NETTALI.COM - Les parents d’élèves de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar, regroupés autour du Comité école pour tous, vont porter plainte vendredi prochain, si la Direction de l’école ne sursoit pas à l’interdiction du port du voile pour l’année scolaire 2019-2020.

C’est parti pour un bras de fer juridique. Les parents d’élèves de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar, regroupés autour du Comité école pour tous, qui avaient menacé d’ester en justice contre l’école, vont passer à la vitesse supérieure. Ils vont porter plainte dès vendredi au niveau de la Police contre la Direction de l’établissement qui a décidé d’interdire le port du voile à l’école. Riad Kawar, porte-parole du Comité de l’école pour tous : «On avait d’abord déposé une sommation interpellative au niveau de l’Institution Sainte Jeanne D’Arc de Dakar, mais elle a été en stagnation. Maintenant, on attend de voir le comportement des responsables de l’école. Si nos enfants sont encore expulsés aujourd’hui, comme cela a été le cas hier, on va, par l’entremise de notre avocat, porter plainte contre la Direction, au niveau de la Police. Cette plainte sera sûrement déposée en fin de semaine, demain vendredi.»

Pour Riad Kawar, c’est la seule alternative qui s’offre aux parents d’élèves mis devant le fait accompli. «Les filles ont été dispensées de cours. On leur a demandé de quitter la salle, puis elles ont été expulsées. Quand on dispense des cours aux filles, on les expulse. Certaines filles ont craqué, car elles ont été humiliées. Aujourd’hui, l’école campe toujours sur sa position. Apparemment, les responsables sont confiants et sûrs de leurs lois. Nos enfants se sont réinscrits depuis, leur scolarité et frais d’inscription ont été encaissés par l’école, mais elles sont renvoyées à la rentrée des classes. C’est inadmissible», crie-t-il au bout du fil. Avant de jurer la main sur le cœur, que l’objectif du Comité de l’école pour tous n’est pas de nuire, mais de se battre au quotidien pour permettre à toute personne d’aller à l’école, quelles que soient son origine et sa race.

Pour sa part, la Direction de l’école veut régler le problème à l’amiable, évitant du coup le terrain très sinueux de la justice. Même s’il est clair qu’elle ne compte aucunement faire marche arrière. Rayanna Tall, proviseure de l’Institution Sainte Jeanne d’Arc de Dakar : «Je ne suis pas au courant et je n’ai pas reçu d’informations ou d’éléments concernant une éventuelle plainte. Mais, s’il y a effectivement une plainte, on prendra connaissance de cette plainte et se positionnera en ce moment-là. Nous avons rencontré et parlé avec des familles, nous ne sommes pas pour le terrain juridique. Nous souhaitons que soit démarrée l’année scolaire qui passe vite, pour nous concentrer exclusivement et pédagogiquement à l’apprentissage de tous nos élèves. Nous souhaitons que tout se passe dans le calme, dans la paix et la sérénité pour nous concentrer sur nos élèves.»

En mi-juin, la Direction de l’Institution Sainte Jeanne D’Arc de Dakar a, via un communiqué envoyé aux parents d’élèves, informé l’interdiction du port de voile à l’école, à partir de la rentrée de ce mois de septembre. Une décision, selon elle, «conforme à ce qui a toujours été observé dans l’ensemble des établissements de la Congrégation à travers le monde (57 pays), et en particulier, dans la province de l’Afrique de l’Ouest, composée du Sénégal, du Burkina-Faso, du Niger et du Togo». Mais pour les parents d’élèves de l’école regroupés autour du Comité école pour tous, le règlement intérieur de l’école en vigueur depuis 2017 autorise le port du voile, en son article 5.2. Cet article dispose : «La tenue vestimentaire doit être propre, décente, respectant les règles d’hygiène et de pudeur par respect pour autrui. La coiffure doit rester discrète et soignée. Les chemises doivent être boutonnées, ne laissant ouvert que le bouton du col. Le port du voile est autorisé, aux couleurs de l’institution (blanc ou bleu-marine). L’uniforme avec le logo de l’Institution est obligatoire et vendu dans l’établissement. Aucune autre tenue n’est acceptée. Le port des casquettes, les piercings, le maquillage du visage et du corps, le vernis, les tongs, les claquettes ou espadrilles en savate sont interdits. Le port d’une tenue spécifique est exigé pour certaines disciplines : travaux pratiques de physique et de chimie (blouse blanche en coton). Pour l’Eps (Éducation physique et sportive), la tenue de l’établissement est obligatoire (polo blanc et short ou jogging bleu-marine, avec le logo de l’Institution)».

Selon les parents d’élèves de l’établissement, la loi sénégalaise n’interdit nullement le port de voile dans les écoles laïques franco-sénégalaises. Cela est d’autant plus vrai qu’au Sénégal, les principes généraux de l’éducation sont prévus par la loi n° 2004-37 du 15 décembre 2004 modifiant et complétant la loi d’orientation de l’éducation nationale n° 91-22 du 16 février 1991. Et dans son Article 4, cette loi qui dispose : «l’éducation nationale est laïque : elle respecte et garantit à tous les niveaux la liberté de conscience des citoyens. Par ailleurs, l’éducation nationale, sur la base des principes de laïcité de l’Etat, est favorable aux établissements privés susceptibles de dispenser un enseignement religieux.» Dans le même ordre, l’Article 5 du même texte législatif dit que «l’éducation nationale est démocratique : elle donne à tous des chances égales de réussite. Elle s’inspire du droit reconnu à tout être humain de recevoir l’instruction et la formation correspondant à ses aptitudes, sans discrimination de sexe, d’origine sociale, de race, d’ethnie, de religion ou de nationalité. Cette même loi de 1991 précise également que «l’éducation nationale reflète également l’appartenance du Sénégal à la communauté de culture des pays francophones, en même temps qu’elle est ouverte sur les valeurs de civilisation universelle et qu’elle s’inscrit dans les grands courants du monde contemporain : par-là, elle développe l’esprit de coopération et de paix entre les hommes» (article5).