NETTALI.COM - Que quelques-uns de nos hommes politiques en soient réduits à proférer des accusations contre leurs rivaux politiques, il y a vraiment de quoi s’interroger sur la tournure que prend l’adversité à la veille de la présidentielle. Volonté d’être au-devant de la scène avec du buzz à la clef ou sombre dessein de salir  son adversaire ? Difficile de savoir, mais les accusations semblent si soudainement s’enchaîner. Comme ces récentes accusations qui visent Aly Ngouille Ndiaye et au-delà son ex-mentor Macky Sall, après celles dirigées contre Ousmane Sonko et dont on n’a d’ailleurs pas fini de parler.

Dans le cas d’Aly Ngouille Ndiaye, face à la presse dimanche 10 décembre, Me Moussa Diop a accusé Aly Ngouille Ndiaye, Macky Sall, Jean-Claude Mimran, Mamadou Diagna Ndiaye ainsi que d'autres personnalités d'être impliqués dans un présumé deal autour d'une mine de diamant située dans le Nord du pays. Il a brandi une lettre qui aurait été signée par Aly Ngouille Ndiaye et destinée à Jean-Claude Mimran. L'ancien ministre de l'Intérieur avait, dans un premier temps, activité sa cellule de communication pour un démenti, mais a finalement opté pour une plainte pour diffamation.

C'est l'avocat Me Daouda Ka qui s'est chargé de déposer une plainte pour diffamation contre Me Moussa Diop auprès du Tribunal de grande instance de Dakar. Candidat déclaré à la présidentielle de 2024, Aly Ngouille Ndiaye décide donc de donner une suite judiciaire aux accusations de l'ancien Directeur général de Dakar Dem Dikk.

De même Ousmane Cissé, le directeur général de la Société des mines du Sénégal (Somisen) et ancien DG des Mines, Ousmane Cissé, a déclaré que, dans leur portefeuille, il ne figure pas une société minière qui exploite du diamant au Sénégal. Quant au groupe Mimran, il a qualifié l'affaire de "mine de mensonges bruts"

La suite, on la connaît. Me Moussa Diop est convoqué à la Sûreté urbaine à la demande du procureur de la République et est placé en garde à vue.

Une affaire qui a d’ailleurs éclipsé les accusations dirigées contre l’opposant le plus populaire du moment, Ousmane Sonko. Accusations selon lesquelles, ce dernier aurait accepté plusieurs milliards de francs CFA de fonds occultes de Qataris des milieux pétroliers. Une accusation appuyée par un député de la majorité, Matar Diop..

Fantasmes ou cabales à la veille d’élections, le phénomène n’est toutefois pas propres à notre pays puisqu’on l’observe, dans le cadre de compétitions électorales, sous d’autres cieux et étonnamment dans des pays considérés comme les crèmes de la démocratie. Ce n’est d’ailleurs pas un secret qu’aux Etats-Unis, le camp démocrate a vu la main des Russes derrière des manipulations liées à la présidentielle, au bénéfice de Donald Trump.

De même en France, la dette contractée par Marine Le Pen auprès de banque russe, ne pouvant pas trouver de banque partenaire pour financer son parti, s’est invitée au cœur de la campagne présidentielle au cours de laquelle Emmanuel Macron a cherché à accabler la présidente du Rassemblement national sur le sujet, et également lors des débats les opposant.

Mais toujours est-il dans cette affaire d’accusations version sénégalaise, l’accusateur d’Ousmane Sonko qui est député de la majorité au pouvoir, n’a pour le moment pas apporté la preuve de ses allégations relatives à des propos tenus à l’Assemblée nationale et réitérés dans un entretien avec le journal l’observateur.

Ce qui laisse penser que pour le représentant du peuple qu’est Diop, l’Assemblée nationale devrait pouvoir mettre en place une commission d’enquête parlementaire dans le but de tirer cette affaire au clair. De même, le procureur de la République devrait pouvoir s’autosaisir. L’accusé aussi, s’il se sent diffamé, a le loisir de porter plainte.

Cheikh Yérim Seck, tout comme Madiambal Diagne qui ont amplifié l’affaire, suite à l’information du "Canard Enchaîné" et la sortie du député de la majorité, Matar Diop, ont eux demandé à la société civile de s’emparer du dossier.L’on ose juste espérer que le camp du pouvoir ne se soit pas lancé dans des accusations fallacieuses sur fond de revanche contre Ousmane Sonko. Ou qu’il ait juste envoyé une boule puante infondée dans une logique de semer le doute dans l’esprit de bon nombre de Sénégalais.

Des accusations qui amènent toutefois une partie de l’opinion à penser à une cabale de plus contre l’opposant le plus populaire de l’heure qu’est Ousmane Sonko, suite aux premières accusations de cabale contre le pouvoir en place, dans l’affaire de viol opposant le leader de Pastef à Adji Sarr.

Une fois cela dit, au moment où des partisans d’Ousmane Sonko et même une partie de l’opinion ruent dans les brancards pour reprocher à certains hommes de presse, d’avoir relayé des accusations sans toutefois réclamer des preuves, il y a à se demander où étaient ceux-là lorsqu’Ousmane Sonko accusait à tour de bras, les députés de l’Assemblée nationale de ne pas payer d’impôt ; Mamour Diallo dans l’affaire des 94 milliards ; ou confortait le reportage de BBC dans l’affaire Petrotim ; ou encore affirmait détenir des preuves que Mame Mbaye Niang a spolié les 29 milliards du Prodac.

L’on sait la suite qui avait été donnée dans une plainte contre Ousmane Sonko et dans celles précitées.  L’on se rappelle en effet que le mouvement Xeexal Sénégal, coordonné par l’ex-commissaire Keita, avait eu à envoyer une lettre de dénonciation à l’Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) contre Ousmane Sonko, ancien inspecteur des Impôts et Domaines, et Tahibou Ndiaye, ancien directeur du Cadastre visant l’escroquerie foncière. Le leader de Pastef avait été lavé de tout soupçon.

De même, par rapport à la plainte d’Ousmane Sonko devant le Doyen des juges avec constitution de partie civile dans l’affaire des 94 milliards, les enquêtes avaient été diligentées et Ousmane Sonko avait été par la suite débouté parce que n’ayant pas intérêt à agir, aux yeux de la justice qui avait estimé qu’il n’avait pas subi de préjudice direct.

Dans l’affaire Petrotim aussi, le Procureur s’était auto saisi et confié le dossier au Doyen des juges, feu Samba Sall. Après enquête, une ordonnance de non-lieu a été décernée. L’affaire  a ainsi été classée.

Dans ces affaires d’accusations également, c’est une posture similaire que l’on attend des institutions étatiques.

L'application des textes aurait réglé les problèmes

Une situation qui donne d’ailleurs à réfléchir et qui pousse sans aucun doute à s’interroger sur la question de l’application des textes relatifs au financement de nos partis politiques. L’article 3 de cette loi dispose que « chaque parti politique doit déposer au plus tard le 31 janvier de chaque année le compte financier de l’exercice écoulée ». Ce compte doit faire apparaitre que le parti politique ne bénéficie d’autres ressources que celles provenant des cotisations dons et legs de ses adhérents et sympathisants nationaux et des bénéfices réalisés à l’occasion de manifestations. Tout manquement à cette obligatoire peut entraîner la dissolution du parti, prévoit cette loi.

Et une manière d’approfondir notre démocratie voire de la parfaire serait enfin d’appliquer les textes votés par des députés payés aux frais du contribuables, dans le but de rendre du coup plus transparent le jeu politique.

Mais peut-on vraiment se prévaloir de sa propre turpitude lorsqu’on ne fait pas ce qu’il faut pour appliquer des textes de lois sur la comptabilité des partis politiques, sur leur financement ?  Que l’on sache, ce rôle est dévolu au ministère de l’intérieur.

De manière générale, l’on devrait surtout songer à plafonner les dépenses de campagne. Car difficile de rendre le jeu démocratique équitable sans cela. Comme par exemple lorsque le parti au pouvoir utilise les moyens de l’Etat pour mener une campagne ? Ne prend-elle pas une avance sur les autres ?

C’est le même phénomène d’accusations qui s’observent dans le cas d’Amadou Ba, car au moment où l’on qualifie Amadou Ba de candidat-fonctionnaire milliardaire, ses accusateurs ont-ils la preuve de sa fortune supposée. En dehors de la symbolique de l’ascenseur dans le salon qui circule sur les réseaux sociaux ou ce domicile aux Almadies, l’on peut arriver à rendre le jeu politique plus transparent en appliquant la loi, au lieu de faire le choix des accusations dont on ne peut apporter les preuves sans verser dans la polémique. Qu’a-t-on fait de la déclaration de patrimoine ? Quelle est son utilité ?

Il ne s’agit nullement de démentir les accusateurs d’Amadou Ba, mais un contrôle strict et des enquêtes sérieuses sur les patrimoines des uns et des autres, auraient pu permettre d’y voir plus clair au lieu de se lancer dans des fantasmes de milliards et autres.

De la même façon, l’on pourrait également se poser des questions sur l’origine des financements des autres candidats qui bénéficient d’escortes de voitures rutilantes, composées de Ford F 150 avec des moteurs V8 de 6 cylindres, sur ces flopées de gardes du corps et ces caravanes formées de l’équipe de campagne, des militants et suiveurs qu’il  faut entretenir en termes de perdiems, de nourriture et d’hébergement. L’on ne parle même pas encore des dépenses de communication.

C’est en effet de notoriété publique que nos partis politiques ne sont pas les plus actifs en matière de cotisations, à l’exception de quelques rares bien organisés et motivés pour la conquête du pouvoir. Cette culture des cotisations n’est pas à la vérité si solidement ancrée dans notre société, où l’on attend plutôt du chef de parti qu’il trouve les moyens ou de quelques mécènes pas si désintéressés que cela, voire même des lobbies pour combler les déserts financiers.

Qu’on ne s’y trompe point, la démocratie a besoin, pour avancer, de transparence et ceux qui prétendent au suffrage des Sénégalais, d’être irréprochables et exemplaires pour ne pas se retrouver demain, une fois au pouvoir, à renvoyer l’ascenseur à de « généreux » donateurs ou des lobbys.

Une application stricte du financement des partis politiques, une déclaration de patrimoine élargie aux candidats à la présidentielle, une existence des partis politiques conditionnée au résultat d’élections représentatives, ainsi qu’une avance contraignante de 50% du montant de la caution avant le retrait des fiches de parrainage, auraient davantage pu constituer un filtre plus efficace que le seul parrainage dont on a vu le côté clientéliste qui pousse à toutes sortes d’artifices.

Ce qui prouve que cette affaire de caution en amont aurait pu être bien efficaces, c’est qu’ils étaient bien nombreux sur la ligne de départ des candidatures à la présidentielle. 260 voire plus. Mais l’on ne se bouscule plus au moment du dépôt des cautions au niveau de la caisse des dépôts et consignations. Ce qui montre à quel point la caution peut être un filtre contraignant. Tout cela ne nous livre qu’un seul enseignement. Il y a en réalité beaucoup de rigolos et de farfelus au départ de la course, mais aussi beaucoup qui cherchaient à se faire de la pub à moindre frais, sachant à l’avance qu’ils ne réussiraient jamais à rassembler le nombre de parrainages et encore moins à verser une caution. Cela aurait été bien dissuasif pour nous épargner le tintamarre de tous ces farfelus et sans envergure qui nous ont enquiquinés avec leurs bavardages et littératures inutiles.

Qu’on le veuille ou non, la politique est une affaire sérieuse. Une affaire d’élite. Il ne s’agit pas dès lors, sous prétexte de liberté des citoyens, de permettre à n’importe quel quidam de prétendre à la participation à la présidentielle.

La question que l’on devrait raisonnablement se poser, est de savoir quel est le destin d’une démocratie où les textes ne sont pas appliqués. Tout cela est en réalité révélateur d’une démocratie qui évolue en dents de scie, alors qu’elle a été jadis présentée partout comme une vitrine. Il n’est sans doute pas trop tard pour la redresser, mais l’on se doit de tout faire pour mettre au-devant de la scène des candidats à la présidentielle vertueux pour pouvoir en choisir un de vertueux et d’exemplaire, capable d’impulser des politiques vertueuses. Mais nous devons nous évertuer par-dessus tout à bâtir des institutions plus solides que les hommes. C’est cela qui est le gage d’une démocratie sûre et qui évoluera dans un sens positif.