NETTALI.COM – Les arguments et propositions brandis par le gouvernement n’ont pas convaincu les syndicats qui continuent d’exiger une correction du système de rémunération dans la Fonction publique. C’est ce que nous explique la parution de ce mardi du journal Enquête.

Si les négociations se poursuivent entre le gouvernement et les syndicats d’enseignants, un jeu de poker menteur s’est installé, depuis des années, parmi ces responsables de l’éducation des jeunes Sénégalais. Samedi dernier, le gouvernement, par le biais du ministre des Finances et du Budget et de son collègue du Travail, a fait une proposition qui concerne sept mesures visant l’amélioration du régime indemnitaire des enseignants. Le tout réuni, correspond, selon l’argentier de l’Etat, à un effort budgétaire de 69 milliards de FCFA en faveur des enseignants.

Bien qu’ils aient été jugés insuffisants par les bénéficiaires, ces mesures correspondraient à des augmentations de 216 103 FCFA pour les inspecteurs, 195 297 FCFA pour les professeurs d’enseignement secondaire, 142 840FCFA pour les professeurs d’enseignement moyen, 147 542 FCFA pour les professeurs de collège et d’enseignement moyen général et assimilés, 73 650 FCFA pour les instituteurs et 59 000 FCFA pour les instituteurs adjoints.

L’argumentaire des enseignants se fonde sur le manque d’équité dans la rémunération des fonctionnaires de grades équivalents. Suite aux complaintes de certains agents de l’Etat, dont les enseignants, le gouvernement avait commandé, le 30 novembre 2015, une “étude sur la rémunération des agents de l’administration’’, pour une meilleure allocation des ressources publiques. La mission, exécutée par le cabinet Mgp-Afrique, a produit un rapport qui décrit plusieurs faiblesses dans le système de rémunération.

Les révélations accablantes du rapport du cabinet Mgp-Afrique

Il s’agit, entre autres, d’une architecture de l’échelonnement indiciaire insuffisamment homogène, des disparités dans la progression de carrière de certains corps par rapport à d’autres, ainsi qu’à l’intérieur même de certains corps, un régime indemnitaire inéquitable grevant de surcroît la masse salariale, une faible évolution de la valeur du point indiciaire, le recours récurrent à des formes de rémunération non liées aux échelles indiciaires à travers l’octroi d’indemnités différentielles ou l’attribution de soldes globales, un régime indemnitaire inéquitable et inadéquat, un système d’avancement inadapté, des niveaux de rémunération des dirigeants des entités du secteur parapublic trop élevés et une insuffisante maîtrise des grilles de rémunération des personnels de ces entités.

D’autres pratiques peu orthodoxes ont également été mises à nues par le rapport dans lequel l’on peut lire : “Le régime des rémunérations des fonctionnaires et des indemnités complémentaires définies, ainsi que la réglementation sur les cumuls, sont fixés par des décrets pris en Conseil des ministres. Mais ces textes ne sont pas toujours respectés. Il existe, en outre, des décrets instituant des rémunérations ou indemnités de fonctions globales, en lieu et place de soldes indiciaires”, révèle l’étude. Ensuite, le rapport souligne que le statut général qui date de 1961 n’est plus adapté à la situation actuelle, en particulier en ce qui concerne le régime indemnitaire. Or, de nouvelles et nombreuses primes et indemnités sont allouées par simple arrêté ministériel ou par délibération de conseils de surveillance ou d’administration, s’agissant des entreprises du secteur parapublic. Il existe même des primes et indemnités allouées sans textes et ne figurant pas sur les bulletins de salaires.

''Ces primes et indemnités nombreuses et de montants élevés, sont en fait des salaires déguisés qui peuvent être de l’ordre de 15 à 100 % de la rémunération de base. C’est cette situation d’opacité qui est source de surenchères’’.

De grosses augmentations de salaires dans les ministères

Malgré tout, le rapport est totalement ignoré par le gouvernement, selon les enseignants. Pire encore, les mêmes pratiques subsistent. Comme l’a soutenu le secrétaire général national du Cusems Authentique : “le 10 juillet 2021, le Président Macky Sall a permis au ministre des Finances Abdoulaye Daouda Diallo et au ministre du Travail Samba Sy, qui dirige les négociations avec les enseignants, de signer un arrêté ministériel pour augmenter les salaires des agents de l’Etat qui sont différents des enseignants. Au ministère du Travail, une “indemnité de lutte contre l’évasion sociale’’ a permis aux agents de catégorie A, la même que celle des professeurs de lycée, d’avoir une augmentation de salaire de 400 000 francs CFA’’, révèle le syndicaliste membre du G20.

Et ce n'est pas le seul cas. Un autre exemple rapporté par Dame Mbodj se passe au ministère de l’Agriculture, avec Moussa Baldé. Là-bas, c’est une “prime de prise en charge agricole’’ qui permet aux agents de hiérarchie A d’avoir une augmentation de 300 000 francs CFA sur leurs salaires. L’arrêté a été signé ce 10 janvier 2022.’’ Ces arrêtés signés en catimini dans beaucoup de ministères confortent les enseignants sur l’idée que le gouvernement ne prend pas au sérieux les revendications faites par les enseignants.

Alors qu’un neuvième plan d’action a été lancé en début de semaine, dans des groupes de discussions dédiés dans les réseaux sociaux, des enseignants appellent leurs collègues à ne pas céder à la stratégie du gouvernement qui essaierait de les mettre en mal avec la population, en révélant de gros chiffres qui n’ont sont pas réellement, rapportés à la population enseignante du Sénégal. Rien qu’au moment de la production du rapport du cabinet Mgp-Afrique, les effectifs du corps des enseignants tous statuts et toutes hiérarchies confondus représentent 82 252 agents, soit plus de 77 % des effectifs globaux de la Fonction publique. Mais, sur cet effectif, ces derniers rétorquent qu’il est loin de suffire à la population d’élèves au Sénégal et que la loi ne parle pas de nombre, mais de hiérarchie. Et qu’à rang égal, ils exigent que les mêmes augmentations faites aux autres agents de la Fonction publique dans les ministères soient appliquées aux enseignants.