NETTALI.COM - Les mois de Ramadan se suivent et se ressemblent désormais sur nos chaînes de télévision. C’est le moment que ces dernières choisissent pour ajuster et adapter leurs programmes aux habitudes des Sénégalais, occupés durant la journée par le boulot et le souci de rentrer rapidement après quelques courses. Le soir semble ainsi être le moment idéal où il est plus facile de capter leur attention.

Si certaines d’entre elles offrent comme programmes des sketches au moment de la rupture du jeûne, d’autres invitent des chanteurs panégyristes ou prêcheurs, eu égard au contexte, qu’ils combinent avec des politiques, des membres de société civile ou des bons clients tout simplement, dans le cadre d’interviews ou de débats télévisés.

La conséquence, c’est une concurrence sans merci, le tout sans différences notables en termes de contenus. Les plateaux sont bondés de monde, composé à la fois de chroniqueurs, de journalistes et d’animateurs qui, dans certains cas, font juste objets de décor. Leur temps d’intervention est tellement maigre, parfois inexistant, et si l’on y ajoute celui que durent la pub, les développements, etc. Des prières auraient été de loin plus bénéfiques.

C’est le royaume du mimétisme et du remplissage sous nos cieux. Il suffit qu’une chaîne propose une émission à succès pour que les autres en fassent une copie. Difficile dès lors d’émerger dans cette concurrence surtout en l’absence de mesures d’audience dignes de ce nom, dans un secteur où chaque chaîne se plaît à se déclarer leader, lorsqu’elle ne commande tout simplement pas des sondages qui lui seront de toute façon favorables.

TFM a par exemple depuis 5 ans au mois de Ramadan, investi le créneau du divertissement mêlé à une dose informative avec l’émission « Quartier Général » animée par Pape Cheikh Diallo. Et depuis lors, elle n’est pas prête de s’arrêter. Les Ndour sont une boite à fabriquer du divertissement, c’est sûr, étant tous issus du monde du spectacle. Il leur est donc plus facile de privilégier ce genre, même si récemment, ils ont introduit des changements dans la partie éditoriale de la télé en y intégrant un bloc d’infos matinal «Infos du matin», en décalant  « Yeewuleen » de Pape Cheikh Diallo vers 9 heures.

Côté concurrence « Salon d'honneur » sur Walf TV, « Le Grand Plateau » sur la Sen TV, etc, font leur chemin.

Pour l’Edition 2021? « Quartier Général », Pape Cheikh Diallo a choisi comme entrée en scène, la présentation de son équipe avec un décor qui a changé. Et c’est visiblement, à quelques exceptions près, un « Yeewuleen bis » dans sa composition. Mais qu’est ce qu’ils y sont nombreux les animateurs et ces journalistes qui ont un comportement d’animateurs ! Mais l'on note au fil des émissions, des journalistes faire leur apparition, en fonction de l’invité du moment. Dimanche 19 avril, cela a été le cas avec la présence de Babacar Fall qui devait interviewer Abdourahmane Diouf, l’invité.

A suivre l’émission, il y a toutefois à se poser des questions sur son conducteur et sa durée. Le conducteur pouvait être mieux élaboré. En effet, le téléservice est bien trop encombrant. Vouloir parler de change, de météo, de sport, de cuisine et en même temps promouvoir une marque de téléphonie mobile et un spécialiste de l’électroménager avec un jeu concours au cours duquel les téléspectateurs, appellent au téléphone et peuvent gagner 1 million de francs, 200 000 F ou des appareils électroménagers, c’est finalement beaucoup trop. Le moment n’est peut-être pas très approprié. La tentation est alors grande chez Pape Cheikh Diallo de vouloir reproduire les différentes rubriques de « Yeewuleen » !

Mais heureusement, que ce dernier a commencé à faire un peu de télé depuis dimanche soir 18 avril en introduisant ce portrait réalisé par Fatou Kiné Dème sur Abdou Karim Guèye, ce jeune sénégalais qui a subi une intervention pour une greffe rénale ayant coûté autour de 10 millions, avec à la clef, des médicaments à prendre à vie à coup de 5 millions par an. Un élément informatif intéressant pour ces malades inconnus dont le maintien en vie coûte extrêmement cher à eux et à leurs proches. Ce reportage a aussi montré à quel point les parents de ce jeune homme se sont sacrifiés en vendant des appartements de leur immeuble pour pouvoir soigner leur fils. Et l’on ne manque pas de se poser des questions sur l’utilité des gouvernants et leurs  réalisations. Une séquence bien émouvante a été montrée alors que celui-ci, interrogé, a fini par fondre en larmes au regard des sacrifices que son père a dû consentir. Un autre élément était relatif à la problématique de la gestion des pouponnières, sans oublier celui sur le métier de livreur. C’est aussi cela la télévision. Elle a besoin d’images pour exister, sinon elle est juste une radio filmée. Tout simplement. Cela change un peu du bavardage de Pape Cheikh Diallo, adepte de paroles futiles et des blagues creuses. Et ce n’est point une info que de le souligner car, il occupe tellement l'espace qu’il finit par ennuyer.

Longue, elle l’est aussi la durée. Une émission qui dure autant. C’est rarement vu en télévision. Sinon jamais. Elle semble finalement conçue pour ceux qui n’ont pas d’activités car l’on ne voit pas bien comment un téléspectateur qui doit se rendre au travail le lendemain, pourrait-il suivre l’émission jusqu’à son terme ? De 22 H 30 à 4 heures du matin, il faut vraiment avoir du temps et être victime d’une insomnie. La tentation de zapper et d’aller voir ailleurs peut être grande, surtout avec la vingtaine de spots publicitaires qui s’enchaînent. Difficile en effet de se concentrer sur cette succession de spots sans zapper ou faire autre chose. Des spots façon clip ponctués de danses, de chants. S’ils étaient au moins originaux. Le pire est que sous nos cieux, ils se ressemblent en effet beaucoup.  Du mimétisme à tous les niveaux !

Pape Cheikh Diallo semble en tout cas avoir trouvé son créneau et son univers. Adepte du folklore, il s’est pour ses débuts focalisé sur les prêcheurs et chanteurs panégyristes pour le plus grand bonheur des amateurs de ce genre d’émissions où l’on chante les louanges du prophète Mohamed (PSL) et livre des enseignements sur son œuvre, sa vie, sans oublier le mérite de nos guides. Pour un moment de ferveur, c’est parfait pour servir le prophète (PSL) et les guides religieux en exemples. Une émission qui gagnerait toutefois à se débarrasser de certaines parties bien superflues afin d’être moins déroutante. Pour rappel, l’année passée, l’invité principal arrivait en fin d’émission au moment où la plupart des téléspectateurs avaient déjà déserté.  Ce dimanche, cela a été le cas d’Abdouralhmane Diouf qui a clôturé l’émission.

S'agissant de Walf TV avec l’émission « Salon d’honneur », elle s’inscrit dans une logique plutôt informative, même si le religieux est toujours présent. Normal sur la Télé de feu Sidy Lamine Niasse. Avec sa première édition en 2021, elle semble mieux structurée, de par le temps qui est plus court et le conducteur mieux organisé, même si quelques couacs ont été par ailleurs notés.

A titre d’exemple, l’émission de la semaine dernière avec Guy Marius Sagna comme invité, a permis de livrer beaucoup d’informations sur les récentes manifestations, son séjour en prison, sa posture avec « France dégage », sa relation avec Ousmane Sonko, etc. L’émission était réalisée d’un trait, en dehors de quelques fausses notes qui ont cassé le rythme. Deux humoristes au talent bien approximatif qui s’étaient incrustés durant un moment pour servir le thé, ont cassé l’élan des téléspectateurs pour servir un petit moment de détente avec une partie ludique qui n’était ni justifiée, ni utile et encore moins fructueuse sur ce plan. De même, la partie météo a accentué cette cassure. Elle était bien longue et sans grand intérêt sur le moment, sans oublier la présentatrice qui a profité de ce même moment pour remercier celui qui l’a habillée. De quoi revoir le conducteur de l’émission en certains points.

Samedi, c’est la question de la criminalisation de l'homosexualité qui a été au menu. Un sujet ô combien délicat et polémique puisqu'il était question d’y aborder des sujets bien sensibles. Le public sort ainsi de l’émission avec beaucoup d’informations sur le côté légal de ce fait de société souvent méconnu.

Le thème qui a suivi, abordait le dossier Adji Sarr-Ousmane Sonko et révèlera des questions bien gratuites qui ont viré à l’acharnement du journaliste Pape Ndiaye et de la chroniqueuse, Thioro Makhou Mandela. Alors qu’ils étaient en train d’interroger Moustapha Diakhaté sur le sujet, ils l’accusaient, de manière bien gratuite,  en lui disant qu’il se garde de dire qu’il y avait bel et bien un complot dans cette affaire parce qu’il est  dans une logique de retrouvailles avec Macky Sall. Prenant la parole, Diakhaté estimera que dans ce dossier, le leader de Pastef a voulu juste le politiser en appelant les gens à sortir le défendre sur la base d’un complot dont il aurait fait l'objet. Ce qu’il rejettera, en précisant qu’il n’y a pas eu de complot fomenté par Macky Sall, Antoine Diome et Serigne Bassirou Guèye. Et comme pour renforcer sa thèse, il citera l'avocat d’Ousmane Sonko, Me Clédor Cire Ly, qui lui-même a eu à dire que Macky n’était pas au courant d’un tel complot. Des accusations bien légères de la part du journaliste et de la chroniqueuse. Moustapha Diakhaté expliquera, entre autres raisons de sa présence au palais par une demande  d’Alioune Tine de lui trouver une audience  avec le président de la République par l’intermédiaire de Marième Faye. Une audience qui se déroulera, selon ses explications, en sa présence, suite à la demande de la 1ère dame.

Une autre question-relance a été de lui demander pourquoi il est resté au palais jusqu’à 2 h du matin alors ? Ce qui est de l’avis des deux hommes de médias, une justification des velléités de retrouvailles. Et l’ancien député de leur préciser que s’il souhaitait être en accord avec Macky Sall, il aurait pu simplement dire qu’il a droit à un 3ème mandat. Une manière de leur signifier qu’ils ont tout faux, puisque la vraie cause de sa rupture avec le président, c’est la question du 3ème mandat. Diakhaté ira même plus loin pour préciser que de la même façon, il ne peut croire qu’Ousmane soit coupable de viol, sa probité de musulman ne lui permettant pas d'affirmer cela, de la même façon, il sait qu’il n’y a pas eu de complot, précisant détenir des preuves. Pour lui Ousmane Sonko a profité d’une opportunité pour politiser le débat. Moustapha Diakhaté relèvera, sur un autre registre, qu’Idy n’est pas lui et que lui-même n’est pas Idy. Il répondait à une question qui allait dans le sens de le comparer à Idrissa Seck qui avait eu à dire qu’il ne serait plus jamais nommé par décret par Macky Sall.

Côté SEN TV, l'émission « Grand plateau » est essentiellement composée des chroniqueurs habituels de « Ndoumbélane » du vendredi avec un invité, la journaliste Fatou Abdou Ndiaye, Néné Aïcha Ba comme présentatrices et un invité habitué des plateaux, Ahmed Khalifa Niasse. Plusieurs thèmes ont été ainsi abordés cette semaine. L’on glissait en effet de sujet en sujet avec des digressions à n’en plus finir, surtout avec Oumar Faye Leral askanwi qui a le don de se lancer dans des affirmations non étayées. Mais ce qui est bizarre, c’est qu’il n’y avait personne pour le corriger ou relativiser ses propos. Mais la partie qui a le plus interpellé à l’émission, est celle durant laquelle Ahmed Khalifa Niasse était en roue libre, dominant l’émission, sans toutefois trouver un membre du plateau pour le relancer. Seule Fatou Abdou Ndiaye réussira à en placer une. Le marabout est un bon client pour les médias, c’est sûr, mais de là à le laisser se comporter comme cela lui plaît... L'émission aurait dû être mieux prise en main et dirigée.

Ses tentatives d'incursions furent d’ailleurs bien vaines. Elle a même un moment été obligée de la jouer diplomate avant de s’entendre dire par le marabout politicien qu’il n’était pas au bout de son raisonnement. Celui-ci menacera même à un certain moment de quitter le plateau, se tenant debout, bluffant même, alors qu’il savait bien qu’il ne s’en irait pas. Il n’y avait que le chanteur religieux Mohamed Mbaye pour tenter de lui tenir tête, mais sans grand succès car il se fera plusieurs fois envoyer à chaque fois dans les cordes, sans jamais arriver à tenir un discours consistant.  Même les chroniqueurs jadis bien bavards et virulents sur le plateau, Pape Matar, Cheikh Oumar Talla, étaient doux comme des agneaux. Oumar Faye sera même à un moment obligé de caresser Ahmed Khalifa dans le sens du poils, de l’encenser pour ne pas avoir à s’attirer ses foudres.  Et figurez-vous qu’à un moment, le marabout a été même obligé de dire : « le moment des questions arrivera bientôt » comme s’il présidait désormais aux destinées de l’émission alors qu’il n’en était que l’invité. De quoi s’interroger ! Une prise de parole de M. Niasse qui vira finalement au monologue.

La vérité est qu’en invitant un personnage comme Ahmed Khalifa, les journalistes savent à quoi s’attendre. Ils veulent du buzz et lui a toujours ses sujets favoris et son discours qu’il cherchera à faire passer par tous les moyens.

Avec Niasse, l'humour n’est jamais loin et les sujets pour choquer, toujours au rendez-vous. Il parle par énigmes et n’hésite pas à remettre à leur place, les membres du plateau qui cherchent à le contredire.  Mais il est toutefois à noter que beaucoup de choses qu’il déclare sur le niveau des prêcheurs, ne sont pas loin d’être vraies quand bien même il aurait une propension à la provocation. Il y en a parmi eux qui ont le niveau de l’école primaire, du Bfem, du Bac et études supérieures. La jurisprudence islamique n’est pas par exemple à la portée de n'importe quel prêcheur. L'exégèse coranique aussi. Si l’on veut produire de la connaissance et des infos de ces émissions à thème religieux, il vaut mieux mettre en face de Niasse, des co-débatteurs de même équivalent. Oustaz Assane Seck a lui fait les frais de sa ténacité sur la TFM. Même Bouba Ndour s’était ce jour-là tenu à carreaux alors que Niasse descendait tranquillement Taïb Socé. Ce qui avait abouti au départ du prêcheur pour une télé concurrente.

                                                                 A la recherche de la popularité et du buzz

Ces genres de problèmes évoqués plus haut sont légion sur les plateaux de télévision.  Aussi bien à la Tfm, à Walfadjri, à la Sen tv et ailleurs. La recherche de buzz conduit très souvent des journalistes à enfiler des habits d’animateurs pour plus de visibilité et de popularité, face à une large partie du public qui méconnaît tout des normes du métier de journaliste. Et des cas d’animateurs (ou chroniqueurs) qui essaient de se comporter en journalistes pour montrer aussi qu’ils ont de la consistance intellectuelle, existent aussi. Et très souvent, ils se trompent tous.

Ce que l’on peut pardonner à un animateur qui peut affirmer des choses sans en avoir la preuve, on ne le pardonnera pas à un journaliste qui ne devrait pas pouvoir se le permettre. Malheureusement, c’est ce que Pape Ndiaye a fait avec Moustapha Diakhaté en balançant des choses sans preuve aucune. Une attitude digne d’un animateur de seconde zone. Un fait qu’on note aussi sur d’autres plateaux de télévision.

A la Tfm, par exemple, Pape Djibril Fall, Thioro Mbar Ndiaye, Mamadou Ndiaye et Bijou Ndiaye qui sont pourtant des journalistes, ont fini de déserter les rédactions pour se retrouver dans la peau d’animateurs et de chroniqueurs. Ils sont tout le temps sur les plateaux et jamais sur le terrain, pourtant le lieu de travail pour faire le bon journaliste de demain dont la vocation ne peut pas être que d’émettre des opinions, fussent-elles les plus pertinentes du monde ou avec les mots et expressions les plus savants de la terre. Ils doivent s’évertuer à aller apprendre le métier et faire des faits leur religion, au lieu de se complaire à la religion du « wax sa xalaat » (le fait de donner son opinion). Une opinion, tout le monde en a ?

Il n’est en tout cas pas rare de voir des télévisions inviter de gros clients, mais elles ne disposeront parfois malheureusement pas d’éléments avec suffisamment de poigne, de connaissance des faits et de consistance intellectuelle pour leur tenir tête.

Pis, de plus en plus, on voit des animateurs qui s’improvisent reporters, conçoivent leurs éléments en réalisant les reportages de terrain (qui ne respectent pas du tout les normes édictées) et vont sur le plateau pour introduire et défendre leurs propres éléments.

Un mélange de genres et des manquements terribles qui déroutent les téléspectateurs et indisposent les puristes de l’audiovisuel. L’on ne peut continuellement laisser les téléspectateurs qualifier tel chroniqueur ou animateur d’excellent journaliste, alors qu’il ne respecte aucunement les normes du métier. Le public a surtout besoin d’éducation au travail des médias, au lieu de continuer à n’avoir comme référence que ce qui fait le buzz. Parfois la prétention est même poussée jusqu’à décréter ce que les Sénégalais aiment ou n’aiment pas. Qu’en savent-ils ? Ceux-là se fondent simplement sur leur expérience personnelle et leur empirisme. Ce n’est pas parce qu’une émission fait du buzz qu’elle est utile à l’éducation des populations. Le rôle des médias, c’est sont bien l’éveil et la formation des populations et non de céder aux caprices d'un public non averti. Le génie serait dès lors d’arriver à concilier l’éducation utile, nécessaire et ce qui va intéresser les publics. Un double bénéfice en somme.