NETTALI.COM – Limogés ce lundi 21 octobre, Samba Ndiaye Seck et Moustapha Ka ont, devant le comité des droits de l’homme de l’ONU, pris des engagements au nom de l’Etat du Sénégal. Une attitude qui a indisposé le gouvernement sénégalais. Aussi, ces deux fonctionnaires de l’Etat, en ont-ils payé le prix.

 En clair, devant la persistance de la thèse du deal au lendemain des retrouvailles Wade-Macky, le second aurait voulu jouer la montre et prendre le temps d’habiller cette décision de réhabiliter Karim Wade. Dakar optait pour un style beaucoup plus diplomatique aux fins de matérialiser un engagement qu’il aurait pris depuis le voyage du pape du Sopi à Conakry. Mais malheureusement pour Macky Sall, ces deux fonctionnaires ont malencontreusement torpillé ce qui semblait être la méthode choisie.

 Deux lampistes limogés

 Samba Ndiaye Seck, directeur de cabinet du Secrétaire d’Etat chargé des Droits humains et de la Bonne Gouvernance et Moustapha Ka, directeur des Droits de l’Homme, deux membres de la délégation sénégalaise à Genève qui avaient pris des engagements devant le Comité des Droits de l’Homme pour la réhabilitation de Karim Wade, ont ainsi été relevés de leurs fonctions. Une sanction prise ce lundi après leur face à face avec le ministre de la Justice, Me Malick Sall.

Pour comprendre les dessous de ce double-limogeage, il faut remonter au mois d’octobre 2018, quand le Sénégal reçut du comité, une correspondance lui rappelant l’application des recommandations qui lui avait été faites un an auparavant. L’Etat était invité à rétablir Karim Wade dans ses droits en réparant les préjudices qu’il aurait subis. Le pays de la Téranga est resté longtemps sans répondre à l’interpellation de l’Organisation des Nations Unies. Ce n’est qu’il y a deux mois que le Sénégal a déposé ses conclusions et la date du 15 octobre fut retenue pour l’audience.

En principe, le représentant du Sénégal aux Nations Unies, Fodé Seck, devait diriger la mission. Mais il se trouve que ce dernier était empêché, puisqu’il avait une réunion du Conseil de sécurité le même jour. Il s’est alors fait représenter par son adjointe Mme Seck. La délégation sénégalaise comprenait également deux fonctionnaires du ministère de la Justice : en l’occurrence Samba Ndiaye Seck et Moustapha Ka. Le premier nommé dirigera la mission puisqu’il était le plus gradé, étant le directeur de cabinet d’un ministre.

Une fois sur place, les représentants du Sénégal, s’exprimant sur l’affaire Karim Wade, ont usé d’un langage tranché, comme s’ils prenaient des engagements fermes au nom de l’Etat. Cette attitude a courroucé les autorités de Dakar au plus haut niveau. Ces dernières voulaient en effet d’un style beaucoup plus diplomatique.

Le lendemain, pour dégager toute responsabilité, le ministre des Affaires étrangères, Amadou Ba, fera publier un communiqué. Son collègue de la Justice Malick Sall, de son côté, se dépêchera de convoquer Samba Ndiaye Seck et Moustapha Ka pour sauver sa peau.

Seck et Ka, 2 fusibles pour sauver 2 ministres

La vérité est que les deux agents du ministère de la Justice n’ont rien à se reprocher. Ils sont juste deux fusibles qui ont sauté pour sauver deux ministres. Ils n’ont fait que répéter ce qui est contenu dans un document déposé deux mois auparavant par le Sénégal auprès du secrétariat du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Document qui avait été déposé par le représentant du Sénégal aux Nations Unis,  Fodé Seck, qui se trouve être un agent du ministère des Affaires étrangères. Amadou Bâ, en tant que ministre de tutelle, ne peut donc en aucun cas ignorer le contenu d’un tel document.

La vérité est qu’il savait qu’un tel document n’était pas destiné à la consommation publique, le comité ne publiant jamais les documents que les Etats lui soumettent. De ce fait, le gouvernement aurait pu continuer à dérouler sa stratégie selon son timing. En continuant le dialogue national, en poussant ses pourparlers avec Abdoulaye Wade et en faisant croire à l’opinion que toute décision prise dans le sens de desserrer l’étau autour de Karim Wade, participe de la volonté de décrispation de l’espace public. Macky Sall pouvait ainsi vendre à l’opinion l’idée que toute décision de faire baisser l’épée de Damoclès qui pesait sur Karim Wade, émane de lui et non d’une injonction d’une structure extérieure.

Mais, ce que les tenants du pouvoir n’avaient pas prévu, c’est que durant l’audition, les membres du comité ont la possibilité de poser des questions et que les représentants du Sénégal étaient obligés de répondre aux interpellations.

Ce que les tenants du pouvoir n’avaient pas encore prévu, c’est que le jour de l’audience à Genève, le représentant du Sénégal aux Nations Unies, un diplomate rompu au langage… diplomatique, serait retenu à Washington pour une session du Conseil de sécurité dont le Sénégal assure la Présidence. Et qu’à Genève, les représentants du Sénégal seraient des techniciens du droit qui n’auront d’autres solutions que de dire le droit, de répéter ce qui est déjà écrit dans le document qu’ils avaient sous les yeux. Ce qui aux yeux des deux agents du ministère de la Justice, ne pouvait pas constituer un crime de lèse-majesté. Ils pensaient même s’être acquittés avec brio de leur devoir. Ils apprendront à leurs dépens que l’Etat-Apr avait un agenda caché qu’ils venaient de faire capoter.

En définitive, les personnalités limogées n’ont pas payé pour avoir commis une faute administrative,  mais elles ont eu tort d’adopter une démarche qui a juste contrarié la stratégie de Dakar, au sujet du dossier Karim Wade.