NETTALI.COM - Interpellée jeudi sur l’affaire de trafic supposé de passeports diplomatiques, en marge du point de presse, à l’occasion de la conférence de lancement de l’édition 2021 du Forum international de Dakar sur la Paix et la Sécurité en Afrique, la ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur, Aïssata Tall Sall a fait savoir, qu’il n’est pas à l’heure actuelle, juridiquement étable qu’il y a un trafic.

"Est-ce qu’il y a une preuve qu’il y a eu un trafic de passeports diplomatiques ? Cette affaire, je l’ai apprise comme tous les Sénégalais. Moi, je suis un ministre de la République, une République où l’Etat de droit est une réalité. L’opinion passe son temps, tous les jours, à nous faire des leçons sur l’Etat de droit et la leçon par la preuve, c’est cette affaire. Etant dans un Etat de droit, moi ministre de la République, il y a deux séparations de pouvoir et le secret de l’enquête qui m’empêchent de me prononcer sur cette affaire ", a-t-elle déclaré. Avant de faire des précisions  La première c’est, d’après l’avocate, cette séparation entre l’exécutif et le législatif. "Parce que cette ‘affaire’ serait partie de l’Assemblée nationale. Or, il y a une séparation de pouvoir entre l’exécutif et le législatif qui fait que je ne peux pas m’exprimer. Il y a aussi la séparation de pouvoir entre l’exécutif et le judiciaire. Au Sénégal, un ministre de la République, quelle que puisse être sa puissance et même son omnipotence, ne peut pas aller dans un dossier judiciaire pour savoir ce qui s’y passe réellement. Le troisième élément, c’est le secret de l’enquête. Quand une affaire est à l’enquête, personne ne peut en parler, même s’il en a connaissance. Il n’a pas le droit d’en parler’’, précise-t-elle.

" Si cette affaire se terminait d’une manière ou d’une autre et que les responsabilités soient situées, à partir de ce de ce moment, tout le monde saura. L’opinion sera édifiée. Parce qu’on est, dans cette affaire, dans la transparence la plus absolue. C’est ce que nous voulons, ce que nous souhaitons et c’est pour cela que nous laissons la justice aller dans son libre cours et nous dire ce qui se passe", a-t-elle conclu.

Si la presse a qualifié la sortie d’Aïssata Tall Sall de "réponse diplomatique", nous, nous dirons qu’on a juste affaire à du pur bla bla. De l’avocate, aux plaidoiries et grandes envolées sur les grands principes du droit, l’on attendait certainement pas qu’elle nous serve une banalité dans le genre  "séparation des pouvoirs " et " secret de l’enquête". Personne ne lui a demandé de donner des détails de l'enquête de la gendarmerie. Ces types de réponses sont en général attendus des politiciens professionnels lorsqu’ils n’ont pas envie de se prononcer sur un sujet. Mais ce qu’elle est aussi en réalité. Une politicienne pur jus.

Une sortie en tout cas bien tardive. Et les arguments fournis ne sont pas véritablement les bons. Il est vrai qu’elle n’a rien à voir avec la procédure judiciaire déclenchée par le procureur, elle n’a non plus rien à voir dans la procédure parlementaire de levée d’immunité des députés. Toutefois, il est indéniable qu’on a affaire à des passeports diplomatiques délivrés par ses services. A partir de ce moment, elle devait déclencher une enquête interne pour situer les responsabilités et voir dans quelles conditions les passeports ont été délivrés par ses services. En cas de fraude et de scandale, la première chose à faire, c’est d’arrêter la saignée. Et c’est seule une enquête interne qui pourrait édifier sur les manquements. Ne pas le faire, c’est juste une fuite en avant.

En effet l’enquête de la gendarmerie  a permis de savoir qu’il y a eu des personnes trouvées porteuses de passeports diplomatiques alors qu’elles n’en avaient pas droit. Et tout passeport est délivré suivant un dossier déposé. Les perquisitions ont permis de saisir de faux certificats de mariage, documents qui ont servi à obtenir ces passeports diplomatiques. A partir de ce moment-là, le ministère des Affaires étrangères ne pouvait ne pas ouvrir une enquête administrative. On attendait manifestement qu’elle nous dise qu’une enquête a été initiée au sein de son ministère. Mais pas un mot là-dessus.

Yaxam Mbaye, invité de Face to Face sur la TFM, ne dit pas autre chose. Au contraire, il a taclé la ministre des Affaires étrangères. "Évoquer la séparation des pouvoirs ce sont des balivernes (Ay wakhou picc leu). Un gouvernement a une charge politique. Les  députés sont des ayants droits. Parce que la loi organique de l’Assemblée nationale a été modifiée pour ce faire. Donc le président n’y a rien à voir. Cela relève du ministère des affaires étrangères. Quand un problème se pose, c’est politique, il faut monter au créneau et défendre celui qu’on doit défendre et s’expliquer.  Mais ce mutisme est intolérable et c’est injustifiable. Absolument rien ne le justifie (…)", a fait savoir Yaxam Mbaye, le directeur général du quotidien "Le Soleil", ajoutant que : "c’est une affaire qui a eu des échos jusqu’à l’internationale. Aucun mutisme n’était tolérable. Il faut situer les responsabilités. Ces passeports pour les avoir, il faut être un ayant droit ou avoir une dérogation du président. Mandela avait un passeport diplomatique sénégalais. C’est dans les prérogatives du président. Mais là, le problème ce sont les ayants droits. Comment une personne peut avoir 31 épouses ?"

Précisant sa pensée, Yakham Mbaye de souligner : "Si ces passeports étaient délivrés à la présidence, à partir des dérogations du président, on pouvait évoquer cela. Les passeports diplomatiques n’ont pas été délivrés au ministère de la défense. C’est au ministère des Affaires étrangères qu'ils l'ont été. On évoque la séparation des pouvoirs quand ça nous arrange. C’est un problème de déficit de défense du président de la République. Quand une question se pose et qui est politique, il faut défendre celui que tu dois défendre. Et s’expliquer (…)"

Au rayon des lenteurs notées dans la procédure de levée de l’immunité parlementaire des députés de Benno book yakaar accusés, le directeur général du quotidien national, de déplorer : "La vérité c’est que ce retard-là, les Sénégalais ne peuvent pas le comprendre. Qu’on se dise la vérité. Qu’on fasse les choses comme cela a été fait dans l’affaire Sonko. S’ils ne le font  pas, ce sont des choses  qui se retournent contre nous. Car les gens diront que c’est parce que ces députés sont de notre camp..."

Yaxam a raison, sauf quand il semble déplacer le problème sous l'angle politicien et celui de la défense du Président de la république. Il ne s'agit en effet nullement ici d'une question partisane, mais plutôt de défense de l'image du Sénégal sur le plan international. Des actes de cette nature ne contribue en réalité qu'à ternir l'image de notre pays. Aïssata Sall, étant sous l'autorité du président de la république, il importait juste de lui demander d'assumer son rôle qui est de mener une enquête interne.

Difficile de savoir pourquoi cette affaire traîne-t-elle tant, alors que la gestion de l’affaire Kilifa et Simon a été bien expéditive. L’on a récemment appris que le ministère de la justice a saisi l’Assemblée nationale, après plusieurs semaines que cette affaire fait beaucoup de bruits. Et pourtant, lorsqu'il s'est agi de traiter l'affaire Ousmane Sonko, le ministre de la Justice était d'une grande diligence et l'Assemblée nationale si expéditive en usant de la voie de la procédure d'urgence. Le Sénégal, est-il finalement un pays d'inégalité et d'iniquité ? Allez savoir !