NETTALI.COM - Seize (16) ans de traversée du désert et le voilà qui réapparaît, comme par enchantement, au-devant de la scène politique. Tel un acteur qui fait son apparition derrière un rideau d’une scène de théâtre, subitement tiré. Le président Idy a livré son one man show. Un genre pas très prisé sous nos cieux. Celui-là était vraiment, mais vraiment attendu. Un bel acteur, cet Idy ! Il a en tout cas livré, le jeudi 18 novembre, un spectacle digne des grands acteurs. Ces acteurs de la trempe de Denzel Washington qui savent tantôt incarner le rôle d’un gangster « American gangster » (trafiquant de drogue notoire et tueur de sang-froid), tantôt celui d’un défenseur de la cause noire dans « Malcom X ».

Des observateurs s’étaient en effet interrogés sur son silence assourdissant durant cette période de gestion polémique des vivres du Covid par Mansour Faye, le beauf du président ; ou durant cette période d’inondations qui avaient plongé beaucoup de localités sous les eaux ; ou encore pendant ces moments d’émotion suscités par ces morts de jeunes par vagues, au fond de l’Atlantique.

En tout cas, pour un spectacle, ç’en était un. Du pain béni pour la presse. Les chaînes de télévision, les radios, les sites internet et la presse quotidienne se sont ainsi donnés à cœur joie pour relater l’évènement dès le lendemain. Cette dernière a dû beaucoup cogiter pour trouver le titre accrocheur qui allait rendre de manière fidèle le niveau de la prestation. C’est ainsi que la plupart est allée dans la même direction pour relater ce moment d’intronisation de ce nouveau président visiblement aux anges. « Idy, le « beau parleur », a titré le journal « l’Evidence » ; « Idy fait son show, Mimi le démolit », annonce « Les Echos » ; Sud quotidien de mentionner : « Idy en scène » ; L’As lui, a opté pour un titre commenté : « Idy s’explique sans convaincre » ; Le Quotidien dans un jeu de mots, barre à sa une « Idy Cese de rêver » ; quant à l’Observateur, il aborde l’affaire sous un autre angle : « Idrissa Seck, la parole manipulée pour maquiller son délit » ; EnQuête lui, titre « Idy fait le show et nargue ses détracteurs », etc.

Des titres presque unanimes sur le show livré par l’ancien maire de Thiès. Maître dans l’art de parler, Idy aurait-il pu faire autrement ? Il était en tout cas redevenu subitement bavard, se lançant dans des explications sans fin. Une tentative de justification bien difficile et bien longue d’ailleurs car il fallait trouver des arguments bien bétons, dès ses premières sorties. M. Seck peinait tellement à convaincre qu’il avait été sans cesse obligé de revenir sur le sujet pour s’expliquer et expliquer encore. L’on avait même vu Mouth Bane se lancer chez Pape Ngagne Ndiaye, un certain mercredi soir, dans une tentative hasardeuse de défense de l’ancien Premier ministre sous Wade.

Maître de la contorsion intellectuelle

Qu’est-ce qu’il est difficile à défendre ce cher Idy surtout qu’il en a dit des choses et encore des choses. Comme lorsque par exemple, il cherche à jouer la carte du plus fin en mettant quiconque au défi de prouver qu’il aurait dit son intention de supprimer le Cese. « Je n’ai pas dit cela. Qui en détient la preuve du contraire peut la montrer ». Il cherchait à faire douter ceux qui surfaient sur la vague de l’indignation, Var à l’appui, sans être sûr qu’il ait dit cela. Il enchaînera ainsi : « Le Prophète de l’islam nous a dit que lorsqu’un voyou vous apporte une nouvelle, vérifiez là avant de la croire ». On croyait pourtant que depuis sa fable sur « Baka » et de « Macka » qu’il en terminerait avec le lexique religieux et les références coraniques. Sacré Idy, la religion, c’est son recours comme instrument de crédibilisation de son discours, surtout qu’une bonne frange de la population y est sensible. Quoique !

En bon confusionniste des esprits, il aura également cherché à embrouiller encore et encore, dans une tentative vaine de nuancer ses propos. « S’agissant de mon intention antérieurement exprimée de ne plus accepter une nomination par décret, j’ai appris d’un grand soufi que “la nécessité crée l’exception, même en religion’’. Une double justification dirions-nous puisqu’il a aussi essayé de nuancer ses propos en disant avoir déclaré autre chose que ce qui a été dit. « je n’ai plus l’intention de briguer un poste par décret ». L’on a bien compris qu’il avait dit le contraire puisqu’il a même convoqué la leçon apprise de Me Wade, reconnaissant ainsi : « je suis un homme nuancé. Celui qui m’a formé en politique (Abdoulaye Wade, NDLR) me l’a appris. La compréhension est très importante. Elle l’est bien plus que les mots utilisés. C’est ce qui est garant d’une connaissance de qualité ».

On sort en tout cas complètement groggy et effarés par les explications de « Ndaamal kadjor ». Les unes aussi alambiquées que tirées par les cheveux. Sacré Idy, l’on avait pensé que le temps l’aurait guéri de ses prétentions et de sa propension à discourir sans retenue. Mais l’homme n’a pas vraiment changé. Il y en a que les traversées du désert transforment et marquent à un point tel que le pouvoir leur donne le tournis. La conscience de reprendre du service, doit sans doute avoir produit de l’effet chez l’homme. Idrissa était en réalité pris comme par une sorte de diarrhées verbales qui ne pouvait s’arrêter, tant le flot était ininterrompu.

Mais que ses détracteurs utilisent leur énergie ailleurs, Idrissa a semblé n’en avoir cure de leurs états d’âme. En politique aguerri et en homme qui a vécu quelques guerres, il a appris à prendre des coups. Ses nombreuses galères et son passage en prison, ont dû lui donner cette capacité de résilience et d’esquiver les missiles. Que ceux qui croyaient qu’Idy allait se lancer dans un discours sobre, se détrompent. Il a même cherché à faire rire une assistance qui l’a suivi dans ses déclarations rigolotes et pétries de non-sens dont lui seul a le secret. On le sentait décontracté, sans gêne, à l’aise dans ses démonstrations et dans sa tentative de donner du contenu à sa mission. Il avait l’air d’y croire, même s’il y a bien longtemps que les Sénégalais ont jugé inutile cette institution, aussi bien sous Aminata Tall que sous Aminata Touré.

L’ex-opposant a ainsi voulu jouer la carte de l’empathie, en déclarant comprendre les interrogations « légitimes » de ses compatriotes quant au fondement de “ (sa) décision’’ .

Idrissa Seck est toutefois loin d’être fou. Il a bien conscience que cette nomination va lui coûter son image. Et il n’est pas dupe. En témoigne cette avalanche de critiques sur les réseaux sociaux.

Mimi, le coup pour coup…

Mais c’est surtout cet échange par médias interposés entre la sortante et son remplaçant qui a retenu l’attention. Idy en a profité pour lancer quelques piques à Aminata Touré, celle qui dans le passé, n’a guère été tendre avec lui. « Je n’ai pas trouvé sur place, un rapport détaillé de la situation du Cese, paraphé par mon prédécesseur (…) Mais je ne fouille la gestion de personne. Je n’en ai pas ce temps. J’ai d’autres chats à fouetter. » . Avant de préciser qu’avant de prendre ses fonctions, il a recherché dans la bibliothèque (du Cese, NDLR) tout le travail de ses prédécesseurs, pour s’en inspirer et éviter de reproduire des choses déjà faites.

Réponse de la bergère au berger, Aminata Touré est intervenue pour apporter ses vérités. L’ex-quatrième personnalité de l’Etat a assuré que si son successeur n’a pas reçu un point détaillé de la gestion précédente de l’institution, c’est parce qu’il ne s’est pas présenté à la cérémonie de passation de service qui sert à cela. « S’il était venu, ce qui était plus élégant, je lui aurais fait le point. Mais même mes collaborateurs ont reçu des lettres leur demandant de ne pas entrer dans l’enceinte du Cese…»

Une situation qui montre que les sénégalais ne sont pas encore sortis de l’auberge. En lieu et place du respect dû à l’institution, si tant est que ceux-ci la considèrent comme sacrée, ce sont plutôt des questions d’ego et de règlement de comptes qui ont été notées.

Ah ce remaniement qu’est-ce qu’il a occupé l’espace ! Et un si long temps médiatique. Les commentaires de désapprobation ne se sont toujours pas estompés. Ses excroissances nous ont plongés dans l’après gestion des états d’âme des limogés et des membres de l’APR, prétexte de ce Secrétariat exécutif national, histoire de tâter le pouls. L’absence de Mimi Touré, pour on ne sait quelle raison, a fait la Une d’une partie de la presse quotidienne qui a parlé de « bouderie ». Aminata Touré a-t-elle vraiment boudé la réunion de ce vendredi du secrétariat exécutif national de l’Apr ? Tout porte à le croire, à moins qu’elle n’ait pas été convoquée. Toujours est-il que les autres responsables de l’Apr limogés récemment du gouvernement ont, eux, répondu à l’appel. Si l’ancienne PM a montré qu’elle n’est pas contente depuis lors, les autres ont plutôt fait preuve de modération et renouvelé leur loyauté à Macky Sall, comme l’a relevé une bonne partie de la presse. Entre les deux, a relevé un quotidien de ce lundi 23 novembre, est-ce du « je t’aime, moi non plus ? ». En tout le second divorce entre les deux. Et l’on se demande si les morceaux vont être faciles à recoller ?

Dans cet épisode du remaniement, c’est Idy qui aura cristallisé toute l’attention et la frustration pour ne pas dire la déception des Sénégalais. Il était désormais vu comme porteur d’espoirs pour certains pour avoir changé de stratégie. Il ne parlait plus quand c’était nécessaire. Il aura sacrément réussi à tromper son monde. Ousmane Sonko qui se prononçait sur presque tous les sujets, étaient pointés du doigt par certains observateurs qui y étaient même allés de leurs critiques, vantant les vertus de la rareté de la parole à l’image du patron du Rewmi en ces temps de manœuvres et de verrouillage. Ceux-là ne s’étaient certainement pas rendus compte que le silence de l’ancien maire de Thiès cachait quelque chose. Des discussions entamées depuis 15 mois, avaient réduit celui-ci au silence. Grande ne pouvait dès lors qu’être la surprise de certains en découvrant la nomination d’Idrissa Seck dont la promesse initiale était un poste de chef de l’opposition avant que Macky Sall ne se ravisa ; suite au constat selon lequel Ndamal Kadior aurait eu une liberté qui ne l’aurait pas arrangé. Il atterrira finalement là où l’on sait.

Les motivations d’un choix

A «Grand Jury » de ce dimanche 22 novembre Boubacar Camara a semblé s’étonner du fondement de l’alliance contre-nature Macky-Idy, estimant que la dualité va bientôt s’installer entre les deux. Comme avec Me Wade. « Je vous dis que la guerre va s’ouvrir parce que rien ne justifie cette alliance. Pensez-vous que Macky Sall va faire confiance à Idrissa Seck et vice-versa? Quelle est la base de cette union? Il n’y a aucune éthique dans ce ralliement-là ». Pape Samba Kane n’est pas du tout de cet avis. Dans une libre parole publiée dans le journal EnQuête de ce lundi 23 novembre, il propose d’aller au-delà de l’anecdotique, du sensationnel, de “la “surenchère” dans lesquels se sont lancés bon nombre de médias pour essayer de comprendre, non pas tout ce qui tourne autour, mais le gain politique que Macky peut engranger.

Le journaliste n’est pas loin de dire que : « si Idrissa Seck et le Président ont pu se parler, en toute discrétion, pendant si longtemps que cela a été dit, pour concocter cette combinaison inattendue, surprenant totalement leur monde. Maintenant qu’ils sont redevenus des alliés politiques, que le patron de Rewmi dirige la troisième institution du pays, ils ne devraient pas rencontrer de difficultés majeures pour dérouler leurs projections, quelles qu’elles soient. Desseins dont on peut, raisonnablement, penser qu’ils enjambent les prochaines élections locales – même sans exclure qu’ils les intègrent, ainsi d’ailleurs que les prochaines législatives. En politique, tout se tient, bien évidemment, et on parle de projections jusqu’ en 2024 et au-delà »

Dans son analyse, Kane pense ni plus, ni moins qu’avec la disparition de ces deux ténors politiques (Danskho et Ousmane Tanor Dieng), hommes de terrain expérimentés et intellectuellement outillés - largement “aînés” du chef de l’État, alliés politiques loyaux, qui jouaient de leur vivant un rôle stabilisateur auprès de Macky Sall, de conseiller écouté et respecté - Macky a voulu combler le vide. Idrissa Seck, directeur de campagne électorale présidentielle de Wade, déjà en 1988, à 29 ans, a une expérience étoffée en plus d’être aujourd’hui, du personnel politique actif, l’un des plus expérimentés. Avec l’ancien maire de Thiès surtout et Oumar Sarr dans une moindre mesure, Macky Sall selon lui, aura besoin qu’ils murmurent à son oreille, même si le président n’est pas complètement démuni de ce point de vue avec ce trotskyste de tour de contrôle qu’est Mahmoud Saleh, son nouveau directeur de cabinet politique qui aurait par ailleurs joué un rôle dans le rapprochement Idy-Macky.

Avec le nouveau président du Cese, la littérature politique s’est en tout cas bien enrichie. Depuis ses passes d’armes épiques, avec Me Wade qui l’avaient conduit en prison jusqu’à ses allers retours au palais et ce protocole de Rebeuss tant évoqué et jamais dévoilé dans son contenu, il en avait sorti des mots. L’homme en avait prononcés, à travers ses Cd «lui et moi », D’« ancien spermatozoïde» à «futur cadavre », il en a dit des choses. Sous Macky, on a eu droit à des « Baka et Maka », « dek bi dafa Macky », l’histoire des « 500 F Macky Sall » pour symboliser la crise que traverse le pays, « il veut , mais il peut peu », « la vision de Macky s’arrête à Diamniadio». Sacré Idy !