NETTALI.COM - Qu’est ce qui a bien dû se passer pour qu’Ismaël Madior Fall soit tout d’un coup devenu si nuancé et si souvent en désaccord avec la majorité de ses collègues enseignants sur les questions de droit constitutionnel ? Une situation d’autant plus étonnante qu’ on a connu cet amoureux du droit bien plus passionné, plus pertinent et plus incisif, dans le passé ! Qu’est-ce qui ne va plus ?

Nous nous adressons ici au constitutionnaliste et non au ministre de la Justice. Constitutionnaliste, c’est ce qu’il est. Ministre de la Justice, ce n’est qu’une fonction passagère. Et si nous choisissons de nous adresser au constitutionnaliste, c’est surtout en sa qualité de praticien du droit, chevronné qui a si souvent arpenté les marches de la faculté de droit, maniant les textes de loi, la jurisprudence, la doctrine juridique, la coutume constitutionnelle, l’objectif n’était que d’étancher la soif d’apprendre des étudiants, mais et surtout d’aiguiser leur esprit critique.

Nous avons applaudi lorsque nous avons noté, en tant que ministre de la Justice, qu’il a adressé une circulaire au parquet pour demander la possibilité d’appliquer des peines alternatives -ainsi que le prévoit la loi - en évitant de recourir aux mandats de dépôt systématiques. Nous avons applaudi, lorsque, suivant une disposition communautaire de l’Uemoa vieille de 3ans - mais jusqu’ici jamais appliquée - il a organisé un séminaire avec les officiers de police judiciaire afin de rendre effective la présence de l’avocat dès les premières heures de la garde à vue. Il y a bien sûr d’autres innovations de taille que nous ne citerons pas ici.

Mais là où ne peut comprendre l’homme, c’est lorsqu’on le voit donner corps à tous les projets de loi du gouvernement ou proposition de loi (par la voie de l’Assemblée nationale) dont on sait bien pour beaucoup, qu’ils sont discutables dans le fond et pas nécessaires pour un processus transparent : la question du mandat de 7 ans, le référendum, la loi sur le parrainage citoyen, la dernière actualité sur la possibilité d’un 3ème mandat.

L’on ne peut manquer de se demander dès lors ce qui a bien pu se produire pour qu’à chaque fois, le fondement de chaque loi, trouve sa justification, alors qu’au fond ses imperfections avaient été  relevées et de toute façon prévisibles. Tenez, n’a-t-on pas par exemple fait transporter des masses importantes de papiers aux différents candidats, lors du parrainage, alors qu’on savait pertinemment que ce comptage physique n’allait pas être approprié ? Que connaissaient ces mandataires de candidats ou membres de la société civile présents, du paramétrage du logiciel destiné au comptage des parrainages ? Le ministre, dans cette récente interview avec le journal EnQuête, fait bien de dire que « la loi n’est pas parfaite » et qu’après l’élection, il faille « faire une évaluation sereine du système ». Ne savait-il pas que la loi est à ce point imparfaite ?  Veut-il nous faire croire qu’il n’avait pas vu venir ? Il est bien plus facile de mettre dans la bouche des candidats de telles remarques : « J’ai entendu certains candidats dire qu’ils auraient voulu avoir davantage d’informations sur le logiciel qui a permis de sélectionner les parrainages (…) Certains ont aussi regretté la bousculade qu’il y a eu au premier jour. Je pense qu’on peut trouver un système où il n’y aura plus de bousculade en invalidant, par exemple, les doublons pour tous les candidats concernés. Il faudra observer toutes les forces, mais aussi les faiblesses afin de les corriger. C’est comme ça que la démocratie avance ». Trop facile après coup !

 

L’élection étant derrière nous, et il importe bien sûr d’avancer . Mais une question demeure tout de même. Que doivent retenir les futurs étudiants qui ont comme vocation de s’inscrire en faculté de Sciences juridiques, où le droit constitutionnel commence à être enseigné dès la 1ère année ? Doivent-ils retenir qu'il est cette matière tellement élastique, souple, maniable dans tous les sens et à souhait ? Les débats sur les différents projets et propositions de loi ont été tellement techniques et confusants que même les plus esprits les plus avertis se perdaient. La confusion, était-ce peut-être le but recherché ? Il faut revoir le parrainage, le parfaire, a relevé Ismaël Madior Fall dans cette interview accordée au quotidien EnQuête !

 

Macky Sall est réélu et quel que soit ce qu’on puisse en penser, il importe juste de ne pas insulter l’intelligence des Sénégalais qui sont bien plus futés qu’on ne le pense. « En principe..» sur la question d'un possible 3ème mandat ou non, sème le doute dans l’esprit des gens. Il crée bien plus que du doute, mais des brèches dans lesquelles pourraient s’engouffrer les politiques pour théoriser des choses bien plus incompréhensibles qu’auparavant. Mais heureusement que le roi veillait et a vite fait d’attraper la balle au rebond. Seydou Guèye a clos le débat, du moins pour le moment. Plus royaliste que le roi devrait-on dire ! Mais dans tous les cas, Le bissap est infusé, il faut peut-être le boire. Mais attention à la vie, elle est une course de fond et pas de vitesse. Gare à ceux qui ne pensent pas au futur, le VAR veille.