NETTALI.COM - Il doit avoir mangé du lion ce cher Madiambal ! Le journaliste est en effet sur beaucoup trop de fronts par ces temps qui courent. Il n’hésite pas à asséner ses vérités à qui veut l’entendre. Sauf que ses idées sont loin d’être partagées. Sur les réseaux sociaux, il essuie des critiques des plus acerbes et des plus virulentes. D’aucuns ne manquent d’ailleurs pas de lui rappeler son passé ou de faire du déballage sur lui. Mais il semble n’en avoir cure. Il passe d’un dossier à un autre, d’une cible à une autre.

A l’origine, il n’était pas journaliste, issu qu’il est du milieu judiciaire. Reconverti sur le tard dans le métier de la plume, il se fraiera rapidement un chemin et deviendra à partir d’"Avenir communication", le patron des patrons de presse en trônant à la tête du Comité des éditeurs et diffuseurs de presse (Cdeps) avant de céder la place plus tard. Il sera également président de l’Union de la presse francophone (Upf).

Les années Wade n’ont pas été de tout repos pour lui puisqu’il effectuera un séjour à Rebeuss. Entre lui et le pape du sopi, il fut un moment où c'était une guerre sans merci, à tel point qu’il a récemment déclaré, au cours d’une interview chez Maïmouna Ndour Faye de la 7 TV : "J’ai combattu ouvertement Abdoulaye Wade. Un jour, j’ai réuni ma rédaction pour dire ceci aux journalistes : 'Je mène un combat de survie, tout sauf Abdoulaye Wade, il faut qu’il dégage. Celui qui n’est pas d’accord peut évoquer la clause de conscience pour s’en aller'. Karim Wade avait déclaré urbi et orbi qu’il allait me mener la guerre et qu’il allait m’éradiquer. Le régime de Abdoulaye Wade m’a porté tous les coups. J’ai combattu Abdoulaye Wade parce qu’il fallait qu’il dégage", ajoute Madiambal.

Récemment, il s’est distingué par des attaques contre les magistrats Souleymane Téliko et Alioune Ndao. Si le premier est le président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), le second, lui, est un ancien parquetier de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), limogé en plein procès de Karim Wade. Ces deux-là ont en commun d’avoir récemment participé à l’atelier organisé le jeudi 25 mars par l’Ums et dont le thème était "Etat de Droit et Indépendance de la Justice : Enjeux et perspectives de réformes". Un atelier qui a, d’ailleurs, vu la participation du Barreau, de la Chambre des notaires, de la société civile (Forum civil, Raddho, Lsdh, Africa Jom center, Amnesty International, Cjrs, Ancj) et à l’issue duquel des propositions relatives au statut de la magistrature et celui du Conseil supérieur de la magistrature ont été faites.

Téliko, en tant que président de l’Ums, a fait, lors de ce fameux atelier, un énième plaidoyer en faveur d’une indépendance de la justice en ces termes : "Certains peuvent s’interroger sur  l’opportunité  de tenir une rencontre sur ce thème de l’indépendance de la justice qui a déjà fait l’objet de plusieurs séminaires, alors même que notre système judiciaire est confronté à bien d’autres difficultés qui méritent tout autant,  notre attention (…) Le service public de la justice peut, certes, souffrir de dysfonctionnements liés au manque d’équipements, de locaux ou de personnel ; il n’en perdra pas pour autant, nécessairement, sa crédibilité." "Mais dès lorsqu’aux yeux du public, elle donne l’impression de manquer d’impartialité ou d’indépendance, la Justice perd une bonne partie de ce qui fait sa force : la confiance des justiciables", dira-t-il.

                                                                                            Madiambal et l'argent de l'Union européenne

Mais au lieu d’attaquer Téliko sur ses arguments, Madiambal Diagne a tenté de sortir une boule puante. Serait-il contre l’indépendance de la magistrature ? Ou s’attaque-t-il à toute une corporation ? Que l’on sache, Téliko n’est que le président de l’Ums et derrière lui, beaucoup d’autres magistrats plaident cette cause de l’indépendance. Sur la Rfm, le journaliste accuse le juge Téliko d’avoir encaissé doublement de l’argent de l’Union européenne et celui du gouvernement tchadien, au cours d’une mission au pays d’Idriss Deby.  Auparavant, il avait évoqué la "nationalité guinéenne" de celui-ci ! Que comprendre ? Des accusations qui ont en tout cas fort étonné le président de la Cour d’appel de Thiès qui ne compte, d’ailleurs, pas en rester là. Souleymane Téliko a commis, à cet effet, deux avocats en l’occurrence, Mes Bamba Cissé et Ciré Clédor Ly, pour enclencher des poursuites (une citation directe) après s’être inscrit en faux contre les déclarations du journaliste qu’il qualifie de contrevérités.

Le journaliste et chroniqueur judiciaire, Pape Ndiaye de Walf Tv, bien au fait des affaires de la justice, n'a pas hésité à utiliser le procédé du déballage contre Madiambal Diagne. Interrogé par Moustapha Diop ce lundi lors du magazine "L'Edition du soir" sur les déballages de Madiambal, il balaie d’un revers de la main, les accusations du patron du groupe "Avenir communication", expliquant qu’il s’agissait en réalité d’une mission dans le cadre des Chambres extraordinaires africaines. Mission financée à la fois par l’Union européenne et N’Djamena ; et au cours de laquelle, 14 juges ont été envoyés au Tchad. Pris en charge dans deux hôtels différents, et pour des raisons de sécurité, les juges ont été baladés entre les deux. Ce qui avait posé la question des frais de séjour. Le montant en question dont parle Madiambal Diagne, souligne Pape Ndiaye, est de... 800 000 francs Cfa. Selon le journaliste, cela représente 3 nuitées correspondant à 3 jours qui n’ont pas été consommés à l’hôtel réservé par le Tchad après que les juges ont à nouveau rejoint l’hôtel mis à disposition par l’Union européenne, abandonnant le 1er hôtel toujours pour des raisons de sécurité. Et le journaliste de se demander pourquoi Madiambal évoque-t-il le sujet 6 ans après le procès en ciblant Téliko qui n’était pourtant pas le seul juge dans la mission. Pape Ndiaye citera, d’ailleurs, les 34 millions restants du budget des élections présidentielles mis à la disposition du juge et qui n'avait pas hésité à les restituer. Pour lui, cela suffit pour étayer l’intégrité du juge. Ce dernier était à l’époque secrétaire général de la Cour d’appel. Des gens lui en voudront d’ailleurs, souligne celui-ci, d’avoir rendu l’argent.

Un acte de Madiambal qui étonne également Moustapha Diop qui se demande si Diagne ne serait pas en mission commandée et le pourquoi de cet acharnement. Il convient de rappeler qu’il n'y a guère longtemps, Souleymane Téliko avait été traduit en Conseil des discipline pour des commentaires qu’il avait eu à faire dans le dossier de la caisse d'avance de la mairie de Dakar. L’issue a été un blâme.

                                                                                              Madiambal et la liste des 25 personnes

Aliou Ndao qui a, lui aussi, fait les frais d’un tel système à un moment où il était sous l’autorité du ministre de la Justice d’alors, en tant que parquetier, a dit face à la presse dans le cadre d’une conférence, tout le mal qu’il pense du comportement de l’Exécutif.  "Je peux revenir sur la manière dont j’ai quitté la Crei pour dire simplement qu’elle est la preuve du mépris que le pouvoir exécutif a à l’endroit du pouvoir judiciaire. Je n’en ai jamais parlé et je n’en parle pas avec rancœur. Ce n’est pas pour régler des comptes (…) Comment peut-on relever un procureur en pleine audience parce que simplement le procureur était en train de faire son travail correctement ? (…). Je dirai que c’est une expérience douloureuse. (…) Les tenants du pouvoir exécutif n’ont aucun respect à l’endroit du pouvoir judiciaire et ils ne veulent pas d’une justice indépendante parce que cela ne va pas dans le sens de leurs intérêts. Ils veulent toujours avoir la justice sous leurs ordres. Je suis d’une nature telle que j’ai un esprit indépendant. Tout ce qui n’est pas légal, je ne le fais pas. Je refuse d’exécuter un ordre illégal, même si c’est l’autorité qui le demande. Donc, moi j’étais sur ma ligne et, peut-être, c’est cette ligne qui ne leur plaisait pas. Mais ils n’ont pas donné d’explications", a déclaré celui-ci face à la presse.

Dimanche au "Grand jury" de la Rfm, Madiambal le charge. Et l’on peut bien se demander ce qu’il lui reproche ?  Au cours de l’émission, le journaliste avait déclaré, parlant d’Alioune Ndao : "Aujourd’hui, il est magistrat à la retraite, il a le droit de se prononcer sur des questions politiques. C’est son droit le plus absolu. Je suis un peu gêné qu’il donne des leçons d’indépendance de la justice. Il a été procureur spécial de la Cour de répression et d’enrichissement illicite (Crei). Vous l’avez vu ici devant les caméras brandir une liste de personnalités publiques à poursuivre. Il ne les a jamais poursuivies. Pourquoi ? Allez lui poser la question."

Réponse du berger à la bergère, Alioune Ndao de répliquer à son tour en des termes très acerbes : "Le premier mensonge de Madiambal Diagne a consisté à dire que lors de ma conférence de presse du 05 novembre 2012, j’avais brandi devant les journalistes une liste de 25 personnes à poursuivre. Ceci est totalement faux. En effet, je n’ai jamais présenté une telle liste devant la presse. Ce qui s’est réellement passé c’est qu’avant cette conférence de presse, j’avais saisi la Section de recherches de la gendarmerie de sept (7) ordres d’enquête concernant autant de personnes. Il s’agissait de Karim Meïssa Wade, Omar Sarr, Madické Niang, Samuel Sarr, Abdoulaye Baldé, Taïbou Ndiaye et Mamadou Ndiaye dit 'Doudou'. Et le jour de cette conférence de presse, je me suis limité à informer les journalistes présents de l’ouverture de ces enquêtes contre ces 7 personnes. Je cite à témoin le journaliste Daouda Mine qui était présent dans la salle alors que lui, Madiambal Diagne, n’y était pas", réagit l’ancien procureur spécial de la Crei.

"Son deuxième mensonge a été de dire que je n’ai pas poursuivi ces personnes. Pour sa gouverne, je tiens à lui faire savoir qu’au moment de quitter la CREI, j’avais ouvert une quarantaine d’enquêtes que j’avais confiées à la Section de recherches et à la Direction de la Police Judiciaire dirigée à l’époque par le Commissaire Bocar Yague. De cette quarantaine d’enquêtes, je n’ai pu en clôturer que quatre : Karim Meïssa Wade, Abdoulaye Baldé, Aida Ndiongue et Taïbou Ndiaye. Ceci du fait d’une décision du président Macky Sall et de son ministre de la justice de l’époque, Sidiki Kaba. Ils s’étaient opposés à la continuation de ces enquêtes", révèle-t-il. L’ancien parquetier ne manquera pas de conclure par le commentaire suivant :  "Ce qui est scandaleux, ce n’est pas ce que j’ai dit lors du dernier séminaire de l’Ums (Union des magistrats Sénégalais). Ce qui est scandaleux, c’est que par la seule volonté de Macky Sall, la CREI ait cessé de travailler depuis mon départ. Depuis lors, aucune nouvelle mise en demeure et aucune nouvelle inculpation n’ont été effectuées. Les deux questions que ce mercenaire journalistique qu’est Madiambal Diagne doit poser à son 'ami' Macky Sall sont : où sont passés les dossiers que j’avais laissés aux enquêteurs de la Crei et pourquoi depuis lors ils n’ont pas été instruits et bouclés ?"

   Madiambal et les politiques issus de la Casamance...

Les lundis ne suffisent décidément plus à Madiambal. Il a décidé d’y adjoindre le dimanche. Vertement critiqué par des journalistes et sur les réseaux sociaux pour ses propos jugés inappropriés et participant à l’exacerbation de l’ethnicisme, il avait remis une couche chez Babacar Fall en persistant et signant ses propos. Il avait notamment écrit : "On aura noté que les rares personnalités politiques de l’APR et originaires de la Casamance qui ont osé afficher une position publique critique à Ousmane Sonko et/ou favorable au président Macky Sall, sont d’ethnie peulh (Moussa Baldé, Doudou Kâ), mancagne (Victorine Ndèye), manjack (Dr Ibrahima Mendy). Il reste curieux que les personnalités politiques ‘diola’ les plus en vue dans le camp présidentiel sont encore aux abonnés absents dans le débat public sur cette affaire. La question serait encore plus inquiétante si cette attitude n’était que le fait de personnes d’ethnie ‘diola’. Pourrait-on se consoler de retrouver des personnes appartenant à d’autres ethnies qui soutiennent aveuglément Ousmane Sonko ?".

L’auteur du texte ne s’en était pas limité là puisqu’il avait ajouté : "Dans cette situation, c’était comme un point d’honneur, pour ne pas dire un devoir sacré pour les ressortissants de la Casamance, de manifester un soutien aveugle à Ousmane Sonko." Des écrits qui, aux yeux du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie, ne passent pas. "Ces propos aux relents 'ethnicistes' et régionalistes manifestes, dans un contexte sociopolitique marqué par des violences extrêmes, relèvent d’une totale irresponsabilité de la part de leur auteur qui, par ailleurs, a déjà fait l’objet d’un avertissement par le Tribunal des Pairs pour des déclarations de même nature." Le Cored "condamne fermement ces écrits et signale à l’opinion que le Tribunal des Pairs qui s’est autosaisi, est en train d’instruire cette affaire". Mamadou Thior et Cie en ont ainsi profité pour mettre en garde les médias "contre l’usage d’expressions tendant à stigmatiser une communauté ou un groupe social ou mettant en péril la cohésion sociale".

                                                                                            Madiambal fonce sur le Cored

Au Conseil pour le respect des règles d’éthique et de déontologie (Cored), il dira assumer tous ses écrits, notamment sa chronique du lundi 22 mars 2021 qualifiée d’éthniciste. "Je n’ai pas à m’excuser", crie-t-il à qui veut l’entendre avant de poursuivre : "Je n’ai cherché à choquer personne. Ceux qui ont été choqués, ont mal lu ou ont vu ce qu’ils ont voulu voir. Au contraire, ce sont des gens qui m’ont insulté qui doivent s’excuser à mon niveau. C’est très facile de se réveiller et de se mettre derrière son ordinateur et insulter les gens sans aucune preuve." "Ce que j’ai écrit, c’est clair. C’est du français. Ce ne sont pas des gens qui se cachent derrière leurs ordinateurs qui vont me faire peur", ajoute Madiambal Diagne qui n’hésite pas à s’en prendre à ses confrères du Conseil  pour le respect des règles d’éthique et de déontologie (Cored). "Ils (les membres du Cored, ndlr) ont fait une déclaration pour me condamner et ils disent qu’ils vont instruire le dossier. Vous condamnez quelqu’un et vous instruisez un dossier ?", s’interroge-t-il avant de répondre : "Donc, l’objectif c’est de condamner. Est-ce que j’ai à répondre à cela ?".

A l’en croire, le tribunal des pairs a pris deux ou trois phrases de sa chronique sorties de leur contexte pour lui faire dire ce qu’il n’a pas dit.  "Si quelqu’un veut me faire dire quelque chose, il est libre de le dire avec la mauvaise foi, la mauvaise volonté ou la malhonnêteté intellectuelle. Ça, je n’y peux rien. Je suis gêné de parler du Cored parce-que si des gens qui prennent des décisions et qui ont des contentieux personnels avec Madiambal ou avec Le Quotidien et qui ont été virés du journal, me condamnent, ça ne me dérange pas", a-t-il laissé entendre. Des propos qui virent finalement au règlement de comptes et qui n’honorent pas son auteur d’autant plus qu’il installe une atmosphère de déballages et d’allusions sans pour autant étayer ce qu’il affirme ! De quoi se demander ce qui motive ou fait courir Madiambal Diagne à travers ses sorties.

Et pourtant Madiambal Diagne, en professionnel, devrait savoir que le Cored tient sa légitimité, non pas de ses membres qu’il tente de discréditer, mais des articles 53 et 54 du Code de la presse. Madiambal Diagne devrait se rappeler que c’est cette presse qu’il tente de mépriser qui s’était levée comme un seul homme en 2004 pour le sortir de prison, lorsque Wade l’avait fait emprisonner pour diffusion de fausses nouvelles sur la base de l’article 255 du Code pénal.

L’on se rappelle que la première et la dernière fois où la corporation a observé une "journée sans presse", c’était à cette occasion, pour le sortir des geôles de Rebeuss. Et ses 2 anciens employés qu’il tente de vilipender, membres actuels du Cored, étaient au-devant de cette lutte farouche. Madiambal ne devrait non plus oublier qu’un journaliste, un bon, reconnaît la juridiction de ses pairs.

Mieux, il ne peut pas ignorer que le code de la presse interdit, en son article 18, toute insinuation d’ordre ethnique, sexuelle, religieuses qui pourrait stigmatiser quelqu’un.

Ainsi va Madiambal. On peut lui reconnaître son cran et sa capacité de subir et de supporter toutes les critiques qui ne manquent, par ailleurs, pas de fondements dans la majorité des cas. Difficile en tout cas de savoir ce qui le fait courir et les causes qu’il défend. Il est en tout cas loin de faire l’unanimité.