NETTALI.COM - Auchan, Carrefour, Decathlon, Pathé, Office chérifien du phosphate, Senegindia, etc qui s’installent au Sénégal, c’est toujours une bonne affaire pour le pays et la création d’emplois. Qu’un Sénégalais bon teint crée une entreprise et des emplois, c’est toujours mieux. Un événement toujours source d’une grande fierté, mais aussi une assurance que les richesses produites vont au moins être maintenues dans le pays ; que les cadres nationaux seront mieux appréciés par leurs concitoyens, plutôt que d’être relégués au second plan dans des entreprises étrangères, avec des différences de salaires astronomiques, comparés aux cadres étrangers, sous le prétexte d’une expatriation qui justifierait certains écarts abyssaux de revenus.  

Les multinationales sont à la vérité souvent plus puissantes que nos états et arrivent toujours à passer à travers les mailles du filet de l’impôt, à l’aide parfois de pratiques douteuses, avec à la clef des avantages indus. La masse importante d’impôts qu’elles doivent payer, elles arrivent souvent à la réduire à peau de chagrin, dans une logique d’optimisation fiscale, adossée à des frais et redevances imposées à leurs filiales disséminées à travers le monde.

Sur un autre terrain, celui de la croissance, l’importante présence des entreprises étrangères permet certes une certaine croissance, mais une croissance si peu inclusive qu’elle serait tournée vers l’extérieur en raison du rapatriement des bénéfices et autres subsides vers les pays d’origine voire des paradis fiscaux, en plus d’autres tours de passe-passe liés à une logique d’optimisation fiscale.

Cela fait évidemment toujours chaud au cœur de voir un Sénégalais, Youssou Ndour en l’occurrence, quel qu’il soit, créer une industrie. Et Yousou Ndour l’a fait en créant une industrie dénommée Impack et Safa groupe. Une association, fruit d’un partenariat avec la société égyptienne El Safa Printing, dont l’activité est dédiée à l’impression de packaging, avec une ambition de fournir, non seulement le marché national, mais aussi la sous-régional. El Safa qui fournissait le marché ivoirien, pourra désormais s’appuyer sur le Sénégal pour conquérir la sous-région. Une bonne option surtout que le plastique n’a plus la cote pour des raisons évidentes liées à l’environnement, surtout que nombre de pays dont le Sénégal ont légiféré pour interdire les sachets en plastique à faible micronage. Mais également parce que le packaging va davantage contribuer à la valorisation des produits.

Les images de l’inauguration de cette industrie étaient partout. Avec les salariés du groupe Futurs médias, la famille et les amis du roi du Mbalax, invités pour la circonstance.

Même le président Sall s’était déplacé pour l’évènement. Il a ainsi dit tout le bien qu’il pensait de Youssou Ndour, ne tarissant pas d’éloge sur l’homme et son statut. A savoir sa fierté  pour « un compatriote parti de rien avec sa musique, pour révolutionner notre patrimoine musical, le porter aux quatre coins du monde, avant de se lancer dans le business, participant ainsi à la création de richesses ». Le président s’est aussi réjoui « de l’envergure de cette unité industrielle d’impression et de packaging construite sur une superficie de 3 mille mètres carrés, avec un parc d’une trentaine de machines, » avec « une capacité de tirage qui le positionne en leader au plan national et sous-régional. » « Voilà pourquoi vous méritez d’être soutenu par le Gouvernement, par l’administration, par les entreprises en tant qu’entreprise nationale qui aspire à devenir un champion africain, surtout dans le cadre de la zone de libre-échange continental », a lancé Macky Sall à l’endroit de You, soulignant au passage que « le groupe contribue ainsi à renforcer la place du Sénégal dans le domaine des hautes technologies en matière d’emballage et à réduire l’importation de ces dernières ainsi que d’autres accessoires. »

Un privé national abandonné à son sort

Bref, tout ce discours - dans une logique d’encenser You qui est un soutien politique pas tout à fait fiable de Macky Sall qu’il faut ferrer-  est bien beau. Que Youssou Ndour soit parti de rien, n’est pas tout à fait faux. Il a usé de son talent, de son courage et d’une certaine abnégation pour pouvoir se frayer son chemin dans le monde de la musique de manière à pouvoir l’exporter et bâtir un aura. Mais au-delà du discours politicien, il s’agit de scruter à la loupe ce que Macky Sall a fait pour le secteur privé national au point de lui faire un clin d’œil ? Qu(at-il fait de si significatif pour tous ces capitaines d’industrie qui n’ont pas eu le privilège de voir le président inaugurer leur business et les encenser sur la place publique ? « Je voudrais dire à tout le secteur privé intéressé par l’investissement chez nous, que l’Etat continuera à mettre en place les infrastructures et mesures d’accompagnement nécessaires à l’appui de leurs activités », a-t-il déclaré. Difficile en effet de voir la main du chef de l’Etat dans une quelconque entreprise de promotion de l’industrialisation, surtout vis-à-vis du secteur privé national.

Il a en réalité plus contribué à faire du Sénégal, un désert industriel en confiant le département de l’industrie à Moustapha Diop, dont on s’interroge toujours sur la lumière qui l’a illuminé pour qu’il confie les rênes de ce qui aurait pu être une grande pourvoyeuse d’emplois, au politicien Lougatois ! Le Programme Sénégal Emergent aurait par exemple pu être ce levier pour booster une politique d’industrialisation du Sénégal avec des industries à la hauteur de nos besoins, car alors même des produits jugés futiles et dérisoires, sont importés dans ce pays à la balance commerciale déjà si déficitaire. Le Sénégal est même devenu une sorte de poubelle de l’importation de produits venant des pays asiatiques et à la qualité douteuse.

La vérité est que le secteur privé s’est toujours plaint d’être le laissé pour compte de la république, alors que des entreprises étrangères ont toujours fait la pluie et le beau temps sous le magistère de Sall, raflant les grands chantiers de l’Etat. D’Alstom, en passant par Eiffage, Gemalto, Matière, la Sncf, Suma Limak, et les Turcs du stade Abdoulaye Wade, toutes les opportunités ont été offertes aux entreprises étrangères. N’oublions pas ces terres servies sur un plateau à des espagnols, Indiens, Français, etc. pour créer des domaines agricoles dont les fruits sont dédiés à l’exportation ; et ce secteur financier envahi par les Marocains avec la Banque Atlantique, Bank Of Africa, Crédit du Sénégal, Attijari et Sanlam. Des banques Sénégalaises pourraient-elles bénéficier des mêmes traitements au Maroc ? Il semble bien que non puisque les Marocains se sont installés en Afrique subsaharienne avec une logique de conquérants, assise sur une stratégique réfléchie et planifiée de longue date. Nous, on préfère toujours privilégier les entreprises étrangères en leur offrant d’énormes avantages sous le couvert de la Téranga qui nous dessert beaucoup, même s’il confère au Sénégal ce statut de pays hospitalier. Ne faut-il pas apprendre à s’aimer avant d’aimer les autres ?

La vérité est que la plupart des initiatives des entrepreneurs sénégalais, n’ont pas été encouragés. Babacar Ngom dans l’affaire des terres de Ndigueler, a subi pas mal d’ennuis  ainsi qu’un lynchage médiatique rare sous nos cieux. Et pourtant des capitaines d’industrie de cette envergure devraient être protégés et adulés. Vouloir trouver les moyens de cultiver les produits qu’il va utiliser pour l’activité avicole et ses industries alimentaires, n’est-ce pas une bonne option ? Des solutions intelligentes peuvent en effet être trouvées face à ces situations avec les habitants de ces terroirs qui brandissent bien souvent des héritages fonciers, dans le but de développer des localités entières en infrastructures (hôpitaux, écoles, routes) et en emplois. Et pourquoi d’ailleurs ne pas envisager des quotes-parts au lieu de continuer à demeurer dans cette pratique d’agriculture familiale saisonnière ? Notre agriculture locale et de type familial peine à se développer, en plus d’être toujours tributaire des semences et des pluies. Il est peut-être temps d’évoluer vers des formules plus structurantes dans lesquelles chaque partie peut gagner.

De même, la start up Akilee, filiale de la Senelec, dans une affaire de contrat avec la Senelec dont elle a la filiale, a subi ce même lynchage médiatique avec une presse si au fait des sujets techniques. Saisie d’une plainte par un syndicat instrumentalisé par la Direction générale, l’Agence de Régulation des Marchés public avait finalement tranché en déclarant le contrat passé entre Senelec et sa filiale, sur les compteurs intelligents, tout à fait « régulier » sans être « entaché d’une quelconque nébulosité », suite à un brouhaha médiatique, aux dessous politiques que l’affaire avait soulevé sur une longue période. Le pire est que les compteurs Intelligent sur étagère Israëliens de basse qualité que la direction générale de la Senelec a préféré à ceux d’Akilee, fruit d’une conception avec les équipes technique de Senelec, n’ont pas fait l’objet d’appels d’offres. En effet, une première commande de 45 000 compteurs a été faite par entente directe en avril 2020 pour un montant de 2,150 milliards. Des journaux de la place avaient d’ailleurs relevé des soupçons de surfacturation. Une seconde commande aura lieu. Toujours avec le même recours au gré à gré, lors de la seconde commande relative à l’acquisition de 250.000 compteurs prépayés, «béni » par une lettre du 14 décembre 2021, émanant du ministre secrétaire général de la Présidence de la république, invoquant l’urgence impérieuse, liée à la satisfaction des besoins des usagers et la protection des intérêts essentiels de l’état et l’intérêt général. Soit une commande directe facturée 12,811 milliards de Fcfa, malgré le refus de l’Armp et de la Dcmp. Ce qui fait un total de deux marchés par entente directe sur lesquels le Sénégal a perdu de l’argent, car au finish, les compteurs Israéliens qui ont été installés aux Maristes et à Gorée, se sont révélés être de mauvaise qualité, ainsi que l’avait souligné le Syndicaliste de Sutelec Habib Aïdara qui a dénoncé, au cours d’une rencontre avec la direction générale, « des difficultés rencontrées sur les 45 000 compteurs » et déploré « leur remplacement avec des pertes ».

Une préférence étrangère à peine voilée

Les entreprises étrangères sont décidément des reines au pays de la Téranga. Ce terme qui signifie à la fois accueil et hospitalité semble avoir rendu peu service aux entreprises sénégalaises qui sont décidément les mal aimées du régime. Comment comprendre par exemple le cas de cette entreprise marocaine dénommée Adhoha qui a fini par bénéficier dans le but d’ériger des immeubles, d’un terrain aussi vaste que l’ancienne gare routière, alors que des entreprises sénégalaises de promotion immobilière, à la réputation solidement établie, pouvaient en bénéficier ? Difficile de voir par la suite, ce que l’entreprise marocaine a construit d’original et de révolutionnaire, que des entreprises sénégalaises n’auraient pas pu faire ! Le résultat, ce sont des immeubles pas entièrement terminés, alors que les travaux ont débuté depuis des années. Même les parties achevées, trouvent difficilement acquéreurs.

Il y a aussi dans le lot, tous ces contrats douteux passés notamment avec la société d’Adama Bictogo et sa société Marilys BTP qui a mis les voiles avant d’avoir honoré son contrat lié à l’Etat du Sénégal pour la construction de l’université Amadou Moctar Mbow. Le quotidien sénégalais « Libération » avait en effet révélé que 30 milliards de Fcfa ont été décaissés pour cette université fantôme qui devait être fonctionnelle en octobre 2017. C’est finalement par courrier en date du 27 décembre 2019 que les autorités sénégalaises ont officiellement notifié à Adama Bictogo et Cie la résiliation du contrat.

Là ne sont pas nos seuls déboires avec Adama Bictogo, l’homme d’affaires ivoirien. L’épisode de l'affaire des visas biométriques qui le liait à l’État du Sénégal dans le cadre d’une concession de six ans et dont le contrat de 2013 a fini par être résilié à l’amiable. Malgré l’arrêt de l’exigence des visas biométriques par l’État du Sénégal prétextant un secteur touristique en danger face à une crise aiguë, l’homme d’affaires qui a affirmé avoir préfinancé la production via la banque atlantique, s’était débrouillé pour se faire indemniser à hauteur de 12 milliards de francs Cfa. Une décision qui avait créé un tollé dans le pays, amenant certains à s’indigner du montant.

L’équation du bénéfice des chantiers étrangers pour le Sénégal

L’expérience a pourtant montré depuis longtemps que les marchés attribués aux chinois, notamment l’érection de stades, ne nous ont pas apporté grand-chose, si ce n’est de continuer à dépendre d’eux, sous le sceau d’une coopération où la Chine tire plus de bénéfices. Nous n’avons jamais pu négocier des transferts de technologies. Ce qui est hélas dommage pour la capacitation de nos travailleurs. L’on n’en serait pas encore là à leur demander leur concours à chaque fois qu’il est question de construire des stades. La grande hérésie, c’est d’avoir par exemple laissé les Chinois construire Le Grand Théâtre et ce musée des civilisations noires en s’inspirant de leur architecture Chinoise pour des édifices censés symboliser notre patrimoine culturel !

Sur un autre plan, la France avec qui le Sénégal a une histoire plus ancienne, voient ses entreprises « venues chasser en meutes » depuis qu’elles se sont senties menacées par d’autres étrangères, en termes de parts de marchés, créer de l’ostracisme vis-à-vis des entreprises locales.

Le plus grave dans le rapport entre ces entreprises étrangères et notre état, c’est également le fait de ne plus hésiter à exercer une sorte de chantage à l’emploi pour espérer obtenir des avantages supplémentaires à ceux déjà énormes, acquis.

Renforcer et respecter les investisseurs

A la vérité, nous devons permettre à nos entreprises, d’apprendre grâce aux transferts de technologies et aux chantiers qu’elles sous traitent avec les étrangères. L’industrie automobile japonaise et coréenne est passée par là. Les occidentaux, à une époque, se moquaient des Asiatiques et de leurs voitures. L’expérience actuelle montre que les japonais construisent des automobiles ce qu’il y a de plus fiable. Les Chinois sont sur leurs traces et n’auront plus grand-chose à leur envier d’ici quelques années.

La vérité est que les capitaines d’industrie ou les hommes d’affaires qui percent sous nos cieux, de Babacar Ngom, en passant par Demba Ka de EDK Oil, Serigne Mboup de CCBM, Yérim Sow (Radisson, Bridge Bank et Teylium), Oumar Sow, fils de feu Oumar Sow (Compagnie sahélienne d’entreprise ), Ablaye Dia de Senico, Pathé Dione (patron de Sunu Groupe dans l’assurance et désormais la banque pour avoir acheté la Bicis, Diouldé Niane (Sonam Assurance), etc ne doivent leur réussite qu’à leur persévérance, leur abnégation et à leur génie. L’Etat doit s’assurer du même soutien vis-à-vis des autres capitaines d’industrie et ne pas le faire sous le sceau des affinités politiques, comme dans le cas de Youssou Ndour.

Le roi du Mbalax est finalement arrivé à mettre en place son entreprise après avoir connu quelques déboires liées à la machine principale endommagée et qui ont retardé le démarrage de l’exploitation. En effet jusqu’à l’arrivée des échéances de paiement de la dette contractée à Eximbank Egypte, il n’avait pas pu démarrer l’exploitation. Il a fini par s’associer avec les Egyptiens. Il aurait par exemple pu bâtir des immeubles et vivre, en plus de ses droits musicaux et prestations musicales, comme un rentier. Mais il a préféré ériger le Groupe Futurs Médias et certainement d’autres entreprises que l’on ne connaît pas.

Tout cela pour dire que nous devons nous évertuer à accorder de l’importance à ces chefs d’entreprise qui prennent des risques en mobilisant des capitaux pour créer des emplois au bénéfice des populations. Ils sont en effet bien plus utiles que ces politiciens qui mobilisent nos ressources pour redistribuer des miettes au bétail alimentaire, sans toutefois se soucier de préserver nos ressources.

Nous ne devons plus laisser les politiciens occuper l’espace, monopoliser le débat public et prendre toutes les décisions sous notre nez et notre barbe. La preuve par ces scandales qui se multiplient. Comme cet achat d’armement par le ministère de l’environnement et pour lequel on veut nous faire croire qu’il a été fait sous l’empire du « secret défense » alors que seuls les ministères des forces armées et de l’intérieur sont les seuls concernés.  C’est d’ailleurs scandaleux d’entendre Birima Ndiaye, le tonitruant chroniqueur qui intervient de manière cyclique à l’émission Jakarloo, lorsque l’Etat est accablé, dire que le marché de l’armement, c’est la mafia. Une manière de légitimer la relation commerciale avec ce Nigérien décrit comme un personnage sulfureux et recherché. Vouloir dédouaner l’Etat ne doit pas pousser à raconter certaines inepties, quand bien Macky Sall est son « idole ».

Mais pour l’heure, ils seront encore et encore sur le devant de la scène avec la question du 3ème mandat qui se joue. Le front de Benno emmené par Racine Talla, Mame Mbaye Niang, Alioune Ndoye, Abdou Fall, et des alliés etc qui a opté pour la candidature de Macky Sall qui fait face à un front qui se dresse contre sous le slogan de « la paix vaut mieux qu’un 3eme mandat ». Un slogan signé par AfrikaJom Center d’Alioune Tine, Y’en A Marre, AfricTivistes, LEGS Africa, la Ligue Sénégalaise de défense des Droits de l’Homme, le RADDHO, le Forum Social Sénégalais, FRAPP France Dégage, UDEN, Seydi Ababacar Sy Ndiaye, Abdourahmane Sow.  Ceux-là « l’invitent solennellement à ne pas présenter » sa candidature à l’élection présidentielle de 2024, « par respect pour la parole donnée et par respect pour l’interprétation claire et sans équivoque » qu’il n’a « cessé de donner de notre Constitution ». Objectif, lui mettre la pression dans le sens de l’obliger à abdiquer à un moment où dans son camp, Racine Talla et Cie l’incitent fortement à se présenter.

Reste à savoir quelle sera l’attitude de Macky Sall. Ousmane Sonko lui devra être auditionné, sauf changement de dernière minute, jeudi chez le juge d'instruction dans l'affaire de supposé viol sur Adji Sarr. Une situation qui en rajoute à la crispation politique observée depuis quelques mois.