CONTRIBUTION - Ce segment est resté réfractaire à toute idée de modernisation. Le Conseil exécutif des Transports urbains de Dakar (CETUD), le Programme d’amélioration de la mobilité urbaine (PAMU) et autres mécanismes ont échoué à le sortir de son arriération.

Allez donc dans nos « garages » — car on n’ose surtout pas appeler cela des « gares routières » — ou des « coxeurs », gens d’un autre âge, exercent un dictat implacable sur l’activité pour vous rendre compte du sous-développement du Sénégal en matière de transports routiers.

Allez voir ce que ces gens ont fait de la gare des Baux maraichers, la plus moderne de la sous-région : une porcherie ! Nous sommes sans doute le seul pays au monde où des épaves de 30 ans d’âge transportent, non pas des animaux — qui eux-mêmes ne les méritent pas — mais des êtres humains. Et avec tout cela, au lieu de songer au moyen de le faire rentrer dans l’ère de la modernité, ces braves chauffeurs se mettent en grève pour exiger la fin des « tracasseries » policières.

Des « tracasseries » qui existent, c’est vrai, mais qui sont largement alimentées par eux-mêmes. Car s’ils avaient des véhicules en bon état, s’ils disposaient de toutes les pièces administratives requises, s’ils respectaient le code de la route, assurément, les policiers et les gendarmes n’auraient aucun prétexte pour les rançonner. C’est bien eux qui, parce qu’ils ne sont pas en règle, ont généralisé la remise de « mboukhoums » et bakchichs à nos braves forces de l’ordre qui ont plus goût à ce jeu et s’en accommodent fort bien, ma foi !

Par conséquent, que ces braves travailleurs des transports routiers ne viennent pas nous tympaniser avec les « tracasseries » des forces de l’ordre car eux et ceux qu’ils dénoncent sont comme larrons en foire sur nos routes, les seuls qui trinquent dans ce jeu de dupes étant les passagers et les piétons, hélas. Si le projet de renouvellement du parc du transport urbain, qui devait être marqué par la disparition des « Ndiaga Ndiaye » et des « cars rapides » a échoué, c’est en grande partie à cause de la résistance développée par ces syndicalistes qui sont le plus souvent les propriétaires de ces véhicules.

Encore que l’espoir suscité par les TATA à leur avènement a fondu très rapidement du fait du comportement de leurs chauffeurs qui ne sont en réalité que des recyclés des « Ndiaga Ndiaye » et « cars rapides » avec leurs mauvais comportements. En fait, en raison du développement exponentiel de nos villes avec des banlieues tentaculaires comme à Dakar, du manque de moyens de transport et nécessité faisant loi, les autorités ont fermé les yeux sur toutes sortes de dérives des transporteurs qui ont pris en otage tout le monde. Ce secteur créant aussi des emplois — très précaires —, les autorités n’osent pas trop le contrarier. Les pauvres passagers sont priés de supporter stoïquement le poids de toutes ces connivences.

Pour ouvrir une parenthèse, est-il acceptable, tolérable, admissible que des « gares routières » pullulent dans tous nos quartiers ? Partout, des « horaires » de tel ou tel village qui embarquent— ou débarquent — tranquillement des passagers et marchandises dans la plus grande anarchie et en indisposant des riverains désemparés. Alors qu’il y a en principe une gare routière dans la capitale, des « garages » poussent comme de champignons à chaque coin de rue, gouverneur, préfet et sous-préfets laissant faire. Ne parlons pas du Gouvernement !

Cela dit, les transporteurs ou, plutôt, les travailleurs du secteur des transports, comme tous les autres, ont le droit d’exprimer leurs revendications pour l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail. Cela, c’est la mission même des syndicats. Pour autant, doit-on accepter que l’Etat renonce à sa mission régalienne de sécurisation des personnes et des biens ? Non, non, non. L’Etat ne doit pas abdiquer et, surtout, accepter que les forces de sécurité et la Douane soient totalement dépouillées de leurs prérogatives relatives à la circulation routière.

Satisfaire les syndicalistes sur ce point serait un précédent dangereux puisque cela signifierait un retour à la loi naturelle de la jungle. Pour mettre fin au chantage de ces syndicalistes, il est aussi important que l’Etat offre une alternative crédible en matière d’offre de transport. Dakar Dem Dikk qui symbolise cette offre ne parvient pas à satisfaire totalement la demande à ce niveau. Alors forcément, il y a une offre du privé qui est incontournable. Mais elle doit être déclinée dans une organisation totalement normée. Pour tout cela, la balle est dans le camp de l’Etat. Un Etat trop faible face aux différents lobbys qui tiennent en otage ce pays et dont le moins redoutable n’est sans doute pas celui des transporteurs !