NETTALI.COM - Retard énorme dans le démarrage des travaux, empoignades, échanges de coups, micros arrachés, bagarres, insultes, menaces, jets de bouteilles, etc. Tel est le spectacle pitoyable et ô combien désolant livré par les députés lors de l'installation de la 14ème législature, le lundi 12 septembre. Le plus grave incroyable est qu’ils n'ont même pas commencé à accomplir leur mission. 

Aïda Sow Diawara, la doyenne d'âge, chargée de présider la séance en l’absence de Me Wade (député le plus âgé) était visiblement dépassée par la situation, à tel point qu’elle a été obligée de se réfugier derrière les gendarmes, appelés à la rescousse pour sécuriser le vote. Il y avait de quoi avoir peur pour son intégrité physique. Que la gendarmerie en soit réduite à s'interposer entre les camps politiques, prouve tout simplement le niveau de fractures entre nos élites politiques. L’image fait date et désordre. Des forces de l’ordre dans l’hémicycle, qui l’aurait cru ? Elle est bien l'année 1962 où cela s'était vue.

Et l'on ne peut manquer de se poser des questions sur ce que ces néo-députés font de l’exemplarité qu’ils sont censés incarner vis-à-vis d’un peuple qui a joué sa partition en les mettant pour la première fois au coude à coude, dans des législatives où il a semblé leur dire : "représentez-nous mieux dans une situation où personne n'a la majorité absolue".

Difficile en tout cas de cautionner l'attitude de Guy Marius Sagna qui est monté sur son bureau et a publiquement déchiré les bulletins de vote et enveloppes, avant de se faire maîtriser par les gendarmes. A voir Barthélemy Dias se donner en spectacle en cassant des chaises, il y a à s'interroger sur sa posture. Quels signaux envoient-ils en agissant de la sorte ? Qu'on ne nous dise surtout pas que d'autres parlements de par le monde, sont bien plus chauds. L'exemplarité et les rapports ne connaissent pas les frontières.

Avec cette rentrée, l'opposition est passée à côté de l'unité. Comment a-t-elle réussi à traverser toutes ces contradictions du passé pour venir à une élection en ordre dispersé ? Elle a été dans l’impréparation totale, empêtrée dans l'équation des candidatures. Pouvait-elle ignorer sa défaite prévisible dans de telles circonstances ? Ahmed Aïdara si enclin à donner des leçons, savait bien qu'il n'avait aucune chance. Inexpérimenté pour la fonction, novice en politique, il aurait pu faire preuve d'altruisme, de sagesse et soutenir le candidat mieux à même de gagner. Comme cet expérimenté Lamine Thiam, ancien questeur et non moins candidat de Me Wade.

Résultat des courses, ils ont fini par un boycott qui a fait les affaires de Benno dont le patron a verrouillé son plan avant de donner sa consigne de vote dans des enveloppes au moment fatidique. Une situation anti démocratique qui a certes fait sortir l'opposition de ses gonds, mais à laquelle elle devait s’attendre. Qu'est-ce qu'elle peut être naïve ! Le conclave de ce week-end à Saly et les arrivées en convoyage, devaient lui mettre la puce à l'oreille, que quelque chose se tramait. Mais ils ont préféré s’arc-bouter à des arguments selon lesquels des ministres et DG députés, dans des situations d'incompatibilité, devaient d'abord démissionner. Ignorance manifeste des textes et du règlement intérieur qui stipulent qu'ils doivent d'abord être installés et démissionner sous huit jours. Comme quoi, il vaut mieux se mettre à jour et réfléchir avant d'agir au lieu de se donner en spectacle de manière si peu honorable.

Il est toutefois vrai que Député-ministre, cela fait désordre. Une personne à la fois élue et nommée ? Que fait-on de la séparation des pouvoirs ? Député -DG, pareil, cela fait tout aussi désordre. Deux casquettes pour une seule personne ! Soyons raisonnables quand même, c'est comme si d'autres Sénégalais n'étaient pas capables d'assumer ces postes.

La presse ne les a pas ratés 

«Déshonorable», le qualificatif qui a le plus été utilisé dans la titraille des journaux de la presse quotidienne du mardi 13 septembre. Un mot qui signe ainsi le résumé des commentaires de lendemain d'installation de la 14ème législature. Il sonne d'ailleurs mal à l'oreille au regard de sa prononciation difficile, mais aussi et surtout parce que son utilisation est quasi rare.

Bien malheureux celui qui est affublé de ce sobriquet qui signifie manque d'honneur ou d'intégrité ; pire celui qui mérite le déshonneur avec toutes ses excroissances avec les connotations connexes que sont l’avilissement et le qualificatif «dégradant» ou «humiliant».

Il y a eu aussi dans le lot des titres, un terme très peu gratifiant comme le mot composé « pourripture » qui traduit l'expression d'un certain niveau de dégoût. Un jeu de mots pas loin de l’insulte : le mot « pourriture » accolé au mot "rupture" pour mettre l'accent sur la rupture promise et qui pourrait ne pas avoir lieu.

D'autres journaux ont eux usé du jargon déjà existant dans un secteur à problèmes, tel que l'éducation avec des expressions en wolof « oubi tay xeex tay » (« faire la rentrée aujourd’hui et commencer par la bagarre » ). Une manière de marquer le contraste avec le fameux slogan désormais lié à la rentrée scolaire « oubi tay diaang tay » (" commencer les cours dès le jour de la rentrée scolaire").

Bref une presse écrite pas du tout tendre avec les députés. Un traitement similaire prévaut aussi sur les réseaux sociaux, les chaînes de télé et de radio.

La vérité est qu'on a si souvent désigné nos députés par l'expression « honorables députés » sans que l'on sache vraiment en quoi ils le sont plus que les autres élus de l'Etat, si ce n'est un honneur, une considération et un respect qu’on leur accorde pour la forme et pour les représentants du peuple qu'ils sont. Tout comme les magistrats du siège qui sont désignés par le titre "votre honneur".

L'honneur, c'est quelque chose que tout homme qui se respecte, devrait aspirer. Un titre qui devrait donc se mériter, en cela qu’il doive correspondre à un comportement exemplaire dans l’accomplissement de la mission de parlementaire. On a toutefois entendu certains déclarer qu'ils sont des députés du président Sall. Quelle déshonneur !

Il y a des jours comme celui de ce mardi là où la presse semble s'être passée le mot, avec des titres qui coïncident. Ce qui veut simplement dire que ce que le 4ème pouvoir pense, est largement partagé par les confrères. Ne dit-on pas, dans un proverbe wolof, que « toutes les bonnes montres, ont la même heure » ?

Les surprises Mimi et Amadou Mame Diop !

Cette installation de la 14ème législature n’a pas fini de révéler toutes ses surprises. Comme la préférence d’Amadou Mame Diop à Aminata Touré, celle-là que beaucoup d’observateurs voyaient déjà au perchoir de l’Assemblée. D’ailleurs, contrairement à ce qui se dit, le nouveau président n'est pas en terrain inconnu à l'hémicycle. Elu député pour la première fois en 2012, ce pharmacien de profession et désormais, ancien Directeur de la Société d'aménagement de la Petite côte (Sapco), est également le Vice-Président du Comité Interparlementaire de l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine.  Amadou Mame Diop a ainsi rempilé à l’Assemblée nationale en 2017. Depuis le 14 octobre 2020, il est le La Président de la Commission de Comptabilité et de Contrôle.

Dans cette élection, c’est la députée Aminata Touré  qui en est sortie bien dépitée au point d'avoir quitté l’hémicycle sans doute déçue pour s’être sentie trahie par celui pour qui elle s’était si souvent mouillée. N'avait-elle pas été obligée de subir des vertes et des pas mures de la part d’une opposition qu’elle n’avait cessé d'attaquer et d'égratigner en parcourant le Sénégal entier ? L'histoire du débat avec Sonko qui n'a pas finalement eu lieu est fraîche dans les mémoires.

Aminata Touré a, à la vérité, avalé beaucoup de couleuvres avec Macky Sall et connu une traversée du désert, suite à son éviction du poste de Premier ministre. Ses déclarations contre un éventuel 3ème mandat du président Sall, terniront ses rapports avec ce dernier. Ce n’est qu’un an après qu’elle est nommée, précisément en février 2015, en faveur d’une réconciliation avec le Chef de l’Etat, envoyée spéciale de ce dernier. En 2019, elle devient directrice de campagne de la présidentielle puis présidente du Conseil Economique, Social et Environnemental (Cese) en mai 2019, deux mois après la victoire de Macky Sall. Et  récemment, elle a été coordonnatrice du parrainage de BBY avant d’être parachutée tête de liste nationale de BBY pour les législatives.

Elle méritait sans aucun doute le poste. Elle en a la carrure, le niveau intellectuel, en plus de savoir aussi débattre et se faire respecter. Peut-être, souffre-telle d’un manque de connaissance des rouages de l’hémicycle et de son fonctionnement. Dépitée et amer, elle a dit tout le mal qu’elle pense de la situation actuelle. Comme au cours de cette interview avec l’Observateur où elle fait savoir que le chef de l'État privilégie les liens familiaux, estimant qu’il est clair et établi que « le choix est strictement familial ». Elle ajoutera même « qu’en ce moment, il fallait que le cousin fasse le tour du Sénégal, 5175 km exactement et le travail préalable. » Pour l’ancienne PM, « il n'y a pas de responsables pour aller au front et d'autres pour ramasser les fruits. La politique, ce n'est pas du servage où certains, forts de leur appartenance familiale, attendent que les autres travaillent pour eux."

Que Macky Sall nomme des proches, devrait-il surprendre les Sénégalais ? Il a commencé avec Mansour Faye et il n'est pas près de s'arrêter là. De plus, il semble de plus en plus que Macky Sall ne soit plus intéressé par les profils d'envergure, mais plutôt par ceux-là qui vont lui obéir au doigt et à l'oeil. La preuve par tous ces ministres au bon background renvoyés comme des malpropres de son ancien gouvernement sans que le reproche même selon lequel ils lorgnaient son fauteuil, ne tienne la route.

Une situation qui pousse d'ailleurs à s'interroger sur le type de rapports que Macky Sall entretient avec ses collaborateurs et ses  anciens ministres "bannis", qu’il  continue de mettre à contribution dans certaines circonstances. Des rapports qui semblent finalement n’être qu'instrumentaux pour ne pas dire un jeu de dupes. Difficile d’imaginer que certains d’entre eux n’aient jamais songé à prendre le maquis et à s’assumer. Car, il y a des moments opportuns pour cela. Gare à celui qui tente l’aventure. Les épées de Damoclès sont suspendues au-dessus de la tête de certains. Aminata, pour dire vrai, a tout simplement été utilisé pour faire le boulot. Maintenant qu'elle est consciente d'avoir été utilisée, que va être sa nouvelle posture ? Va-t-elle continuer à jouer les trouble-fête à l'Assemblée ou tracer sa route ? C'est en tout cas la question de son courage politique et de sa posture qui est interpellée.

Il aurait sans doute fallu qu’elle s’assumât et rompît les amarres, plutôt que de retourner à la maison Sall. La situation qui prévaut, montre seulement une chose, le président Sall ne fait pas assez confiance à Aminata Touré. En cas de vacance du pouvoir, Macky Sall ne voudrait point être remplacé par elle. Mais à la vérité, elle n'aurait pas dû espérer quelque chose après avoir fait savoir à Macky Sall qu’il ne devrait pas se représenter ? Imaginez une présidente de l'Assemblée pas d'accord que le président ne se présente à une 3ème candidature ! Macky Sall n'aurait pas non plus dû lui faire enfiler cette veste de tête de liste. Une situation en tout cas difficile à trancher. Mais elle ne doit s'en prendre qu'à elle-même.

Il y a toutefois un écueil chez Aminata Touré. Elle n’a pas cette légitimé politique ou plus exactement cette base politique qui lui permette de renforcer son poids et lui donner plus d’envergure. Elle a été à la tête de cette campagne certes, mais, à la vérité, il faut reconnaître que la victoire ne peut être attribuée à elle seule, quoique d’ailleurs arrachée avec une majorité relative. Ce qui est d’ailleurs une régression évidente par rapport aux législatives du passé. De 125 députés à 82 députés !

Pour l’heure, Oumar Youm qui a gagné dans son fief de Mbour, est devenu le président du groupe parlementaire de Benno à l’Assemblée. Il est à l'oeuvre et a déjà réussi dans la journée du mardi où l'assemblée se penchait sur l'élection du bureau, à dénouer en compagnie du très diplomate Birame Soulèye Diop de Pastef, le différend sur les postes de vice-président. Alors que ce dernier contestait le mode de calcul, ils sont finalement arrivés à un accord avec les 4 1ers vice-présidents revenus à Benno, les 5ème, 6ème et 8ème à Yeewi, alors que le 7ème est attribué à Wallu. La preuve que quand on discute, on arrive à des solutions sans heurts et violence. C'est la prouesse qu'ont réussi les trois présidents de groupe Oumar Youm de benno, Mamadou Lamine Thiam de Wallu et Birame Soulèye Diop de Yewwi en se concertant.

Que va-t-il advenir des autres membres de la majorité ? Diouf Sarr lui, a atterri à la 1ère vice-présidence de l'Assemblée. Aly Ngouille Ndiaye, le maître de Linguère qui éclipse un des lieutenants de Sonko, El Malick Ndiaye qui n’arrive toujours pas à y prendre ses marques, devrait compter. Mais la question est de savoir ce qu’il va advenir d’Amadou Ba, cet ancien argentier de l’Etat, l’homme à l’image surfaite par les médias. Il ne peut se prévaloir d’aucune légitimité à l’heure actuelle, sauf celui de simple député. A moins que Macky Sall n'en fasse un ministre. Pour les cas d’Abdoulaye Daouda Diallo, Abdoulaye Sow, Cheikh Oumar Hanne, etc qui ont tous gagné dans leur fief, c’est la récompense assurée, voire le maintien à leur poste.

La majorité de tous les dangers 

Avec la rentrée de cette 14ème législature, il a été beaucoup question de procuration. Et il est bien difficile de comprendre le procédé surtout avec la présence du député qui donne procuration de son vote. S'agissait-il d'une entente découlant d'une stratégie pour contrôler les votes ? Une affaire bien intrigante. Pour rappel, lundi 12 septembre, lors de l’élection du président de l’Assemblée nationale, Aminata Touré avait publié un communiqué informant avoir retiré sa délégation de vote à Farba Senghor.

Comment de même comprendre cette volonté ferme du très zélé Farba Ngom, de voter pour Aminata Touré, absente, le mardi. N'eut été l'opposition des députés de l’opposition qui se sont dressés comme un seul homme, cela allait avoir lieu. Même l'interposition d'Oumar Youm, d'Abdoulaye Daouda Diallo et d'Aly Ngouille Ndiaye qui ont tenté de le raisonner, n'y fera rien. Il aura d'ailleurs fallu l’intervention musclée et ferme d’une de ses collègues et de Guy Marius Sagna qui s’est encore emparé de l’urne pour l'amener à son siège afin de le mettre à l’abri pour que ce vote soit impossible. Sacré Guy, il a été bien utile face à cet indiscipliné de Farba Ngom qui pense que tout lui est désormais permis. Ce proche du président Sall fait en effet preuve d'un grand manque de retenue, de finesse et de tact. Pire que cela, l'homme est brutal et excessif ! Une situation qui a d'ailleurs coûté à la séance, un retard d’une trentaine de minutes environ.

Une 14ème législature en tout cas partie pour être chaude en termes d’ambiance, tant le jeu semble serré. Même Macky Sall, malgré sa majorité absolue rendue possible par Pape Diop, n’a pas toutes les cartes en main. La moindre dissidence dans ses rangs, lui sera fatale. D’où le danger Mimi dont il devra s’occuper. Et pas le seul.

L’opposition, elle, a tout à fait intérêt à garder ses rangs intacts malgré ses deux groupes parlementaires. Elle est déjà à l'oeuvre avec Guy Marius Sagna et Barthélémy Dias, déterminés à jouer les sentinelles. Les députés de l’opposition, en particulier Guy Marius Sagna, ont profité de la séance du mardi pour invoquer à nouveau la question de l’homosexualité, pour montrer qu’ils s’opposeront avec détermination à toutes les mauvaises lois. Saisissant cette occasion, le président du groupe parlementaire du camp présidentiel, Oumar Youm, a réaffirmé la ligne de défense de la majorité. Selon lui, il n’a jamais été question et ne sera jamais question de vote de lois qui aillent à l’encontre des moeurs. Il enchaine : "Je prends l’engagement, en tant que président du groupe parlementaire de la majorité, de vous dire que nous ne voterons aucune loi légalisant l’homosexualité. Nous ne voterons aucune loi favorisant le bradage des terres pour les céder à Macky Sall. Nous ne voterons aucune loi qui foulera aux pieds les valeurs de notre société et de notre République."

Et le débat devient intéressant.