NETTALI.COM – Le « printemps arabe » était un signe prémonitoire. Malheureusement des dictateurs sous nos tropiques n’ont pas capté le message. Le putsch au Mali vient rappeler que le tocsin de la révolte a véritablement sonné. Et les sourds sont obligés d’entendre le son de cloche de la démocratie, par-delà les sirènes du pouvoir.

En novembre 2009, le congrès du Parti national démocrate (Pnd) égyptien a servi de tribune aux proches de Hosni Moubarak pour mettre son fils Gamal dans l’étoffe du successeur, alors que le satrape du Caire régnait depuis 30 ans « en monarque absolu ». « Gamal est un candidat possible à la présidentielle de 2011 », avaient déclaré l’alors premier ministre Ahmad Nazif et le ministre des Investissements, Mahmoud Mohieddine. Quelques mois plus tard, les électeurs égyptiens descendront dans la rue pour chasser Hosni Moubarak de son trône et endiguer toute velléité de dévolution monarchique. En Tunisie, c’est par le même procédé que le président Ben Ali sera éjecté, alors que son épouse Leïla Trabelsi était au faîte de sa puissance. Même situation en Libye, avec l’éviction de Mouammar Kadhafi, qui dirigeait le pays depuis 42 ans. A la veille de la chute de l’ex-homme fort de Tripoli, son fils Saïf-al-Islam, était pressenti pour lui succéder.

Les évènements relatés supra, qui eurent lieu entre 2010 et 2011, seront fixés pour la postérité comme un « Printemps arabe ». Bientôt la vague révolutionnaire traversera le Sahara, puisque le président Abdoulaye Wade, accusé de vouloir orchestrer une dévolution monarchique au profit de son fils Karim en briguant un 3e mandat dans la plus grande controverse, ne sera pas épargné par le vent de changement, même s’il a rendu le sceptre au terme d’une élection présidentielle à la régulière. Trois ans plus tard, précisément en octobre 2014, Blaise Compaoré est emporté par un soulèvement populaire.

C’est dire que le peuple africain ne veut plus vivre les affres du « Parti unique », emblématique du népotisme de l’immédiat post-indépendances. Nous sommes loin du temps où Jean-Bedel Bokassa pouvait se faire investir « empereur », sans susciter la révolte des populations qui sont plus que jamais conscientes de l’égalité de tous devant les lois et les privilèges que confèrent celles-ci. Même le Gabon de Oumar Bongo-le visage de cette Afrique des dynasties au pouvoir-connait des remous sous le magistère de son successeur de rejeton Ali. Les dernières élections dans ce pays ont été très agitées.

Malheureusement, il reste encore sous nos tropiques des nostalgiques du paradis perdu du premier âge de la démocratie à vivre dans les vêpres de la nuit noire de la chefferie traditionnelle, où le procédé morganatique commandait la planification successorale. Le syndrome du 3e mandat affecte la Côte d’Ivoire et la Guinée Conakry. Alassane Ouattara et son homologue Alpha Condé narguent leurs peuples, qui ont pourtant connu un traumatisme dans les années 90 du fait de crises politiques. Dans ces deux pays, plus on s’approche des élections, plus les cadavres se multiplient. Au Sénégal, Macky Sall refuse de dire son dernier mot, pour clore définitivement le débat sur la perspective d’un 3e mandat en 2024. La CEDEAO et l’Union Africaine, prompts à sévir contre de « petits Etats » comme la Gambie et la Guinée Bissau, appliquent un double-standard et attendent toujours que les dégâts se produisent pour publier des communiqués.

Le mal reste profond. Cette tendance à vouloir s’éterniser au pouvoir est reliée à un mode de gestion qui frise le clanisme. Depuis 2012, pour prendre l’exemple du pays de la teranga, on note l’omniprésence des membres de la famille présidentielle dans les hautes sphères de l’Etat. C’est ainsi que l’ex-ministre de la Culture Mbagnik Ndiaye a été amené à révéler qu’il doit son poste à la première dame Marième Faye Sall. Le nom du frère de Macky, Aliou Sall, a été cité comme le principal personnage de l’affaire Petro Tim. Au Mali, Karim Keïta, le fils du président déchu cristallise de nombreuses accusations à cause de son niveau d’implication dans la conduite des charges publiques, où on l’a souvent vu dans le rôle du métronome en tapinois qui tire les ficelles sur les contrats juteux. Dominique Ouattara, épouse du chef de l’Etat ivoirien, est créditée d’un immense pouvoir d’influence auprès de l’homme fort d’Abidjan. Toutes choses qui font que pour assurer leurs arrières, de nombreux dirigeants préfèrent enfreindre les règles de la démocratie pour continuer à exercer le pouvoir, car craignant des poursuites comme c’est le cas en Angola où des enfants du président Dos Santos sont poursuivis par la justice. La Mauritanie est dans la même situation, puisque le président Abdel Aziz fait l’objet de poursuites ex post.

Qu’à cela ne tienne ! C’est le temps des peuples. Jusqu’ici, oui ; mais au-delà, non. Le tocsin de la révolte a sonné !