NETTALI.COM - Il s’est bien affaissé le niveau du pays de Senghor ! Ce pays à qui toute l’Afrique enviait jadis ses intellectuels et ses hommes politiques d’une certaine envergure et à la belle carrure. De l’eau a hélas coulé sous les ponts, et depuis quelques années, c’est à un délitement sans précédent de la société sénégalaise qu’on assiste.

Il faut aussi le reconnaître, le niveau d’éducation et de culture s’est fortement déprécié, celui des enseignants avec, même s’il brille toujours des lumières dans ce ciel brumeux Sénégalais, pour cacher la misère intellectuelle et morale qui remonte d’année en année, à la surface. Un fait qui ne manque pas d’avoir des conséquences sur tous les pans de la société par effet de ruissellement.

Ce pays a bien changé. Dans le mauvais sens du terme. Un pays divisé par les clivages politiques, c’est le visage du Sénégal qui se donne à voir, de nos jours. La politique politicienne est partout et s’est emparée de la société civile et de la presse avec certains de leurs acteurs qui se battent désormais pour des chapelles politiques, au lieu de garder leurs rôle d’arbitres des processus électoraux et de gardiens la transparence du vote.

Les acteurs politiques ont eux-mêmes changé. Les méthodes politiques aussi. Et le discours baveux révèle tout cela. Une situation qui se traduit par un affaissement du niveau du discours. De la bave en lieu et place de la parole calibrée et pensée. On ne s’écoute plus. On ne discute plus. Le lexique de la classe politique devenu glauque, tue, à l’image des mauvaises herbes, ce qui a été semé de bons dans ce pays. Le niveau de violence constaté est encore pire dans les réseaux sociaux, et s’exerce sur fonds de mensonges et de manipulation. L’impression qui se dégage, c’est d’être dans une sorte de jungle, proche de l’état que Thomas Hobbes décrit dans Le Léviathan. Violence, arrogance, enfantillage, cécité, dogmatisme, intolérance, tous ces symptômes renvoient à un seul et même mal : le délitement continu de l’espace politique et de la perte des repères.

Sur les plateaux télé, les sites d’informations, sans oublier youtube où se fait désormais le recyclage des journalistes ou animateurs sans abris, l’indigence du niveau des débats n’est pas sans rapport avec l’indigence du niveau des animateurs d’émissions télé et autres.

Ce qui est surtout triste à constater, est que les intellectuels n’échappent pas à la règle, ainsi que l’attestent ces récentes pétitions signées par ceux-là qui se regardent désormais en chiens de faïence, dans des camps séparés marqués par leurs colorations politiques, alors qu’ils devaient s’inscrire dans une logique de production intellectuelle et d’échanges. Ils sont eux aussi happés par la politique politicienne, ces universitaires, écrivains, hommes de culture et autres.

La subjectivité et la gangrène politicienne se sont bien emparées de leurs cerveaux. Tels Félwine Sarr, Boubacar Boris Diop, Yoro Dia, Habib Ndao, etc avec des prises de position, les unes aussi déséquilibrées et partisanes que les autres. Elles frisent, chose surprenante, le manque criard de rigueur dans l’analyse. Dans chacune de leurs prises de position, ce sont des discours pour beaucoup à charge qui sont notées, lorsqu’elles ne virent pas à l’attaque personnelle. La missive de Mary Teuw Niane, l’ex-allié et ministre de Macky, néo opposant, est surprenant d’agressivité, lui qui était connu pour sa pondération et modération dans la production de ses tribunes. Figurez-vous qu’il a poussé l’intolérance jusqu’à traiter les 1220 personnalités, y compris ses collègues universitaires, de personnes « incapables d’impressionner par l’intelligence, la justesse et la finesse de leurs idées, après quelques salves aux effets désastreux … », de «  troupeau des gratte-papiers herbivores que le bouvier est allé ramasser dans les différents enclos de la République». Son texte se conclut en ces termes : «honneur de l’intelligence qui a cédé le pas à l’appel du ventre du gratte-papier. »

Au nom de quoi un intellectuel, peut-il dénier à d’autres, le droit de donner leurs opinions ? Est-ce à conclure que son opinion soit parole coranique ou biblique  ? Ce qu’on attend en effet de lui, c’est que sa prise de position soit scientifique. Ce qui veut dire qu’elle doit être rigoureuse dans l’argumentation, documentée et équilibrée dans le but de faire progresser le débat au bénéfice de la société. Mais lorsqu’elle verse dans la subjectivité, le résultat, ce sont des réponses subjectives, pour qui connaît les politiques et leurs capacités d’instrumentalisation, surtout lorsqu’ils sont directement mis en cause.

L’on préfère en effet de loin ces postures responsables comme celle de la Synergie des organisations de la société civile pour la paix (SOS/Paix) des Moundiaye Cissé et Cie à celles partisanes et excessives d’un Alioune Tine ou d’un Seydi Gassama trop acerbe dans le discours. Il est toujours à charge ce dernier, sans recul, ni mesure. Cette organisation précitée a en effet récemment invité les autorités sénégalaises à accorder "des grâces exceptionnelles" aux citoyens détenus pour des délits mineurs et ayant déjà été jugés, et de remettre en liberté les personnes arrêtées pour de leur opinion ou leur participation à des manifestations,  "afin d’apaiser le climat politique très tendu" au Sénégal.

Ceux-là font au moins la différence entre personnes ayant perpétré des actions violentes et celles  qui ont été arrêtées pour des post facebook et par d’autres voies liées aux réseaux sociaux. Ce qui est d’autant plus remarquable dans leur demande, c’est cette sacralité de l’institution judiciaire qu’ils ne tiennent pas à bafouer, au contraire de ceux qui veulent l’immixion de l’exécutif rien que pour atteindre leurs objectifs. Un principe, eh bien, on le défend jusqu’au bout et quel que soit le cas même si on estime qu’on n’est pas situation anormale de fonctionnement des institutions.

Le constat en tout cas bien dommage à faire, est qu’elle est partout la politique politicienne. « La politique » n'est-ce pas ce qui est relatif à la gestion des affaires du collectif dans un cadre organisé et dans le respect de règles élaborées et votées ? Ce terme de politique bien noble dans son essence, est de nos jours dévoyé et banalisé. Le niveau des acteurs, faut-il le préciser, s’est aussi fortement déprécié. Des personnages sans envergure, ni niveau d’études acceptable, ont  commencé à trôner à la tête des ministères, municipalités, directions nationales et deviennent de fait, des acteurs de premier plan dans nos institutions. Une dépréciation qui a grimpé au sommet de nos institutions, à un point tel qu'elle n'épargne même plus la présidence de la république.

C’est cette banalisation dans les nominations et la gestion du pouvoir qui explique en partie cette inflation de candidatures à la future présidentielle dont la liste s’allonge tous les jours, longue comme un fleuve au cours interminable : Khalifa Sall, le futur candidat de Benno et les possibles candidats dissidents, Ousmane Sonko, Karim Wade, Aïda Mbodji, Idrissa Seck, Mamadou Lamine Diallo, Déthié Fall, Malick Gackou, Bougane Guèye Dani, Mimi Touré, Mame Boye Diao, Anta Babacar Ngom, Baye Salla Mar de l’Alliance des Ecologistes du Sénégal, Ibrahima Diop du Mouvement Diaami Sénégal, Me Abdoulaye Tine, Moubarack Lo, Pr Daouda Ndiaye, Arona Coumba Ndoffène Diouf, Aminata Assome Diatta, Mame Ousmane Ndoye, Mamadou Yatassaye, Mamoudou Ibra Kane, Dr Daby Pouye du mouvement Sopp Sénégal, Abdoulaye Baldé, Dr Babacar Diop, Talla Sylla, le Juge Dème, Me El Hadji Diouf, Mamadou Diop Decroix, Cheikh Bamba Dièye, Pape Djibril Fall, El Hadji Malick Guèye du mouvement Sénégal Dieum sa kanam, Alioune Sarr de l’Afp, Abdoulaye Mamoudou Guissé, El Hadji Ibrahima Mbow, entre autres. Une liste qui risque de s’allonger davantage.

Difficile en tout cas de savoir où nous mènera en tout cas ce bal de candidatures. Entre ces grands inconnus au bataillon, ces candidats sans envergure qui savent d’emblée qu’ils ne dépasseront même pas l’étape du parrainage, ceux-là qui se positionnent pour pouvoir compter et participer au prochain festin gouvernemental et les candidatures que l’on peut considérer comme justifiées, il y a vraiment de quoi s’interroger sur la prochaine présidentielle à venir.

Une situation qui amène à se demander si tout cela est bien sérieux. Lorsque n’importe quel quidam en arrive à penser qu’il peut être président de la république, cela veut certainement dire que quelque choses ne tourne pas rond dans notre démocratie. Devenir le président de toute une nation, le représenter à l’étranger, garantir le respect de sa constitution et bien d’autres responsabilités, à la condition d’être habité par la vertu, requiert quelques talents, un certain background, une connaissance des réalités sociologiques, une expérience de gestion des affaires publiques, de solides qualités morales, et surtout de pouvoir incarner un certain leadership qui signifie aussi vision et exemplarité dans le bon sens du terme etc.

Et l’on ne peut pas ne pas se demander s’il n’aurait pas finalement davantage fallu corser les filtres à l’entrée. Le  dialogue national, même s’il a permis quelques assouplissements, a aussi rendu un mauvais service à la démocratie en permettant de revoir le montant de la caution à la baisse. Ce qui n’aurait d’ailleurs jamais dû se produire. Car à la vérité, l’on peut bien se poser des questions, au regard de la pléthore de candidatures fallacieuses pour beaucoup, voire sans envergure, pourquoi le contribuable devrait il payer la publicité à moindre frais d’un quidam qui, par simple témérité ou habité par on ne sait quels rêves nocturnes, a décidé de solliciter la voix des Sénégalais ? Pourquoi l’argent du contribuable devrait-il servir à financer son exposition médiatique voire le tirage de ses bulletins, - s’il réussit d’ailleurs à passer l’étape du parrainage,-  puisque ceux-ci devraient logiquement servir à remplir et orner les poubelles logées dans l’isoloir.

Si l’amorce de leurs programmes étaient au moins alléchante. C’est en effet partout la même rengaine relayée par les médias avec des « si je suis élu président… » à n’en plus finir, sans originalité aucune, avec des contenus pour la plupart similaires, comme s’ils s’étaient tous entendus. A côté, même leurs identités visuelles et leurs déclinaisons sur les supports de communication, avec des symboles pour beaucoup puisés dans Google images, montrent la légèreté dans beaucoup de choix. Les graphistes n’ont pas dû aller chercher bien loin.

A la vérité, ce dont on a vraiment besoin, c’est d’un Sénégalais capable avec une vraie vision et capable de réformer véritablement ce pays en procédant à un changement radical de paradigmes. Me Wade a décliné et mis en œuvre  sa vision d’un développement axé sur une politique des infrastructures, Macky Sall a parachevé son œuvre. Il reste maintenant à réformer ce pays sur la plan immatériel : valoriser le capital humain en rehaussant le niveau d’études à tous les niveaux et surtout en adaptant les formations  afin d’assurer une meilleure employabilité des jeunes dans une logique conforme à notre développement économique et social ; restaurer l’ordre et la sécurité ; doper les secteurs primaire et secondaire ; réformer la justice et le secteur du transport qu’il faut davantage moderniser et connecter ; combattre la corruption et bien d’autres chantiers à entreprendre, etc.

Autant de changements à apporter qui nécessitent sans aucun doute une personnalité avec un leadership affirmé et fondé sur l’exemplarité vertueuse, une connaissance transversale des sujets et domaines ainsi qu’un bon background.

Le développement à la vérité est un cercle vertueux qu’il faut prendre comme un ensemble.  Et c’est bien dommage d’avoir initié un programme Sénégal émergent (PSE) et d’avoir ignoré le capital humain, qui finalement est le capital qui a la plus grande valeur.

La présidentielle à venir est à ne pas en douter la plus ouverte de l’histoire politique du Sénégal d’où peut sortir victorieux, un candidat  inattendu. Mais quel que soit le résultat, ce sera celui du peuple, et ce sera sans appel.