NETTALI.COM - Le feuilleton du dossier Adji Sarr-Ousmane Sonko se poursuit avec la récente sortie de la jeune femme qui a évoqué les circonstances de ses rapports avec Ousmane Sonko et fourni des détails de leur supposée intimité. Des propos immédiatement démentis par son ex- patronne. Bref une affaire qui nous propulse sur des sentiers bien obscurs que l’opinion ne pourra de toute façon pas trancher, au regard de la profondeur de la division dans laquelle elle est plongée.

« Fou Malade » à « Jakarloo » a vu « une jeune fille très fatiguée, qui n’a pas envie de parler mais qui parle ». C’est comme si à son avis, on la « fait parler ». Il ne demande ni plus, ni moins à ceux qui l’activent de cesser leurs manœuvres. Bouba Ndour pense que l’affaire doit être tranchée en justice. Même son de cloche chez Charles Faye. Birima Ndiaye lui, assimile ceux qui voient le complot partout, à des spectateurs plus motivés par le jeu que le joueur lui-même. Une manière de dire que seule la justice, à ce stade, peut trancher le différend. Mais un procès, à son avis, qui risque d’être « sordide » voire « pornographique ». Ce qui ne correspond nullement, d’après son jugement, à nos valeurs.

Et l’on ne peut manquer de se demander où tout cela nous mène-t-il ? Au regard de l’évolution du discours de la jeune femme, que faut-il désormais croire ? Elle parle désormais de rapports sexuels et demande à Ousmane Sonko de jurer sur le Coran. Et même à supposer que la justice décide de trancher l’affaire. Sa décision serait-elle acceptée d’un côté comme de l’autre ? Elle serait purement et simplement chahutée et nous ramènerait au scénario actuel marqué par une division de la société sénégalaise. A la vérité, il y a beaucoup de zones d’ombre dans cette affaire, que cela soit du côté d’Adji Sarr, comme d’Ousmane Sonko.

Une fois cela dit, il convient de souligner que les Sénégalais commencent à se lasser de cette affaire qui vire tous les jours davantage à la polémique. Dans  laquelle l’on ne voit que des complots et de la manipulation à tous les étages. Que l’on soit d’un bord comme d’un autre. Même des profanes en matière de production, s’aventurent à parler de montage sans pouvoir étayer leurs affirmations, s’agissant de la récente sortie de la jeune femme.

Toujours est-il que la posture de la presse par rapport au dossier, suscite des interrogations. Elle est vraiment divisée. Le journal « EnQuête » dans sa parution du lundi 22 mars, a sa lecture de la situation. Dans un texte intitulé « les médias à l’épreuve de l’éthique journalistique » qui ne prétend toutefois pas apporter des réponses exhaustives pour juger intégralement du traitement médiatique, cite des spécialistes qui analysent l’interview de l’accusatrice diffusée. Certaines incongruités sont par exemple relevées. « Adji Sarr est une "bonne cliente médiatique", comme on le dit dans notre jargon, mais je ne comprends pas pourquoi l’interview ne s’est pas faite à visage découvert. Elle ne se cache pas, les journalistes aussi ne devraient pas se cacher. En le faisant, ils ouvrent la voie à toutes les interprétations. On peut interviewer quelqu’un qui se cache pour des raisons bien déterminées, mais le journaliste a l’obligation de s’assumer. Son rôle étant de participer à trouver des réponses à beaucoup d’interrogations. Hélas ! Après avoir suivi la sortie d’Adji Sarr, il y a tellement de questions qui restent sans réponse. Elles n’ont même pas été posées ». Une analyse de forme du journaliste spécialisé en politique, Mame Ngor Ngom qui mérite réflexion. Et le quotidien de se demander si c’est par mesure de sécurité (vu les événements récents) que le ou les médias présents sur place, ce jour-là, n’ont daigné apparaître à l’écran ? Ou y a-t-il d’autres raisons inconnues ?

« Les intervieweurs n’étaient pas visibles, leurs questions à peine audibles, les relances aussi quasi inexistantes. Comme s’il y avait une volonté de ménager une femme manifestement dépassée par les événements », ajoute l’homme de média.

Abondant dans le même sens sur « Pressafrik », Mountaga Cissé, spécialiste des technologies de l’information et de la communication, relève, pour sa part, « un manque d’honnêteté » de la part des journalistes. « Ce que j’ai constaté, c’est qu’on a enregistré l’interview et s’en est suivi un montage. Et à partir du montage, on a supprimé des éléments. Le faux raccord était flagrant. On voyait carrément des parties qui sautent, au moment de la diffusion. On peut décrocher un entretien et avoir l’exclusivité, mais au moment de faire face à l’interlocuteur, il faut vraiment faire son travail dans les règles, sans chercher à plaire. Ils ne peuvent pas annoncer un direct, alors qu’en réalité, c’est faux », soutient-il. La question de l’éthique journalistique, selon lui, se pose tant que l’entretien n’est pas diffusé dans son intégralité.

Poursuivant le journal de préciser que « les événements récents ont en tout cas permis à beaucoup de catégoriser le secteur en trois groupes : les pro-Sonko, les pro-pouvoir et ceux qui arrivent tant bien que mal à se rapprocher de cet idéal de neutralité. ». Il souligne, à cet effet, citant un spécialiste des sciences de la communication qui a analysé pour lui que « cette crise a montré qu’il y a une crise de la pratique journalistique ». « C’est comme si cet événement met à nu tout ce qui se disait dans les rédactions, mais n’était pas étalé dans l’espace public. Et quand il y a eu les attaques, les gens se sont tournés vers d’autres médias et ont été manipulés. Certains journalistes ont eu peur de traiter certains sujets, peut-être qu’il y a eu un terrorisme intellectuel. En tout cas, j’ai eu des informations qui confirment cela. Le problème se pose à l’intérieur même de la profession. Il y a une crise du traitement médiatique qui a été mise à nu par ce feuilleton », ajoute ce spécialiste.

Selon l’expert, les contenus écrits et audiovisuels, laissaient nettement paraître des partis-pris. « Quand vous lisez un article, écoutez la radio ou suivez la télévision, vous le sentez nettement. C’est le cas, par exemple, des « Lundis de Madiambal ». Sen Tv et Walf TV ont eu un traitement quelque peu similaire, en faveur de l’une des parties. Ce qui a beaucoup plus marqué, c’est le sensationnel noté dans la presse en ligne. L’instantanéité a fait qu’à un moment donné, il n’y a pas eu un traitement professionnel. Certains sont restés dans le professionnalisme, mais d’autres traitements laissaient à désirer », poursuit l’interlocuteur.

L’autre fait saillant qu’il relève concerne la crise interprofessionnelle qui a éclaté. Certains en ont profité pour jeter en pâture certains de leurs collègues. En fait, une partie de la presse a voulu imposer une ligne éditoriale aux autres médias. Les cas d’agressions du « Groupe futurs médias » et du journal “Le Soleil’’ sont liés à des chaînes de télévision. Sur des plateaux de télé, des journalistes ont tenu des propos mettant leurs collègues dans une mauvaise posture face au public.

                                                                Les coups de gueule de Birima et de Bouba Ndour

L’affaire a en tout cas soulevé beaucoup de passions et engendré des coups de gueules et pas des moindres, mais subis comme des attaques par certains. Lors de ce « Jakarloo » du vendredi 19, Bouba Ndour a profité de l’occasion pour s’excuser auprès d’Alassane Samba Diop, de Mamoudou Ibra Kane et de Khalifa Diakhaté qui ont quitté le groupe pour aller en créer un autre dénommé "E-média". Ce qui est tout à fait à son honneur que d’avoir présenté ses excuses.

Pour rappel, lors du fameux « Jakarlo » du 12 mars, Bouba Ndour s’était fendu d’une sortie au vitriol, alors que le Groupe Futurs Média venait d’être victime d’attaques. « On n’a pas pu faire l'émission Jakaarlo car à l'heure de l'émission, j'acheminais un blessé en urgence. Il a subi la furie des manifestants », avait dit celui-ci, une semaine auparavant, avant d’ajouter : « Personne ne peut détruire les biens de Youssou Ndour et je défie tout le monde (…). Cela fait 7 ans, chaque vendredi nous sommes là pour l'émission Jakaarlo qui est la première émission au Sénégal. Mais Jakaarlo a beaucoup de détracteurs du côté du pouvoir comme du côté de l'opposition. Il y a deux années de cela, des gens ont investi des milliards pour détruire ce groupe en recrutant nos meilleurs éléments afin de monter leur propre affaire. Mais le groupe Futurs médias reste toujours debout. Parce que ce groupe n'appartient pas à Youssou Ndour ni à Bouba Ndour. Ce groupe appartient au Sénégal. ». L’allusion était bien claire.

Birima Ndiaye, chroniqueur de « Jakarlo » a lui aussi eu droit à son coup de gueule pour avoir vu sa maison attaquée à Saint-Louis. « Je remercie d'abord tous les Sénégalais qui m'ont soutenu. Ce qui m'étonne dans cette affaire c'est que je ne suis ni ministre, ni député ni quoi que ce soit. Je n'ai jamais géré le moindre denier public. Je suis Sénégalais et je suis libre de donner mon avis. Alors pourquoi donner des ordres pour brûler ma maison? A quelle fin ? Dans cette affaire je ne suis mêlé ni de près, ni de loin. Je ne suis ni le frère, ni le fils de Macky Sall. Je ne suis pas membre de l'Apr. Je suis membre du Ps. Je fais partie de la coalition Benno Bokk Yakar et défends la politique de Macky Sall. Mes voyages ne regardent personne. Je n'ai pas de compte à rendre à aucun Sénégalais. (…) Un des membres de leur groupe m'a appelé à 1heure du matin pour m'alerter qu'ils vont se réunir pour incendier ma maison. J'ai appelé immédiatement le colonel Cissé de la gendarmerie régionale de Saint-Louis. Je le remercie. J'ai ensuite appelé le ministre de l'Intérieur. Je le remercie et le félicite, il m’a beaucoup appuyé. (…) Je prends les Sénégalais à témoin, la prochaine fois je ne vais pas me laisser faire (…). C’est la première fois que je vois un parti politique affirmer que son leader est victime de complot, comploter contre un individu. Ce que le bon Dieu n’a pas, que le prophète n’a pas eu et que Serigne Touba n’a pas eu non plus, Ousmane Sonko ne peut l’avoir. Personne ne peut faire l'unanimité. Les gens ont le droit de soutenir leur leader. C’est leur droit le plus absolu. Personne ne peut m'empêcher de donner mon avis », a dit-celui-ci qui estime avoir droit à une opinion libre.

Il est certes tout à fait normal qu’il manifeste son courroux. Il nous a par exemple appris que beaucoup de personnalités religieuses l’ont appelé pour lui exprimer leur solidarité. S’il en est ainsi, c’est bien parce qu’il est connu. Pourquoi dès lors ces actes l’étonnent-il ? Des téléspectateurs le suivent tous les vendredis, l'adulent et se reconnaissent pour certains dans ses opinions. La vérité est que la télévision comporte un certain mythe sous nos cieux à tel point que, acteurs, journalistes, animateurs sont assimilés par certains à des stars. Donc, il n’est si étonnant que Birima Ndiaye qui a une voix qui porte encore qu’il en soit une de basse, soit considéré comme telle.

Ce qu’il doit certainement comprendre, est, qu’il soit journaliste ou pas, il est écouté et participe d’une certaine manière à la formation de l’opinion. Toutes les voix audibles, y compris ces chroniqueurs qui ont fini d’envahir les plateaux télé de nos jours, participent de cette logique. Au-delà, Birima Ndiaye, pour ceux qui l’ignorent, est une personne influente. Et ce n’est nullement un hasard s’il détient certaines informations. Aux forts moments des inondations par exemple, alors qu’une polémique s’était installée au sujet des investissements consentis par le gouvernement, n’est-ce pas lui qui était allé opportunément sur le plateau de « Jakarlo », fournir des chiffres après des semaines d’absence ? On le savait en mission commando. Ce qui avait d’ailleurs interpellé « Fou Malade » et Bouba Ndour qui n’avaient pas manqué de lui faire cette remarque sur son retour.

La vérité est qu’il ne peut faire croire qu’il est un Sénégalais ordinaire. Sinon comment aurait-il pu joindre le ministre de l’Intérieur ou le colonel de la gendarmerie dont il parle ? Il est membre de la coalition au pouvoir qu’il défend avec beaucoup trop de passion, sans retenue et sans jamais une petite dose d'objectivité. Il ne s’en cache même pas. Et il défend bien souvent ses idées avec une telle véhémence, une telle agressivité qu’il en devient parfois même violent. Une opinion, tout le monde en a. Et Birima doit s'attendre à ce que dans l’opinion, même si on ne cautionne alors pas du tout le saccage de sa maison, que ses opinions déplaisent à d’autres qui sont d’un autre camp politique. Malheureusement pour lui, il est tombé sur une horde de jeunes qui a certainement estimé devoir lui répondre par cette violence ne disposant pas de tribunes comme lui. Ce qui n’est toutefois pas une raison. La masse a cette particularité, celle d’être animée par un instinct grégaire, d’être irréfléchie et les conséquences de ses actes sont malheureusement de cet ordre-là.

L’une des raisons pour lesquelles, les chroniqueurs ou animateurs ou encore ces gens pas formés aux métiers de l’information, n’ont pas leur place dans les émissions à caractère informatif, c’est qu’ils n’appréhendent pas les évènements à partir des faits collectés et recoupés avant diffusion. C’est en effet une illusion de penser qu’on peut former, éduquer les populations avec des opinions. Et le pire, c’est que les populations ne savent malheureusement pas dans leur globalité, faire la différence entre une opinion et un fait. Elles ont de ce fait tendance à souvent s'accommoder d’une opinion qui les arrange ou leur convient.

Si dans l’affaire Sonko-Adji Sarr, il y a eu beaucoup de manipulations, c’est parce que les questions étaient éminemment juridiques donc techniques et avaient trait au règlement intérieur de l’Assemblée nationale, à la procédure pénale et à la constitution. Difficile dès lors pour un chroniqueur ou animateur, à plus forte raison un journaliste pas très au fait des questions juridiques, d’éclairer les auditeurs, lecteurs et téléspectateurs. Aussi, les tribunes d'opinion généralement peu éclairées des acteurs de la revue de presse commentée, ont-elles déversé des torrents d’opinions avec une telle dose de subjectivité que ces émissions ont fini par être des théâtres d’affrontements. Où était l'intérêt ? C’est en effet dévastateur pour le niveau des citoyens d’autant plus que tous ces acteurs viennent avec leur subjectivité voire leurs sensibilités politiques, leurs amitiés ou tout simplement leurs affinités confrériques.

                                                        Une scène politique où la violence règne en maîtresse

A peine avons-nous fini de déplorer la violence lors des récents évènements récents qui accablent les jeunes, ce sont des adultes cette fois-ci qui ont pris le relais. Les événements de ces mois passés montrent à quel point la violence s’est installée dans la société sénégalaise et surtout dans le monde politique. En témoignent les scènes d’une violence inouïe qui ont été enregistrées, dimanche 21 mars à Pikine où la coalition « Benno Bokk Yaakaar » avait battu le rappel des troupes, le temps d’une assemblée générale. L’évènement s’est terminé dans une ambiance de rixe, de coups de poing, de jets de pierres et d’usage de bombes à gaz. Etaient présents le ministre de l’Environnement et du Développement durable Abdou Karim Sall, initiateur de la rencontre, le coordinateur départemental et maire de Pikine Abdoulaye Thimbo, le député Awa Niang, les maires de la commune de Pikine-Ouest Pape Gorgui Ndong et de Yeumbeul Nord Daouda Ndiaye, etc.

A Agnam (Matam), le ministre de la justice Me Malick Sall qui assistait à un meeting organisé par Farba Ngom a fait de graves accusations, si l'on  en croit le journal l'As. Au cours de cette rencontre, affirmant que ce sont les partisans d’Ousmane Sonko qui ont tué une bonne partie des personnes mortes lors des récentes  manifestations. Toujours dans son discours, le ministre a voulu faire croire que ce qui s’est passé devrait être analysé sous un angle religieux avec l’intrusion dans le pays de mouvements salafistes et islamistes qui veulent saper la stabilité du Sénégal. Une déclaration qui, à coup sûr, vise Ousmane Sonko, commente le journal.

Ce lundi 22 mars, en visite au siège de la coalition citoyenne “Le peuple”, le leader de Pastef a laissé entendre que le pouvoir serait prêt à fomenter un acte terroriste pour le mettre sur son dos. "Il y a un autre complot qui se prépare. Le prochain sera lié au terrorisme. Ils ont traité tout le peuple sénégalais de terroriste", a t-il indiqué. Avant d’alerter : "Ça ne m’étonnerait pas, dans les prochains jours, qu’un acte jugé terroriste soit fomenté pour créditer cette thèse." Aussi demande-t-il aux Sénégalais d’être vigilants.

Des scènes et déclarations qui se passent de commentaires. Sur la scène politique sénégalaise, l'on est de plus en plus en présence de gladiateurs comme dans une arène sans frontières où tous les coups semblent permis. Invectives, injures, insultes contre intimidations, menaces et arrestations arbitraires. Jusqu’où ira-t-on ? Cette situation, à la lisière de l’anarchie, se traduit tout simplement par un affaissement du niveau du discours. De la bave en lieu et place de la parole calibrée et pensée. On ne s’écoute plus, ne discute plus. On a beau parcourir les plateaux de télé, mais les interlocuteurs de différents camps qui s’arrachent la parole, en bandant les biceps, ne rivalisent que sur le registre de « qui a crié plus» pour noyer dans un flot infernal de décibels, les ‘’arguments’’ de la partie adverse. Et le véritable problème procède de la faillite d’une certaine intelligence de la politique qui est la conséquence ou la cause (peu importe) de l’ensauvagement de l’espace politique. Il est clair que le déficit d’encadrement politique produit des nouvelles élites fougueuses mais sans génie, comme le déficit d’encadrement dans les rédactions a donné une génération de journalistes moins talentueux que leurs aînés.