NETTALI.COM - " C'est inexplicable de prendre trois buts sur ce match. Ce n'est pas un problème de système". Telle est la phrase choc que l’on peut retenir de la conférence de presse d’après match Sénégal-Angleterre d’Aliou Cissé. Battu 3-0 par l'Angleterre en huitièmes de finale, le Sénégal est éliminé de la coupe du monde Qatar 2022. Pouvait-on s’attendre à mieux que ce résultat ? Assurément non, le résultat aurait même pu être pire ? Les Lions, à la vérité, auraient pu subir l’humiliation suprême avec un 5 à 0, tant le match livré dimanche, était désastreux. Le Sénégal n’a été bon dans aucun compartiment du jeu. Que cela soit en défense, au milieu de terrain, comme en attaque.

La tonalité des unes des quotidiens du lundi 5 décembre, témoignent d’ailleurs à souhait de ce fait. A l’unisson, la presse écrite et même audiovisuelle et celle du Net s’est accordée sur une défaite sans surprise au regard de l’hécatombe qu’a été la prestation du Sénégal : « Les Anglais ramènent les Lions sur terre », « le Sénégal logiquement éliminé », « les lions atomisés », « Des lions désarmés », « la marche était trop haute », « clap de fin pour le Sénégal », « la promenade des Anglais », « Les Three Lions trop forts pour les Lions », « les Lions braqués à l’anglaise », « le rêve file à l’Anglaise » etc. Bref un réquisitoire sans appel.

D’entendre maintenant Aliou Cissé développer son discours et nous sortir qu’ « On a eu deux ou trois garçons qui auraient pu nous aider, … », est tout simplement lamentable ! le discours prête même à sourire. Après tout, ce sont 26 joueurs qui étaient sur la liste des Lions ! Pourquoi intégrer des joueurs dans l’effectif si on a comme projet de ne jamais les faire jouer ? Aliou Cissé a ses préférés et préfère mourir avec eux comme si son équipe n’avait jamais vocation à se transformer en douceur. Comment a-t-il pu faire jouer un Krépin Diatta qui n’a été que l’ombre de lui-même durant ce tournoi ? De l’audace, Cissé en manque. Doué, il ne l’est point ! Emotif, il l’est puisqu’il panique comme avec l’entrée dès l’entame de la seconde mi-temps du match Sénégal-Angleterre, de Pathé Ciss, Krépin Diatta et Ilimane Ndiaye, remplacés par le trio Bamba Dieng, Pape Matar Sarr et Pape Guèye. Ce qui a révélé un manque notoire de sérénité de la part du coach. Si seulement les trois entrants avaient apporté quelque chose ! Une posture du coach qui ne pouvait avoir qu’une mauvaise influence sur le mental de ses joueurs.

On ne change pas une équipe qui gagne. C’est la leçon que Cissé aurait sans doute dû méditer. Dos au mur face à l'Équateur, les Lions de la Téranga devaient s'imposer ou quitter le Qatar. Dans ce match crucial où la défaite était interdite, Aliou Cissé avait mis en place un système convaincant et payant : un 4-3-3 avec une pointe basse (Pathé Ciss) et deux relayeurs (Pape Guèye et Gana Guèye). En attaque, Ismaïla Sarr et Iliman Ndiaye avaient assuré l'animation des couloirs. Un schéma que beaucoup attendaient en huitièmes de finale. Mais le sélectionneur des Lions a malheureusement donné raison à ceux qui pensent qu’il n’a pas de génie et qu’il tâtonne.

L’hérésie de son système pour défier les « Three Lions », est d’avoir mis en place un 4-2-3-1 avec un milieu à double pivots (Pathé Ciss et Nampalys Mendy), Ismaïla Sarr et Krépin Diatta dans les couloirs, Boulaye Dia en pointe et Iliman Ndiaye pour roder au tour de lui. Un classement surprenant dans la mesure où l'Angleterre, l'équipe qui partait largement favorite, a joué avec trois milieux. Résultat des courses, le système tactique de Cissé n'a pas porté ses fruits devant l'intensité, la rigueur et la vitesse d'exécution des vice-champions d'Europe. Ces derniers ont mis le feu aux couloirs avant de bouffer littéralement le milieu de terrain.

Au-delà des errements tactiques d'Aliou Cissé, force est de constater que l'équipe nationale du Sénégal n'a pas joué ce Mondial qatari avec toutes ses forces.
Déjà privé de Sadio Mané, son meilleur atout, en raison d'une blessure au genou, de son meilleur latéral, Saliou Ciss qui n’a pas de club, le Sénégal a perdu deux cadres supplémentaires au moment d'affronter le dernier finaliste de l'Euro 2020. Titulaires lors de la première journée contre les Pays-Bas, Idrissa Gana Guèye et Cheikhou Kouyaté ont lâché la troupe au mauvais moment. Même si l'absence de ce dernier, a été vite comblé, celle de Guèye a handicapé les champions d'Afrique. Suspendu pour cumul de cartons jaunes, le sociétaire d'Everton a brillé par son absence. Ses harcèlements et sa débauche d'énergie ont beaucoup manqué à ses partenaires.

L’équation du temps de jeu, du rythme et du choix des joueurs

Une fois que la messe est dite, difficile de revenir en arrière. Place aux leçons à tirer de cette coupe du monde. Ne pas s’attarder sur la liste des 26 Lions, serait en effet une grossière erreur. Elle n'a pas été faite sur la base des critères de sélection. L'équipe nationale, c'est la somme des meilleurs joueurs du moment, dit-on. Dès lors, l'on se demande si Aliou Cissé a respecté ce principe. La réponse est assurément non.

La question à se poser dès lors est de savoir combien jouent en club parmi les 26 joueurs ? Fodé Ballo Touré, Nampalys Mendy, Pape Guèye, Bamba Dieng, ces joueurs n'ont réalisé que des bouts de match avec leurs clubs respectifs. Pire, Cissé a même fait appel à des joueurs qui ont eu zéro minute en club. On peut citer les cas d’Alfred Gomis (Rennes), Pape Matar Sarr (Tottenham). Avec ses 24 petites minutes, Famara Diédhiou (Alanyaspor) peut être inscrit dans ce lot. Certains diront que Nampalys Mendy était dans la même situation lors de la Can, alors qu'il a été brillant au Cameroun. La coupe du monde, ce n’est pas la coupe d’Afrique, c'est le haut niveau. Le manque de rythme des Sénégalais a été manifeste face à des Anglais hypersoniques.

A la coupe du monde, qui est une compétition majeure, les erreurs se payent cash, le manque d'efficacité, lui, ne pardonne pas. Les deux occasions gâchées par Boulaye Dia dès le début de la partie contre l’Angleterre auraient pu mettre le Sénégal à l'abri. Malheureusement, l'attaquant de Salermitana a prouvé qu'il n'est pas le tueur que beaucoup pensaient.

L'autre point qui est sans doute passé inaperçu dans la liste de Cissé est le fait qu'il a sélectionné des joueurs sur qui il ne comptait vraiment pas. A la limite, ceux-là ont été convoqués pour juste compléter une liste qui devait l’être. Moustapha Name et Mamadou Loum Ndiaye n'ont pas eu la moindre minute dans ce tournoi alors qu'avec les absences de Gana Guèye et Cheikhou Kouyaté le milieu de terrain avait des problèmes.

L’équation de la préparation des Lions

Ce n’est pas seulement la liste qui est en cause dans cette débâcle. La préparation des Lions aussi n’a pas des meilleures, même si le délai de préparation accordé aux sélections, a été très court (10 jours). Le Sénégal a vraiment failli en ratant son planning sur les matchs amicaux. Les deux qui étaient au programme ont été disputés au mois de septembre avec des adversaires de moindre calibre : la Bolivie et l'Iran. Des équipes à l'image du Luxembourg et de la Bosnie-Herzégovine que les Lions avaient rencontrées en amical pour la préparation du Mondial 2018. Dès lors l'on se demande pourquoi la fédération sénégalaise ne choisit jamais les grandes équipes européennes pour jauger le véritable niveau des Lions ? Le Sénégal est certes allé au Qatar avec le titre de champion d'Afrique, mais il semble que les Lions se soient vus trop beaux. Ont-ils dormi sur leurs lauriers après la qualification inespérée face à l'Équateur ? L’on semble en effet avoir oublié que le Sénégal ne réussit pas souvent pour ne pas dire jamais, face aux grands.

Depuis l'ère Aliou Cissé en effet, le Sénégal n'a en réalité presque jamais battu de grandes nations de football. Sur le continent, ils n'ont, à la vérité, battu que trois champions d'Afrique en matchs officiels : l'Égypte (2022), la Tunisie (2017 et 2019) et l'Afrique du Sud (2017). Le Sénégal n'a non plus jamais battu un champion du monde, ni un champion d'Europe et encore moins un champion d'Amérique du Sud. Les duels face aux grosses cylindrées, se soldent pratiquement par des défaites : Algérie (deux fois en 2019), le Cameroun (2017), la Colombie (2018), les Pays-Bas et l'Angleterre (2022).

Le Sénégal ne se contente en général que d'équipes de seconde zone, telles que le Zimbabwe, le Malawi, le Bénin, la Guinée Équatoriale, le Burkina Faso, le Togo, l’Eswatini. Les deux Guinées, les deux Congo... Bref pas assez convaincu pour en faire une grande équipe.

Quid de l’avenir de Cissé ?

Interpellé sur son avenir en équipe nationale, Aliou Cissé ne peut pas en parler pour le moment estimant qu’il est « sélectionneur du Sénégal pour l'instant". Devrait-il poursuivre sa mission à la tête des Lions ? Il nous a certes apporté ce qu’on a toujours cherché à obtenir plusieurs décennies durant, c’est-à-dire la coupe d’Afrique, mais il arrive des moments où la machine se grippe, la faute à une limite atteinte. Cissé nous a fait énormément plaisir, c’est sûr en remportant la coupe d’Afrique, mais le constat est que la coupe du monde ne lui sourit guère. C’est en effet un niveau au-dessus. Il s’était arrêté en phases de poule en 2018. Cette année 2022, il en est sorti, mais ce fut hélas la correction ou disons-le clairement l’humiliation. Le début des Lions fut en effet difficile avec une défaite d'entrée devant les Pays-Bas (2-0). La suite, on la connaît, les Lions de la Téranga ont enchaîné deux succès respectivement face au Qatar (3-1) et l'Équateur (2-1). Mais au finish, c’est une aventure qui s'arrête en huitièmes de finale face à l’Angleterre (0-3). La bande à Kalidou Koulibaly est passée complètement à côté de son match, avec à la clef une bonne raclée.

Aliou Cissé n’a, à la vérité, pas semblé déçu par le résultat du match contre l’Angleterre. L’on a en effet senti aucune désolation et encore moins de déception sur son visage. Peut-être a-t-il réussi à se contenir ses sentiments ? Ou a-t-il estimé avoir franchi le cap des matchs de poule en accédant aux 8èmes, suite à sa déception de 2018 ? Ce qui serait un progrès par rapport au passé. Ce qui est en tout cas sûr, c’est qu’il n’a aucune crainte pour son avenir. Il doit se sans doute se dire que le pire qui puisse lui arriver, est de perdre son poste, avec à la clef le paiement de ses salaires pour le reste de la durée de son contrat ? Le fait d’avoir gagné la coupe d’Afrique qu’il peut brandir comme palmarès, peut être son arme contre ceux qui tenteraient de le critiquer. Il s’agit toutefois de comprendre que le monde foisonne d’entraineurs qui ont connu des succès et qui ont fini par se faire éjecter. Joachim Löw, adjoint de Jürgen Klinsmann en 2006 et qui l’a remplacé, suite à son limogeage juste après l'élimination de l'Allemagne en quart de finale de la coupe du monde 2006 par l'Italie (2-0) et non moins vainqueur du Mondial 2014 devant l'Argentine, a été évincé après l'élimination de la Mannschaft au premier tour en 2018. De même, Thomas Tuchel, viré à la surprise générale par le Psg, avait rejoint Chelsea en janvier 2021. Avec le club anglais, il avait remporté la Ligue des champions, la Supercoupe de l'UEFA et la Coupe du monde des clubs de la FIFA en 2021. Et malgré ce triplé historique, il sera démis de ses fonctions en septembre 2022 après un début de saison poussif des Blues.

Bref, ce qui est fait, et il sera difficile de refaire le match contre l’Angleterre. Mais ce qui est certain, est que Cissé a atteint ses limites. Et il serait bien illusoire de penser qu’il puisse apporter plus que ce qu’il a déjà produit. Pour un entraineur aussi peu doué au niveau tactique et toujours enfermé dans ses convictions, en plus d’avoir ses joueurs préférés, il sera bien difficile de faire mieux.

Mais, avec cette fédération sénégalaise si informelle et gangrenée par le lobbying, sans oublier ces politiques obsédés par la récupération politique, il sera bien difficile d’aboutir à des décisions idéales pour le pays. Reçus par le président Sall au palais, les Lions auront droit à la prime de qualification en quart de finale promise par lui.  Comme on le pressentait, Macky Sall en a profité pour fixer un nouvel objectif au sélectionneur national, Aliou Cissé : «Gardez la tête haute et restez concentrés sur les échéances à venir, à commencer par la conservation de votre couronne africaine. J’y engage votre encadrement, au premier rang, El Tactico, pour la campagne d’Abidjan (CAN 2023).», lui a-t-il dit.

Qui disait que Macky Sall est un porte-bonheur pour le Sénégal ? On espère juste qu’ils ne se mettent pas à dire qu’il est porteur de poisse. C’est la raison pour laquelle, il faut parfois savoir ce qu’on dit. Ou alors ne pas crier trop vite victoire. L’on peut même parfois se porter la poisse à soi-même dans ce pays où au lieu de cultiver le goût de l’effort, de la rigueur et de la pérennité dans l’engagement, l’on se met toujours à convoquer des Karamba ou Selbé Ndom, en pensant que le mystique nous sauvera toujours. Mais il semble que les « khons » ne marcheraient pas sur les « Three Lions » qui ont abusé de la Téranaga du Lion sénégalais, en le bouffant tout cru. Le Football et son management chaotique, sont manifestement à l’image du pays !