NETTALI.COM - La prise de contrôle de la ville de Kidal, bastion des rebelles touaregs du Cadre stratégique perma- nent (CSP) par les forces armées maliennes (Fama) marque un tournant dans le conflit opposant l’État central de Bamako et les rebelles touaregs. Cette prise de cette ville stratégique vers l’Algérie va conforter le régime militaire du colonel Assimi Goita qui a fait de la restauration du pouvoir de l’État central sur l’ensemble du territoire national sa principale mission.

Selon un communiqué du ministère de la Défense malienne, les forces armées du Mali (Fama) ont pris le contrôle de la ville sans combattre, le 14 novembre 2023. L’armée malienne, qui s’est emparée de l'aéroport de la ville, a pris possession des points stratégiques de la localité, comme l’ancienne base de la Minusma. Les rebelles du CSP ont quitté la ville bien avant l’entrée des soldats maliens. Cette prise a été saluée par le chef de la junte, Assimi Goita, qui a écrit sur son compte X (ex-Twitter) : “Aujourd’hui, nos forces armées et de sécurité se sont emparées de Kidal. Notre mission n’est pas achevée. Je rappelle qu’elle consiste à recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire, sans exclusive aucune, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité.

Les responsables militaires maliens ont lancé un appel au calme aux populations et le respect des dispositions sécuritaires mises en place par les représentants de Bamako.

Cette prise de Kidal vient achever plusieurs semaines d’opérations militaires menées par les Fama soutenues par la milice russe Wagner depuis leur base de Gao en début octobre. Les rebelles touaregs qui ont essayé de contre-attaquer à Bourem et à Anefis ont vu leur offensive stop- pée nette par l’aviation malienne et les frappes de drones.

La veille, l'armée malienne s’est emparée de la zone d’Alkité, à environ 25 km de Kidal tout en indiquant avoir ‘’déjoué des séries d'embuscades’’ tendues par les rebelles touaregs le 13 novembre. Cette nouvelle prise doit permettre à l’armée malienne et des mercenaires de Wagner d’assurer son contrôle sur l’ensemble du territoire national.

La semaine dernière, plusieurs centaines d’habitants se sont enfuis vers la frontière algérienne dans la crainte d’une attaque frontale de l’armée malienne vers la ville. Les réseaux téléphoniques sont coupés pour contrecarrer les potentiels informateurs de l’armée malienne présents dans la ville.

Une victoire stratégique et politique contre les groupes touaregs dans le Nord-Mali

Une violente campagne aérienne a préparé l’assaut final donné sur la ville longtemps considérée comme l’un des principaux bastions des rebelles touaregs qui réclament le respect des accords de paix d’Alger de 2015 qui garantissaient une certaine autonomie de cette partie nord du Mali. L’arrivée au pouvoir de la junte dirigée par Assimi Goita semble avoir rebattu les cartes. Le nouveau pouvoir mili- taire, qui est sur une ligne souverainiste, déchire l’accord d’Alger et s’est imposé pour principale mission le retour du pouvoir central sur les parts du territoire national malien.

Ainsi, le départ des troupes onusiennes a été l’occasion de mettre en œuvre cette stratégie en s’emparant des cantonnements et autres camps onusiens disséminés dans tout le nord et le centre du Mali. Après la prise de Tessalit, la prise de Kidal, qui est un verrou stratégique vers l’Algérie peut offrir une zone d’expansion pour l’armée malienne vers le territoire nigérien.

Depuis la ville de Kidal, l’armée malienne pourrait aussi encercler la ville d'Aguelhok désertée par les populations. Selon le chercheur et analyste en sécurité Soumaila Lah, la prise de Kidal est considérée comme un goulot d'étranglement pour les différents gouvernements qui se sont succédé depuis 2012. Elle est symbolique. D’autant plus que les précédentes tentatives de l’armée malienne de s’en emparer ont échoué face à la résistance touareg qui dirige la ville depuis 2014.

Toutefois, révèle le chercheur, cette opération militaire ne pourra réellement atteindre ses buts que si elle est conjuguée à une réponse politique. ‘’Il faut également en dernier lieu un retour accompagné de projets de développe- ment durable qui permettent aux populations de ne plus tomber dans l'extrémisme violent et de vouloir défier l'autorité de l'État’’, a-t-il déclaré.

Son homologue Ibrahima Harane Diallo, chercheur à l’Observatoire sur la prévention et la gestion des crises au Sahel, se veut plus prudent par rapport à cette débandade des troupes touaregs dans la ville de Kidal. "Je pense que cette entrée de l’armée dans la ville de Kidal sans pratiquement aucune résistance est quelque part un piège. Cela doit être mûrement analysé afin de prendre les dispositions pour se préparer à d’éventuelles attaques régulières des groupes armés. Je pense qu’il y a une stratégie cachée au niveau de ces groupes et qu’ils vont chercher à se renforcer", a-t-il déclaré dans le journal du Mali.