NETTALI.COM - Après avoir quitté Demba Diop pour atterrir à l'arène nationale de Pikine, la lutte a transporté son cortège de désordre et de violence dans la banlieue. Ce sont les populations de la Sicap, aux alentours du stade Demba Diop qui doivent bien se frotter les mains. Celles-là pour qui les désagréments, attroupements et violences ne sont plus qu’un mauvais souvenir.

C'est en effet connu qu'à la veille des combats de lutte, les populations de Pikine, habitant aux alentours de l’Arène nationale, ne dorment plus que d'un seul œil, gagnées qu’elles sont par l'inquiétude liée à l'assiégement de leur localité, en proie aux nuisances sonores, aux attroupements et aux nombreuses scènes de violence d’après combat. Les passants se font agresser sous la menace d'armes blanches, couteaux et machettes notamment. Des automobilistes, pris dans le piège des embouteillages créés par les foules et les véhicules de cette nouvelle corniche, sont tout simplement menacés et braqués par des jeunes en et visiblement dans un état second. Mais ce sont surtout les femmes qui font le plus les frais de cette violence urbaine new-look, en se faisant arracher leurs cheveux naturels importés parfois à coups de centaines de milliers de francs et qu'elles affectionnent tant ; leurs bijoux, chaînes en or et autres sacs notamment n'échappent pas à une razzia organisée. Ces scènes de violence sont, en effet, connues pour être récurrentes pour ne pas être le résultat d'actions planifiées et coordonnées par des bandes de jeunes, sans doute désœuvrés, qui ont adopté un certain mode opératoire de vol à la tire rodé et sur fond de terreur.

Inquiétante comme situation que celle qui prévaut autour de l’Arène nationale de Pikine. Et c’est à une vraie incurie sécuritaire que nous assistons dans ce pays jadis si paisible. Au même moment, le ministre de l'Intérieur est bien actif sur le terrain politique, initiant des pourvois en cassation dans le seul but de voir retirer des candidatures durant ces locales si âprement disputées avant l'heure. Il était à l'Assemblée nationale ce mardi 7 décembre, ce cher Antoine Félix Diome polémiquant avec les députés sur des histoires d'élections, de candidatures rejetées et de recours, mais aussi pour vanter son action, en listant des effectifs augmentés, des commissariats inaugurés, des véhicules en nombre etc.

Bref un discours qui sonne comme une ritournelle. Le programme «Sécurité civile»  a, lui été budgétisé à hauteur de 28.929.429.122 F CFA. Selon les termes utilisés, il compte apporter une réponse plus adéquate et une amélioration de la prévention des risques de toutes sortes (climatique, sanitaire, catastrophes naturelles, accidents). Mais aussi la mise en place d’une politique de sécurité civile de proximité, de la densification du maillage du territoire en casernes de sapeurs-pompiers, ainsi que de la modernisation des dispositifs de secours d’urgence et de lutte contre les incendies, périls et les accidents de toutes natures.

Mais en fait de politique, Cheikh Bara Dolly Mbacké a résumé en des termes simples, la question de la posture du ministre de l’Intérieur. « On ne peut pas vous faire confiance », a lancé celui-ci à la figure de ce dernier. Le président du groupe parlementaire "Liberté et démocratie" ne s’en est pas arrêté là puisqu’il a ajouté : « Vous êtes le bras armé de Macky Sall contre l’opposition. Cette période préélectorale, avec toutes les listes que vous avez rejetées, montre que ce qui suivra, ne sent pas bon. Rien que dans notre circonscription, cinq listes de la coalition "Wallu Sénégal" ont été rejetées. Au même moment, aucune liste de Benno Bokk Yaakaar n’a été rejetée sur toute l’étendue du territoire. Comment c’est possible ? »

Une incursion d’Antoine Felix Diome si prégnante dans le champ politique que des observateurs se demandent s’il ne faut pas disqualifier le ministre d’avance comme arbitre des élections. Rappelons juste que sous Diouf, c’est le général Lamine Cissé qui avait présidé aux destinées des élections. De même sous Wade, c’est Cheikh Guèye qui était le préposé.

Mais là où on attend plus Antoine Félix Diome et de façon urgente, c’est sur l’efficacité de cette dépense publique incluse dans le volet «sécurité publique» qui ne consisterait à rien d’autre qu’à améliorer la sécurité des biens et des personnes. Ce qui revient à tenter d’éradiquer ces phénomènes de banditisme urbain que l’on note de plus en plus dans l’espace public ou ces actes de vandalisme de plus en plus fréquents qui consistent à saccager les biens publics et privés.

L'on attend en effet que ces bonds en avant tant vantés dans l’amélioration des moyens humains et matériels des forces de sécurité, se traduisent en résultats concrets sur le terrain. Il est vrai qu’il n'est pas possible de consentir des investissements relatifs à la sécurité, d’un coup de baguette magique, mais il est utile et nécessaire de sentir la présence des forces de sécurité, déployées, non pas seulement lors des manifestations, des grands évènements religieux ou pour constituer le cortège présidentiel ou remplir les couleurs du palais ou encore essaimer les rues de Mermoz où se trouve la résidence du président. Elles doivent aussi être visibles dans les quartiers et patrouiller de manière à créer un effet dissuasif. En clair, il s’agit de faire véritablement de la police de proximité.

Où étaient nos forces de sécurité lorsque le stade Ngalandou Diouf de Rufisque se faisait saccager avec ce  décès enregistré. En effet, un mort et plusieurs blessés ont été  enregistrés lors de la demi-finale de la zone 3B qui opposait l’ASC Thiawlene à l’ASC GUIFF. Des affrontements qui ont engendré une bousculade, l’effondrement d’un pan du mur du stade, sans parler de ces supporters furieux qui ont tout détruit sur leur passage.

Dans ce pays de fatalisme et du « ce n’est pas grave » ou du « c'est Dieu qui la voulu ainsi », l’on présentera des condoléances et l’on rattachera tout cela simplement cette mort à la volonté de Dieu, après quelques mots d’indignation. On passera vite à autre chose.

Ce que nous devons surtout éviter, c’est de banaliser la mort, car les évènements qui se succèdent, montrent à quel point ils donnent de plus en plus souvent lieu à du sang versé et des morts. C’est le paradigme musculaire qui semble désormais réguler les problèmes et les contradictions dans l’espace public où l’ensauvagement des rapports prend de l’ampleur. Difficile de croire que les «Diahal» (argent distribué lors des présentations de condoléances) soient une solution capable d’apaiser la souffrance des familles des victimes.

Des scènes de violence ont encore été notées le mois de novembre dernier, lors du tournoi populaire communément appelé Navetane à Guédiawaye. Le match qui opposait Dioubo à Magg Baax s’est terminé en queue de poisson avec deux camps qui se sont affrontés et le stade Amadou Barry qui a été vandalisé.

Un phénomène récurrent qui montre à quel point le mal est profond dans ces championnats populaires.

Difficile également de savoir où l'on va avec toutes ces scènes de violences récurrentes. Une manière de dire que la gouvernance d'un pays ne peut se suffire de la construction multipliée d’infrastructures, en même temps et qui finissent par être une cause de désagréments pour les populations. Eh bien un pays se nourrit aussi d'éducation, de formation professionnelle et supérieure, de recherche, de santé et surtout de sécurité dans tous les domaines.

Ce qui s'est passé à Pikine est tout simplement honteux. Non pas qu'il soit le seul fait des amateurs de lutte, mais il est aussi celui de ceux-là qui se mêlent aux foules pour accomplir leurs sales et basses besognes.

La lutte n'échappe pas à la règle, au regard du « sabar » (tambour) qui a été jeté à la tête de Papa Sow. La scène du sang qui giclait de la tête de Papa Sow et qui a fait le tour des réseaux sociaux et des chaînes de télé, est tout simplement horrible. Difficile de qualifier cet acte. Comment a-t-il pu être possible dans un environnement qui était censé être celui de la combattivité, de la bravoure, de l’adversité dans la sportivité, le fair-play mais surtout de la sécurité. A entendre Siteu débiter des conneries du genre : « C’est lui qui l’a cherché. Comment peut-il envoyer un de ses accompagnants nous perturber ? Donc, c’est lui qui a causé tout ça. Je devais être déclaré vainqueur, car c’est Papa Sow qui a fait que ce combat n’a pas eu lieu. Il s’avait que j’allais le battre. Il a peur. », « je ne combattrai plus jamais contre lui » . Un discours à gerber et à condamner surtout de la plus ferme des manières. Aucune compassion, aucun regret, aucun mot d'excuse pour son adversaire. C'est triste et désolant. A dire vrai, à voir le sang sur le vêtement de Papa Sow, difficile de comprendre pourquoi les arbitres en étaient encore à l'interroger sur la poursuite ou non du combat.

Ce sont surtout les sponsors de ce combat qui en ont eu pour leur argent. Ils cherchaient juste à soutenir un sport local dont ses amateurs et ses promoteurs n’avaient de cesse de dire qu’il était abandonné, au point que Gaston qui s’est récemment tristement illustré par ses propos nauséabonds sur les Dias, en avait fait un fonds de commerce comme facteur de cohésion sociale. Il brocardait tous ces ministres et DG, potentiels sponsors qui ne lui répondent pas au téléphone. Ne disait-il pas récemment, avant d’ailleurs cette grosse gaffe, qu’il contribuait à apaiser les jeunes et la tension sociale ?  Sacré Gaston, il espérait renaître de ses cendres, mais reste un type pas du tout exemplaire. Et son discours moralisateur d'ailleurs sans pudeur et retenue souvent servi aux lutteurs qu’il a prétendu aider, en leur offrant la possibilité d’avoir des combats, ne peut plus prospérer. Et l'affiche Papa Sow-Siteu est venue donner un sacré coup à l’image de la lutte déjà bien mal en point.

Une situation  en tout cas bien alarmante qui a poussé le président Sall à demander, en conseil des ministres de ce mercredi 8 décembre, au ministre des Sports « de prendre les mesures conservatoires nécessaires (y compris la suspension des compétitions) à la maîtrise systématique du calendrier, de la durée et des activités ‘navétanes’ : un mouvement à réorganiser ». Il a été également demandé aux ministres concernés (Justice, Forces armées, Intérieur et Sports) de prendre les dispositions requises pour assurer la sécurisation des manifestations et infrastructures sportives. Macky Salla a également invité Matar Bâ à proposer, en relation avec Antoine Félix Diome et le mouvement associatif, un plan national de lutte contre les violences dans les stades et terrains de football.

La lutte est un environnement à pacifier et à débarrasser de ses mauvaises graines. C’est sûr. Ce sont des fouilles qui doivent désormais être systématiquement et rigoureusement organisées, sans laxisme aucun, et les alentours des stades et environs quadrillés sur une grande étendue. Ailleurs, en Angleterre par exemple, ce sont des interdictions de stade qui sont prononcées à l’encontre de Hooligans et des trouble-fêtes identités. Pourquoi ne pas suspendre d’ailleurs toute activité de lutte, en attendant de trouver la possibilité de la sécuriser entièrement. Sinon, inutile de continuer à organiser des combats de lutte puisque les populations vont finir par croire que tout ce qui est mauvais, n’est bon que pour la banlieue.