NETTALI.COM - Ces derniers temps, c’est un vent de sagesse qui semble souffler au-dessus du palais. Macky Sall multiplie des actes que l’on peut considérer comme bienvenus dans plusieurs domaines. Ce qui laisser penser qu’il est certainement en train d’opérer un virage à 180°. Comme d’ailleurs ce Train Express Régional (Ter) qui a fini d’aborder son dernier virage avant le démarrage tant attendu de ses activités le 26 décembre, suite à des délais sans cesse repoussés et des milliards à n’en plus finir, engloutis dans ce chantier. Serait-il sur la voie de réajuster sa gouvernance qu’il avait prédit comme sobre et vertueux ? Ou est-il juste en train de faire du saupoudrage ? Une bonne question.

C’est ainsi qu’après l’annonce de la reconduite du Poste de Premier ministre, une loi d’ailleurs déjà votée à l’Assemblée nationale, Macky Sall a, au cours d’un entretien avec RFI et France 24, datant du mercredi 8 décembre, réitéré sa volonté de faire voter une loi d’amnistie profitable à Karim Wade et à Khalifa Sall, après avoir pour la première fois évoqué l’hypothèse d’une amnistie pour les deux, en fin 2018. « Amnistie ou une sorte de réhabilitation ? », le président a voulu quelque peu jouer la carte du suspens, histoire de montrer que c’est lui qui décide en dernier ressort, mais n’est pas opposé à le faire dans le cadre d’un dialogue, où des solutions qui respectent le droit et les lois, seraient trouvées. Il faut juste trouver la bonne formule, a-t-il fait savoir. Ce, en dépit du refus de Khalifa Ababacar Sall qui s’est voulu clair. Parallélisme des formes, sur les mêmes médias français, il a affirmé n’être jamais sorti de la scène politique. L’ancien maire de Dakar a affirmé qu’il garde tous ses droits de se porter candidat à la prochaine présidentielle ; en plus de n’être demandeur d’aucune amnistie, et encore moins de la grâce qui l’a fait sortir de prison. Sauf qu’il oublie qu’en 2019, le Conseil constitutionnel a effectivement confirmé qu’il avait perdu ses droits civiques, lui et Karim Wade, raison pour laquelle ils n’avaient pas participé à la présidentielle. Mais en fait de dialogue, des observateurs ont déjà fait savoir que des discussions entre Macky Sall et lui ont déjà été entamé. Ce qui pourrait laisser penser que tout ceci serait déjà acté. Bref.

D’autres actes, Macky Sall en a posés. Comme lors du dernier Conseil supérieur de la magistrature. Des commis de la magistrature, connus pour leur courage et leur liberté, ont été remis en selle. Serigne Bassirou Guèye, le Procureur de la République, très contesté et considéré comme le bras armé du pouvoir, a été remplacé par un magistrat chevronné, Amadou Diouf qui a capitalisé 30 ans d’ancienneté au sein de la magistrature. Amadou Diouf est en effet de la promotion 91 et avait même été pressenti comme Procureur de la République en octobre 2006. Mais finalement c’est Ousmane Diagne qui avait été choisi par le Président Abdoulaye Wade. Ce qui le positionnait comme son adjoint.

Il convient de préciser en effet que depuis l’indépendance, les postes stratégiques au niveau de la magistrature, obéissent à certaines pratiques et logiques. En effet, l’année d’ancienneté pour occuper le poste de procureur de la république tourne entre 14 et 16 années. Ce fut le cas de Serigne Bassirou Guèye, du magistrat Ousmane Diagne, et de son prédécesseur, le magistrat Abdoulaye Gaye qui occupait ce poste sous le magistère du Président Abdou Diouf.

Avec ces 30 années d’expérience, le magistrat Diouf devrait prétendre normalement à occuper le poste de Procureur Général qui correspondrait à son rang. S’il est propulsé à la tête du parquet de Dakar, c’est, selon certains observateurs, pour redonner à la magistrature, son lustre d’antan.

Le retour d’Ousmane Diagne comme procureur Général près la Cour d’appel procèderait également de cette logique-là. En effet, ce dernier est considéré comme un grand défenseur de la magistrature qui a toujours voulu que ce pouvoir, dernier rempart dans un pays, ne chancèle jamais. Il a avoué qu’étant procureur, il a usé et même abusé du droit de déplaire et en est fier.  La raison, soutient-il, est que la Justice est rendue au nom du peuple Sénégalais et non au nom de qui que ce soit d’autre. «Il est temps que les procureurs et les substituts cessent d’être exposés à des risques de représailles, à chaque fois qu’il décide d’exercer une petite parcelle de leurs attributions, en conformité avec leur serment de se comporter en digne et loyaux magistrats», déplorait-il lors de sa passation de service avec Serigne Bassirou Guèye qui est désormais casé au palais comme ministre-conseiller chargé des affaires juridiques.

L’on se souvient en effet qu’Ousmane Diagne avait catégoriquement refusé d’avaliser le non-lieu que les autorités politiques voulaient faire bénéficier à Barthélémy Dias dans l’affaire Ndiaga Diouf parce que tout simplement, il était devenu l’allié des nouveaux tenants du pouvoirs. En farouche défenseur de la Justice, même s’il était parquetier, donc dépendant de l’exécutif qui pouvait lui donner des instructions en vertu de l’article 25 du Code de procédure pénale, il avait estimé que la justice ne pouvait s’exercer suivant les accointances, affinités et bons vouloir des hommes politiques. C’est ce magistrat, sanctionné pour avoir défendu l’indépendance de la Justice, qui est aujourd’hui propulsé à un poste plus stratégique que celui qu’il occupait au moment de sa défénestration.

Espérons juste que ces magistrats soient à la hauteur de leurs missions. Mais, à écouter les propos du nouveau président de l’Union des Magistrats du Sénégal, Ousmane Chimère, lors de sa récente sortie, difficile d’être rassuré sur la question de l'indépendance de la magistrature, chantier qui divise l'exécutif et le judiciaire. Sur la présence du Président de la république et du ministre de la justice au Conseil supérieur, celui-ci a ainsi indiqué que la conception selon laquelle la composition actuelle du Conseil ne permet pas aux magistrats de jouir pleinement de leur indépendance, est réductrice. Pour lui, la réforme dont a besoin le Conseil supérieur de la magistrature et qui ressort de l’avis de l’écrasante majorité de ses collègues, consiste à définir des critères objectifs de nomination basés sur l’ancienneté, la compétence, la performance en juridiction et l’exclusion de toute affectation-sanction, à la suite d’une décision rendue par un magistrat, en son âme et conscience.

Un discours qui ressemble fort à un plaidoyer pour relativiser davantage ce manque d’indépendance de la justice. En effet, ses pairs ne réclament rien d’autre que le fait que le président de la république et le ministre de la justice ne puissent plus siéger au conseil supérieur. Qu’y a-t-il de plus logique que cela ? Ces principes d’avancement fondés sur l’ancienneté, la compétence, la performance en juridiction et l’exclusion de toute affectation-sanction qu’il appelle de ses vœux, peuvent bel et bien être respectés à condition que les magistrats gèrent eux-mêmes leurs carrières. Pourquoi y aurait-il besoin d’une supervision de l’exécutif ou du ministère de la justice qui eux-mêmes, font partie d’un autre pouvoir ?

L’hérésie même de ce système réside dans le fait qu’en continuant à siéger dans ce conseil, les deux membres de l’exécutif non seulement, nomment les magistrats à eux favorables, mais ils pourvoient par la même occasion, à leurs moyens de fonctionner en exécutant les budgets de la justice. Où est dès lors la marge de manœuvre des magistrats, si en plus les magistrats du parquet reçoivent des instructions écrites, même si ils peuvent garder leur liberté à l’audience. Loin de dire que ce fait n’est pas possible, l’expérience a montré que le procureur spécial Alioune Ndao a été remplacé en pleine audience à la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) parce qu’il n’a pas voulu agir dans le sens voulu par l’exécutif.

Il est d’ailleurs d’autant plus incompréhensible que de vouloir minimiser l’impact du contentieux dans lequel, les politiques ont intérêt par rapport à un ensemble beaucoup plus important. N’oublions quand même pas que les conséquences engendrées par la gestion des dossiers juridico-politiques ou ces lois jugées comme liberticides qui vont des articles 56 à 100 et  255 du Code pénal, tout en liant les juges, sont de loin plus néfastes puisqu’elles conditionnent la participation ou non d’un homme politique à une élection. Que penser de tous ces hommes et femmes épinglés dans des rapports et qui voient leurs dossiers mis sous le coude ? Imaginez une seconde les conséquences du pillage des deniers des Sénégalais ! Qu’on ne minimise donc pas l’impact d’une impunité qui concernerait des politiques et leurs actes néfastes qu’ils posent. Sur tout le reste du contentieux, il n’est pas question de jeter le bébé avec l’eau du bain et de déclarer qu’il n’existe pas de magistrats qui assument librement leur indépendance. Ce fait est valable pour tous les corps de métier. Mais allez savoir avec quelle conséquence.

Sur l’affaire présumée de trafic de passeports diplomatiques, Macky Sall s’est aussi montré intransigeant. Il a en effet pesé de tout son poids pour que l’affaire qui a éclaboussé des commis de l’Etat, puisse être traitée avec la rigueur qui sied. Le président de la République a donné lui-même des instructions, non pas au ministre de la Justice ou de l’Intérieur, mais à son aide de camp, le général Meissa Sellé Ndiaye, un militaire connu pour être à cheval sur les principes, dans le but de saisir la Division des investigations criminelles (Dic). Résultat des courses : des agents du ministère des Affaires étrangères, des gendarmes en service au palais et dans le département d’Aïssata Tall Sall ont été mis aux arrêts, en dépit des arguments bien fallacieux de cette dernière qui avait invoqué la séparation des pouvoirs pour se défausser.

Toujours est-il qu’au même moment, la machine judiciaire s’est mise en branle. Le juge d’instruction du deuxième cabinet a placé sous mandat de dépôt le député Mamadou Sall et le président du Conseil départemental de Saraya, Sadio Dansokho, cités dans l’affaire du trafic présumé de passeports diplomatiques. Boubacar Biaye, également membre de la mouvance présidentielle, devrait les retrouver en prison. Une manière pour le président de signifier qu’il ne protège personne, malgré les pressions sur les lenteurs de cette procédure qui a l’excuse de coïncider avec des mouvements dans la justice. Par la même occasion, Kilifeu, qui était resté en prison alors que ses coinculpés Simon et Thier avaient été élargi, a finalement été libéré, coupant ainsi l’élan de Y en a marre qui avait fait de sa libération, son cheval de bataille.

Macky Sall ne s’est pas limité en si bon chemin, il a signé, au nom de l’Etat du Sénégal une convention avec la Société Eiffage pour la Concession de l’Autoroute de l’Avenir (SECAA). De manière concrète, l’Etat du Sénégal est entré dans le capital de SECAA à hauteur de 25%. La redevance domaniale annuelle représentant 2% du chiffre d’affaires annuel de la SECAA, a été réévaluée avec un minimum de 800 millions de FCFA par an au lieu de 1000 FCFA par an dans le contrat actuel. Mieux, les clauses et échéances de partage des fruits de la concession, ont été réajustées. L’indexation des tarifs sur l’inflation, a été gelée pendant cinq (05) ans et l’éclairage par le titulaire sur tout le linéaire  de la section courante et au niveau des diffuseurs, a été acté dans cette nouvelle convention. En agissant ainsi, le président Macky Sall accède à une vieille doléance du collectif Citoyen des usagers de l'Autoroute à Péage (CCUAP). Et pour beaucoup d’observateurs, cet acte du chef de l’Etat est le premier jalon vers une renégociation des tarifs de l’autoroute à péage au bénéfice des citoyens.

Des actes en tout cas posés par le chef de l’Etat qui peuvent laisser croire qu’il est en train de s’aménager une sortie honorable en direction de 2024. Si du moins on en croit certains observateurs qui pensent de plus en plus qu'il ne va pas être candidat.

Des gestes qui vont en tout cas dans le sens du réajustement et qui ne doivent toutefois pas être l’arbre qui cache la forêt de tous ces dossiers concernant des personnages politiques qui étaient aux affaires et finalement rangés dans des tiroirs, s’ils ne sont pas mis sous le coude de Macky Sall. Ils ont hélas tous rejoint le "Macky" , certains ayant été nommés ministres ou casés quelque part, sans avoir toutefois rendu des comptes, le sabre ne s’étant abattu que sur Tahibou Ndiaye, Khalifa Sall, Karim Wade dont on parle d'amnisties dont il pourraient bénéficier. Sacré Sénégal, les hommes politiques ont cette capacité extraordinaire de retournement de vestes et d’arrangements entre eux. Ils savent aussi comment se jouer du peuple pour lui faire oublier tout ce qu’ils avaient fait de mauvais durant leur règne.

 

Mais là ne sont pas les seuls chantiers qui doivent être corrigés. La concession accordée à Suez qui distribue l’eau via Sen Eau, n’a toujours pas tenu ses promesses. Les coûts qui semblent avoir connu une hausse avec toutes ces contestations enregistrées, laissent croire que l’Etat doit intervenir comme dans le cas de Eiffage, pour revoir certains aspects du contrat.

 

Le secteur du transport, malgré la modernité en vue, reste prisonnier du dictat des transporteurs qui n’entendent pas prendre l’option du service au client, du renouvellement du parc, sans parler de la discipline sur la route. Une situation qui ne va pas s’arranger seule si l’Etat ne fait pas peser son autorité, pressé qu’il a été lors de cette récente grève, d’en finir, sans avoir toutefois demandé des contreparties sérieuses. Bref des chantiers, il y en a à la pelle. Mais dans ce pays où tout est urgence, c’est surtout le coût de la vie qui semble étrangler les Sénégalais et transformer leur vie en enfer.