NETTALI.COM - Notre économie se porte mal. Et la Banque mondiale, dans les conclusions de son récent rapport sur la situation économique au Sénégal, est venue confirmer ce que les Sénégalais savent déjà. Le fameux rapport fait état d’une reprise «post Covid» notée en 2021 (une croissance de 6,1 % ), avec des prévisions qui tablent désormais sur un taux de croissance estimé à 4,8 % en 2022, un taux d’inflation de 11,3% au mois de juillet 2022. De même, selon les prévisions, le déficit se situe autour de 6,2 % du PIB, pratiquement deux fois le seuil de déficit budgétaire à ne pas excéder dans la zone UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine (3,97 % du PIB).

Bien avant la Banque mondiale, le spécialiste en intelligence économique, Amath Soumaré, au « Jury du Dimanche » du 25 septembre, avait pointé du doigt, un niveau d’endettement au mois d’Août dépassant largement les critères de convergence de l’Uemoa et un taux d’inflation similaire à deux chiffres.

La vérité est que le président Sall nous a fait perdre beaucoup de temps. Enormément de temps. Car alors, il n’a guère été conséquent avec son fameux slogan d’alors : la gestion sobre et vertueuse. Il aurait par exemple pu travailler à rendre nos entreprises publiques plus performantes, plutôt que de passer son temps à envoyer un bataillon de ministres et de DG sur le terrain politique. L’on se demande d’ailleurs où ceux-là trouvaient ces moyens colossaux pour aller à l’assaut de villes conquises comme Podor, Kaolack, Matam, Saint-Louis, etc. N’était-il pas par exemple plus simple de travailler à rendre florissantes ces sociétés, plutôt que d’investir dans le clientélisme ? La politique politicienne a évidemment ses raisons que la raison même ignore !!!

A l’arrivée, c’est l’hécatombe à tous les étages dans la gestion publique. Aucune société ne va bien. La Poste n’a plus de quoi payer ses salaires, pillée qu’elle est depuis quelques années. Ailleurs, ce n’est guère mieux. Dans le cas de la Senelec, par exemple, le syndicat Sutelec s’est récemment plainte, dans une déclaration, de récurrentes tensions de trésorerie pour une société bénéficiaire de 41 milliards. Il a dans la foulée sommé le DG de s’expliquer sur l’achat de deux immeubles à 10 milliards.

Même le Port autonome de Dakar dont on ne se doutait guère de la gestion pas si reluisante que cela, a fini de révéler ses tares. A écouter Ababacar Sadikh Bèye se faire démonter par les participants de la journée de concertation sur la vie chère et s’expliquer, il y a de quoi s’interroger sur sa vision d’alors du management de ce fleuron. Un port congestionné en permanence, a été très décrié, surtout par rapport à la concurrence des ports des pays voisins face aux lenteurs observées dans le processus de dédouanement, entrainant de fait des surestaries élevés qui ont renchéri les coûts des marchandises. Résultat des courses, Macky Sall n’a rien trouvé de mieux à faire que de ramener le DG à l’Ansd d’où il venait. Difficile en tout cas de comprendre la logique qui l’a guidé.

C’est Mountaga SY de l’Apix dont sa gestion du Ter a suscité pas mal d’interrogations sur les délais et les coûts exorbitants du chantier, qui a remplacé le Dg du Port. On n’oublie d’ailleurs pas la question des expropriations et des remboursements toujours en souffrance.

Avec Macky Sall, les nominations sont un gros point noir. Elles sont déconcertantes pour ne pas dire approximatives. Elles ressemblent même à un jeu. Une volonté délibérée de choisir les moins bons, les sans envergure, pour ne pas voir une tête qui dépasse ou encore les soldats bien sages ; le reste est complété par les alliés et ceux contre qui il ne peut rien faire car ayant gagné dans leurs fiefs, etc

Quant au casting ministériel, difficile de voir ce qui la fonde si ce n’est une logique de quotas et de subjectivité. Des ministres qui ont perdu les législatives, ont été nommés alors que quoi qu’on en pense, gagner en politique faisait partie des règles du jeu.

Comment peut-on vouloir réussir le Programme Sénégal Emergent (Pse) et négliger à ce point le capital humain ? Là où certains pays se lancent dans une logique de mettre en place une tradition de managers solides et compétents, au Sénégal, l’on préfère nommer des managers sans épaisseur, ni background connu en leur demandant des résultats sur le plan politique.

Ce moment en tout cas où Macky Sall annonce son gouvernement de combat, arrive bien trop tard, alors qu’il est sur la dernière ligne droite de son mandat. Car alors difficile d’en attendre des miracles. Le résultat ne peut être que du saupoudrage et quelques actes pour faire baisser la température sociale.

Un supposé combat d’un gouvernement de combat qui sonne d’ailleurs comme une sorte de rattrapage qui ne dit pas son nom. Barroud d’honneur devrait-on dire, maintenant que le président Sall se rend compte qu’il s’est jusqu’ici trop focalisé sur les infrastructures, négligeant la bonne gouvernance et ignorant royalement une politique d’industrialisation réaliste, à la hauteur du pays. Elle aurait pu être cette grande pourvoyeuse d’emplois que l’industrie.

Comment attendre 10 ans pour enfin daigner se préoccuper d’autosuffisance alimentaire, du « consommer sénégalais », tout en méprisant son privé national ? Pendant tout ce temps, Macky Sall servait à tour de bras la France, la Turquie, le Maroc, l’Inde etc. Pour ne citer que ces pays-là. Les Sénégalais sont malheureux et cela se ressent sur ce coût de la vie si élevé et ce manque de perspectives de la jeunesse éreintée par une éducation nationale dont le niveau baisse sans cesse, un enseignement supérieur caractérisée par la massification, ainsi qu’un enseignement privé non évalué à sa juste valeur et qui ne servirait que les intérêts de leurs promoteurs. Il y a aussi une formation non appropriée à notre  politique de développement qui est fort à décrier.

Si seulement cette politique infrastructurelle sur laquelle il s’est toujours focalisée, lui avait apporté des dividendes, lui qui a plutôt subi un effondrement continu dans les suffrages des sénégalais ?

Quelle perte de temps que la reddition des comptes !

Ce qui est surtout caractéristique de cette perte de temps, c’est la reddition des comptes mais aussi cette traque des biens supposés mal acquis. Les Sénégalais sont témoins de cette époque avec cette fameuse liste de 25 dignitaires du régime libéral épinglés dans le cadre de leur gestion et dont les dossiers ont fini sous le coude de Macky. Pire, certains d’entre eux, Abdoulaye Baldé, Oumar Sarr (qui avait publiquement nargué la justice en violant son interdiction de sortie du territoire), sont recyclés dans le gouvernement.

Ironie de l’histoire, la presse, des observateurs, des juristes et des politiques en sont aujourd’hui à épiloguer sur une amnistie au sens juridique du terme ou des voies légales pour faire recouvrer des droits civiques et politiques à Karim Wade et à Khalifa Sall. Mais dans tous les cas, et quelle que soit l’issue de cette affaire, il reste qu’elle nous a coûté une perte de temps et d’argent phénoménale, avec notamment les salles de la Cour de Répression de l’Enrichissement illicite rénovées, des frais d’avocat énormes et des commissions rogatoires pour aller traquer nos sous cachés quelque part dans des paradis fiscaux. Qui ne se souvient pas d’Alboury Ndao, chargé de cette mission là à l’époque ? Si seulement l’argent planqué dans quelques paradis fiscaux avait été retrouvé, on aurait pu dire. Des montants déclarés recouvrés avaient été annoncés, mais quant aux preuves, c’est le grand mystère !

Que devrions-nous faire des peines d’amende si d’aventure, Karim et Khalifa venaient à être amnistiées ? Les passer par pertes et profits ? Un énorme gâchis ainsi qu’un pied de nez aux contribuables sénégalais ! Pendant ce temps, Barthélemy Dias et Ousmane Sonko sont plongés dans un cycle judiciaire qui n’en finit pas avec le dossier de Sonko toujours chez le juge d’instruction. L’on nous annonce d’ailleurs, ce lundi 3 octobre que l’affaire va sortir des tiroirs du juge d’instruction pour être remis au goût du jour. Quant à Barthélemy Dias qui s’est pourvu en cassation devant la Cour suprême dans le cadre de l’affaire Ndiaga Diouf qui dure depuis 10 ans, il est toujours dans l’expectative.

N'avons-nous d’ailleurs pas eu droit à une rencontre entre Me Wade et Macky Sall au cœur de  Massalikoul Djinaan dans le cadre de retrouvailles père-fils qui n’aurait jamais dû avoir lieu dans un état qui se respecte ? De même qu’un Karim Wade gracié et envoyé au Qatar ? Pour les tenants de cette thèse de la révision de procès dans le cas de Wade fils, ils devront nous dire où trouver ces sous pour le financer et plonger à nouveau le pays dans l’expectative pour une affaire qui est devenue une farce publique ?

La question de l’amnistie, un sujet diversement apprécié. A ceux qui parlent de loi d'amnistie, Thierno Alassane Sall réplique : "C'est manquer de respect aux Sénégalais que de leur parler d'amnistie. On doit arrêter ce débat et s'occuper de l'essentiel, c'est-à-dire de la santé, des marchés, des populations qui souffrent... Le temps de la politique est dépassé." "Au moment où je vous parle, les hôpitaux sont en grève, les agents de l'agriculture et de l'élevage sont en grève. Et c'est la preuve que la crise est partout dans ce pays", dit-il.

Mais Mamadou Diop Decroix émet lui sur une fréquence différente et n’est pas opposé à une loi d'amnistie qui remettrait Khalifa Sall et Karim Wade dans le jeu politique. Bien au contraire, le secrétaire général d'And-Jëf/Pads estime qu'on n'en serait pas là si son discours de mai 2019 avait été entendu par le Président Macky Sall. Il a d’ailleurs profité de l’émission « Opinion » pour écorcher la juridiction d’exception qu’est selon lui, la Cour de répression de l’enrichissement illicite.

Le problème Mimi

La politique toujours la politique. L’on n’hésite plus à descendre dans les caniveaux. Benno  a de plus en plus de mal à tolérer la défiance de Mimi Touré qui a fini par déposer sa démission du groupe parlementaire «Benno Bokk Yaakaar». Mais, Me Oumar Youm, président dudit groupe parlementaire, invité du Grand Jury de dimanche 2 octobre soutient qu’ils attendent la suite, le comportement de Mimi Touré, pour aviser. En tout cas, prévient-il, si elle pose certains actes, elle sera considérée comme démissionnaire.

Traitée de « grande frustrée » par El Hadji Oumar Youm, Aminata Touré qui n'a pas sa langue dans la poche, a activé son service de communication pour répondre sèchement au président du groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar.Elle a ainsi rendu public un communiqué dans lequel elle demande à Me Youm d'arrêter de "faire les yeux doux à Macky Sall" et de s'en tenir à sa déclaration déjà faite sur le 3e mandat. "Qu'Oumar Youm ait le courage de dire à Macky Sall de renoncer à un troisième mandat juridiquement et moralement inacceptable", lit-on dans la note des collaborateurs d'Aminata Touré."Voilà que devenu président du groupe parlementaire de Benno Bokk Yaakaar, Me Youm se sent  obligé de donner des gages au Président Macky Sall avec l’inélégante et l’excès d’un repenti", a asséné l’ancienne PM.

Mais ce n’est pas seulement Me Youm qui donne des gages au président, Abdoulaye Daouda Diallo, nommé ministre d’Etat et directeur de cabinet politique a profité d’une finale de tournoi de football dans le Fouta pour faire sa première sortie politique après avoir quitté le gouvernement. Il va accompagner, de manière  indéfectible, «toutes initiatives que le Président Macky Sall aura pris concernant la prochaine présidentielle de 2024».

A la vérité, c’est à force de ruse et de subterfuges que Macky Sall se trouve ainsi pris dans son propre piège. Pourquoi avoir nommé responsable du parrainage , puis tête de liste Mimi Touré en sachant qu'elle la désavouerait par la suite ? N'est-ce une autre perte de temps que de devoir désormais devoir utiliser son énergie pour la contenir et tenter en même temps de s'assurer de la fidélité du reste de la troupe des députés. Macky Sall doit bien être préoccupé par ces temps qui courent. Il dispose désormais d’une majorité chancelante à l’Assemblée nationale et doit sortir de cet écueil politique dans lequel, il se retrouve enfermé : tenter de sauver les meubles en ce qui concerne l’économie, se prononcer sur la question du 3ème et décider de son  avenir déjà bien bourré d’incertitudes.