NETTALI.COM – Comment concilier la célébrité et la profession de journaliste qui a ses règles éthiques et déontologiques ? Une grande question que beaucoup se posent puisque les effluves du star-system commencent à envahir le milieu des médias. En particulier la télévision qui trouve ses excroissances sur les réseaux sociaux. Un phénomène qui semble aujourd’hui gangréner le monde de l’information après avoir infesté celui de la production de films et de la musique.  

Il suffit de nos jours de faire le tour des réseaux sociaux pour se rendre compte du nombre de "célébrités" qui s’y affichent, parées de leurs plus beaux atours. La célébrité version séries télévisées sénégalaises est, en effet un phénomène qui fonctionne finalement comme les saisons. Elle dure le temps d’un téléfilm suivi et vite supplanté par un autre. Combien d’acteurs et de présentateurs sont tombées aux oubliettes après avoir cessé d’obtenir des rôles ? Beaucoup d’acteurs d’une série comme « Un café avec » ont, par exemple disparu de la scène médiatique. Cette exposition dans cet univers est, en réalité un moyen pour ceux-là de s’offrir une seconde vie. Le phénomène est plus observable chez les actrices des séries produites à la pelle, qui révèlent chaque jour de nouveaux visages d'ailleurs sans formation et talent dans la plupart des cas.

Une page nommée « Afriséries » sur facebook se propose d'ailleurs de montrer de nouveaux visages avec le plus souvent les noms des actrices avec photo à l'appui sur laquelle, elles se mettent en valeur, maquillage, make up bien appliqués, faux cils, greffages, peaux dépigmentées dans beaucoup de cas et tenues endimanchées, question de les rappeler aux bons souvenirs des téléspectateurs ou de ceux qui les suivent sur Youtube ou ailleurs. C’est le déchainement lors des publications avec des commentaires favorables ou défavorables, selon qu’on aime ou qu’on aime moins. Mais que de commentaires superficiels et surtout axés sur la plastique.

Un phénomène qui est en train de gangréner la presse

Le phénomène est d’ailleurs en train de gangréner la presse de nos jours puisqu’il est le fait de journalistes ou d’animateurs d’émissions. Si l’on confond volontiers animateurs et journalistes, c’est parce qu’il est de plus en plus difficile de les différencier à travers les actes qu’ils posent, tant ils sont similaires à certains égards, avec des exceptions évidemment, dans leurs comportements. Les acteurs de la revue de presse par exemple - pour certains sortis de nulle part - glissent de plus en plus sur les plates-bandes des journalistes en ayant le même impact, puisqu’ils influencent ceux qui les suivent et qui ne font pas forcément la différence entre ce qui relève de l’info, de l’opinion et du commentaire de celui qui est à l'oeuvre, suivant que l'on cherche à attaquer ou encenser un politique voire un homme d'affaires, entreprise ou également une marque.

Ceux-là analysent et commentent l’actualité, de manière souvent bien désinvolte, en surfant sur les articles de la presse écrite, sans toutefois être fidèle à ce qui y est écrit. Bon nombre d’animateurs également qui conduisent des émissions politiques ou à caractère économique par exemple, exercent aussi cette influence sur le public, sans toutefois avoir une réelle compétence en la matière, la connaissance des faits, la culture générale, le niveau d'analyse et la maîtrise des normes du métier.

La vérité est que ceux-là sont devenus des stars. Des journalistes en général présentateurs ou animateurs d’émissions aussi le sont parce que le public les considère comme tels, les adulent et ces derniers ne se privent d’ailleurs pas de le revendiquer à travers leurs postures et actes. Ne dit-on pas dans le monde du journalisme, que la seule l'information est la star ? Lorsqu’en effet celui qui diffuse l’information, lui fait désormais de l’ombre en se mettant en avant, où va-t-on ?

Certains journalistes, en particulier trop jeunes et à peine sortis d’écoles, refusent désormais d’apprendre le métier, préfèrent s’exposer sur les plateaux-télés, oubliant d’arpenter les marches du métier qui feront d’eux les journalistes expérimentés de demain. Ils essaiment désormais les talk-show en rivalisant d’opinions et de déclarations fracassantes pour se faire une notoriété. Futés qu’ils sont, le mode opératoire est évidemment d’user de mots pompeux (rationalisation, gouvernance publique, étude d’impact, audit organisationnel et managérial, recommandation, suivi et évaluation, planification stratégique, opérationnalisation, etc) quand bien même ils s’expriment en wolof, pour paraître plus savants qu’ils ne sont.

La vérité est qu’ils cherchent à impressionner ces télespectateurs médusés qui ne savent point faire la différence entre ce qui relève de l’information, de l’opinion et des propos d’une certaine vacuité voire à de la phraséologie. Ceux-là n’ont certainement pas le niveau approprié pour démasquer ces nouveaux «escros» des médias qui ne reculent parfois devant rien pour diluer leurs discours à l'aide d'éloges aux confréries ou aux marabouts, le tout agrémenté de propos basés sur des bons sentiments et des lieux communs pour corser le cocktail de populisme qu’ils vendent pour se faire un nom et se faire apprécier.

Certains d’entre eux, y compris des hommes, se font coiffer avec style, se teignent même les cheveux. Ils se font désormais habiller par des stylistes à coups de deux pièces, de costumes et de trois pièces. Ce qui est interdit par la déontologie du métier. Dans la pratique, c'est l'employeur qui devrait les habiller. Même les écritels apposés sur les écrans télé : "le journaliste X est habillé par..." reste interdit.

Pire que cela, ceux-là ont désormais emprunté les raccourcis du métier, font de la veille en scrutant leur moindre apparition sur les réseaux sociaux, lorsqu’ils ne demandent tout simplement pas à un site d’infos en vogue de découper des séquences de leurs interventions et de les publier. Le but est évidemment de récolter des vus et des commentaires pour assurer sa promotion et asseoir sa notoriété. C’est la porte ouverte à la quantification du nombre de suiveurs sur les réseaux sociaux.

Certains journalistes de la presse écrite, se laissent désormais aller à la tentation. Pour être connus, ils jonglent désormais entre leur support écrit et la télévision, apparaissant dans des émissions télévisuelles avec des plateaux au cocktail explosif, composés de journalistes et d’animateurs (parfois au nombre de 5) sur le plateau, à tel point qu’on peut raisonnablement s’interroger sur la nécessité qu’ils soient aussi nombreux, si c’est pour juste poser des questions incohérentes parce qu’ils se les disputent. Cela, au grand dam du temps de parole qui se retrouve bouffé avec également comme conséquence, une émission bien désarticulée au finish.

Apprendre le métier, arpenter les marches, acquérir de l'expérience : une nécessité en journalisme

Ce qui est attendu du journaliste, c’est qu’il fasse son travail avec professionnalisme et équilibre, c’est-à-dire en s’attachant aux faits et non à des opinions. Ce qui passe nécessairement par la collecte, la vérification et la diffusion. Et dans le cas de la direction d’une émission, de bien la diriger avec équilibre et rigueur. Comment y arriver si on ne connait rien du sujet, ni des faits et si on n’a pas une bonne culture générale. Le rôle de celui qui a la charge de la conduite de l’émission, va alors se réduire à assurer la police de la distribution de la parole, comme c'est le cas dans beaucoup de talk-show ; ou à poser des questions bien terre à terre et désarticulées.

Voir les journalistes surtout femmes s’afficher avec une photo avantageuse sur les réseaux sociaux et récolter des « mignonne », « jolie », « je t’adore », etc peut laisser songeur. On aurait aimé au contraire lire : « journaliste professionnelle, sérieuse, etc ». On aurait davantage préféré que celle-ci publie un édito, fasse un billet, un commentaire ou une analyse liée à l’actualité du moment ! Mais se faire juste juger et apprécier uniquement pour sa plastique, peut paraître surprenant.

En télévision, la prestance et la plastique comptent. C’est vrai. Et ce n’est pas un hasard si à l’école de journalisme, au moment de la spécialisation, les futurs journalistes sont orientés en fonction de leurs atouts et aptitudes. Difficile par exemple de faire de la radio, si on n’a pas une bonne diction ; idem pour la télé. Mais pas que seulement. Au-delà du physique et de la prestance, le  journaliste a besoin d’avoir de la culture générale, un bon niveau d’éducation et une bonne connaissance des faits. Il est en effet souhaitable que le présentateur ou la présentatrice ne soit pas juste cantonné à la lecture des chapeaux qu’on lui rédige. Il devrait maîtriser les techniques d’interview. Le journalisme est un métier et requiert de ce fait une formation. Et l’interview ou l’entrevue n’est pas quelque chose qui s’improvise. On ne naît pas avec, c’est une technique qui s’apprend et qu’on maîtrise au fil de la pratique et de l’expérience. Il faut d’abord à la base que l’interviewer sache ce qui est digne d’être une information.

Beaucoup d’interviewers sont par exemple inutilement agressifs en cherchant à s’inventer un style pour asseoir leur notoriété. Ils ne savent peut-être pas qu’ils doivent plutôt chercher à installer un climat de confiance avec l’invité au lieu de chercher à en découdre avec lui ? On peut bien sûr challenger celui-ci sans être sur le terrain de l’hostilité. Ce qui ne veut point dire qu'ils doivent réduire la distance avec l'invité au point de l'appeler "mon ami", "mon oncle" et de s'installer dans la familiarité et la connivence.

Mener une interview nécessite juste de bien cadrer ses questions par des phrases affirmatives qui précèdent les questions. La conséquence est que ces phrases vont donner des informations qui vont davantage préciser les questions dans le but d’obtenir des réponses riches en enseignements. La reformulation aussi est une technique qui peut constituer l’amorce d’une question qui suit. Elle peut servir de transition entre les questions et les réponses ; et dans le fond, en reformulant les réponses trop longues ou trop techniques, le journaliste donne des informations claires au téléspectateur qui ne doit jamais perdre le fil de l’interview.

Bref, il n’est pas ici question de donner un cours, mais de bien garder à l’esprit qu’il ne s’agit nullement, dans le cadre d’une interview, de faire succéder des questions et de les balancer sans un fil conducteur précis et une certaine cohérence. Au-delà, il s’agit de savoir gérer les questions selon qu’elles vont être plus embarrassantes ou moins pour l’invité, en tenant compte de la gestion du temps de l’émission et du moment où doivent arriver certaines questions. Ou plus exactement savoir à quel moment poser certaines questions pour ne pas gâcher le déroulement de l’émission au tout début.

Il y a heureusement des journalistes qui font la fierté du métier car elles refusent de céder à ce jeu de la célébrité. Faty Dieng, Aïssatou Mbène Thioub qui officient à la matinale de la TFM, instituée depuis quelques mois pour renforcer le côté éditorial de la chaîne, ne sont certes pas des top-models, même elles n’en ont pas moins un physique avenant. Mais, elles sont plus reconnues pour leur consistance professionnelle, tout en étant considérées comme des journalistes aux têtes bien faites. Figurez-vous que Faty Dieng a même écrit un livre, «chambre 7». Cette dernière a des atouts, c’est sûr. Avec sa noirceur d’ébène qui devient un grand atout à cause du phénomène de la dépigmentation, sa classe, son côté très pondéré, qu’elle allie avec la journaliste terrain qu’elle est, casse un peu le stéréotype du télespectateur qui voudrait ériger la femme de teint clair en modèle. Une vraie sénégalaise avec la retenue et les tenues sobres et bien choisies. Même constat chez Astou Mbène Thioub, sobre, agréable et qui mène avec brio ses émissions. Elle a elle aussi une tête bien faite.

Idem chez Adama Anouchka Ba d’ITV qui est dans la lignée de ces deux-là car ayant fait une expérience de la presse écrite (L’Observateur, Seneweb) très formatrice, de la radio (West african democracy radio avec Souleymane Niang et RFM) et aujourd’hui sur ITV. Elle présente le JT, fait en plus du terrain. Le reste se fera avec l’expérience pour la journaliste très prometteuse qu’elle est. De plus, le passage par la presse écrite renforce les qualités du journaliste. La preuve par Moustapha Diop qui a fait “Le Populaire” et Walf Grand place avant d’atterrir à Walf TV et d’en devenir le directeur. Chérif Dia et Cheikh Tidiane Diaho et Ibou Kane sont tout aussi prometteurs.

Mais dans la réalité, trop d’étapes sont brûlées avant de rejoindre la catégorie des journalistes présentateurs et animateurs d’émissions qui sortent du lot pour s’être formés à bonne école et roulé un peu plus leur bosse. La liste est longue : Mamoudou Ibra Kane, Alassane Samba Diop, Babacar Fall, Abdoulaye Der, Abdoulaye Cissé, Antoine Diouf, Ben Matar Diop, Khalifa Diakhaté, Moustapha Diop, Souleymane Niang, Pape Bez Diba etc.

Le monde des réseaux sociaux qui juge la presse est hétéroclite et est composé de gens cultivés certes, mais aussi par une grande majorité de profanes du métier de l’information. C’est la masse ou plus exactement le grand public qui a envahi le net. Avec ses suiveurs et ses fans de sensationnel, il n’est pas à proprement parler, un baromètre suffisant, exigeant et très fiable. C’est la rue avec son peuple subjectif et qui fonctionne au feeling ; d’où des jugements pas forcément basées sur les aspects les plus essentiels, c’est-à-dire le contenu de l’information et les faits.

Chroniqueurs en tous genres, mannequins, bombes et anonymes en quête de notoriété, ont envahi les plateaux…

Mais de nos jours, l’on se demande ce qui peut motiver des directeurs de programmes ou responsable de chaînes à faire animer des émissions politiques par exemple par Paco Jackson Thiam et Adja Diallo ! Qu’espère-t-on en tirer ? C’est l’invasion aussi subite que surprenante des plateaux par des chroniqueurs qui sont conseillers municipaux, écrivains, activistes, professeurs de philosophie de lycées, analystes et observateurs en tous genres, anciennes commerciales, spécialistes de la cuisine et maquilleuses reconverties animatrices qui inquiète. Le résultat est tout simplement catastrophique. C’est le comble de la recherche de la notoriété, l’obsessions d’être sous les feux des projecteurs. Ce n’est plus de l’info qui est produite dans ces émissions, mais plutôt des opinions, ou plus exactement du “wax sa xalaat” selon la cause du moment que l’on défend ou le bord politique auquel on appartient ou ses sensibilités.

Imaginons ce qui se passerait si chaque Sénégalais devait donner son opinion sur un sujet donné ! C’est ce qui se voit de plus en plus avec ces émissions animées par Ndèye Ndack, Ya Awa Dièye, Bijou Ngoné, Safia Diatta etc, avec des intervenants tels que père Mangoné, Ndella Madior Diouf, Modou Guèye, etc. Résultat des courses, personne n’est d’accord avec personne, et l’on sort de ces émissions à caractère social, culturel, complètement confus. C’est ça le divertissement à la sauce sénégalaise, c’est juste pour amuser la galerie. Certains en riront et commenteront le côté strict de Modou Guèye ou même “je m’en foutiste”  voire impudique de Ndella Madior ou encore archaïque de Père Mangoné. Et après ?

Avoir des personnages de la trempe de Massamba Guèye qui a l’avantage d’allier une très bonne connaissance des traditions sénégalaises, codes culturels et d’être instruit à l’école française, serait souhaitable dans ces types d’émissions de divertissement où les sociologues, philosophes ou anthropologues, peuvent aussi être de la partie. Mais à la place, l'on fait plus confiance au communicateur traditionnel qui se retrouvent souvent dans des habits et postures différents suivant les circonstances !

Certains groupes de presse sont tellement conscients du besoin de spécialisation sur certains sujets qu’ils se sont inscrits dans une logique de mutualisation des ressources pour combler les carences dans ces domaines techniques. Lors des matinales ou éditions spéciales ou à « Soir d’infos »  sur la TFM par exemple, des spécialistes des relations internationales ou des questions juridiques, politiques et économiques, Barka Ba, Daouda Mine ou encore Abdoulaye Cissé, Souleymane Niang, vont en renfort parce qu’ils sont non seulement expérimentés, mais certains d’entre eux sont en plus spécialisés dans ces domaines.

Alassane Samba Diop d’ITV a aussi souvent recours à des personnalités du monde universitaire avec des chercheurs, du monde politique, ou alors des fonctionnaires internationaux car il sait qu’ils généreront forcément de l’information avec la rigueur et l’honnêteté requise par leurs spécialités et surtout leur indépendance dans la majorité des cas vis-à-vis du monde politique sur des sujets à caractère économique et politique. Dans ces situations, l’objectif est non seulement de relever le niveau de l’émission, mais encore de combler le déficit de compréhension des sujets techniques grâce à des experts dont les connaissances ne font pas l’ombre d’un doute.

Autre procédé payant, c’est par exemple le fait d'inviter un journaliste de la presse écrite qui a écrit sur un sujet donné, peut permettre de mieux décortiquer l’actualité à travers les faits qu'il va relater sans que l'on soit dans une logique de spéculation d'un invité qui s'est décrété "analyste tous sujets". Momar Diongue et Mame Birame Wathie sont par exemple très factuels dans leurs interventions et font de ce fait de bonnes analyses.

Ce qui est surtout à envisager, c'est de relever le niveau d'admission au Cesti qui reste la référence en matière de formation. le Bac ne semble pas suffire. Pourquoi ne pas envisager l'intégration à partir du Bac+ 2 ou de la licence ou mettre en place un système de prépa. Cela pourrait renforcer le niveau des jeunes qui sont dans la plupart des cas trop peu expérimentés, cultivés, avec dans la plupart des cas, un niveau très approximatif pour pour diriger des émissions à vocation informative. Cela pourrait aussi permettre d'éviter les dossiers politiques trop manipulés sous nos cieux car les cabales, Dieu sait qu'il en existe beaucoup.  La formation privée qui vaut beaucoup de diplômés, est beaucoup trop faible et devrait être mieux surveillée et surtout améliorée.

La célébrité a ses travers si elle n’est pas bien gérée et maîtrisée. Rangou et Dieynaba Baldé ne diront pas le contraire. Elles ont toutes les deux été révélées par les médias et réseaux sociaux ; la première pour de mauvaises raisons fondées sur un besoin absolu de se faire connaître à travers des actes condamnables ; la seconde a été révélée par « Sen petit Gallé » de la TFM. Elles ont en commun d’avoir eu des déboires judiciaires pour n’avoir pas su contrôler jusqu’où pouvait conduire le mauvais usage de la célébrité.  Le déficit d’encadrement et l’immaturité ont beaucoup à y voir.