NETTALI.COM - Revoilà l’affaire Sonko-Adji Sarr ! Elle refait surface après une période d’accalmie. La date anniversaire de l’affaire est le prétexte saisi par le journal «Le Monde» pour remettre le sujet sur la table. Un article contextuel rédigé certainement pour couper l’herbe sous les pieds à la presse sénégalaise qui avait accaparé, à juste titre, le sujet, lors de l’éclatement de l’affaire. Mais, que de commentaires sur cet article du journal « Le Monde » qui fait jaser quant à son opportunité et son auteur !

Il y a un an, elle était partout dans la presse, la supposée affaire de viol. Un dossier qui a donné lieu à beaucoup de papiers de compte-rendu différents dans les faits relatés, d'enquêtes, de conférences de presse, mais aussi à de la manipulation et surtout beaucoup de fantasmes. Un fait divers mêlé à la politique et qui s’est prolongé sur les réseaux sociaux où s’est organisée une guerre des tranchées qui se poursuit jusqu'à nos jours. Le tout sur fond d’échanges musclés, de propos violents entre pro et anti, sans oublier les menaces et intimidations dont ont fait l’objet des journalistes et des parties prenantes à l’affaire.

La suite, on la connait. Des voitures de journalistes avaient été caillassées, des sièges d’organes de presse, attaqués et des maisons de parties prenantes incendiées. Une véritable confusion au finish qui a finalement fait de ce dossier, une affaire d’Etat, dans un pays ô combien divisé sur la question.

La vérité est que dans ce brouhaha médiatique d’il y a un an, le support français que l’on pointe du doigt, était de la partie. Il y en a eu d’autres comme Rfi, France 24, Bbc, Jeune Afrique, etc  qui avaient dépêché des envoyés spéciaux à Dakar, produit des papiers et relaté des faits.

Une suspicion vis-à-vis du journal «Le Monde » 

Et l’on n’a pas compris pourquoi l’article du journal « Le Monde » publié dès le 1er mars, ait pu étonner, comme si le quotidien venait d’écrire pour la 1ère fois sur le sujet. Le journal est quand même loin d’être sur le même positionnement que RFI ou France 24. Les détracteurs de cet article pensent-ils que l’exclusivité d’une telle info doive être réservée aux journaux sénégalais ? Et pourtant, des quotidiens Sénégalais évoquent sans cesse Eric Zemmour et la présidentielle française, alors qu’on aurait pu, suivant cette même logique, attendre le traitement d’une telle actualité, exclusivement d’un journal tel que "Le Figaro" ou "Le Journal du Dimanche" ou encore "Le Parisien", etc. qui sont des supports français ! Les supports sénégalais, ne traitent-ils pas aussi de la guerre Russie-Ukraine ? Et bien d’autres infos dont on se pose la question de l’intérêt pour le public sénégalais. .

Quoi qu’il en soit, le quotidien français a coupé l’herbe sous les pieds aux journaux sénégalais. « Le Monde » a eu l’exclusivité de l’interview de la principale concernée, Adji Sarr. La preuve qu’il a anticipé l’événement, est qu’il a envoyé au préalable deux journalistes en mi-février dont une sénégalaise. La presse locale elle, s’est contentée le 2 mars, pour certains titres, de mettre l’accent sur le fait que le dossier ressurgisse (en citant le quotidien français) et son internationalisation parce que justement la presse française s’intéresse à nouveau au sujet.

Mais qu’y a-t-il eu de nouveau dans l’article de « Le Monde » ? Sinon d’avoir interrogé Adji Sarr qui renseigne qu’elle vit recluse et sous protection policière dans un contexte où tout un pays l’accuse « d’être responsable de ces morts. » « C’est très lourd. Mais je ne veux plus rester silencieuse, je dois donner ma version des faits », a-telle fait savoir.

Pour équilibrer son papier comme tout bon quotidien, le journal a aussi interrogé Pape Mahawa Diouf de l’Apr, Bassirou Diomaye Faye du Pastef, et a même cité Barthélémy Dias qui avait eu à régir dans d’autres supports. Ce qui n'est pas l'avis de Pape Ndiaye de Walf TV qui a jugé, à l'émission "Petit dej" du jeudi 3 mars, l'article déséquilibré. Sauf qu'il ne dit pas en quoi cela l'est vraiment. Que des collègues du journaliste sur le plateau s'offusquent que la presse sénégalaise ne puisse pas obtenir d'interview de la présumée victime, est tout à fait faux, puisque si l'on se souvient bien, il n y a guère longtemps, Leral TV et ITV avaient fait une interview commune d'Adji Sarr. Le journaliste ne s'en est pas arrêté là puisqu'il a tenté d'établir un raccourci entre le raidissement de la ligne des journaux français et la débaptisation de certaines rues portant le nom de Français à Ziguinchor. Bien trop facile comme conclusion et simpliste comme raccourci !

Le texte du journal français s’est ainsi attardé sur le personnage Ousmane Sonko qu’il qualifie d’animal médiatique et politique qui suscite un important sentiment de sympathie dans l’opinion avec un discours de rupture qui résonne auprès des jeunes urbains de la classe moyenne, des milieux intellectuels et de la diaspora. Il ne manque pas d’évoquer aussi son élection, en janvier, à la mairie de Ziguinchor et qui a renforcé son statut de leader au sein de « Yewwi Askan Wi », la coalition d’opposition. Le journal relève aussi les faits de viol qu’il nie, mettant en exergue l’image d’homme incorruptible et pieux qu’il s’est construit, mais qui a toutefois concédé s’être rendu dans le salon de massage mais pour des raisons thérapeutiques.

Aux yeux de son camp, l’affaire compte un troisième protagoniste : le régime en place, accusé de se servir de l’affaire pour éliminer un rival du président Macky Sall. « Il n’y a pas eu de viol ni d’instruction, c’est un complot. Les Sénégalais ont accepté de sacrifier leur vie et de faire couler leur sang pour dire que trop c’est trop », tonne Barthélémy Dias, le nouveau maire de Dakar et élu sous l’égide de la coalition Yewwi Askan Wi. « Cette affaire n’a jamais été pour nous une affaire privée, mais une stratégie du pouvoir, qui utilise la femme et le corps de la femme pour atteindre un adversaire politique », ajoute Bassirou Diomaye Faye, cofondateur du Pastef.

Les défenseurs d’Ousmane Sonko pointent aussi les liens entre Sidy Ahmed Mbaye, l’homme qui a accompagné Adji Sarr à l’hôpital puis à la police, et la coalition présidentielle, à laquelle appartient son oncle. « Chamboulé » par l’affaire, Sidy Ahmed Mbaye a refusé de répondre aux questions du Monde.

Des accusations que le pouvoir rejette : « C’est une tentative d’entrave à la justice [à la suite d’] une affaire judiciaire privée entre deux justiciables sénégalais, estime Pape Mahawa Diouf, porte-parole de la coalition de la majorité, Benno Bokk Yaakaar. Cette affaire est une catastrophe pour le pays en termes de droits des femmes, alors que le viol a été criminalisé » en 2020.

Adji Sarr, elle, ne cache pas sa colère envers l’Etat et les associations féministes. « Ici, les féministes n’osent pas défier les hommes puissants et choisissent leurs combats en fonction des personnes incriminées. Pourquoi ne m’ont-elles pas soutenue ? » Contactées, les organisations historiques affirment vouloir « laisser la justice faire son travail ».

Au Pastef, on assure défendre les droits des femmes. Mais Bassirou Diomaye Faye, un proche de Sonko, fustige « la cupidité de certaines femmes qui offrent leurs services pour liquider une personne politique, publique ou quelconque. Celles-là doivent comprendre que les accusations de viol ne se font pas à la légère ».

Sans ressources et sans diplôme, orpheline de mère et non reconnue à la naissance par son père, Adji Sarr affirme survivre grâce aux dons d’une association, qui refuse de révéler son nom « pour des raisons de sécurité ». « Les gens pensent que j’ai été payée par l’Etat pour accuser Sonko. Pourtant, je n’ai même pas de quoi m’acheter des culottes », enrage-t-elle. La jeune femme dit souffrir de stress post-traumatique consécutif aux viols présumés et affirme avoir fait plusieurs tentatives de suicide. Elle assure vivre recluse avec une tante maternelle. Pour des raisons de sécurité, toute sortie doit être mûrement organisée en amont. Elle ne s’y risque plus. Elle décrit un quotidien rythmé par de courtes siestes agitées, l’écriture d’un livre et la prière : « Dieu est mon seul espoir. Je ne crois pas en la justice de mon pays, car celle-ci et l’Etat craignent Sonko. C’est un homme de terreur. » Recroquevillée sur son fauteuil, elle dépeint la peur qui s’est amplifiée depuis qu’Ousmane Sonko a pris la mairie de Ziguinchor. « J’ai pleuré toute la nuit quand je l’ai appris. Si des gens ont élu un homme accusé de viols, ils voteront pour qu’il soit président un jour », s’insurge-t-elle.

Adji Sarr espère désormais quitter le Sénégal, où elle ne peut « même plus sortir sur son balcon », pour rejoindre un pays où elle pourra se reconstruire. Cette affaire l’a rendue « très forte », assure-t-elle. « Je veux devenir une féministe engagée pour défendre les victimes comme moi, qu’on ne croit pas. » En novembre 2021, elle est sortie d’un long silence pour soutenir, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, Ndèye Fatima Dione, Miss Sénégal 2020, qui avait affirmé avoir été victime de viol. « J’espère que, cette fois-ci, l’Etat va prendre ses responsabilités pour protéger ses filles».

Dans le discours d’Adji Sarr, difficile de ne pas percevoir de la victimisation. De la même façon qu'il est difficile de comprendre le lien que cherche à établir Pape Ndiaye, suivant le certificat médical qu'il cite, qu'il a été relevé une défloration ancienne. Où est le rapport entre un supposé viol et cela ? Ndiaye n'a pas également manqué de relever des contradictions entre les différentes déclarations d'Adji Sarr. Voulait-il faire le procès sur le plateau, ce cher Pape ? Mais de là à menacer le journaliste, suite à sa chronique judiciaire au point que le Syndicat national des professionnels de l’information et de la communication monte au créneau pour condamner fermement ces injures et menaces de mort, il y a un pas à ne pas franchir. Des individus se présentant comme des proches de la dame Adji Sarr sont accusés d'être les auteurs avec des preuves à l'appui. D'où l'intérêt pour le journaliste de prendre des précautions dans ses affirmations dans une logique de ne pas heurter pour un dossier qui soulève tant de passions.

L'article du journal « Le Monde » a en tout cas fait l’objet de toutes les interprétations et de tous les fantasmes. Il y a surtout ceux qui voient la main de la France derrière et qui n’hésitent pas à échafauder des théories du complot contre Ousmane Sonko parce que le pays de Marianne verrait en lui un adversaire. A l’émission «Ndoumbélane», ce vendredi 4 mars d’ailleurs, le très bavard chroniqueur de Sen TV, Cheikh Oumar Talla, n’a pas hésité à évoquer la débaptisation par Ousmane Sonko des rues de Ziguinchor, jadis aux noms de Français, suite à son installation au poste de maire. Corrélation ou pas ? L’allusion est claire.

Des questions, il y en a en tout cas eues. Comme l’intérêt d’un journal tel que « Le Monde » pour une affaire sénégalo-sénégalaise, alors qu’il a beaucoup d’autres sujets à traiter au regard du contexte de la guerre en Ukraine et des élections françaises sur lesquelles se pencher.

Ce que ces Sénégalais qui pointent du doigt une intrusion de la France à travers l'article, semblent oublier, c’est que dans ce dossier, des intérêts français ont été pris pour cible. Ce qui avait conduit à des pillages et saccages d’enseignes Auchan et de stations Total. Des faits qui ont d’ailleurs poussé la presse du pays de Marianne à davantage s’intéresser à l’affaire, au-delà de l’intérêt informatif qu’on ne peut lui dénier. L’on semble aussi occulter que l’affaire a fini d’avoir un intérêt médiatique mondial, comme ce fut le cas avec l’affaire Dominique Strauss Kahn (Dsk), largement traité en son temps par la presse sénégalaise.

Il y a aussi ceux-là, féministes ou pas qui soutiennent l’idée qu’on a affaire à une pauvre fille sans défense qui fait face à un homme puissant en la personne d’Ousmane Sonko et qui a droit à la justice. Mais difficile de savoir ce que « féministe » veut aujourd’hui dire de nos jours au Sénégal. Car il y a tellement de femmes inconnues au bataillon qui s’engouffrent dans la brèche pour prendre la défense d’Adji Sarr. Elles ont évidemment le droit de se montrer solidaires et de prendre fait et cause pour elle, mais encore faudrait-il qu’elles aient toujours été connues pour militer pour cette cause, avec de vrais plaidoyers, un vrai projet plutôt que l’activisme que l’on note actuellement. Il y a des parmi elles qui ne cherchent en réalité qu'une existence médiatique et la célébrité, en étant plutôt dans l'activisme qui marche fort de nos jours. Elles ne doivent celles-là, cela qu'à leurs apparition récentes sur les plateaux télé avec un fond de commerce fondé sur des réponses acerbes, des prises de positions reposant sur des arguments sans consistance et non maîtrisés.

Sacrés Sénégalais, il est parfois difficile de les suivre. Lorsque BBC fait un reportage sur l’affaire Petrotim, l’on applaudit du côté des détracteurs du pouvoir et l’on accuse la presse sénégalaise d’être complaisante envers le pouvoir ; les partisans du pouvoir eux, crient au scandale en évoquant un «complexe d'infériorité» et  une tendance à accepter comme «crédible tout ce qui vient de l’Occident».

Un public en somme difficile à cerner. Lorsque la presse occidentale évoque l’affaire Sonko-Adji Sarr, on voit derrière l’ombre de la France, tandis que du côté du pouvoir, on met en branle l’argument des droits d’Adji Sarr à un procès équitable. Comme l'a fait Pape Mahawa Diouf.

L’essentiel n’est-il pas après tout pour un journal, d’avoir un prétexte lorsqu’il aborde un sujet informatif ? Avec l’affaire Adji Sarr en l’occurrence, il semble bien que l’anniversaire de l’événement ait été le prétexte. L’essentiel étant que l’article de presse soit équilibré et que l’information apporte quelque chose.

L'affaire Barthélémy, 10 ans déjà/ Affaire Sonko Adji Sarr, 1 an et du surplace

A «Ndoumbélane», l’invité de Néné Aïcha, Badara Gadiaga, plaide pour que l’Etat prenne ses responsabilités dans cette affaire, ajoutant qu’Adji Sarr a pensé se suicider, si on en croit ses propos. Il a aussi fait part de la volonté d’Ousmane Sonko de voir son contrôle judiciaire levé afin qu’il puisse se rendre à l’étranger pour des déplacement liés à des activités de coopération qui relèvent de sa fonction de maire de Ziguinchor. Une manière de demander que la justice débroussaille le dossier. La Justice, dernier rempart dans une société organisée, a le devoir d’arbitrer les litiges. Ne pas le faire avec célérité et impartialité, c’est tout simplement semer les germes du chaos, le trouble à l’ordre public, la justice privée et les manifestations violentes pour les parties qui se sentent lésées.

Lorsqu’on fait un parallèle avec l’affaire Barthélémy Dias, l’on se rend bien compte que celle-ci a duré 10 ans. Certains diront que le temps de la justice n’est pas le temps médiatique. Certes. Le dossier Khalifa Sall avait pourtant été gérée de manière expéditive. Mais ce qui étonne et qui interpelle, c’est le fait qu’une affaire puisse ressurgir au gré des soubresauts politiques.

Rappelons tout de même que l’affaire Barthélémy avait pris naissance en 2011 avec le gouvernement libéral de Me Wade. Elle est en train de se poursuivre sous Macky Sall. A l’époque, ce sont des nervis, recrutés par des libéraux qui étaient allés à l’assaut de la mairie de Sacré-Cœur Mermoz pour punir le très virulent Barthélémy Dias. Ce dernier ayant réagi de manière énergique, l’un des assaillants, Ndiaga Diouf, avait été atteint mortellement par une balle. L’ancien maire avait ainsi été arrêté, inculpé et placé sous mandat de dépôt à la Maison d’arrêt de Rebeuss. En 2012, lorsque Macky Sall est arrivé au pouvoir, une liberté provisoire est accordée à Barthélémy Dias, après qu’il soit devenu député, investi qu’il a été sous la bannière de la coalition présidentielle.

Plus tard, les relations entre Barthélémy Dias se détériore et la machine judiciaire est encore enclenchée contre lui. Son immunité parlementaire levée, il est jugé devant le tribunal correctionnel de Dakar et condamné à 2 ans dont 6 mois ferme. Il est déclaré coupable de «coups mortels» et devra payer 25 millions de francs de dommages et intérêts à la famille du défunt. Non content de la décision, Barthélémy Dias interjette appel sur les intérêts civils et le Procureur, qui avait requis 10 ans ferme, en fait de même. C’était en 2017.

Cet appel planera sur la tête de l’actuel maire de Dakar jusqu’à une date récente où le dossier est encore dépoussiéré.

La Cour d’appel a évoqué l’affaire mercredi 2 mars. Devant la barre, Barthélémy Dias a nié les faits de «coups mortels» qui lui sont reprochés, même si la partie civile est d’un autre avis, puisqu’elle pense qu’il devrait même être poursuivi pour meurtre.  « La peine qui m’a été infligée, je l’ai purgée. J’ai fait appel pour laver mon honneur car je ne suis pas assassin. Au mois de mars, il y a 12 morts et personne n’est poursuivi. Il y a eu 1 seul mort à la mairie (de Mermoz-sacré coeur) et je suis poursuivi depuis 10 ans », a pesté le nouveau maire de Dakar. « Ce dossier est éminemment politique. Où sont les commanditaires ? Les nervis ? C’est ce que je dénonce, c’est pourquoi je sollicite un jugement qui me rendra mon honneur », a conclu celui-ci.

La nécessaire entrée en action de la justice

Beaucoup peuvent voir la main de l’exécutif, dans la gestion de ce dossier qui connaît un surplace. Mais à la vérité, le procureur de la république est le seul à pouvoir enrôler les dossiers afin qu’ils puissent être instruits ou jugés. Il est tout puissant dans notre système judiciaire et c'est un fait. Il dépend du ministre de la justice (et ou le procureur général) qui peut lui donner des réquisitions écrites sur la base de l’article 25 du Code de procédure pénale et qui a été dénoncée de tout temps.  Même le magistrat instructeur a tout intérêt à composer avec lui car le procureur a la charge de confier des dossiers, mais aussi en cas de démarcation de la ligne tracée par le procureur, ce dernier peut interjeter appel ou bloquer l’avancement d’un dossier d’instruction dans une logique de dilatoire. En effet, le juge d’instruction a l’obligation, à chaque fois qu’il veut prendre un acte d’instruction, d’informer le procureur, de lui transmettre le dossier et de solliciter son avis. Si le Procureur bloque le dossier, le juge d’instruction aura du mal à avancer dans son instruction. Il est puissant le patron du parquet !

La clef du dossier Adji Sarr-Sonko se trouve donc dans sa poursuite par la justice plutôt que dans le fait d’accabler un journal, à qui il est difficile de dénier le droit d’informer en se servant d’un prétexte. Va-t-on reprocher à un journal de traiter l’anniversaire du bateau le Joola ou les évènements de mars ? La suspicion est une chose, la réalité de la presse, une autre.

Dans cette affaire, aussi bien Adji Sarr qu’Ousmane Sonko a semblé vouloir voir les choses bouger. En effet, suite à son installation à la tête de la mairie de Ziguinchor, Ousmane Sonko a encore une fois, via ses avocats, sollicité la levée du contrôle judiciaire qui pèse sur lui depuis mars dernier.

Au cours d’un entretien avec Jotna Tv, Ousmane Sonko était revenu sur l’affaire qui l’oppose à Adji Sarr.  « Nous n’accepterons pas que l’on fasse traîner les choses ou qu’on attende la veille d’élections pour nous convoquer », avait-il dit-il.

Mais entre les souhaits d’Ousmane Sonko, d’Adji Sarr et le temps de la justice dont le maître des poursuites, le procureur de la république, enfermé dans un rapport hiérarchique avec le ministre de la justice qui lui-même dépend du chef de l’Etat, dénouer ce dossier ne dépend finalement que d'eux. De deux choses l’une : soit l’Etat ne semble plus savoir, par précaution, comment faire évoluer ce dossier en instruction et qui fait du surplace depuis un bon bout de temps ; soit il n’aurait aucune intention que le dossier avance, histoire de faire planer une épée de Damoclès sur la tête de Sonko, l’opposant le plus virulent contre le régime de Macky Sall.

Les récentes élections de Barth et de Sonko sont un obstacle de plus qui vient se dresser par rapport à la lecture qu’une certaine opinion sénégalaise va se faire de cette affaire. Dieu sait qu'elle pourrait y voir une autre manière de les éliminer, si d’aventure ils venaient à être condamnés ou déchus de leurs mandats. La jurisprudence Karim Wade et Khalifa Sall est passée par là. Nous sommes face à une sorte d’impasse qui ne dit pas son nom. Dans une sortie dans Sud Quotidien de ce lundi 7 mars, Alioune d'Africa Jom Center a demandé d'"aller sans délai au procès pour libérer Sonko". Il a aussi demandé de "dépolitiser le dossier Barthélémy Dias"