NETTALI.COM - Première motion de censure, premiers soubresauts de l’inter-coalition «Yewwi-Wallu». L’opposition est allée à l’assaut du Premier ministre et de son gouvernement en ordre dispersée. Résultat des courses, la motion de censure déposée par Birame Soulèye Diop et Cie n’a récolté que cinquante-cinq voix. Du coup, Amadou Ba et son gouvernement sont maintenus à leur poste.

Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolly du Parti démocratique Sénégalais (Pds) avait très tôt annoncé la couleur. «Ce que nous déplorons, c’est le manque de considération de nos collègues de Yewwi. Ils ne nous ont ni informés, ni associés. Même les non-inscrits n'ont pas été associés. Je suis allé leur demander ce qu’ils comptent faire. Mais ils n’ont rien voulu me dire. Donc, puisqu’ils ne m’ont rien dit, je m’abstiendrai de voter cette motion de censure», a déclaré le député devant l'auditoire, un brin surpris.

« Cette motion de censure nous est arrivée comme ça. Nous estimons que l’opposition doit avoir un minimum de concertation si nous voulons atteindre nos objectifs politiques, N'ayant pas été consultés, n’ayant pas été impliqués, nous avons  estimé que nous devions nous abstenir», a ajouté le président du Groupe parlementaire de «Wallu»,  a de son côté déclaré Mamadou Lamine Thiam.

Le commentaire de Nafi Diallo, cette proche de Karim Wade, suite à l’échec du vote de la motion de censure, à savoir que les autres alliés ont leurs intérêts et que le PDS a les siens, en dit long sur l’entente qui commence à se fissurer au seins de l’inter-coalition Yewwi-Wallu.

La question que l’on peut se poser, est de savoir si Yewwi Askan wi n’a pas délibérément pris cette option de l’échec de la motion en y allant sans concertation afin de justifier publiquement une démarcation progressive et future vis-à-vis de ses alliés de Wallu ? Elle savait en effet pertinemment qu’en y allant en solo sans associer cette dernière, elle n’avait aucune chance de succès dans son  entreprise.

L’évolution récente des actes politiques posés, n’a a réalité montré qu’une logique de reprise latente de liberté de la part de chaque état-major politique, ce d’autant plus que Malick Gackou, Ousmane Sonko, Khalifa Sall, Karim Wade, ont tous, à l’heure actuelle déclaré leur candidature à la présidentielle de 2024.

De même des échappées solitaires récentes, notamment le « Némékou tour » d’Ousmane Sonko qui a commencé par l’étape de Mbour, s’inscrit dans une logique de renforcement de son parti. Le leader de Pastef a par exemple réorganisé son parti et commencé à développer une communication offensive axée sur la massification de son parti et non de la coalition. Là où l’Alliance pour la république (Apr), le parti présidentiel pense coalition «Benno Bokk Yaakaar», le Pastef lui raisonne d’abord Pastef et ne collabore avec les autres que lorsqu’il s’agit d’organiser une conférence de presse des leaders de l’opposition. De même que le PDS qui se structure de plus en plus et organise des rencontres à son siège de la VDN, diffuse des communiqués à travers lesquelles elle affiche ses positions. La logique est simple, elle cherche à exister en tant que PDS après avoir longtemps connu des crises avec de nombreux départs, sans oublier cette perte de terrain notée, alors que le parti libéral ne cessait d’annoncer des retours maintes fois avortés de Wade fils. Une seule logique le guide, celle de se préparer en vue d’un éventuel retour de Karim Wade.

Bref, personne ne veut être surpris par une nouvelle donne politique qui pourrait changer du jour au lendemain.

Il faut quand même préciser que depuis que le président Macky Sall, en conseil des ministres, a donné des instructions au ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, pour «examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdus leurs droits de vote, l’opposition n’est plus aussi soudée qu’elle l’était. 

Ainsi qu’il l'avait laissé entrevoir, à plusieurs reprises, le président la République, Macky Sall, montre ainsi qu’il est favorable à une loi d'amnistie qui profiterait à Karim Wade, Khalifa Sall et Cie.

"Abordant la consolidation du dialogue national et l’ouverture politique, le Président de la République demande au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdus leurs droits de vote", pouvait-on lire dans le communiqué du conseil des ministres en septembre 2022.

Après ce fut l’étape de ses sorties médiatiques, sur Radio France internationale (RFI) et France 24, notamment au cours desquelles, Macky Sall s’était dit "favorable" dans l’esprit, à une «réhabilitation» de Karim Wade et Khalifa Sall.

Khalifa Sall (65 ans), rappelons-le, condamné à cinq ans de prison et cinq millions d’amende dans l’affaire de la caisse d’avance de la mairie de Dakar et Karim Wade (53 ans) en exil au Qatar, condamné à six ans de prison et 138 milliards Fcfa d’amende pour enrichissement illicite, ont perdu leur éligibilité conformément aux dispositions du code électoral sénégalais.

Les deux responsables politiques ont bénéficié de la grâce présidentielle, mais pour pouvoir participer à une élection, doivent recouvrer leurs droits civiques et politiques, dans le cadre d'une amnistie afin de pouvoir être inscrits sur les listes électorales ou être candidats à un scrutin.

L’affaire de la motion de censure qui a eu lieu jeudi 15 décembre, n’a fait qu’accentuer la crise latente qui sévit au sein de l’opposition. Le président du Groupe parlementaire de «Wallu» ne s’y méprend pas. Mamadou Lamine Thiam s’est voulu clair :  «les responsabilités seront situées. Nous allons en tirer les conséquences politiques». Les bases de l’éclatement de l’opposition sont ainsi jetées. Mais, il était de toute façon déjà acté que l’alliance était électorale et s’arrêtait aux législatives. Une affaire à suivre.