NETTALI.COM – L’annonce de la naissance de la monnaie Eco ne fait pas l’unanimité dans l’espace Cedeao. S’ils attendaient tous la «mort» du franc Cfa, les chefs d’Etat ouest-africains n’ont pas la même lecture que Macky Sall, Alassane Ouattara et les autres présidents du pré carré français.  Pour de nombreux experts, il est impensable qu’un pays comme le Nigeria accepte la nouvelle monnaie telle que présentée par le président ivoirien.  

«Par un accord avec les autres chefs d’Etat de l’Uemoa, nous avons décidé de faire une réforme du franc Cfa avec trois changements majeures. Tout d’abord, le changement du nom de la monnaie du franc Cfa à l’Eco. Deuxièmement, l’arrêt de la centralisation de 50% de nos réserves de change au Trésor et la fermeture du compte d’opération. Troisièmement, le retrait des représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l’Uemoa.» C’est en ces termes que le Président ivoirien Alassane Dramane Ouattara a annoncé, samedi 21 décembre à Abidjan, la fin prochaine du franc Cfa et son remplacement par l’Eco. Cette monnaie à huit pays deviendra le noyau dur de la future devise de la Cedeao. Mais il est loin d’être sûr que tous les pays membres de la Cedeao vont accepter cette nouvelle monnaie telle qu’elle est présentée par le président ivoirien. C’est en tout cas ce que soutiennent de nombreux experts qui citent le cas du Nigeria qui n’acceptera jamais que la France soit garante de cette nouvelle monnaie. Et Abuja serait loin d’être seul dans ce «camp du refus».

D’ailleurs, dans le communiqué sanctionnant le sommet des chefs d’Etat de la Cedeao tenu le 21 décembre 2019 à Abuja, les présidents se sont contentés de prendre acte «diplomatiquement» de la naissance de l’Eco pour les pays de l’Uemoa. «S’agissant du dossier de la monnaie unique de la Cedeao, après avoir entendu l’exposé de Son excellence Alassane Ouattara, Président de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Uemoa, la Conférence a pris acte des transformations importantes en cours au niveau de l’Uemoa. Cette réforme de la zone monétaire de l’Uemoa facilitera son intégration dans la zone monétaire de la Cedeao», lit-on sur le communiqué final du sommet des chefs d'Etat de la Cedeao. Autrement dit, s’ils acceptent le principe d’une nouvelle monnaie, les autres pays de la Cedeao attendront de voir l’évolution de l’Eco avant d’accepter d’intégrer cette nouvelle zone. Une division sur laquelle insiste Pr Ousseni Illy. Cet enseignant-chercheur à l’Université Ouaga 2 au Burkina Faso estime, d’ailleurs, que cette nouvelle monnaie n’est que de «la poudre aux yeux». «La question légitime que l’on est en droit de se poser est de savoir, cet «Eco» est-il celui projeté par la Cedeao ou s’agit-il d’un autre nouvelle monnaie Uemoa ? Ce télescopage (voulu à dessein ?) dénature complètement le projet de la Cedeao, s’il ne le compromet pas tout simplement. En lieu et place d’un processus inclusif et endogène comme voulu au départ, on se retrouve avec un «Eco» décidé par l’Uemoa (ou plus exactement par la Côte d’Ivoire et la France) auquel on demande maintenant aux autres pays de la Cedeao d’adhérer ; toute chose qui me semble inimaginable pour certains pays comme le Nigéria, que je vois mal adhérer à une monnaie dont les termes ont été fixés par la Côte d’Ivoire et la France», écrit Pr Illy dans une contribution publiée dans la presse burkinabé. Il ajoute : «On est donc parti pour une division des pays de la Cedeao entre d’une part, ceux qui vont accepter cette nouvelle donne et d’autre part, ceux qui vont la rejeter, mettant ainsi un terme au processus de l’Eco (le vrai).»