NETTALI.COM - C’est à une fin d’année bien morose et d’affrontements qu’on a affaire sous nos cieux. Il y a comme qui dirait un vent de frustrations qui souffle et auquel la politique et la pandémie ne sont pas étrangères. Si ce ne sont pas les artistes ou les lutteurs qui se plaignent, ce sont des politiques, des religieux et pas des moindres qui manifestent leurs colères.

Sur le terrain politique comme depuis un bon bout de temps, un vent d’oppositions souffle de manière continue. Il va en devenant plus fort au fur et à mesure que des actes sont posés. Dans la coalition présidentielle, Me Moussa Diop et Aminata Touré n’entendent pas céder aux menaces de Macky Sall qui, semble-t-il, leur aurait envoyé l’Inspection générale d’Etat (Ige), suite à l’expression de leurs positions sur le 3ème mandat.

Il a en tout cas du souci à se faire, notre cher président, lui qui pensait qu’il allait dérouler tranquillement sans connaître d’oppositions notables. C’est en effet une illusion que de croire que l’on peut ferrer tout le monde. Qu’on peut enfumer quelqu’un sans s’attendre à un retour de flammes. Mais cela a du bon pour nos démocraties d’unanimisme.

Me Moussa Diop, le leader du mouvement "AG Jotna" et ancien DG de « Dakar Dem dikk », estime n’avoir rien à craindre d’autant plus qu’il se croit blanc comme neige. Il reste bel et bien dans la mouvance présidentielle, tout en gardant sa liberté de ton et plus exactement, selon ses termes, en étant dans ce qu’il appelle le camp B. C’est-à-dire celui de ceux qui rament à contre-courant de la ligne officielle. Pour lui, la mouvance présidentielle n’appartient à personne, et le mérite revient au petit poucet qui a amené Macky Sall à défier le président Wade. Sans eux, il ne serait pas président. C’était ce dimanche 27 décembre à “Grand Jury” de la Rfm, face à Babacar Fall qu’il a fait cette déclaration.

L’ancien patron de « Dakar Dem Dikk » se dit même prêt à se battre contre un troisième mandat de Macky Sall. Selon la robe noire, le locataire du palais risque d’être esseulé car certains de ses proches vont aussi mener le combat. « Il y a des gens quand vous les avez au téléphone, ils ne vont pas parler. Mais quand vous les avez sur télégramme, ils vous diront, ils vous diront“, insiste-t-il. Non sans révéler ceci : ”J’échange avec ma sœur Aminata Touré que je respecte beaucoup. ” » Et c’est à peine s’il n’a pas demandé à ceux qu’il appelle des super ministres limogés de se lancer dans la bataille. « Si les anciens ministres comme Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Ba, Me Oumar Youm, Makhtar Cissé considèrent qu’ils doivent mener ce combat, je pense que c’est le moment de le faire. Ce n’est pas parce que vous êtes limogé que c’est la fin du monde. En 2008, Macky Sall a vécu la même situation, mais il avait pris ses responsabilités en démissionnant du Pds et de l’Assemblée nationale“. Aussi, les invite-t-il à prendre leurs responsabilités, comme l’a fait Mimi Touré.

Me Moussa Diop n’a pas dit que cela car il s’est aussi insurgé contre le ni oui, ni non de Macky Sall. Et c’est pour dire : « Le 31 décembre 2019, votre pertinente question a créé le problème car avant c’était clair. Macky Sall avait dit clairement qu’il allait faire deux mandats et partir. Alors pourquoi le ni oui ni non? Quand les gens savent que vous ne ferez pas de troisième mandat, ils vont continuer tranquillement à travailler. C’est comme aux États-Unis, le président sait qu’il va partir après deux mandats et c’est tranquille. Mais quand vous dites ni oui ni non, les gens vont commencer à se préparer à un 23 juin bis et à se poser des questions».

Après Moustapha Diakhaté, Sory Kaba et Me Moussa Diop, celle qui semble avoir mangé du lion, c’est bien Aminata Touré. Elle répond coup pour coup et donne l’air de ne pas vouloir céder du terrain à Macky Sall. Façon marquage à la culotte. Macky pose un acte. Elle en pose un autre, elle aussi. Une sorte de course-poursuite, avec une posture quelque peu nuancée. Les politiques ont cette manie du clair-obscur. En effet dès l’annonce de l’envoi par certains médias, d’une mission de l’Inspection générale d’Etat au Conseil économique social et environnemental, Mimi Touré avait répondu avec des propos empreints de fermeté au journal« Le Quotidien » : « Je n’ai pas encore été au courant d’une telle mission mais, de toute façon on l’attend avec sérénité », avant de préciser sa pensée comme pour dire qu’elle a elle-même commis son audit : « Les choses seront claires et on passera à autre chose. J’ai moi-même procédé à un audit d’entrée par un cabinet habilité, suite à la consultation de prestataires. Je demande mieux, un audit par les organes habilités de l’Etat du CESE depuis 2013, date de sa création au jour de mon départ ».

Une réaction qui a suivi sa déclaration à l’occasion du sommet virtuel sur les limites de mandat constitutionnel en Afrique. L’ancienne présidente du Conseil économique, social et environnemental (Cese) s’est prononcée sur la question du troisième mandat affirmant qu’elle était derrière nous, estimant que le président Macky Sall a été réélu le 24 février 2019, et avait lui-même soutenu à de nombreuses reprises, qu’il effectuait son second et dernier mandat.

Dans le « Jeune Afrique » de ce 26 décembre, elle a remis une couche, affirmant tout de go qu’“en politique, l’ambition n’est pas un délit, au contraire”. Elle ajoutera, tout en étant quelque peu nuancée sur ses ambitions présidentielles : « dans un système politique concurrentiel, on ne reste pas assis à regarder passer les trains. Un politicien sans ambitions, c’est un politicien qui ne vous dit pas la vérité. Bien sûr, encore faut-il que cette ambition dévorante ne vous conduise pas à la déloyauté. Mais elle est le signe qu’on souhaite passer à une étape ultérieure, pour être encore plus utile au pays. Personnellement, je suis pour que l’on célèbre l’ambition saine. Concernant les ministres qui ont quitté leur fonction, c’est à eux de définir comment ils se projettent pour la suite »

Une ambition présidentielle qu’elle veut toutefois saine, si d’aventure, cela venait à être à l’ordre du jour : “Nous en parlerons en temps voulu. J’ai déjà dit que ce débat me paraissait prématuré. Tant de défis se posent à nous, notamment avec cette pandémie, qu’on ne va pas faire de la politique du matin au soir pendant les trois prochaines années. On peut s’exprimer sur des positions de principe, on peut rassembler ses amis, mais les ambitions politiques des uns et des autres ne sauraient devenir l’activité numéro 1 du pays comme s’il s’agissait de sa production nationale brute. »

La volonté de donner un écho international à l'affaire est manifeste en raison du choix de la tribune et du support. L’international, c’est aussi son terrain de prédilection. Une situation qui augure finalement d’oppositions certaines plus virulentes à venir. A moins que Macky Sall ne revienne à de meilleurs sentiments. On voit mal une Aminata Touré ou un Me Moussa Diop rétropédaler. Mais comme les politiques ont l’âme de caméléons, on ne sait jamais avec eux. Où ranger les déclarations de Me Diop selon lesquelles, des partisans actuels de Macky Sall nichés dans les rangs marron-beige vont s’opposer au 3ème mandat ? Bluff de politicien ou pas, le temps nous édifiera.

Et les religieux se lâchent…

Mais pour l’heure c’est un autre front emmené par un religieux qui s’est ouvert. Un personnage de premier plan, le Khalife de Léona Niassène. Un type de sortie rarement vu sous nos cieux. Il a en tout cas sérieusement mis en garde Macky Sall contre toute velléité de les empêcher de célébrer la ziarra annuelle. «Je tiens à avertir le président de la République, pour la ziarra de cette année, rien ni personne ne pourra nous l’interdire. Nous sommes prêts à en découdre avec tous ceux qui veulent nous l’en empêcher, quitte à y laisser notre vie», a-t-il déclaré dans une vidéo rendue publique. Avant de se faire plus menaçant : «J’ai des soldats qui sont des djinns et si le Président ne me croit pas, je vais les envoyer au Palais tout de suite. A Kayee, le préfet a interdit le Gamou et a envoyé des gendarmes sur les lieux pour les empêcher de faire leur Gamou. Cela, au moment où le président a, récemment, fêté son anniversaire en grande pompe, ses invités ont chanté et dansé sans s’inquiéter. Pourquoi, maintenant, ils veulent nous interdire d’organiser nos activités religieuses ? ».

Le Khalife n’est pas loin même d’exclure toute possibilité de rencontre avec le président. «Venant de lui, je ne veux rien du tout. D’ailleurs, je ne lui demande pas de m’accorder une audience. C’est vrai je voulais le faire parce que je l’estimais beaucoup mais je n’en veux plus. Je ne veux pas de son audience et s’il m’en demande je la lui refuserai. S’il avait la moindre estime pour Feu El Hadj Ibrahima Niass, il n’allait pas interdire notre ziarra. On l’a fait l’année dernière par respect et par considération mais cette année nous ne reculerons devant rien, nous n’allons pas reporter cette ziarra. S’il veut un combat contre mes djinns, il l’aura cette année». Le khalife général de Léona Niassène est allé même jusqu’à menacer les forces de l’ordre qui tenteraient d’entrer à Léona Niassène. Il les transformera tout simplement « en ânes et leurs véhicules en cafards».

Une autre sortie qui n’est pas très éloignée de celle du khalife, c’est celle d’Imam Alioune Moussa Samb. Un débat à la fois politico-social où se mêle le religieux pourtant réputé proche du pouvoir. Un débat sur la suppression de villes dont Dakar et qui tient à cœur les lébous. Selon Imam Samb, «l’État n’a rien à Dakar. Tout appartient aux Lébous ». Et celui-ci, tout comme le khalife s’est fait menaçant en ajoutant : « qu’ils ne nous cherchent pas. Trop, c’est trop. L’Etat n’a rien à Dakar, tout appartient aux lébous. Nous ne laisserons pas faire. S’ils nous cherchent, ils nous trouveront. Qu’on ne nous pousse pas à la révolte. Nous ferons face à toute forme d’agression. Que ceux qui nous gouvernent sachent que le Cap-Vert ne leur appartient pas et ne leur appartiendra jamais. Nous avons des papiers clairs. Il est temps qu’on nous respecte. La France, elle-même, ne nous a jamais gouvernés. Personne ne pourra falsifier les choses. Ce qui s’est passé en Algérie aura lieu chez nous ».

Idy prend sa part de fronde ...

« Si ce n’est pas toi, c’est donc ton frère » comme dans une certaine fable. Devrait-on dire. Si ce n’est « Mbourou » qui subit les assauts, c’est « Soow » pour reprendre l’expression récente d’Idrissa qui voulait nous dire que lui et Macky Sall sont tout sucre, tout miel. Une sorte de symbiose. L’ex-maire de Thiès doit être bien pressé de se débarrasser de son ancien numéro 2 de Rewmi, Déthié Fall qui mène l’opposition du moins de l’intérieur.

Après avoir pris une posture contraire à la ligne imposée par son patron à l’hémicycle, M. Fall a tout simplement rejeté le poste de secrétariat national chargé du développement industriel auquel il a été nommé, suite à un réaménagement au Rewmi. "Après ma destitution du poste de vice-président de Rewmi suite à ma dernière sortie à l’Assemblée nationale, lors du passage du ministre de l’Agriculture, j’ai pris connaissance ce jour de ma nomination au poste de secrétaire national chargé du développement industriel. Je remercie le Président Idrissa Seck et décline en même temps ce poste", a écrit Déthié Fall dans un bref communiqué. Mais celui-ci ne s’en est pas arrêté là puisqu’il entend poser des actes. C’est le sens certainement de ce rendez-vous qu’il donne prochainement : “Je vous donne rendez-vous très prochainement pour mon engagement politique exclusivement orienté au service du peuple sénégalais.

… Les lutteurs s’en mêlent…

Mais le vent de mécontentement semble aussi avoir touché les acteurs culturels divisés par les montants remis par Macky Sall en guise de soutien, suite aux restrictions imposées à leur corporation. En effet, après 3 milliards, ce sont, 2,5 milliards supplémentaires qui leur ont été octroyés. De l’argent que certains artistes et acteurs culturels ont accepté, si on en croit le journal EnQuête avec l’option de faire taire leurs revendications, le temps que la courbe de contamination soit à la baisse ; d’autres ont par contre “rejeté” l’enveloppe et continuent de réclamer la réouverture immédiate des salles de spectacle.

Le rappeur et membre fondateur du mouvement « Y'en a marre », Simon Kouka, interrogé par le même support, s’est dit indigné, estimant qu’il faudrait donner les 2 milliards 500 millions aux forces de sécurité pour encadrer les soirées. Car selon lui, les 3 milliards octroyés aux artistes durant la première vague de la pandémie n’avaient pas servi à grand-chose. Ainsi, a fait savoir M. Kouka : « On ne se battait pas pour qu’on nous donne 2 ou 3 ou même 10 milliards. Ce n’est pas ça le combat. Le combat, c’est pour qu’on rende aux artistes leur dignité. Aujourd’hui, il n’est pas question que les artistes aillent faire la queue, que chacun prenne sa part. Ce n’est pas une question de chanteurs, danseurs ou d’instrumentistes seulement. Ça concerne toutes les personnes… »

Auparavant, emmenés par Ngoné Ndour, c’est le roi du Mbalax qui avait assuré la médiation auprès du chef de l’Etat. Les artistes s’étaient alors vu interdire leur manifestation à la Place de l’Obélisque avant de la braver et d’organiser un sit-in sur les lieux, tout en respectant la distanciation physique.
Une situation qui, semble-t-il a fait effet boule de neige chez les lutteurs qui n’ont pas été indifférents. Eux aussi se sont réunis pour demander l’ouverture de l’arène. Et c’est Gris-Bordeaux qui s’est montré le plus virulent en se demandant dans l’Observateur : « Au nom de quoi la culture touche 5 milliards et la lutte 27 millions ». Balla Gaye lui propose d’ouvrir la lutte « en respectant les mesures barrières » dans Sunu Lamb. L’on ne semble pas pour le moment vouloir du huis clos qui semble être la seule possibilité offerte aux acteurs de l’arène.

A Saint-Louis, c'est un collectif qui s'est insurgé contre le funeste projet de Mansour Faye qui veut par tous les moyens rebaptiser, l'avenue Charles de Gaule en avenue Macky Sall. Et de surcroît de son vivant ! Comme quoi l'excès de zèle conduit à tout. Et malgré les oppositions, il semble ne pas démordre. C'est vrai qu'il n'est pas très futé ce beauf qui ne cesse de jour en jour, de couler les oeuvres du président.

Une situation de fin d’année en tout cas bien électrique pour l’heure. Et c’est Macky qui doit se faire du souci, avec autant de front ouverts. La politique politicienne est à ce prix. Elle a aussi ses revers et ses retours de flammes. On ne peut pas impunément vouloir être maître du jeu, tirer les ficelles et espérer ne pas rencontrer d’oppositions. C’est aussi à cela que sert le jeu démocratique, il trouvera toujours à un moment ou à autre, les instruments de son propre équilibre. Affaires à suivre. Bonjour 2021 !

PS : Nous ne pouvions terminer l’année et cette chronique sans prier pour le repos de l’âme de la sainte Sayda Mariam Niasse. C’est en effet un hommage unanime que lui a rendu une bonne partie de la presse sénégalaise qui a vu en elle, une inlassable serviteur du Coran, « une fidèle complice » du Livre Saint ou encore cette « mère que Médina Baye a perdue ». Un grand hommage aussi est aussi allé à Idrissa Diallo, maire de Dalifort qui vient de disparaître. Homme de conviction et loyal, il a été un fidèle compagnon de Khalifa Sall au sein de "Taxawu Dakar". Le général Niang également. Ancien ministre de l'Intérieur et homme de consensus, il a valu beaucoup de satisfactions au Sénégal. 

Nous prions également pour le repos de l’âme de tous les autres disparus de 2019 : le combattant de la presse, le généreux Babacar Touré ; les professeurs Sourang et Iba der Thiam ; le patriote Pape Diouf ; l'homme au gros coeur de lion, Pape Bouba Diop ; le guide religieux Pape Malick Sy ; le religieux Bamba Ndiaye. Nous n’oublierons jamais Amath Dansokho, le combattant de toujours, disparu en 2019. Que 2021 soit une année de paix et de prospérité pour les Sénégalais et étrangers qui vivent parmi nous. ! L’année de la fin de la pandémie, l’une des causes de toutes ces frictions actuelles.