NETTALI.COM - Alors que la sortie du Parti démocratique était juste au début assimilée une réaction politique de déception, comme en voit souvent dans pareilles circonstances, à l’arrivée, l'emballement de la machine parlementaire à un tel point, laisse craindre des conséquences inattendues dans cette affaire.

Tout est en effet allé très vite. Alors que le groupe parlementaire des libéraux est monté au créneau pour dénoncer ce qu’ils considèrent comme une “décision scandaleuse et inacceptable du Conseil constitutionnel”, à savoir l’invalidation de la candidature de leur leader Karim Wade, le communiqué publié au lendemain de la publication de la liste définitive des candidats, est allé dans le sens d'exiger "la mise en place immédiate d’une commission d’enquête parlementaire pour enquêter sur les conditions d’élimination des candidats à l'élection présidentielle du 25 février prochain et en particulier celle de Karim Wade, candidat de la coalition K24".

A en croire les libéraux, cette commission d'enquête parlementaire « a pour but de faire la lumière sur les circonstances et le processus ayant mené à l’exclusion de Karim Wade et de nombreux autres candidats. Nous ciblerons spécifiquement les problématiques de conflits d'intérêts, de corruption présumée, de violations flagrantes et manifestes du secret des délibérations du Conseil Constitutionnel et de collusion entre certains membres dudit Conseil et des candidats, ainsi que le processus opaque et chaotique d’élimination de candidats lors du contrôle des parrainages ». Car pour eux , il est impératif que notre système électoral reste intègre et soit libre de toutes manipulations et irrégularités de nature à compromettre l’autorité de l’Etat.

Les partisans de Karim Wade ont en effet estimé qu'il est important de s’interroger sur les raisons pour lesquelles « les juges, notamment Cheikh Tidiane Coulibaly et Cheikh Ndiaye n'ont pas pris la décision de se récuser, malgré l’existence de connexions et de conflits .

Par ailleurs, les députés libéraux ont dans le même document, invité « tous les membres de l'Assemblée Nationale à soutenir cette démarche cruciale pour la sauvegarde de la démocratie, des institutions et pouvoirs publics au Sénégal ».

Une demande suivie d'effet puisque le bureau de l'Assemblée nationale a décidé d'examiner la requête en mode fast track puisque des convocations seront envoyées le mercredi 24 pour une demande à examiner le jeudi 25.

Grande a été la surprise pour beaucoup de voir le président de l’Assemblée nationale, membre de la majorité, donner suite de manière aussi diligente, à la requête du parti de l’opposition. C'est ainsi que dans un communiqué, Amadou Mame Diop informait : "Les membres de la Conférence des présidents de leur convocation en réunion, le vendredi 26 janvier à 16 h avec comme ordre du jour : "Calendrier de travail pour l’examen des affaires en instance."

Pourquoi cette diligence, se demandent certains observateurs ? Le président de la République serait-il derrière cette convocation de l’Assemblée nationale ? À quoi joue la majorité ?

Une tournure des évènements guère appréciée par le camp d’Amadou Ba, alors que certains y voient une volonté manifeste de sabotage, en vue d’un report de l’élection présidentielle.

La convocation des députés s’inscrirait dans le même cadre que l’audience accordée avant-hier aux recalés. Dans un post publié sur sa page Facebook et qu’il a supprimé, l’ancien député Cheikhou Oumar Sy, soutien d’Amadou Bâ, se scandalise : "Les manœuvres, cousues de fil blanc sous le prétexte d’une commission d’enquête parlementaire, sont le fait d’un groupuscule bien identifié. Ces individus tentent par tous les moyens de faire dérailler le processus électoral pour préserver des intérêts bassement égoïstes, au risque de plonger le pays dans le chaos."

Même constat d'étonnement de l’ancien député Alioune Souaré, avec toutefois une petite dose de nuance. "Accepter la création d’une commission d’enquête parlementaire sur une affaire qui fait l’objet d’une décision de justice rendue par le Conseil constitutionnel concernant le rejet d’une candidature, constitue un précédent dangereux et une violation de l’article 48 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale".

Dans la même veine, l’expert en droit parlementaire invoque le principe de la séparation des pouvoirs pour justifier le caractère maladroit de cette procédure.

"Aucune disposition de la Constitution ne permet à l’Assemblée nationale de mener des enquêtes sur des faits de corruption accusant des magistrats", souligne le parlementaire qui trouve la démarche "inédite".

Une diligence toutefois saluée par le mandataire de Karim Wade.  "Nous saluons cette démarche de l’Assemblée nationale et nous l’accueillons avec beaucoup d’optimisme. Et aussi c’est le contexte parce que les délais étant serrés parce que si nous voulons voir cette mission aboutir avec des résultats probants, il faut que les choses s’accélèrent. Nous attendons de cette commission qu’elle mène des investigations sur ces questions à savoir la façon dont le contrôle des parrainages et les décisions portant sur l’invalidation de certains candidats ont été menées. Et qu’elle fasse aussi des investigations sur la situation de certains membres du Conseil constitutionnel qui auraient dû se désister pour conflit d’intérêt et autres", a soutenu Magatte Sy, mandataire de Karim Wade.