NETTALI.COM - Ceux qui disaient de Macky Sall qu’il est un génie politique doivent se rendre à l’évidence qu’Ousmane Sonko n’est pas si petit que cela. Ce dernier en tout cas résiste, suivant sa logique face à ce qu’il considère comme une agression du régime Sall.

Dans l’affaire Adji Sarr ou de viol dont on l’accuse, il use du droit que lui octroie la justice de faire des recours pour faire traîner l’affaire. C’est de bonne guerre diront certains. Dans l’affaire de diffamation qui l’oppose à Mame Mbaye Niang, il multiplie les renvois, comme c’est de coutume au tribunal et provoque le régime, comme pour les attirer dans son piège. Récemment, lors de son meeting à Acapes, il a culpabilisé les jeunes en leur disant : «  si vous voulez vous battre, allons-y, sinon laissons le pouvoir à Macky Sall ». Il leur avait aussi demandé de se lever tôt et de l’accompagner au tribunal.

Le leader de Pastef n’est pas à la vérité dupe puisqu’il sait comment faire pour galvaniser ces foules en majorité composée de jeunes, tous acquis à sa cause et qui sont sa principale force dans ce combat ô combien difficile qui dure depuis plusieurs mois.

Ousmane Sonko est à la vérité résolument inscrit dans une logique de dénonciation de tout ce qu’il considère comme abus, maintenu qu’il est à son domicile, dans une sorte de « résidence surveillée » où le pouvoir a limité ses déplacements et les visites autour. Il glissera même au passage aux forces de l’ordre massés devant chez lui : « utilisez vos cerveaux ». Un sacré gros provocateur vicieux que cet Ousmane Sonko qui sait aussi bien y faire pour mettre le régime en mal avec les Sénégalais ; ou en tentant de jouer sur la conscience des policiers qu’il dit reconnaître. On en est en plein dans le jeu politique et la manipulation !

Ainsi va un Ousmane Sonko, fidèle à sa logique de résistance. Sur le chemin du tribunal où il se rend, il a voulu être fidèle à sa parole, à savoir que personne ne lui tracerait sa route. Il voulait passer par l’avenue Cheikh Anta Diop afin de pouvoir drainer du monde, allant même jusqu’à accuser le pouvoir de vouloir attenter à sa vie par des nervis sur la Corniche. La conséquence est un refus catégorique des forces de l’ordre qui le gazeront au passage, lui et son avocat, malgré l’opposition farouche du très entêté et résilient Guy Marius, blessé la veille par une grenade, à la cuisse. L’image a fait le tour des réseaux sociaux.

Ousmane Sonko sera exfiltré et conduit de force au tribunal. Là aussi l’affaire tourne à son avantage. Il réussit encore une fois à se victimiser. Comme lorsque la vitre de son véhicule a été cassée la première fois pour l’en extirper. Dans un pays connu pour aimer les victimes, c’est du pain béni pour le leader patriotique.

La suite on la connaît. Ce sont des manifestations tous azimuts qui ont éclaté dans Dakar et les régions du Sénégal, où l’on a assisté à de véritables guérillas urbaines avec des courses poursuites entre les forces de l’ordre opérant parfois un repli stratégique ou des jeunes gazés, bastonnés et malmenés par endroits. Des bus de Dakar Dem Dikk et le groupe électrogène du magasin Auchan de Mermoz sont brûlés et cassés. Mais auparavant, soient deux jours avant, beaucoup d’écoles avaient limité leurs cours aux matinées et de nombreux commerces avaient été fermés pour éviter les pillages systématiques dans des affrontements où se mêlent malfaiteurs, voleurs à l’arrachée et pilleurs.  Au finish, c’est un bilan assez désastreux qui est tiré de ces manifestations : des dégâts matériels et près de 400 arrestations notées.

Difficile de savoir en effet ce que l’on gagne dans ces scènes de pillage et du chaos, si ce n’est que de davantage créer une psychose qui ne fait que ralentir l’économie et ternir un peu plus l’image de cette vitrine démocratique sans doute un peu trop belle.

Où tout cela nous mène-t-il si ce n’est droit dans le mur ? Des observateurs en sont d'ailleurs à évoquer des risques d’attirer les terroristes surtout à un moment où la sous-région est en proie au djihadisme, surtout suite à la découverte du pétrole et du gaz par le Sénégal.

Dans ce face à face entre Macky Sall et Ousmane Sonko qui n’est pas prêt de s’estomper, deux logiques s’affrontent.

Celle d’un Ousmane Sonko qui ne veut pas, suivant sa logique, se faire conduire à l’échafaud sans brocher ; et celle d’un Macky Sall, emmuré dans un silence certes assourdissant mais qui veut que force  reste à la loi. Bref une sorte de duel à la OK Corral où il ne restera à la fin qu’un survivant.

Une situation qu’Alioune Tine, tout comme Ngouda Mboup, l’invité du « Grand Jury » du dimanche 19 mars, ne veulent voir perdurer puisqu’ils ont appelé au dialogue. Pour ce dernier et non moins président de la haute autorité de régulation du Pastef, Macky Sall et Ousmane Sonko doivent se retrouver autour d’une table, même si l’enseignent chercheur en droit constitutionnel relativise en faisant comprendre qu’Ousmane Sonko ne voudrait pas d’un dialogue qui ne soit pas sincère.

Une justice en question sur les dossiers impliquant des politiques

A entendre l’ancien Procureur spécial de la CREI Aliou Ndao sur la Sen TV, s’épancher sur une instruction du chef de l’Etat de ne pas toucher à Abdoulaye Baldé et qu’il a refusée d’appliquer, il y a vraiment à s’interroger sur la posture de l’exécutif ? De même à l’écouter évoquer une instruction de Sidiki kaba, alors ministre de la justice qui lui demandait à ce que l’affaire Karim Wade soit jugée avant les locales, peut laisser penser à un interventionnisme récurrent de l’exécutif sur ce type de dossiers.

Tout ceci montre à la vérité que quelque chose ne tourne pas rond dans le système dont il dit qu’il ne plaide pas pour l’indépendance de la magistrature, même s’il estime par ailleurs qu’ils sont nombreux ces magistrats indépendants. Pour lui, il y a des magistrats qui cherchent à faire plaisir aux autorités de l’exécutif.

A noter que dans la lutte acharnée menée par Souleymane Téliko l’ancien président de l’Union des Magistrats pour des réformes à envisager dans la justice pour plus d’indépendance des magistrats, l’on comprend finalement ceux-là qui ont des doutes sur une certaine administration de la justice notamment sur le contentieux impliquant des politiques.

Ousmane Sonko qui citait récemment, lors du « Giga meeting » d’Acapes, la jurisprudence khalifa Sall qui avait à l’époque de ses déboires, voulu se montrer sous les habits d’un « opposant républicain », a laissé entendre que ce dernier en a fait les frais. Aussi, a-t-il laissé comprendre qu’il ne se laisserait pas avoir de cette façon-là !

Il y a d’ailleurs matière à se poser des questions sur le sentiment de justice et telle qu’elle apparaît aux yeux de l’opinion. Comment peut avoir mobilisé autant les  deniers des Sénégalais pour des procès et vouloir par la suite amnistier des faits qui devront bénéficier à karim Wade et khalifa Sall, quand bien même, ils ont encore des amendes à payer. Quel respect et quelle conception a-t-on de l’application des décision de justice ? Et par ricochet de la justice ? Détournement de deniers publics et enrichissement illicites, deux condamnations bien plus graves qu’une diffamation surtout parce qu’ils concernent la gestion directe de l’Etat ! Remettre ces deux-là dans le jeu, reviendrait même à donner un signal que ce pour quoi ils ont été condamnés, n’est pas si grave que cela.

De même, à entendre le ministre Ismaila Madior Fall tout ministre de la justice qu’il est, évoquer récemment à l’émission « Objection » sur Sud FM,  une question de « manifestation d’intérêt » en évoquant la question de l’amnistie de Khalifa Sall et de Karim Wade, l’on peut évidemment se poser de sérieuses questions. Sommes-nous en train de rêver ?  Quel est le fondement juridique de ces manifestations d’intérêt pour une loi qui touche à des faits et non des personnes ?  Il en a dit des choses dans le temps, ce cher constitutionnaliste, devenu lors, un politique pur jus !

Des sons de cloche différents 

Invité de l’émission « Jakarloo » du vendredi 17 mars, Mamadou Thiam, journaliste et ancien conseiller en communication du président de la république, émet sur une autre fréquence. Il a ainsi déploré la posture d’une certaine frange de l’opinion, estimant qu’il y a une indignation sélective tendancieuse plus importante dès lors qu’il s’agit du procès de l’homme politique Ousmane Sonko et inaudible lorsqu’il s’agit d’une affaire qui concerne le camp du pouvoir. Ces Sénégalais, il les appelle des « spécialistes du son » qui montent le son de leur indignation, selon les circonstances. Le journaliste se demande d’ailleurs pourquoi ceux-là ne se sont pas indignés lorsque la maison de Me El Hadji Diouf est brûlée ? De même que lorsque des vendeurs se sont faits voler leurs portables lors des manifestations ? Ou encore des Sénégalais qui n’ont eu le tort que d’acheter une licence pour gérer une station Total, et qui voient leurs commerces saccagés et pillés ? Thiam pense ni plus, ni moins que si Ousmane Sonko s’estime avoir été diffamé, de demander simplement pardon. Il reprenait ainsi Mame Mbaye Niang qui disait que le leader de Pastef lui aurait demandé pardon en douceur au tribunal.

Poursuivant, celui-ci de faire savoir que lors d’une interview, un journaliste étranger lui a fait la remarque selon laquelle Ousmane Sonko a du monde derrière lui. Cela l’absout-il, a répondu Mamadou Thiam qui relatait le contenu de l’échange ?

Quant à l’article L 29 du code électoral que l’on brandit aujourd’hui, informe-t-il, il a été voté bien avant Ousmane Sonko, Macky Sall et lui-même, en 1992, précisément.

Embouchant la même trompette, Cheikh Yérim Seck, l’invité de « Confrontation » du samedi 18 mars estime que si cela ne dépendait que de lui, les problèmes de démocratie ne se résoudraient pas en justice, expliquant qu’en France les problèmes de diffamation sont tranchés de manière simple et rapide devant un juge et finissent soit par un démenti, un rectificatif voire parfois par une mise au point avec l’accord des deux parties.

Mais dans ce cas d’espèce, relève-t-il, les problèmes de diffamation se résolvent en justice au Sénégal, précisant au passage que Mame Mbaye Niang a porté plainte puisqu’Ousmane Sonko l’a accusé d’être épinglé par un rapport et de détenir des preuves. De deux choses l’une, précise l’ancien de Jeune Afrique, soit il apporte les preuves qu’il dit détenir si c’est le cas ; soit le juge le condamne s’il estime qu’il n’a pas apporté de preuve. Celui-ci pense même qu’il ne faut pas que les Sénégalais se laissent distraire.

A la question de savoir pourquoi cette affaire traînerait-elle en longueur, Seck pense qu’il y a un début d’explications, citant le cas de Clédor Ciré Ly qui s’est fait évacuer sur une chaise roulante et qui une fois arrivé en France, s’est mis à marcher et a été aperçu dans un bistrot en train de boire son café.

Tombant dans l’ironie,  Cheikh Yérim Seck, de faire noter qu’il y a peut-être moins de poussière et plus de fraîcheur, entre autres raisons qui font que l’avocat s’est vite mieux senti. Une affaire devenue virale avec beaucoup de dérisions autour sur les réseaux sociaux qui a poussé la famille de l’avocat à publier un communiqué à travers lequel, il a tenté de relativiser : « il a bénéficié d’un transport de l’ambulance de la clinique où il était hospitalisé pour partir en France poursuivre son traitement et faire une analyse approfondie afin de déterminer exactement la composition du gaz qu’il a inhalé et qui a fait qu’il se trouvait dans un état de fatigue avancé. Nous précisons qu’il ne s’agit pas d’une évacuation sanitaire ».

Toujours est-il que Cheikh Yérim Seck a souhaité un rétablissement rapide d’Ousmane Sonko et de son avocat afin que le 30 mars l’affaire soit vidée, estimant que les Sénégalais sont fatigués

Une réforme des institutions et de la justice, plus que d’actualité

Une affaire qui devient de plus en difficile à dénouer au fur et à mesure que le temps avance. En tout cas, un nouvel épisode s’est ouvert dans le feuilleton, à savoir l’évacuation sanitaire d’Ousmane Sonko hospitalisé qui est demandée par le bureau politique de Pastef, alors que le contrôle judiciaire de l’opposant est brandi côté pouvoir. Ce qui laisse même planer le doute sur la poursuite même de l’audience renvoyée au 30 mars. Pastef a lui décidé de porter plainte pour tentative d’assassinat.

Mais au-delà de tous ces épisodes cités dans ce feuilleton juridico-politique, ce qui est surtout à déplorer, c’est la mise sous surveillance de la liberté d’aller et de venir d’Ousmane Sonko en bloquant l’accès à son domicile. Ce que les policiers pouvaient éviter, ce sont les attroupements de militants et visiteurs qui pourraient gêner la quiétude des voisins. Mais en aucun cas, ils ne doivent pouvoir restreindre la liberté d’Ousmane Sonko. De même, il était tout aussi inutile de le contraindre à se rendre au tribunal, ce d’autant plus que dans cette affaire, rien ne l’obligeait à y être présent. L’usage en plus du gaz, est tout simplement excessif. Avaient-ils vraiment besoin de tout cela . Il serait en tout cas bien indiqué aux forces de sécurité, de faire preuve de moins de zèle pour une affaire qu’ils peuvent gérer avec plus de sérénité et de professionnalisme.

On en reviendra toujours et toujours aux réformes issues des Assises nationales qui sont les bases de la réforme des institutions à l’intérieur desquelles la réforme de la justice est un chantier à part entière. Sinon l’on sera encore et toujours dans un éternel recommencement du successeur qui se plaindra toujours de son prédécesseur. Wade l’a fait contre Diouf, Macky contre Wade et aujourd’hui Ousmane Sonko contre Macky Sall, même si cela n’a pas été au même degré.