NETTALI.COM - La question des montants de « l’aide à la presse » alloués, est à nouveau posée, comme les autres années sur la table par certains  bénéficiaires. Une appellation d’aide à la presse d’ailleurs devenue inappropriée puisqu’il est désormais question d’un Fonds d’Aide et d’appui à la presse, depuis que le président de la République Macky Sall a signé le décret d’application du Code de la presse en janvier 2021.

Un Fonds qui comporte un volet soutien financier mais aussi un autre volet développement de la presse que l’Etat va lui-même assurer à travers des aspects tels que la formation des journalistes, l’aide et l’assistance des confrères malades ou en difficulté, le financement de certains projets structurants portés par les entreprises de presse.

Pour ce qui est de la traditionnelle aide, il s’agit désormais de procéder à des allocations par support, calculées sur la base de points obtenus suivant des critères préétablis et en conformité avec le code de la presse et le décret d’application portant statut et organisation des entreprises de presse.

Pour cela, il faut constituer un dossier en apportant la preuve de la constitution légale en société (Ninea, registre de commerce), d’un contenu éditorial répondant aux normes du journalisme, la preuve de la disposition d’un compte bancaire au nom de la société, d’un certain nombre de salariés disposant de la carte nationale de presse suivant le type de supports, justifiée par des attestations de travail à l’inspection du travail, d’un quitus fiscal, de justifications de cotisations à l’Ipres et à la sécurité sociale, du respect du dépôt légal,…

Une précision toutefois, malgré le brouhaha soulevé, le Fonds d’aide à la presse, dans son volet financier, selon nos informations, n’a jamais attribué 50 millions pour quelque groupe que ce soit, y compris même pour les groupes qui comptent en leur sein, à la fois, une télévision, une radio, un quotidien et un site d’informations.

Une fois cela dit, cette affaire de sous, au-delà du traitement équitable que l’on en attend, n’est pas à vrai dire, le vrai défi qui se pose à la presse. Celui-ci se trouve plutôt dans le fait de retrouver le respect dû à elle, en tant qu’instrument de la démocratie dans son rôle d’éducation et d’éveil du citoyen. Ce dernier doit en effet comprendre comment les affaires de sa cité sont gérées et qui sont ceux qui les gèrent. En somme, un vrai rôle de vigie de la démocratie au même titre que les institutions consacrées par la Constitution.

Il s’agit aussi au fond de comprendre que, quel que soit le niveau de sécheresse financière d’un organe de presse, ces fonds alloués ne peuvent résoudre l’océan de problèmes auxquels celui-ci peut être confronté. Cela ne peut en réalité que boucher que quelques petits trous pour un très court temps.

Il est aujourd’hui surtout question de voir dans quelle mesure le modèle économique de la presse peut être revu dans un sens de rendre le business de l’information plus profitable et la presse plus forte et indépendante. La question est surtout de savoir, comment en vendant un journal sans publicité à 100 francs, le patron de presse peut s’en sortir ? Comment peut-il arriver à chercher sereinement de l’information, surtout que la vente ne lui rapporte que 70 francs par unité vendue ? Si à cela, on ajoute les frais d'impression, de transport des journalistes et autres petites dépenses, cela peut devenir vite compliqué. Ailleurs pas très loin de chez nous, dans les pays voisins, les journaux sont parfois vendus jusqu’à 250 francs CFA voire plus.

L'Etat devrait songer, pour davantage aider les médias privés, leur faire bénéficier de la publicité des institutions publiques, plutôt que de la réserver aux médias publics qui reçoivent déjà une subvention. Qu'est-ce qui coûte encore 100 francs ? Rien dans un environnement marqué par une inflation sans précédent. La question est dès lors de savoir si le journal ne serait pas un produit qui mérite de voir son prix augmenter surtout qu'il est une denrée bien précieuse pour la démocratie. Créer des plateformes informatiques verrouillées où les abonnés ou ceux qui le souhaitent, viendront acheter l’info au lieu de laisser les PDF de journaux, se faire partager comme de petits pains à travers des groupes whatsap ou des mails, serait déjà un grand pas, peut être une des voies à explorer.

C'est dans ce genre de combat que le corporatisme de la presse doit davantage s'inscrire et prendre tout son sens. La presse devrait se lancer dans la communication et davantage de lobbying dans ce contexte d'Assises de la presse pour davantage communiquer avec le public et le sensibiliser sur l'importance de son rôle. La société civile devrait pouvoir être un bon allié, au lieu de penser que son rôle ne se limite qu'à mener des combats politiques. La presse n'est-ce pas un instrument incontournable de la démocratie ?

Ce qu’on ne dit d’ailleurs pas assez, c’est que dans la multitude de supports écrits que vient concurrencer le nombre de candidat de la présidentielle 2024, certains  supports de la presse papier n’existent qu’à travers la revue de presse et les Unes partagées dans les groupes whatsapp. Pas moyen de les trouver chez les vendeurs ambulants. Et encore moins dans les kiosques. Ce qui est d’autant plus révoltant pour les patrons de presse et qui rajoute à leur stress, c’est de noter que certains vendeurs grossistes de journaux, par la force des choses, devenus des fournisseurs de papiers pour la presse écrite, profitent de la subvention sur ce produit pour spéculer sur le prix en vendant le papier, comme outil d'emballage de pain ou autres. La conséquence, c’est que le prix augmente du fait de la spéculation sur ce produit au grand dam des patrons de journaux, parfois obligés de passer de 12 pages à 8 dans le but d'amoindrir les coûts et de pouvoir paraître, lorsqu'ils arrivent à trouver du papier.

Mais, au-delà, la presse doit profiter de ses Assises pour poser les bonnes questions. Celle des ressources humaines. Elle ne doit plus continuer à accepter des gens qui n’ont rien à faire dans la profession. Ni diplômés et ni qualifiés pour assumer ces rôles qu’on leur confie, ils sont légion, ces analystes et chroniqueurs au background rachitique et aux faits d’armes insignifiants. Ils essaiment les plateaux télé, radio et internet. De même que ces chroniqueurs sans expertise dans les domaines scientifiques et techniques. Ceux-là doivent y être exclus. Tout simplement.

De la même façon qu’il est tout aussi impérieux de s’extirper de ce qui est communément appelé « journalisme d’opinion » dont certaines veulent faire croire qu’il existe, alors que la vocation du journalisme n’est que de traiter des faits, les opinions étant réservées au peuple.

En France, Edwy Plenel, ancien directeur de la rédaction du journal « Le Monde » et cofondateur de Médiapart, ce journal qui a su garder son indépendance grâce au soutien de ses abonnés, peut être non seulement d'un point de vue économique un modèle inspirant pour notre presse. Mais encore, grande à cette santé que lui procure son modèle, il est à la pointe de combat contre cette forme de « journalisme d’opinion » qui est en train d’être promu par des oligarques tels que Bolloré, propriétaires d’un grand groupe de presse à travers des chaînes telles que Canal +, C 8, C News et une radio comme Europe 1, avec  des journalistes et un choix d’invités promoteurs d’idées racistes et xénophobes et acteurs  d’une propagande anti Islam, immigration. Eric Zemmour est l’un d’eux. Pascal Praud aussi. Alain Finkelkraut, cet intellectuel juif, controversé, élu à l’académie française, est dans la même mouvance.

De plus l'indépendance de Mediapart, lui a permis de pouvoir faire sereinement son travail en révélant au grand jour, magouilles et scandales qui ont abouti à des poursuites judiciaires contre des hommes politiques français.

Au-delà, il est impératif pour notre presse, d’améliorer à travers des formations plus solides et un renforcement de capacités, le niveau des journalistes. Il suffit de faire un tour d’horizon des animateurs d’émissions sur tous les plateaux à quelques exceptions près, pour se rendre compte de l’indigence du niveau de ceux qui y officient. Ils préfèrent d’ailleurs prendre en charge des émissions en wolof plutôt qu’en français. Ils sont en général jeunes, inexpérimentés avec un niveau de culture très bas. De plus en plus, des animateurs d’émissions de divertissements, prêcheurs et même des commerciales, à la belle plastique, se voient confier des émissions à caractère politique, économique, social, international, etc. Mais au fond, ce sont les patrons qui les laissent faire qui sont à la vérité, les premiers responsables.

Le nettoyage des écuries médiatiques doit à tout prix se faire. Le 4ème pouvoir doit s’inscrire dans une logique d’élévation du niveau des journalistes qui souffrent d’un problème de capacités, une fois que l’on sort des enseignements liés aux genres journalistiques appris à l’école de journalisme. Comme par exemple relever les conditions d’accès aux écoles, en exigeant un niveau de diplômes plus élevé (la licence par exemple), dans une logique d’aiguiser leur esprit critique et leurs connaissances des domaines techniques et scientifiques, tels que les sciences juridiques et économiques, la finance et d’autres domaines de connaissances.

Autrefois beaucoup n’avaient pas fréquenté d’écoles de journalisme, mais l’encadrement dans les rédactions était de rigueur avec des anciens qui avaient fait de ce métier un sacerdoce. Le niveau de l’école sénégalaise ne s’était pas à ce point déprécié.

Loin de prêcher pour la paroisse du Cesti dont le niveau de formation reste malgré tout à améliorer, les écoles privées doivent aussi faire l’objet d’une surveillance accrue et non pas être laissées à leur propre logique commerciale.

De même, ces lecteurs et téléspectateurs ou internautes si prompts à critiquer la presse, doivent la soutenir de manière à pouvoir, en retour, en exiger des devoirs. Après tout l'information est un droit pour le citoyen. Une des bonnes postures serait par exemple de commencer par refuser d’emprunter les journaux, de se limiter à la lecture des titres ou de céder à la tyrannie des revues de presse folkloriques et dans certains cas orientés dans une logique uniquement mercantile de celui qui fait la revue. Il existe et c’est connu, des acteurs de la revue de presse et des chroniqueurs qui ont construit leur carrière politique dans les médias en tant qu’acteurs de  chronique et de revue de presse. Ceux-là reconvertis en politiques, s’érigent désormais en donneurs de leçons, alors que leur trajectoire est jonchée de cafards dans des placards.

La presse pour sortir de ce modèle économique qui l’empêche de mieux assumer son vrai rôle, doit s’évertuer à améliorer le niveau de ses contenus et pousser les journalistes à être moins sédentaires et à transpirer davantage dans leur mission au quotidien.

Sacrés êtres paradoxaux que ces sénégalais qui ne veulent pas acheter l’info, mais veulent une presse forte. Le cercle vertueux de la presse, eh bien, il se trouve niché dans une logique : celle d’acheter des journaux produits par des journalistes chevronnés avec une garantie d’y trouver un bon contenu informatif et d’utilité publique. Tout simplement.