NETTALI.COM - En cette période d’hivernage, le Sénégal est confronté à un double fardeau. Il s’agit de la lutte contre le coronavirus et le paludisme, une maladie qui fait des ravages dans le pays. Selon le coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), il urge de mettre fin à la propagation de ce virus, car le paludisme peut donner une comorbidité.

Les risques de comorbidité sont les principaux défis dans la lutte contre la Covid-19. Plus de la moitié des décès sont liés à ces pathologies sous-jacentes. Il s’agit, entre autres, des maladies cardiovasculaires, du diabète, de l’hypertension et de l’insuffisance rénale. Sauf qu’en cette période d’hivernage, propice au paludisme, cette pathologie peut créer une comorbidité, si elle n’est pas traitée à temps.

Ce qui fait dire au coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), Docteur Doudou Sène, qu’ils ont un double défi à relever.
Car, à son avis, le risque de comorbidité, entre la Covid et le paludisme, est qu’il s’agit de deux maladies mortelles.

" Une combinaison de ces maladies sur un individu pourrait être très grave et entrainer le décès. Si le malade ne se rend pas dans une structure pour une prise en charge adéquate, ça sera catastrophique", prévient le Dr Sène contacté par "EnQuête".

A l’en croire, le palu est une grande priorité de santé publique, face à la Covid. Parce que cette maladie reste mortelle, quand il n’y a pas de traitement. Alors qu’on peut avoir le coronavirus, sans pour autant en mourir. L’important, selon lui, c’est d’abord de garantir la mise enœuvre de leurs activités, pour protéger la population, mais également veiller à limiter la propagation du virus.

" Depuis l’apparition de la Covid en mars 2020, il y a eu beaucoup de craintes liées au paludisme, d’autant que la symptomatologie de la Covid est très semblable à celle du paludisme. La seule différence, c’est à peu près la toux qui apparait dans la Covid. Actuellement, on est dans une période de forte transmission du paludisme et tous les cas de fièvre peuvent être soit la Covid soit le paludisme", explique le médecin.
C’est pourquoi, souligne-t-il, il est impératif que les populations se rendent dans les structures de santé pour faire la différence, à travers des tests.

L’exemple d’Ebola en Guinée et en Sierra Leone

Pour la Covid, on fait des prélèvements, alors que pour le paludisme, on privilégie les tests du diagnostic rapide. D’ailleurs, c’est la recommandation du PNLP. Pour tout cas de fièvre, il est impératif de faire le test de diagnostic rapide.

Selon le Dr Sène, les craintes qu’ont les populations de se rendre dans les structures, pour soi-disant éviter qu’on leur dise qu’ils ont la Covid ou le paludisme, complique les choses. Parce que cela entraine une forte mortalité liée au paludisme. L’expérience, dit-il, a été vécue du temps d’Ebola dans les régions de la Guinée et de la Sierra Leone. Dans ces localités, dit-il, ils ont recensé beaucoup plus de décès liés au paludisme.

D’ailleurs, soutient le médecin, le ministre de la Santé a instruit le PNLP de prendre toutes les dispositions pour accélérer la prévention du paludisme, pendant cette période. C’est ainsi qu’ils ont élaboré un plan de convergence sur lequel ils ont déroulé l’ensemble des activités majeures. Il s’agissait de mener une campagne de chimio-prévention saisonnier, une campagne d’aspersion intra domiciliaire dans les régions de Kédougou, Tamba et Kaffrine, également dans la zone Nord.

" Nous avons mis aussi à la disposition des districts sanitaires plus de 1 million de moustiquaires, malgré les restrictions dans le déplacement.
En plus des 9 millions de moustiquaires distribuées en 2019. Le ministère a favorisé et facilité le déplacement des agents de terrain pour dérouler l’ensemble des activités de prévention".

La disponibilité des intrants est garantie

Selon le Dr Doudou Sène, le virus n’a pas encore montré toutes ses facettes.
Parce qu’il y a maintenant des jeunes de 30-35 ans, même des bébés, qui sont morts de Covid-19.
" Au départ, les personnes qui décédaient étaient plus âgées ; les statistiques l’ont démontré. Mais au fur et à mesure que l’on avance, on voit des jeunes qui décèdent. Au-delà de dire que les jeunes sont les moins vulnérables, le risque est de transmettre la maladie à des personnes qui sont à côté de ces jeunes. Si les jeunes ne prennent pas des dispositions, la gravité de la maladie pourra prendre des ampleurs insoupçonnées. Le système de santé du Sénégal n’a pas cette capacité à gérer ce qui s’est passé en Italie, en Espagne et actuellement au Brésil", prévient-il.

Pour lui, il est important que les gens se mobilisent davantage pour barrer la route à la Covid, avant de penser à continuer à lutter contre les maladies.
" Les autres maladies sont des priorités, mais la priorité des priorités, c’est d’abord de limiter la Covid-19, pour pouvoir continuer à garantir la santé des populations sur les autres maladies. Qui sont toutes prioritaires".

L’autre stratégie mise en place pour lutter contre le paludisme, en cette période de crise, c’est la prise en charge à domicile. Plus de 3.000 agents communautaires sont formés pour détecter le paludisme à travers le pays. Ils se rendent, expliquent le Dr Doudou Sène, dans les domiciles pour demander si oui ou non il y a quelqu’un qui a de la fièvre.

" Si une personne a de la fièvre, on leur demande de traiter le paludisme. Dans le contexte de la Covid, on les a tous dotés de matériel de protection, notamment de masque. Mais également de gel hydro-alcoolique qui leur permet de faire le travail et ne pas prendre trop de risques. Ils ont été formés aussi pour la Covid, pour voir les mesures de prévention qu’ils doivent prendre pour éviter, soit de contaminer les populations ou de se faire contaminer. Ce sont les stratégies que nous avons adoptées dans ces régions où la transmission est très élevée, pendant la période d’hivernage, notamment Kédougou, Kolda et Tambacounda. Parce que 80 % des cas de paludisme détectés dans le pays en 2019 l’ont été dans ces zones", renseigne le Dr Sène.

S’agissant de la disponibilité de médicaments, le Dr Sène rassure. A l’en croire, pour le moment, ils ont garanti la disponibilité de l’ensemble des intrants liés au paludisme.

" Que ce soit pour les tests de diagnostic rapide, nous avons une bonne marge de plus de 6 mois au moins, pour pouvoir couvrir l’ensemble du territoire national. Que ce soit pour les médicaments, les comprimés d’ACT, les combinaisons d’acide, nous avons une bonne disponibilité sur l’ensemble du territoire national jusqu’au niveau des cas de santé et des Dsdom (dispensateurs de soins à domicile). Nous avons une très bonne disponibilité, grâce à l’appui aussi des partenaires techniques et financiers", précise le médecin.

ENQUETE