NETTALI.COM - Et si Ousmane Sonko himself avait inspiré les autorités qui ont instauré le blocus autour de son domicile ? En effet, à la veille de son procès pour viol, le leader de Pastef avait convoqué un conseil municipal à Ziguinchor avant de se retrancher dans son domicile ziguinchorois et de s’y bunkeriser. Ses partisans et sympathisants avaient alors constitué un bouclier autour de lui et avaient même créé un blocus de l’avenue principale menant à certains édifices publics en y érigeant barricades et grosses pierres.

Puis arriva l’épisode de la caravane de la liberté qui sera stoppée aux alentours de Vélingara. Le leader patriotique sera cueilli avant d’être déposé à son domicile. Ses téléphones et son ordinateur sont confisqués par les forces de sécurité et l’accès de son domicile bloqué.

Un blocus qui dure depuis plus d'un mois et qui n’en finit pas de susciter des interrogations quant à son fondement légal. De même se pose la question de savoir pourquoi Ousmane Sonko, jugé et condamné par contumace à 2 ans de prison pour « corruption de la jeunesse », n’a toujours pas fait l’objet d’une arrestation. Ses avocats ont beau crier et le barreau pousser un coup de gueule, rien n’y fait, les autorités n’ont pas desserré l’étau, même si l'un de ses avocats Me Clédor Ciré Ly a fait savoir qu'il a rendu visite à Ousmane Sonko à son domicile, jeudi, jour de la Tabaski.

Peut-être qu'avec ce blocus, les autorités ont-elles fait un raisonnement selon lequel, pour éviter quelques troubles à l’ordre public et des appels à manifester, il vaut mieux restreindre les mouvements du leader patriotique ainsi que et ses possibilités d’organiser des manifestations en vue de donner des consignes. Mais quelle que soit la raison qui pourrait justifier une telle posture des autorités, l’on attend plutôt d’elles à qui est confiée la gestion de nos affaires, qu’elles respectent la loi d’abord avant de la faire respecter par un quelconque citoyen.

Si en effet Ousmane Sonko n’a nullement le droit d’organiser  cette fameuse « caravane de la liberté » à sa guise, sans autorisation, avec à la clef des appels à manifester et les conséquences désastreuses que l’on a connues, marquées par des pillages, saccages, vols, il reste que l’Etat doit être exemplaire à tout point de vue.  En lui appliquant tout simplement les dispositions de la loi et en posant tous ses actes sous le sceau de la loi ?

Une opposition faite d'hostilités et de violences

Jamais de mémoire d’homme, l’affrontement entre un président de la République et son principal opposant n’a connu un tel paroxysme. Si Wade a été un opposant redoutable de Diouf pour s’être battu pendant 26 ans avant d’accéder au pouvoir, l’opposition du Pape du Sopi à son prédécesseur, n’a pas connu le même niveau d’hostilités et de violence que celle Macky-Sonko.

Beaucoup de ceux qui s’activent aujourd’hui sur le terrain politique, étaient bien jeunes ou pas encore nés, quand Me Abdoulaye Wade, alors leader tout puissant de l’opposition sénégalaise, mobilisait les jeunes dans la rue pour instaurer des bras de fer continus et stressants au président Abdou Diouf. Ceux qui connaissent bien Me Wade diront que le plan développé à l’époque par le « Pape du Sopi » est celui qu’on appelle « Stratégie du bord du gouffre », qui consiste à entrainer son adversaire jusqu’au sommet de la falaise, pour lui faire entrevoir le danger de la chute (et donc de la mort certaine).

Mais Me Abdoulaye Wade, « gaindé » et « leuk » en même temps, savait aussi manier les bonnes vertus de la discussion. Il laissait toujours des brèches et une ouverture pour désamorcer la « bombe » avant qu’elle n’éclate, au prix souvent de sa crédibilité politique. C’est bien cette posture qu’il partageait avec des hommes à l’intégrité reconnue, tels Maguette Thiam, Dansokho, Bathily, etc., qui a rendu possible les différents gouvernements d’union que le Sénégal a connus dans les années 90. C’est aussi cela la différence fondamentale entre le « Bleu en chef » de la période des braises et les nouveaux caïds de la pègre politique.

Mais aujourd’hui, ce à quoi l’on assiste, c’est une guerre sans merci,  dans une sorte de jeu de la mort entre le pouvoir en place et Ousmane Sonko, l'opposant le plus populaire et le plus frontal. Les appels au calme des chefs religieux ne sont plus écoutés et encore moins entendus. La société civile est, elle, en grande partie devenue bien trop politisée et affaiblie pour assumer convenablement son rôle.

On assiste à un vrai ensauvagement de l'espace politique. Et disons clairement la politique s’est gravement dépréciée sous nos Tropiques. Il  y a aujourd’hui comme une sorte de « rachitisation » continue des us et codes. Et c'est le paradigme musculaire qui est aujourd’hui devenu le seul facteur pour réguler les rapports. Comme l'ont montré les évènements violents de Mars et ceux de juin marqués par des violences, saccages et pillages. Comment a-t-on pu en être arrivés là ?

Une situation que l'on ne peut exclure de l’affaissement du niveau des politiques (comme des autres secteurs d’ailleurs de la vie nationale). Une sorte de carence qu’on cherche à camoufler avec la poussière de la meute et surtout la violence meurtrière. Les jeunesses actuelles manquent d’intelligence politique, et la culture tik-tok ou fast-food ne les aide pas non plus, empêchant les jeunes loups de la politique de manier les vertus du dialogue qui n'impliquent pas forcément une compromission voire de la mollesse.

Le pouvoir a réussi à réduire Ousmane Sonko à un silence certes précaire, mais il arrivera un moment où il faudra qu’il fasse preuve de responsabilités après ce discours de fermeté prononcé par le président de la république dans le sens de ne pas laisser ces saccages et pillages impunis. Il va devoir créer un dénouement, soit en desserrant l’étau car le blocus imposé ne peut être permanent au risque de voir l’opinion se poser encore et encore des questions ; ou d’appliquer les décisions de justice ou alors de laisser à l’opposant Sonko, sa liberté d’aller et de venir.

Des questions sur la stratégie de la F 24 

Une posture bien intenable qui a d’ailleurs poussé la plateforme F24 à récemment tenter le coup de force, avec une faible mobilisation, en vue de libérer le blocus. D'ailleurs en parlant de la plateforme F 24, l’on ne peut ne pas penser au M 23 puisque le mercredi 23 juin 2023, a marqué les 10 ans du Mouvement du 23-Juin au Sénégal. Cette coalition de partis politiques et d’organisations de la société civile, créée en 2011 et qui s’était mobilisée contre la candidature du président Abdoulaye Wade pour un troisième mandat en 2012. On est bien loin de l’envergure de ce mouvement. L’esprit du 23 juin était en effet le fruit mûr d’un processus mené avec une très grande finesse par l’opposition d’alors et la société civile. C’est le consensus et l’éthique discursive qui avaient prévalu, loin du bruit. Dans la transpiration à la physique et cérébrale. Les Assises nationales, faut-il le rappeler, avaient fini de produire leurs conclusions au terme d’un travail titanesque de franges entières de la société, dans une approche inclusive.

Ce mouvement-là avait de l’envergure et ses actions opportunes, renforcé qu’il a été par une présence massive de manifestants et de leaders, sans oublier qu’à l’époque Y’en a marre avait le vent en poupe et ses leaders adulés.

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, l’on a aujourd’hui affaire à une F 24 qui est certes une réplique du M 23, mais sans la même envergure et un leadership de dirigeants qui suscite des interrogations. Son premier rassemblement autorisé à la place de l’obélisque a été une grande réussite, mais depuis lors, ses actions ne sont plus très suivies. Elle souffrirait d’un déficit de stratégie efficace qui impliquerait de choisir les bons prétextes et les bons moments pour amorcer des actions.

Comment par exemple comprendre que la F24 ait cherché à profiter de ce contexte chargé pour organiser une manifestation les vendredi et samedi 8 et 9 juin, alors que l’on sortait tout droit des émeutes de juin très traumatisantes pour les Sénégalais, avec son lot de saccages, de pillages et de vols ? Il y avait de la part d’une certaine opinion, comme une sorte de volonté de la part du F 24 de mettre de l’huile sur le feu et de mettre la pression au pouvoir en mettant à contribution le contexte violent et tendu.

De même, sa dernière trouvaille, celle de demander le port d’habits blancs le 23 juin a lui aussi fait un gros flop. La volonté d’aller lever le blocus du domicile d’Ousmane Sonko n’a pas non plus été couronnée de succès. Tout comme le « dialogue du peuple » qui comme le dialogue de Macky Sall, très vite chahuté sous le vocable de « dialogue du 3ème âge », n’a pas eu le retentissement espéré. L’on a bien compris qu’il s’agissait juste là d’un dialogue de réaction.   

A-t-on affaire à un essoufflement avant l’heure ? Ou à juste une incapacité de ses leaders à insuffler une dynamique à même d’inciter les Sénégalais à accrocher et à sortir de leurs domiciles pour aller manifester. Sur les réseaux sociaux, les leaders de la F 24, dont ceux de Yaw aussi et également les leaders Pastéfiens en ont eu pour leur grade, pris pour cibles qu’ils ont été par ce peuple de pastéfiens nichés dans les réseaux sociaux qui ont crié à la trahison contre Ousmane Sonko pour n’avoir pas su résister. Il faut dire qu’il n’y avait pas foule. Pourquoi engager des fronts qu’on n’est pas sûrs de réussir ?

Les évènement récents de début juin, ont également montré une absence manifeste de leaders politiques et de vrais militants parce qu’à la place, ce sont de jeunes mineurs ou parfois légèrement au-dessus de la majorité qui ont été vus sur le terrain. Et pourtant avec les mouvements du 23 juin, tous les leaders étaient de la partie. Qui ne se rappelle pas de la pierre mémorable de Niasse ?  Ils étaient là ces leaders, les Dansokho, Bathily, etc

Un dialogue des arrangements et des résultats politiques

Si l’opposition version Ousmane Sonko, Bougane, Guèye Dany, Aminata Touré, Abdourakhmane Diouf, Thierno Alassane Sall, Abdoul Mbaye, Mamadou Lamine Diallo, Malick Gackou, etc n’a pas souhaité participer au dialogue, celle des Idrissa Seck, Oumar Sarr, Khalifa Sall, Karim Wade, etc. pour la plupart des soutiens de Macky Sall et ceux qui avaient intérêt à retrouver leur éligibilité, ont participé. Un dialogue qui, quoi l’on en pense, même vu sous l’angle du deal, a débouché sur 12 points d’accord dont le parrainage citoyen. C’est, en tout cas, le sentiment le mieux partagé.

À ce sujet d’ailleurs, il y a eu un accord avec un pourcentage de 0,6 % à 0,8 % du fichier général des électeurs. L’on peut par exemple  noter la mise en place d'une commission de contrôle des parrainages qui sera logée au Conseil constitutionnel et composée de membres du Conseil constitutionnel, du greffier en chef, du représentant du candidat, du personnel administratif et technique en service au Conseil constitutionnel, de personnalités indépendantes et de représentants de la Cena.

Toujours sur le parrainage citoyen, l’on peut aussi souligner l’accord sur la reconduction et l'amélioration des mesures techniques de contrôle réalisées lors des élections législatives de 2022 et un autre sur l'institutionnalisation du tirage au sort pour le dépôt des dossiers de candidature.

Le deuxième point d’accord concerne le parrainage des élus. Sur ce point, il y a l’accord portant sur le parrainage de 8 % des députés correspondant à 13 parlementaires pour l'actuelle législature, mais également celui portant sur le parrainage de 20 % des chefs d'exécutif territoriaux correspondant à 120 maires et présidents de conseil départemental.

Notons d’ailleurs que sur ce point précis, cet accord relatif au parrainage fait bien les affaires de l’opposition puisqu’elle compte beaucoup d’élus. La formation en coalitions, peut d’ailleurs permettre de faire jouer la carte de la solidarité entre partis plus forts et partis plus faibles, de manière à permettre une participation plus importante via le parrainage des élus plus simple à obtenir que celui citoyen.

De même la caution a été plafonnée à 30 millions.

Le mystère sur la candidature de Macky Sall, levé lundi 3 juillet

Mais ce qui reste surprenant dans ce dialogue et qui intéresse le plus les Sénégalais, c’est le fait que la question de la candidature de Macky Sall soit finalement laissée à l’appréciation du conseil constitutionnel qui demeure logiquement l’organe chargé d’apprécier cette candidature qui pose problème à beaucoup de Sénégalais. Un accord vu comme une manœuvre qui ne dit pas son nom par les tenants du pouvoir. Cette dernière est entreprise, selon certains entendements  dans une logique de mettre sur la balance les droits civiques et politiques de Karim et de Khalifa Sall et la 3ème candidature de Macky Sall.

Que l’on ne s’y trompe pas, le jeu de Macky Sall est si trouble que l’opposition a eu la perspicacité d’y sentir un jeu de dupe, en refusant de participer à un dialogue qui ne visait qu’une chose, selon elle, remettre Macky Sall dans le jeu. Une sorte de monnaie d’échange qui ne dit pas son nom.

Une situation qui n’augure rien de bon, surtout que la F24, même si elle n’arrive pas à trouver la bonne stratégie sur ce combat contre le 3ème mandat, ne lâchera pas de sitôt Macky Sall qui a finalement décidé de se prononcer sur le sujet, le lundi 3 juillet. Après une longue absence dans les médias, Ousmane Sonko a lui fait une déclaration ce mardi 27 juin 2023, à la veille de la fête de tabaski. Convoquant tantôt le Coran avec des versets, tantôt la bible, le Pastéfien en chef a invité les musulmans à cultiver la paix et la bonne entente, sollicitant de chacun qu’il essaye de parfaire ses relations humaines. Il a même titillé au passage le président Macky Sall en lui lançant un "c’est bien d’aller à la Mecque (allusion faite à Macky Sall, Ndlr). Mais c’est encore mieux d’humaniser ses rapports avec ses semblables”. Il a lui aussi donné rendez-vous au même titre que le président de la république, après la Tabaski. Estimant que les choses sérieuses vont démarrer.

Le leader de Pastef, faisait-il allusion à une éventuelle application de la décision de justice le concernant. En tout, une décision qui vient d’être rendue publique. Et si l’on se souvient bien, le ministre de la justice, garde des sceaux avait bien assujetti l’application de la décision par le procureur à la publication et notification de la décision de justice. Une  affaire à suivre.