NETTALI.COM - On ne peut pas dire que Moustapha Diakhaté n’a pas rendu service à la presse ces derniers temps. Celle-ci aura en tout cas couvert, de bout en bout, toutes ses sorties, friande qu’elle est de ce genre d’affrontements qui lui permet de ne pas faire beaucoup d’efforts, en tout cas pour une bonne partie de ses titres.

Elle a suivi le feuilleton Diakhaté et Sall jusqu’au bout comme elle ne le fait pas d’habitude sur d’autres sujets plus importants et d’utilité publique. Il est vrai que celui-ci ne manque pas d’intérêt pour le public, de par son côté lié au mandat présidentiel que Diakhaté a décidé d’arrêter à 2024. Mais il est dans le fond une affaire strictement privée puisqu’elle concerne un parti politique, l’Alliance pour la république (Apr).

Quoi qu’il en soit Macky Sall a sonné la fin de l’affrontement en excluant Moustapha Diakhaté de l’Apr et l’a envoyé se plaindre hors de ses rangs. L’invitation à la médiation de Mbaye Ndiaye, absent de la commission de discipline, n’y fera rien puisque le communiqué qui est issu du Secrétariat exécutif national (Sen) de l’Apr de vendredi, a révélé que « le Sen a soutenu à l’unanimité et sans réserve cette décision d’exclusion qui est prise par le Président Macky Sall ». Autrement dit, la commission de discipline n’a fait qu’entériner une décision du chef de l’Apr. Et pourtant, dans le même texte, on peut lire : « le Président Macky Sall a approuvé la mesure disciplinaire issue  de la réunion de la Commission de discipline tenue sur instruction du président du parti, le 21 janvier 2020, en parfaite conformité avec les textes qui régissent notre parti ». Ce qui veut dire que Macky Sall avait demandé aux membres de la commission de discipline de se réunir pour exclure Moustapha Diakhaté. Une manière de mettre la forme sur une décision qui vient de lui. Et de personne d’autre.

Une décision qui ne surprend personne au fond, au regard de la nature et de la configuration des partis politiques sénégalais dont le caractère patrimonial n’est plus à démontrer. Le leader du parti est au début et à la fin des décisions et il y règne en demi-dieu ayant droit de vie et de mort sur les membres.

Et ce n’est guère un hasard si dans les conclusions de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), figurait en bonne place la proposition de séparer la fonction de président de la République de celle de chef de parti.  Macky Sall, malgré sa signature de la charte des Assises nationales, avait pour sa part choisi de faire son marché parmi les fameuses propositions de la commission. Pourquoi dès lors s’étonner que les choses en soient à ce stade, seulement maintenant ? Les signaux avant-coureurs étaient déjà envoyés, et c’est bien illusoire dès lors de penser que le président Sall bouleverserait l’ordre des choses après cette hostilité manifeste aux conclusions de la Commission.

Au regard de la tournure des événements que pouvait espérer Moustapha Diakhaté, sinon l’exclusion ! Certains observateurs dans leurs analyses, ont vu dans sa bravade contre Macky Sall, une atteinte de ses objectifs, à savoir l’exclusion du parti présidentiel. Rares en effet sont les médias qui ne l'ont pas invité. Mais, c’était toujours la même ritournelle. Les mêmes assauts répétés, les uns toujours plus virulents que les autres. Une sorte de stratégie de la terre brûlée qui n’épargnait aucun aspect de la gouvernance de Macky Sall.

La réalité, c’est qu’entre Macky Sall et Moustapha Diakhaté, les choses n’ont jamais été simples. Même si d’aucuns lui reprochent à tort ou à raison, un dépit amoureux né de la perte de supposés avantages et privilèges. Moustapha agirait, selon eux comme s’il venait de découvrir les tares de la gouvernance après près de 8 années !

Mais avec Diakhaté, même à l’époque du pape du Sopi, le compagnonnage n’a jamais été un long fleuve tranquille. L’on se rappelle de ces moments-là, où en  compagnie de Moustapha Cissé Lô et de Mbaye Ndiaye, il avait pris la défense du président de l’Assemblée nationale d’alors, Macky Sall, pris pour cible par les faucons de la Génération du Concret. Il jouera même un rôle décisif pour porter ombrage à Karim Wade, puisqu’avec l’ancien ministre de l’Environnement Lamine Bâ, il monta une liste parallèle aux locales de 2009. C’est, en partie, à cause de cette liste que le Pds perdra la bataille de la capitale, à l’occasion de ces élections-là.

De même quelques années plus tard, M. Diakhaté menacera de démissionner de son poste de président du groupe parlementaire majoritaire, mais diffère l’échéance. A la veille des législatives de 2017, il s’opposera ouvertement à l’investiture du frère du chef de l’Etat, Aliou Sall qui n’avait finalement pas d’autre choix que de se retirer des listes. Il y a de cela quelques mois, lors d’une édition de l’émission “Yoon Wi”, sur les ondes de la Rfm, le « rebelle » avait osé critiquer la présence de membres de la famille présidentielle au cœur de l’Etat. Face à El Hadj Assane Guèye, il avait franchi le Rubicond, en faisant des rapprochements avec le supposé projet de dévolution monarchique du pouvoir qui était prêté à Me Abdoulaye Wade, alors accusé de vouloir confier les rênes à son fils Karim. S’il coule de source qu’entre l’ex-chef de cabinet du président de la République et le frère de ce dernier le courant ne passe pas, Moustapha Diakhaté a dit tout haut ce que d’aucuns pensaient tout bas, relevant que Macky Sall ne peut pas être président de la République et son frère, président de l’Association des maires du Sénégal (Ams).

Ces attaques contre Aliou sont reliées aux intrigues de cour relatives à la succession, ouverte, du président Sall. Pour d’aucuns, Moustapha Diakhaté est un pion que la première dame active à sa guise, pour isoler le maire de Guédiawaye.

Le professeur d’histoire à Columbia University des Etats-Unis, Mamadou Diouf y est d'ailleurs allé de son commentaire, concluant qu’il y a des anomalies à l’Apr. « Ce qui est anormal dans ce jeu politique au sein du parti présidentiel, c’est l’idée (du président Macky Sall) d’étouffer les ambitions politiques des uns et des autres en gardant le flou sur un 3ème mandat qu’il ne pourra jamais briguer à moins qu’il change la constitution. La conséquence qui découle de cette stratégie, c’est qu’elle va miner et l’appareil d’Etat et l’appareil politique, l’Apr », a précisé celui-ci. Une situation qui ne manquerait pas de conséquences. « Il va y avoir des tensions de plus en plus importantes entre l’appareil d’Etat et l’appareil politique c’est-à-dire l’Apr, d’une part. Et d’autre part il va y avoir une cacophonie de plus en plus importante“, a prévenu l’historien à Objection de Sud FM de ce dimanche 26 janvier.

Mais toujours est-il qu’avant son exclusion, Moustapha Diakhaté avait frappé en plein cœur de sa cible en centrant le débat sur la question de la limitation des mandats. En clair, à défaut de pousser le chef de l’Etat à dire clairement ce qu’il compte faire à l’horizon 2024, il aura réussi à imposer ce débat à l’opinion et prend date pour la suite des événements. «L’urgence, c’est la reconstruction de l’Apr. Depuis 11 ans, on est dans le provisoire. Il nous faut refonder le parti dans sa structuration, dans son organisation, dans son fonctionnement et même dans son idéologie. Dans les tout prochains jours, je prendrai une initiative de nature à regrouper des militants et militantes de l’Apr qui ont le souci d’organiser le parti et de faire de l’Apr un espace de réflexion et de propositions. Ce sera à l’intérieur du parti», avait-il déclaré à l’édition du 19 janvier 2020 de l’émission “Jury du dimanche” de Mamoudou Ibra Kane.

L’ancien Président du groupe parlementaire a décliné les objectifs de Mànkoo Taxawu sunu Apr / Initiative pour la Refondation de l’Alliance qui s’articulent autour des points suivants :

  • Reconstruire la confiance de l’engagement militant dans l’Apr ;
  • Revitaliser la démocratie interne, participative et inclusive;
  • Réfléchir sur les missions fondamentales du parti ;
  • Améliorer les modes d’intervention du parti au profit des populations ;
  •  Proposer des solutions de gouvernances innovantes à destination des instances, structures internes et organismes affiliés.

Que vont valoir ces objectifs fixés par Diakhaté, maintenant qu’on lui a demandé d’aller voir ailleurs ? Ses récriminations, auront-elles le même poids ? Abdoul Mbow pense qu’il peut tout utiliser sauf le mot Apr pour nommer son mouvement. Le ministère de l’Intérieur va-t-il s’en mêler pour lui interdire l’utilisation de l’appellation Apr ? Va-t-il lui-même saisir la justice pour s’opposer à cette décision, question de faire durer le suspense ? Les prochains jours nous édifieront quant à l’issue de ce feuilleton dont les médias ne sont certainement pas pressés de voir la fin car pour eux, c’est du pain béni.

Pendant ce temps, le dialogue national est en train de se poursuivre sous nos tropiques avec son cortège de polémiques. Et l’on se pose la question du sort qui va être réservé à ses recommandations, si l’on se souvient bien de celles de la CNRI qui étaient finalement rangées dans des tiroirs, à la merci des cafards. Un dialogue qu’on a en tout cas fini de critiquer de par l’absence des partis les plus significatifs du paysage politique, de celle des mouvements de jeunes les plus dynamiques et surtout des chercheurs dont l’importance n’est pas à négliger. De même l’idée d’un dialogue qui devrait se pencher sur les aspects d’envergure nationale et non uniquement politique.

Mais s’il y a une question d’actualité qui a semblé embarrasser et indisposer beaucoup de monde, c’est la sortie de Seydi Gassama qui a évoqué la question de la légalisation de la consommation du cannabis. Il a essuyé une pluie de critiques conclues par un rejet quasi général. Et si ces ONG d’inspiration occidentale arrêtaient pour une fois de recourir au système de plaquage des expériences en provenance de ces pays ? Ils oublient sans doute que l’Occident a des réalités différentes des nôtres. Bien sûr le Sénégal semble être devenu un pays de transit de la drogue car les prises de plus en nombreuses de drogue, montrent aussi que les forces de sécurité n’ont pas baissé les bras. Mais de là à envisager une légalisation de la consommation pour faire face, il y a une limite qu’il ne faudrait pas franchir. La même détermination employée pour lutter contre la drogue, devrait être utilisée contre la corruption. Birahim Seck a communiqué sur le sujet dans les médias, mais visiblement, ceux-ci ont semblé avoir d’autres priorités.