de s’interroger sur le plan de la compétence : « quelle compétence AÏssata Tall Sall a et qu’Amadou Ba n’aurait pas ? Quelle compétence Yankhoba Diattara a et que Mambaye Niang n’aurait pas (…) Idem pour Idrissa Seck par rapport à Aminata Tall. On me dit qu’Idrissa Seck est un consultant. C’est quoi son boulot ? » « Idrissa Seck aurait pu dire que le pays traverse une crise. Nous lui conseillons de supprimer telle ou telle institution pour épargner les deniers publics. Ce qui ne l’aurait pas empêché de rester un opposant », a ajouté celui-ci à l’attention d’une collègue qui tentait d’évoquer la compétence d’Idrissa Seck.

« Faire de la politique », voici une expression qui devrait intégrer le dictionnaire politique du Sénégal. Et le virulent avocat d’antan en a d’ailleurs fait sienne.  Membre du Parti des libéraux et démocrates/And Suqali (PLD/ASPLD) dirigé par Oumar Sarr, nommé récemment ministre des Mines et de la Géologie, Me Sall ou plus exactement celui qui traitait le chef de l’Etat Macky Sall «d’incompétent et d’impuissant », a vu son camarade Oumar Sarr intégrer le gouvernement. Des propos incendiaires qui lui avaient d’ailleurs valu un séjour carcéral. Invité à la matinale d’ITV de ce lundi 9 novembre, Me El Hadji Amadou Sall a soutenu qu’il maintient tout ce qu’il avait dit sur Macky Sall parce que, justifie-t-il : « je fais de la politique et en politique, on donne des coups et on en reçoit. A l’époque, Macky Sall refusait de dialoguer avec nous, il ne voulait pas discuter avec nous. Je lui ai mené la vie dure et finalement, il a accepté de discuter avec l’opposition.  J’assume tout ce que je dis parce que c’est ma conviction ». Une réponse qui laisse bien pantois.

L’on se rappelle d’ailleurs ce fameux épisode pendant lequel figurant sur la liste des 25 que la Crei n’avait pas autorisé à quitter le territoire, Oumar Sarr avait embarqué à bord d’une pirogue en direction de la Mauritanie avant de revenir à bord d’avion sur le territoire national. Une vraie défiance vis-à-vis de Macky Sall à l’époque.

Certains observateurs favorables au régime se sont d’ailleurs plu à relever le « génie politique » de Macky Sall qui aurait réussi à bouleverser le jeu et à en être le maître. Et l’on ne peut manquer de se demander en quoi y aurait-il un génie politique lorsqu’ on détient les moyens de l’Etat, les pouvoirs de nomination, les forces de sécurité et presque tous les pouvoirs etc. C’est en réalité bien trop facile pour qui connaît certains politiques sénégalais bien sensibles à l’argent et aux honneurs. Bien trop facile de détourner un homme fragile.

Mamoudou Wane du journal « EnQuête » dans un éditorial de ce lundi, au style bien exquis d'ailleurs, fait bien de relever ce fait pour le déplorer : « ce qui se donne à lire n’invite point à l’optimisme, malgré tout le tintamarre sur l’ingéniosité du ‘’coup’’ du 1er novembre 2020. Au pays des aveugles, on chante facilement l’intelligence, les talents hors-norme et les capacités surhumaines des borgnes. Mais au fond,  où est le coup de génie dans la dernière acrobatie politique propulsant Idrissa Seck à la tête du Conseil économique social et environnement (CESE) et ‘’ressuscitant’’ Oumar Sarr et Cie, si ce n’est celle de vouloir enterrer des collaborateurs qui dérangent ? Aly Ngouille Ndiaye, Aminata Touré, Amadou Bâ et Mouhamadou Makhtar Cissé étaient sur la corde raide depuis que le Président Sall a remporté la dernière présidentielle avec un score (58% au premier tour) qui doit d’ailleurs inviter à la prudence ».

« Quel que soit ce dont on a pu les accuser, l’essentiel n’est pas dans ce qui se donne à voir. L’obsession de les écarter procède bien sûr d’une stratégie de libérer la place pour y mettre autre chose. Et conséquemment dans un objectif qui n’est pas encore clairement décliné mais qui le sera. Visiblement, on cherche à construire de nouveaux rapports de force en moulant la pâte avec de nouveaux ingrédients, dans l’espoir d’obtenir une nouvelle matière conforme aux plans du Président Sall », a écrit celui-ci.

Les pilules Idy et Oumar Sarr ont décidément du mal à passer. Mais dans le cas Idrissa Seck, l’inconstance et la tortuosité qui le caractérisent, le disqualifient très fortement. Il discutait depuis 15 mois avec Macky Sall, mais il a l’impertinence de citer la Covid alors que celle-ci est en train de s’affaisser sous nos cieux. Il avait promis de dissoudre le Cese, l’y voilà. Il avait décrété que la vision de Macky Sall s’arrêtait à Diamniadio, il cheminera avec lui. Il avait même évoqué jusqu’à son incapacité en nous sortant une de ses phrases chocs  et bien à lui : « il veut mais il peut peu ». « Dek bi da fa Macky » (pour dire que le pays est en crise aiguë) aussi. Il en a dit celui-là et il continuera ainsi car c’est pas à son âge que les gens changent.

Il y avait eu aussi ce douloureux épisode de l’affaire des chantiers de Thies. Idy était aux prises avec Me Wade. Il avait été accusé par l’ancien président d’avoir bouffé ses sous avant d’être blanchi par la justice, suite à des allers et retours incessants au palais. Idy très calculateur avait fini par y laisser ses plumes.

A la vérité les libéraux nous pompent l’air. La traque des biens mal acquis est fraiche dans nos mémoires et le gros du bataillon était constitué par eux.  Aujourd’hui beaucoup d’entre eux ont été recyclés par Macky Sall, leur frère. C’est le peuple qui doit en tout cas être bien éreinté par le tournis que lui infligent les politiciens. Il trinque et il continuera toujours à trinquer. Il n'est pas respecté et pourtant ce sont ses sous qui permettent de ferrer de l'opposant et de leur assurer un train de vie. Il assiste aujourd’hui au spectacle qui se déroule à ses yeux, médusé car n'ayant que ses yeux pour pleurer et ses paroles pour s'indigner ou encore ses commentaires inlassables sur les réseaux sociaux ou les « wax sa xalaat ». Il devra certainement attendre les prochaines échéances électorales qu’il ne maîtrise d’ailleurs pas, habitué aux processus électoraux chaotiques et fichiers piégés.

L’Amérique a en tout cas administré au monde entier, la preuve que même les plus coriaces des hommes politiques peuvent être proprement vaincus. Il suffit pour cela de l’organisation et de la méthode. Les citoyens américains ont par exemple su se mobiliser pour stopper les ambitions césariennes d’un homme atypique, grossier, stupide et dangereux pour le monde. Les Assises nationales nous avaient donné la recette. Macky Sall en avait signé la charte, mais à l’arrivée, il avait choisi d’appliquer ce qui lui plaisait.

Et la presse dans tout cela ?

Le rôle de la presse. Une question ô combien légitime en tant que sentinelle de la démocratie ? A « Jakarloo » de ce vendredi 6 novembre, Cheikh Yérim Seck, invité sur le plateau, a fait une leçon de journalisme à Pape Djibril Fall qui semblait dire qu’il ne fait pas de météo politique. « Il n y a pas une presse sérieuse au monde qui ne fasse pas de la météo. Si le journaliste ne peut prévoir ce qui va se produire, à quoi sert-il aux gens ? Moi tant que je serai journaliste, je ferai de la météo. Je dénoncerai tout celui qui négociera en douce. La météo, c’est la noblesse du métier. Si Idrissa s'était réveille et avait fait ce qu’il vient de faire à l’insu de tout le monde, la déception n’en aurait été que trop grande. Il faut que les politiciens sachent qu’ils ne peuvent pas faire des choses que les journalistes vont ignorer. Pape Djibril, tu n’as pas le droit de dire que tu ne fais pas de météo. Les politiciens cherchent à foutre des complexes aux journalistes. Lors des sommets internationaux, le président américain briefe toujours la presse américaine pendant les pauses. La démocratie, c’est la transparence. Il n’y a que dans nos pays que les autorités font ce qu’elles veulent. Si on continue comme cela, la presse ne va plus exister comme pouvoir

Une situation qui renseigne sur le fait que le journalisme ne saurait se réduire à émettre une opinion le vendredi sur un plateau ou à être une caisse de résonnance ou encore le porte-parole de personnes rencontrées au hasard dans l’espace public, voire à manipuler dans un pédantisme sans intérêt des concepts de management en français pour une émission faite en wolof. L’information, eh bien ce sont des faits qui sont l’aboutissement d’une collecte sur la base d’un recoupement qui se fait avec des sources d’informations. Sinon quel serait l'intérêt de créer des écoles si n'importe quel gus doit pouvoir exercer ce métier ? Des sources qui s’acquièrent en tout cas avec le temps et qui s'acquièrent aussi sur la base d'une confiance installée. Le jeune journaliste a encore beaucoup à apprendre de ce point de vue-là. Le plateau qu’il fréquente assidument les vendredis, ne lui permet certainement pas de s’épanouir d’un point de vue professionnel. Il doit commencer le métier en tant que reporter, faire du terrain, gagner en expérience et se doter de capacités à collecter de l’information en se faisant un carnet d’adresses. Intervenir sur les plateaux télés nécessite une bonne connaissance des faits vérifiés, et c’est cela qui fera la différence entre lui et un Birima Ndiaye ou un Bouba Ndour.

Yérim a tout à fait raison. La presse doit davantage chercher à comprendre et à expliquer. Un journaliste même sous couvert de proximité avec un politique, n’a point le droit de travestir les faits dans leur sacralité instaurée par l'éthique et la déontologie du métier. Il ne doit être ni complice des hommes de pouvoir, ni des puissants.

Des ministres ont été limogés, et la presse doit se garder de participer à une entreprise de dénigrement. Il y a en effet une certaine presse complice et des mercenaires en son sein qui manipulent les infos, évoquent de fausses raisons d’un limogeage ou sortent des propos hors de leurs contextes, lorsqu’ils ne relaient pas les basses besognes des politiques. En s’adonnant à cette entreprise peu louable, cette presse-là se rend coupable de trahison. Elle doit davantage regarder les choses en face au lieu d’être tétanisée. Ne plus agir, ne plus résister, ce n’est pas la vocation qu’elle s’est donnée. Elle doit davantage résister, comme le disait récemment Edwy Plenel de "Médiapart" dans une tribune, face à l’aveuglement qu’on lui propose. Celui de ne plus inventer, de ne plus voir les vraies causes, de ne plus interpeller les vraies responsabilités. Cela ne fait que l’affaiblir, la fragiliser face aux affaires obscures et dossiers nébuleux qui impactent négativement la vie des populations et leur bien-être. Ce n’est par hasard qu’elle est considérée comme le 4ème pouvoir.

Idy, dauphin de Macky ou pas ? La presse doit être à l’avant-garde et tenter par tous les moyens d’éclairer la lanterne des Sénégalais. Dans ce même édito de ce lundi, le directeur de publication de "Enquête" nous a rappelé la chose suivante : « l’hypothèse qu’il y aurait un deal entre Macky Sall, Idrissa Seck pour remettre à ce dernier les clefs du royaume procède, à notre avis, d’un enfantillage politique. Dans le meilleur des cas, Idy ne peut être que le plan B. Et à son avantage, quel que soit ce que l’opinion retient de son retour aux affaires, il n’a pas grand-chose à perdre. Il était déjà talonné par Ousmane Sonko à la dernière présidentielle (20,50 % contre (15,67%), n’a pas engrangé entre temps de nouvelles forces à même de lui permettre de se positionner comme le prochain président du Sénégal. Avec le coup qu’il vient de réussir, il peut toujours traquer sa chance, si sa Majesté se casse les dents dans ses manœuvres. C’est tout le bien qu’il devrait en secret lui souhaiter… »

Le journaliste ne s’en est pas arrêté à son assertion, il a ouvert des perspectives en se demandant ce qu’il va advenir des ténors poussés hors du gouvernement et du reste de la classe politique : « Qu’est ce qui va se passer après ce coup faussement KO ? Les ténors écartés vont-ils se contenter d’avaler la pilule ? Quid du supposé boulevard donné à Ousmane Sonko ? Et Khalifa Sall alors ? Forcément il y aura une redistribution des cartes. Et les politiques ne sont pas les seuls acteurs. Le peuple surtout, observe, décortique et analyse. Il y a une sorte de puérilité des politiques, surtout lorsqu’ils sont au pouvoir, qui consiste à croire que les citoyens ne sont jamais assez éveillés pour comprendre. Me Abdoulaye Wade lui-même pensait qu’il était le plus fort et le plus intelligent (au point de s’autoriser un “wax waxeet” magistral) alors que la force le désertait à cet instant. »

C’est à la réponse à ces questions relatives à l’évolution du jeu politique et de la vie économique que la presse sera encore et toujours attendue. Collecter, recouper (vérifier), expliquer, faire comprendre. Tout simplement.