NETTALI.COM - Des militaires aux allures de guérilleros et au discours approximatif qui s’emparent du pouvoir, c’est désormais la caractéristique des coups d’état dans la région ouest-africaine. Ils sont dans la plupart des cas dans la catégorie la plus basse, c’est-à-dire celle des hommes de troupe ou suivante, celle des sous-officiers, avec un niveau pas si élevé que cela. Ils promettant toujours de rendre le pouvoir aux civils après une période de transition. Moussa Dadis Camara est de cette trempe-là. Il finira avec une balle dans la tête, victime de son ex-homme de confiance, Toumba Diakité. Dadis Camara est par la suite exilé au Burkina Faso.

Alpha Condé, élu démocratiquement, arrivera au pouvoir. Lui aussi est à son tour victime des forces spéciales qu’il a créées pour assurer sa sécurité. Un acte signé par un soldat du même profil que Dadis Camara puisqu’il est bombardé de caporal-chef de la légion étrangère à colonel. Mais dans ce brouhaha guinéen, Alpha Condé refuse pour l’heure de signer sa démission. On veut lui appliquer la jurisprudence Ibrahima Boubacar Keïta au Mali. Ce dernier avait très vite accepté de signer sa démission. L’ancien président lui, préfère pour mourir que d’abdiquer. On verra bien jusqu’où tout cela nous mènera.

Mais pour l’heure, la Cedeao n’a pas changé de posture. Toujours aussi faible et dans un éternel recommencement, elle a condamné. Une voix qui ne semble plus très audible, critiquée en plus qu’elle est de l’intérieur. Elle avait fait un sursaut d’orgueil en Gambie en délogeant Yaya Jammeh, mais cette fois ci, sa réaction est bien molle.

Georges Weah, le président libérien, s’exprimant lors du sommet virtuel extraordinaire des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) qui s’est tenu, sur la Guinée, a demandé à ses pairs de s’interroger sur les causes profondes des putschs dans la sous-région, notamment à la lumière du coup d’Etat survenu à Conakry le week-end dernier «est-il possible qu’il y ait une corrélation entre ces événements et les situations politiques où les constitutions sont modifiées par les titulaires pour supprimer les limites de mandat par le biais de référendums ? », s’est interrogé l’ancien footballeur. Avant d’ajouter : « Ou bien pourrait-il s’agir d’une simple coïncidence ? Si la suppression de la limite des mandats sert de déclencheur pour le renversement de gouvernements, alors peut-être que la CEDEAO devrait faire tout son possible pour s’assurer que les limites des mandats dans les constitutions de tous les Etats membres soient respectées ».

Invité du « Grand Jury » de la RFM, ce dimanche 13 septembre, le colonel Abdoulaye Aziz Ndao qui a été attaché de défense en Guinée, de 2003 à 2005, pense que la Cedeao est dépassée et que « la situation actuelle nous ramène à 20 ans en arrière ». M. Ndao qui se définit comme un légaliste, déclare ainsi être contre toute forme de prise du pouvoir par les armes. Il pense même que cela a été une erreur pour le président Condé de créer une force spéciale dont le rôle n’est pas d’assurer la sécurité du président. Ajoutant que celle-ci est « arrivée comme un cheveu sur la soupe ». Pour l’ancien pensionnaire du Prytanée militaire de Saint-Louis, « l'armée en Guinée était basée sur l'équilibre et était le seul élément de la cohésion nationale. Il n’y avait que dans l'armée que l'on voyait cela. Les officiers venaient d'ethnies et de régions différentes, mais il y avait un équilibre. C'était une bonne armée avec les normes. Il n’y avait pas de problèmes. Mais elle pesait trop sur la vie politique. Après la mort de Konté, les jeunes ont doublé les officiers. » Le colonel est d’autant plus sévère avec ces militaires putschistes qu’il prend l’exemple du Sénégal : « Dans une armée régulière, on ne nomme pas les gens comme ça. Nous avons des amis anciens légionnaires et d’autres qui ont servi dans l'armée américaine, mais je vois mal comment on pourrait les intégrer comme ça dans l’armée sénégalaise. Je n’ai pas vu en 42 ans de carrière quelqu'un être intégré comme ça dans l'armée. Ce n'est pas possible au Sénégal ». D’ailleurs, explique-t-il, il avait fortement montré son désaccord lorsque Me Wade a voulu récompenser 4 de ses compagnons, y compris son neveu Lamine Faye, avec le grade de capitaine.

Quelle perspectives de sortie de crise en Guinée, le colonel Ndao voit-il ? Ce dernier porte en effet un regard pessimiste sur la suite. « La Guinée va vers des incertitudes. Quelle sera la réaction de l'armée normale, même si elle a été surprise. 650 hommes des forces spéciales, ça ne tient pas un pays. Il faut une adhésion autour du colonel Doumbouya. Une partie de la garde présidentielle a été décimée. Comment peut-on tuer des gens comme ça. Ils ont des familles ? », s’est interrogé M. Ndao.

Tiens tiens, les morts parlons-en. Doit-on les passer par pertes et profits ? Un chiffre estimé à plus de 20 morts dans ce que Abdoulaye Aziz Ndao appelle un raid sur 180 km. Ces putschistes ne sont-ils pas condamnables, au moment où il y a des gens qui applaudissent ? Ce dernier pense que ces morts créent forcément des rancœurs. Dans cette affaire, les émotions ont semblé avoir pris le dessus sur la raison. Alpha Condé n’aurait jamais dû faire ce 3ème mandat de trop. Comme du reste beaucoup de ses amis sénégalais le lui avaient fortement décommandé. Il n’aurait jamais dû s’aventurer sur un terrain aussi dangereux avec un certain discours à la lisière de l’ethnicisme qu’il a pu tenir, sans doute par opportunisme politique. On peut raisonnablement lui reprocher tout cela. On peut aussi fustiger ses excès de langage, son côté irascible, fruits de la perte de lucidité liée à son âge. Mais il est loin d’être le diable que semble décrire Cheikh Yérim Seck. Tant son réquisitoire contre lui, est de feu.

A la vérité, ces putschistes, même s’ils sont considérés par certains comme des héros, sont incapables de se conduire en républicains et en hommes raisonnables. L’histoire des coups d’état montre toujours une volonté d’humilier celui qui est délogé du pouvoir. Les images d’un Alpha Condé pied nu, chemise froissée ouverte sur la poitrine, coude droit posé sur l’accoudoir d’un canapé, le poing collé à la joue sans doute surpris, dépité, le pied sur le siège du canapé et refusant de répondre aux questions des soldats. L’image est violente. Elle a fait le tour du monde. Celles montrant l’ancien président guinéen dans une 4X4 traversant la ville sous les injures et huées des populations de quartiers populaires de Conakry. Ces images rappellent, à bien des égards, une autre vidéo d’Abidjan, postée sur la Toile, le lundi 11 avril 2011. Les forces fidèles à l’actuel président Alassane Dramane Ouattara, aidées par la Licorne et l’Onuci, s’emparent du Palais, délogent le couple présidentiel. Mais elles n’oublient surtout pas de filmer la scène outrageante et de la poster sur Internet. Ces images sont toujours là, comme si elles avaient été prises, il n y a guère longtemps, alors que Laurent Gbagbo, à l’époque, « diable aux mille cornes », a été acquitté, le 30 mars 2021, de toutes les charges retenues contre lui par la Cour pénale internationale (CPI). 10 ans après, le voilà réhabilité et accueilli en grande pompe par celui-là même qui l’avait faire retenir en Belgique !

A l’émission « Jakarloo » du vendredi 10 septembre sur la TFM, le journaliste Cheikh Yérim Seck s’est livré en réalité à un véritable monologue. Pas moins de trente (30) minutes pour une prise de parole, à tel point que Bouba Ndour a été obligé de lui faire remarquer qu'il a trop parlé. Entre les propos qu’il prête à Alpha Condé sur « les bières qu’il buvait du fond de sa cellule chaude pour supporter la chaleur», alors qu’il était emprisonné, son mariage imposé par le protocole et sa veuve d’épouse qui ne dormait pas au palais, les 30 millions d'euros trouvés lors de sa capture par les rebelles, l'élection gagnée par Cellou Dalein et la victoire arrachée par Alpha Condé, alors que son rival avait remis des tablettes dans tous les bureaux de vote et qui lui permettront de recenser tous les votes, le dénuement de la Guinée qui n'aurait ni eau, ni électricité, ce fils de Condé qui n’aurait jamais passé la moindre nuit en Guinée parce vivant au "Costa Rica le pays le plus agréable du monde", etc. difficile d’y voir une volonté seulement d’informer. On aurait quand même voulu qu'il y a ait au moins, ne serait-ce, un tout petit peu d'actifs car dans ce qui ressemble plus à un jugement de valeur, il ne devrait pas y avoir que du passif. Yérim ne peut quand même pas nous dire que les milliards qui seraient passés entre les mains de Condé, ont été tous déposés dans un compte offshore. Il a ainsi prêté à Alpha Condé d’avoir encaissé des montants qu’aucun président n’a encore encaissé en Afrique ! Ce qui veut dire qu’il connaîtrait les fortunes détenues par tous les autres présidents africains ! On est en plein délire. Le comble de l’exagération ! Un journaliste, ça produit des faits et l’information qu’il livre, se doit d’être équilibrée. Mais dans ce qu’on peut qualifier de réquisitoire, le discours était visiblement et violemment à charge.

Difficile de ne pas se demander s'il n'y aurait pas une histoire de règlement de comptes avec l’ancien président ? Yérim fréquentait beaucoup la Guinée, un certain temps.

Les sénégalais connaissent des Guinéens établis au Sénégal avec une forte communauté et beaucoup ayant même la double nationalité. Mais, ils sont bien loin de connaitre la Guinée : son histoire politique et économique, la société guinéenne, l’histoire de ses relations avec l'étranger. Certains aspects des relations diplomatiques avec le Sénégal ponctués par l'affaire Ebola et la fermeture de la frontière, suffisent-ils pour déclarer l’hostilité de l’ancien président guinéen vis à vis du Sénégal ? Dire que Alpha Condé était contre le Sénégal, dans une sorte de haine primaire, tel en tout cas que le souligne le journaliste, relève tout simplement de la fable pour un pays où Alpha Condé ne compte que des amis. De feu Babacar Touré en passant l’avocat Me Boucounta Diallo ou Abdoulaye Bathily ou encore le professeur Bourgi, etc qui lui avaient fortement décommandé ce 3ème mandat tant décrié et considéré comme ce qui l’a perdu. La vérité est que le Sénégal est une sorte de seconde patrie pour l’ancien président. Il y a évidemment une différence à faire dans les rapports entre présidents qui peuvent connaître des hauts et des bas. Mais de là à affirmer un sentiment anti sénégalais primaire, il y a des limites à ne pas franchir. Certains propos sont tellement graves et sensibles que tout homme censé devrait se garder de les proférer.

Au-delà des faits divers…

Le bon fil d’Ariane pour lire ce qui se passe en Guinée n’est assurément pas le tissu de faits divers qu’on nous sert à longueur de journée sur les raisons de la chute de Condé. Et pour le cas de la Guinée, il serait tout à fait puéril de penser qu’Alpha Condé est le concentré de tous les maux de ce pays. Il suffit de faire un bond en arrière sur 11 ans, pour voir, très clairement que la situation de ce pays, était beaucoup plus anarchique qu’elle ne l’est aujourd’hui. Dans son éditorial du lundi 13 septembre dans « Enquête », Mahmoudou Wane pointe du doigt le fait que les mémoires s’effilochent sans doute très vite et qu’on en oublie que Dadis Camara a existé. Qu’il s’était autoproclamé Président du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), après la mort de Lansana Conté, le 24 décembre 2008. Présenté comme le messie durant les premiers mois, il se révélera comme un des plus grands guignols de l’histoire politique de l’Afrique qui ne quittera le pouvoir qu’après avoir échappé à la mort. Blessé, il se soignera au Maroc avant de s’exiler au Burkina Faso. Attention donc !

Selon lui, l’histoire de la Guinée est un film de fragilités dont la genèse remonte sans doute aux choix idéologiques et politiques de Sékou Touré. Et si les équilibres y sont très fragiles, cela découle sans doute de multiples agressions que le jeune Etat a eu à subir, depuis le début des années 60. Sékou Touré a pu dire au Général De Gaulle que la Guinée voulait, non seulement, l’indépendance immédiatement, dès 1958, mais aussi que son peuple préférait la liberté à l’opulence. «Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage ». De Gaulle de répondre : « l’indépendance est à la disposition de la Guinée […] la métropole en tirera, bien sûr, des conséquences ». Sans doute le « syndicaliste » Sékou Touré aurait pu négocier un virage plus lucide, qui aurait donné un autre visage à la Guinée. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis. Mais, les intérêts des pays du Nord et de la Chine restent tenaces.

Et le directeur de publication de « Enquête » de rappeler que si le pays de Sékou Touré intéresse tant, c’est qu’il est devenu aussi le terrain d’une lutte des puissances étrangères pour le contrôle de son sous-sol insolemment riche. Signe que les enjeux dépassent la personne d’Alpha Condé, le théâtre de la lutte féroce qui se mène sur le théâtre du Sud-est guinéen, sur les hauteurs de la chaine de colline de Simandou qui s’étale sur 110 kilomètres dans les régions de Nzérékoré et Kankan où l’on retrouve le plus important gisement de minerai de fer au monde (2,4 milliards de tonnes selon les estimations des spécialistes). On sait que le puissant groupe BSRG de l’homme d’affaires franco-israélien Beny Steinmetz a été évincé du projet d’exploitation de ce gisement au profit des Chinois prêts à casser la tirelire pour désenclaver la zone avec plus de 600 km de voie ferrée. La Chine qui a un fort besoin de fer, dépend aujourd’hui totalement de l’Australie. Les Occidentaux sont donc fortement intéressés, du fait des intérêts géostratégiques liés.

C’est d’ailleurs l’intérêt autour de cette mine de Simandou qui expliquerait les voyages successifs de Nicolas Sarkozy en Guinée et dont l’objectif n’était que de mettre la pression sur Alpha Condé dans ce dossier qui concerne son ami, le milliardaire franco-israëlien, Beny Steinmetz, accusé d’avoir acquis frauduleusement des permis miniers au mont Simandou. Dans un article publié en juin dernier, « Jeune Afrique » écrivait ceci : « Entre le président guinéen et le tycoon israélien, le rapport de forces s’est donc inversé. Mais ce serait mal connaître Steinmetz que de le croire résigné à perdre un gain aussi fabuleux arraché avec une mise aussi dérisoire. Ce président, pour qui il n’a pas de mots assez violents et qu’il qualifie au passage de «corrompu» et d’«obsessionnel», pensait sans doute «qu’on ne contre-attaquerait pas», martèle-t-il dans son entretien avec le Yediot Aharonot. «Apparemment, il connaît mal les Israéliens. C’est une guerre, et nous allons la gagner. Vous verrez, ce n’est pas fini. Nous sommes des combattants. Nous ne rendrons jamais ces concessions. «Depuis, le théâtre des hostilités s’est déplacé de Conakry jusqu’en Europe. Saisi d’une demande d’entraide de la justice guinéenne, le procureur général de Genève, Olivier Jornot, a fait perquisitionner en août et en septembre le domicile et le jet privé de Beny Steinmetz, ainsi que les bureaux londoniens et parisiens d’Onyx Financial Advisors, une société de management basée en Suisse et chargée de la gestion financière de BSGR ». Ainsi, le Président déchu se battait sur plusieurs fronts. Finalement, la menace est venue de l’intérieur. Soutenue par des forces étrangères ? L’évolution de la situation édifiera davantage l’opinion.

Difficile en effet d’accorder à Sarkozy, du crédit. Depuis son éviction de la présidence française, il s’est transformé en VRP et conférencier à prix d’or. L’on se rappelle aussi de sa sortie trouble avec un discours insultant et raciste, selon lequel l’Afrique ne serait pas entrée dans l’histoire. C’était à l’Université Cheikh Anta Diop. Empêtré aujourd’hui dans des déboires judiciaires, l’on sait le rôle qu’il a également joué en Lybie.

Un autre « mortal » minerai peut être aussi évoqué et dont la Guinée est la première exportatrice mondiale. Il s’agit de la bauxite, un minerai d’aluminium. En 2020, 82,4 millions de tonnes ont été exportées, selon le quotidien économique américain, “Wall Street journal”, qui indiquait en même temps un affolement de la bourse, suite au coup d’Etat en Guinée. Le puissant groupe minier russe Rusal exploite Friguia, y assurant une production annuelle de 2100 tonnes et gardant aussi une main de fer sur le célèbre complexe Dian-Dian, plus grand gisement de bauxite au monde.

Mais dans cette crise, c’est l’attitude de la France avec sa condamnation bien timide et sans conviction qui étonne. Elle s’est en effet faite bien discrète. Une discrétion qui cache bien des choses. Elle ne voudrait certainement pas être accusé de quelque implication que ce soit. Mais dans la réalité, elle est à l’affût si on en croit RFI. En effet, plusieurs chefs d’État de la région militent pour la sortie d’Alpah Condé du territoire guinéen, histoire de préserver sa sécurité. Ce qui veut dire que ce dernier pourrait peut-être quitter le pays à court ou moyen de terme, avec une destination toujours en discussion. Parmi les hypothèses évoquées, celle de Brazzaville semble prendre de l’ampleur du fait de la proximité avec Denis Sassou- Nguesso. Alpha Condé pourrait avant cela, précise la chaîne internationale française passer par la France. Paris a en effet donné son feu vert pour l’accueillir pendant un temps. «Pour des soins médicaux ou pour quoi que ce soit d’autre», précise une source diplomatique. Les autorités françaises ont même fait une offre de service dans ce dossier : elles se disent en effet prêtes à aider à trouver une solution.

Le département d’État américain lui, a battu en brèche les informations faisant état d’une possible participation de soldats américains au coup d’État en Guinée. Washington a démenti formellement, si on en croit « Jeune Afrique » qui donne l’information. Une réaction des américains qui fait suite à la diffusion d’une vidéo montrant des marines au milieu d’une foule qui célèbre la chute du président Alpha Condé. Suffisant pour que la rumeur enfle sur leur possible participation au putsch.

L’équation du pouvoir et des mandats !

Mais lorsqu'on fait un tour d’horizon de la démocratie en Afrique, on se rend bien compte que l’état de celle-ci est loin d'être fameux. Ce qui ne dédouane toutefois point Alpha Condé. Le cas Ouattara qui s'est rétracté après avoir renoncé à sa candidature et qui finit par gagner la présidentielle avec un score soviétique, ne semble avoir choqué personne. Alassane Ouattara est réélu dès le premier tour avec 95,3 % des voix et un taux de participation de 53,9% après avoir exilé et condamné Soro ; puis retenu Gbagbo en Belgique, malgré son acquittement, laisse songeur. L’espace politique africain francophone regorge en effet de dinosaures qui se sont éternisés au pouvoir, voire de systèmes familiaux qui se sont perpétués : Paul Biya, Denis Sassou Nguesso, Ali Ben Bongo, Faure Eyadéma, sont de parfaits exemples. Que penser du remplacement d’Idriss Déby au pouvoir par son fils ? Eternel recommencement devrions-nous dire avec les Bongo, Eyadéma, jusqu’à la tentative au Sénégal avec Me Wade qui a voulu propulser son fils Karim. Un projet qui a connu un échec !

Au-delà, c’est la démocratie, loin d’être un système parfait, qui est à interroger. Qui doit vraiment décider de la limitation du nombre de mandats ? Le peuple ? Les Présidents ? Les occidentaux ? Les députés ? Aux Etats Unis, les mandats sont, suivant une logique devenue une coutume constitutionnelle, limités à deux. En Allemagne, Angela Merkel est à son 4ème mandat, sans que cela ne gêne les Allemands ! Au Rwanda, Paul Kagamé trône à la tête du pays depuis 2000 ( c’est à dire 21 ans). Et pourtant, il est tout le temps chanté comme l’un des meilleurs, sinon le meilleur, dirigeant d’Afrique. Ses réalisations sont saluées par son peuple et l’Afrique.

Difficile en effet de dire quelle est la bonne formule en ce qui concerne le nombre de mandats. C’est un vaste sujet avec des fondements ô combien discutable. Mais, une fois qu’une constitution est adoptée avec une limitation des mandats consacrée, il devient impératif de s’y conformer. Ouattara a pour le moment passé l’épreuve et joue la carte de l’apaisement en accueillant Gbagbo en grande pompe. Condé vient de faire les frais de ce 3ème mandat. A qui le tour ? Le Sénégal lui, est plongé dans une polémique sur la possibilité ou non d’un 3ème mandat de Macky Sall.

Il reste peut-être juste à la Cedeao de se remettre en question et d’imposer des chartes intangibles de limitation des mandats dans les constitutions de ses pays membres. Sauf que ceux qui doivent adopter ces changements, sont juges et parties. L’Afrique se retrouve ainsi prise dans son propre piège qui est celui du dur apprentissage de la démocratie.