NETTALI.COM  - En décidant de fixer de "manière unilatérale" le delai pour la tenue des prochaines locales, le pouvoir de Macky Sall semble avoir bien calculé son coup. Comme pour la loi sur le parrainage, le chef de l'Etat veut entraîner ses adversaires sur un autre front. Ce qui ne leur donnerait pas le temps de bien préparer les élections municipales et départementales. 

Les élections locales qui devaient avoir lieu le 1er décembre prochain se tiendront finalement "avant le 28 mars 2021". Ainsi en a décidé le gouvernement du Sénégal. "Une décision unilatérale", selon le Front de résistance nationale (Frn). La démarche est d'autant plus surprenante qu'elle intervient au moment où une bonne partie de l'opposition est engagée dans le dialogue politique qui discute des questions majeures liées au processus électoral, notamment sur le mode d'élection des maires et présidents de Conseil. Alors pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas jugé nécessaire de soumettre la question de la date des locales au dialogue politique ?

En fait, tout semble indiquer qu'en prenant cette "décision unilatérale", Aly Ngouille Ndiaye et son patron ont voulu montrer qu'ils gardent la main. Dialogue ou pas. Mais ils donnent en même temps à l'opposition un nouvel os à ronger. Piège dans lequel les adversaires de Macky Sall tombent depuis son accession au pouvoir. C'était le cas avec la loi sur le parrainage. Pendant que l'opposition perdait son temps à se mobiliser pour barrer la route à cette loi, le pouvoir était déjà sur le terrain pour préparer la réélection de son champion. Résultat : non seulement les candidats de l'opposition étaient obligés d'aller chercher des signatures (la loi étant passée comme lettre à la poste), mais ils avaient déjà perdu beaucoup de terrain. La prédiction de Mouhamad Boun Abdallah Dionne s'est effectivement produite. Seuls quatre candidats ont fait face à Macky Sall. Pis, Idrissa Seck, Ousmane Sonko, Issa Sall et Me Madické Niang semblaient tellement mal préparés que leur stratégie manquait gravement de clarté. Ce qui a permis au candidat sortant de passer dès le premier tour de la présidentielle.

Avant le combat contre la loi sur le parrainage, il y a eu les législatives de 2017 que l'opposition a plus que mal préparées. Car au moment où la coalition au pouvoir était concentrée sur le vrai objectif, les partis se battaient sur un autre front. Celui de la libération de Khalifa Ababacar Sall et du retour de Karim Wade. L'opposition s'est ainsi présentée aux législatives avec des coalitions montées à la hâte. D'où les nombreuses frustrations. Et Benno Bokk Yakaar s'en est sortie avec une majorité parlementaire confortable.

Toutefois, cette fois-ci, l'opposition semble avoir compris. La réaction du Front de résistance nationale ne laisse pas voir une envie de ronger le nouvel os lancé par Macky Sall. S'il rejette la "démarche unilatérale" du pouvoir, le Frn se limite à en prendre acte. "En effet, la question de la date des prochaines élections départementales et municipales devait être soumise au niveau du dialogue en cours avec tous les pôles en vue de trouver un consensus comme c’est le cas sur plusieurs autres questions", lit-on dans un communiqué rendu public ce mardi. Non sans demander que "les manifestations d’intérêt pour le choix des cabinets indépendants pour l’audit du fichier et l’évaluation du processus électoral, soient lancées au plus tard le 1er décembre 2019 pour pouvoir organiser les élections dans les meilleurs délais". Aucune exigence donc sur la date des élections locales. Ce qui serait un combat perdu d'avance. L'opposition a-t-elle enfin compris le jeu de Macky Sall ? Il semble que oui.