NETTTALI.COM – Entre Bolloré et l’Afrique, c’est une relation qui dure depuis longtemps. Une présence du Français en Afrique vue finalement que comme mue par un intérêt purement capitalistique, au regard de la trajectoire actuelle de l’homme d’affaires qui vient de révéler son vrai visage à travers son soutien affirmé à Eric Zemmour.

Avec l’évolution du temps, celui qui est considéré comme un symbole de la Françafrique pour avoir collaboré avec beaucoup de chefs d’Etat africains, dans une relation souvent bien opaque, se désengage d’une partie de ses activités de logistique et transport en Afrique.  L'armateur italo-suisse MSC lui a proposé de lui racheter ses activités de logistique en Afrique pour 5,7 milliards d'euros, a annoncé lundi 20 décembre l'entreprise française.

Une offre à laquelle a consenti Bolloré à MSC (Mediterranean Shipping Company) avec à la clef, une exclusivité jusqu'à fin mars 2022 pour négocier, a précisé le groupe de l'industriel Vincent Bolloré dans un communiqué. "Le groupe Bolloré annonce avoir reçu une offre du groupe MSC, acteur majeur du transport et de la logistique par conteneurs, pour l'acquisition de 100% de Bolloré Africa Logistics, regroupant l'ensemble des activités de transport et logistique du groupe Bolloré en Afrique, sur la base d'une valeur d'entreprise, nette des intérêts minoritaires, de 5,7 milliards d'euros", écrit l'entreprise.

Plus rentable que la logistique internationale de Bolloré, la branche de logistique africaine reste plus petite en chiffre d'affaires, avec 2,1 milliards d'euros réalisés en 2020, sur un total de 24,1 milliards pour le groupe. Elle emploie plus de 20.000 personnes, selon Bolloré.

Ses déboires judiciaires en Afrique dans ce domaine, ont-ils eu raison de La ténacité de l'homme d'affaires français ? Le désengagement de ses activités dans les ports et les lignes ferroviaires en Afrique, cache un autre fait. Le groupe Bolloré ne quitte pas en réalité l’Afrique. Il conservera une présence importante, notamment à travers Canal+, premier opérateur de télévision payante en Afrique francophone et actionnaire important de MultiChoice, le leader de la télévision payante en Afrique anglophone. Il y poursuivra également ses développements dans de nombreux secteurs comme la communication, le divertissement, les télécoms, l'édition.

Ce désengagement partiel interroge sur les dessous de la démarche de Vincent Bolloré. Ce dernier, ayant une haute main sur de grands groupes de presse, ne peut-il pas profiter de cette faveur pour revenir en force en Afrique ? Il pourrait juste s’agir d’un redéploiement dans un secteur moins encombrant politiquement et du point de vue de l’image, et où il peut gagner en influence et en recettes publicitaires importantes, sans toutefois s’exposer à la justice.

Il faut noter que le groupe Bolloré a connu déboires judiciaires en Afrique, en plus d'histoires de redressement fiscal, de déforestation, d’accaparement de terres, de rudes conditions de travail de ses salariés ainsi que l’avait relayé le quotidien français Le Monde. Ce dernier écrivait déjà en 2017 que la Société camerounaise des palmeraies (Socapalm) n’a pas bonne presse, accusée qu’elle de tous les maux. Filiale de la Société financière des caoutchoucs (Socfin) basée au Luxembourg, détenue à un peu plus de 50 % par le belge Hubert Fabri et à près de 39 % par le groupe de Vincent Bolloré, elle est dans le collimateur de plusieurs ONG et associations de riverains. Mais là ne sont pas les seuls méfaits à l’actif de Bolloré. Il a  par exemple été accusé par la justice française d'avoir apporté son aide à des campagnes électorales en échange de l'attribution de concessions portuaires au Togo et en Guinée. Vincent Bolloré a plaidé coupable dans un dossier de corruption, le vendredi 26 février 2021, devant le tribunal judiciaire de Paris (France). Un dossier qui date de 2009 et qui est relatif à la prolongation et l’extension de la concession du port de Lomé, au Togo. Dans le cas du Togo, les juges d’instruction ont en effet établi que le magnat des médias et son groupe ont payé 370 000 euros de dépenses de communication au président togolais Faure Gnassingbé, afin d’obtenir des contrats et avantages fiscaux sur le port de Lomé.

Vincent Bolloré, le groupe Bolloré SE et deux autres cadres, Gilles Alix et Jean-Philippe Dorent, ont reconnu les faits, souhaitant ainsi s’éviter un procès. Mais le tribunal judiciaire de Paris en a décidé autrement, comme le rapportent « le Monde » et Mediapart : à la surprise générale, le tribunal a rejeté les peines demandées par le parquet national financier à l’encontre de Vincent Bolloré, et demandé un procès, considérant que les faits reprochés avaient « gravement porté atteinte à l’ordre public économique » et « à la souveraineté du Togo ».

L'homme d'affaires avait accepté de payer une amende de 375 000 euros, en contrepartie de quoi cette condamnation n’aurait pas été inscrite à son casier judiciaire. Il en avait été de même pour Gilles Alix et Jean-Philippe Dorent, dont les peines n’ont pas non plus été homologuées.

En revanche, la société Bolloré SE devra bien pour sa part payer une amende calculée sur le montant putatif des bénéfices que le groupe retirera de la concession portuaire de Lomé sur les trente-cinq années où il la détient. La société « s’engage à verser au Trésor public, sous dix jours, une amende d’intérêt public d’un montant de 12 millions d’euros », selon un communiqué du parquet national financier. Bolloré SE « s’engage également à faire évaluer par l’Agence française anticorruption, pendant deux années, l’effectivité de son programme de conformité et d’en supporter le coût. »

Mais ce qui a été le plus étonnant à constater, comble de paradoxe, ce sont les relations entre le magnat français et les dirigeants politiques africains, son business florissant en Afrique et sa posture de parrain médiatique du trop controversé Eric Zemmour.

« Au début, il y eut CNews. La chaîne gratuite de l’empire Bolloré ne marchande pas son soutien à Eric Zemmour, même si elle a dû se défaire de son chroniqueur vedette. Un exemple ? Quand sort le sondage Harris Interactive-Challenges dans lequel Zemmour s’invite pour la première fois au deuxième tour de la présidentielle, le 6 octobre, le polémiste est pendant une heure sur le plateau de Laurence Ferrari. Celle-ci ne sert pas la soupe au vrai/faux candidat. Mais dans le « Face à l’info » qui suit, Christine Kelly demande à ses invités de décrire "leur" Zemmour. Florilège: "Un assemblage de sincérité et de courage" (Charlotte d’Ornellas); "Un garçon très touchant, on a envie de le choyer" (Marc Menant); "Véritable phénomène politique et très courtois" (Mathieu Bock-Côté)… Il n’y a que Dimitri Pavlenko à prendre un peu de distance: "Il est très chaleureux, mais il a des obsessions!", commente le site challenges.fr ; non sans préciser : « Et puis maintenant, il y a Europe 1, avec ce dialogue surréaliste entre Sonia Mabrouk et Bruno Le Maire, pointé par les réseaux sociaux. Quand le ministre se déclare dans la matinale du 18 octobre "en opposition frontale avec le diagnostic qui est fait [par Zemmour]", l’intervieweuse attitrée de la radio lui rétorque: "Vous ne voulez pas voir la réalité alors?"

Faut-il désormais ajouter Paris Match et Le Journal du Dimanche, après la double éviction d’Hervé Gattegno, leur directeur de la rédaction? Cette mise à l’écart serait-elle une opération politique? En première analyse, évidemment, car la figure de proue des deux journaux n’a pas failli. Arnaud Lagardère était bien en peine de lui reprocher quoi que ce soit, et la présidente de sa branche médias, Constance Benqué, se révèle incapable d’expliquer sa destitution. Elle aurait pu aller chercher des arguments avec les comptes de Match, passés dans le rouge ».

Mais à la vérité, Bolloré est très à cheval sur les idées conservatrices et pas très en phase avec l’Islam, tout en étant un néo libéral convaincu. Son intérêt pour l’Afrique n’existe que par le business immense qu’il y développe. Sa branche médias via Canal+ lui a par exemple permis de développer à travers le sport, le divertissement et la culture par le truchement des téléfilms africains regroupés sur de nouvelles marques locales telles que « Sunu Yeuf » au Sénégal. Ce qui lui a permis de faire connaître une marge de progression à sa chaîne et de renouveler son audience.

De quoi se poser des questions sur la posture du public africain. A-t-il vraiment conscience du type de personnes à qui il a affaire avec Bolloré ? Certainement non. Il est peut-être temps qu’il sache qu’il est ce soutien affirmé et sans complexe de cet homme qu’est Zemmour : profondément raciste et anti-islam et xénophobe. Ce qui laisse penser que ce public ne devrait pas laisser le Français gagner du terrain sur le continent, quitte même à boycotter ses produits et sa chaîne de télé. Du chemin en perspective à parcourir pour y arriver.