NETTALI.COM - Un sacré gros emmerdeur que ce Baye Modou Fall, alias « Boy Djiné » ! Il en a en fait voir de toutes les couleurs à l’Administration pénitentiaire et aux autres forces de défense et de sécurité. Alors qu’on avait fini de lui attribuer des pouvoirs mystiques, l’on s’est finalement rendu compte qu’il n’en est rien. Se serait-il fait prendre sinon ?

Il s’était même permis d’accorder une interview, se plaignant dans la foulée de sa longue détention préventive tout en réclamant son jugement. Il ne se rendait certainement pas compte qu’il compliquait sa situation. Quoi qu’il en soit, sa cabale s’est finalement achevée à Tambacounda. Et le pire, c’est qu’il a emporté avec lui, dans sa chute, trois gardes pénitentiaires, un directeur de prison et d’autres personnes.

Jeudi 10 juin, le magistrat instructeur, Mamadou Seck, les a inculpés et placés sous mandat de dépôt. Chacun en tout cas, selon les charges retenues contre lui. L’association de malfaiteurs  a été ainsi retenue pour tous ; le juge a ajouté l’évasion pour Baye Modou Fall, la complicité d’évasion pour les trois gardes I. Diop, A. Ndong et D. Ciss, l’entrave à l’administration de la justice pour la demoiselle G. Diaw, D. Sy et Cheikh. Quant au directeur de la prison, Konté, il a été mis à la disposition de la direction générale après avoir été relevé de ses fonctions.

Toujours est-il qu’à voir Baye Modou Falla alias « Boy Djiné» avec son physique frêle, difficile d’imaginer qu’il en est à sa 12ème évasion. Il a en tout cas cette fois-ci su s’assurer de complicités internes et externes, ainsi que le confirment les faits.

Une évasion finalement devenue une affaire d’Etat puisque le procureur de la république a confié le dossier au juge du 8ème cabinet pour l’ouverture d’une instruction. L’ancien fugitif aggrave du coup son cas et verra sa détention prolongée.

Mais ce qui rend l’affaire davantage compliquée, c’est la mort d’Abdou Faye, un de ses présumés complices. Il a été retrouvé mort dans sa cellule, pendu à un filet de bain (ndiampé) alors qu’il était sous le coup d’un retour de parquet.

Alors que l’autopsie confirme la thèse du suicide, la famille de ce dernier et des acteurs de la société civile la réfutent. La Rencontre africaine pour la défense des Droits de l’homme (Raddho) souhaite que toute la lumière soit faite sur cette mort  qui a eu lieu dans les locaux du commissariat central de Dakar, dans la nuit du mardi 8 au mercredi 9 juin. Elle estime en effet que «si le suicide n’est pas confirmé, ce décès vient allonger la liste des personnes qui ont perdu la vie dans les mêmes conditions et surtout, mettrait en cause la responsabilité directe des autorités policières. Qui, dans de telles circonstances, non seulement ont l’obligation de surveiller de manière appropriée la personne arrêtée, mais aussi et surtout le devoir de lui permettre d’accéder directement et régulièrement à un personnel médical et à un avocat de son choix, sans oublier le contact régulier avec les membres de sa famille ».

L’organisation ajoute, en effet, que c’est  « une mort plus que suspecte » qui requiert l’ouverture d’une enquête « immédiate » pour élucider les circonstances du décès et en tirer les conséquences de droit. Elle espère, par ailleurs, que les résultats de l’enquête couplés avec ceux de l’autopsie permettront de « situer les responsabilités » et, au besoin, « d’identifier et punir conformément à la loi d’éventuelles personnes impliquées dans cette mort ».

L’autopsie réalisée sur la dépouille d’Abdoulaye Faye, retrouvé mort dans les locaux du commissariat central de Dakar, elle, révèle « une mort par pendaison ». Le certificat de genre de mort délivré par le Pr Chérif Dial, chef du service d'anatomie et de cytologie pathologique de l'hôpital général Idrissa Pouye, précise ainsi que « le décès d’Abdoulaye Faye est dû à une anoxie cérébrale et une asphyxie mécanique par pendaison ». Le médecin légiste ne relève en tout cas aucun signe de traumatisme sur le reste du corps. Une manière de laver la police de tous sévices dont on pourrait l’accuser.

La famille d’Abdoulaye Faye, le chauffeur de Baye Modou Fall alias “Boy Djinné’’, et le leader du mouvement Frapp, Guy Marius Sagna, eux, contestent la version initiale de l’enquête qui a conclu au suicide du jeune marchand ambulant, dans les toilettes des locaux du commissariat central de Dakar. Jeudi 10 juin, à l’occasion d’une rencontre avec la presse, ils ont réclamé une autopsie impartiale et transparente afin de faire toute la lumière sur les circonstances du décès du marchand ambulant.

De quoi alimenter les commentaires en tous genres pour les jours à venir, en attendant que l’instruction révèle ses conclusions.

Ce que beaucoup ont déploré dans cette affaire,  c’est le manque de collaboration entre la police, la gendarmerie et l’administration pénitentiaires.  En effet, au cours de sa garde à vue à la Section de recherches de la gendarmerie et au niveau de la cave après son déferrement, le défunt s’est cogné la tête à 2 reprises. Mais cette information n’a pas été communiquée aux agents de la police centrale lorsque Abdou Faye y a été gardé dans le cadre d’un retour de parquet.

«Si des gens sont malades ou ont des tendances suicidaires, ils sont signalés quand ils viennent en retour de parquet afin de les mettre dans des cellules spécialement réservées aux malades ou à ceux qui ont tenté d’écourter leur vie. S’il y a un retour de parquet, les agents ne peuvent pas être au courant de ces anomalies, car on ne leur communique qu’une liste avec des noms. Il y a des caméras dans les cellules, mais pas dans les toilettes. Le Chef de poste qui voit un détenu entrer dans les toilettes ne peut rien soupçonner. Malheureusement, il ne peut voir ce qui se passe à l’intérieur des toilettes», note une source policière. A noter que les toilettes sont internes. Elles se trouvent à l’intérieur de la cellule.

Une autre question qui secoue la république, c’est celle de l’homosexualité. Le gouvernement du Sénégal a adopté, en Conseil des ministres du mercredi 10 juin, le projet de loi modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal, de même que le projet de loi modifiant la loi n°65-61 du 21 juillet 1965 portant Code de procédure pénale. Adoptées par l’Assemblée nationale, le 28 octobre 2016, ces modifications offrent aux autorités judiciaires, une marge de manœuvre beaucoup plus large pour combattre les menaces terroristes à la porte du Sénégal. Elles offrent également un éventail de possibilités pouvant mener à la restriction des libertés. C’est en substance ce que dénonçait déjà, en 2016, Amnesty International. L’adoption de ces deux textes de loi permet de revenir sur les “dangers’’ qui guettent la liberté d’expression ou encore l’Etat de droit au Sénégal. Elle constitue également un premier pas vers ce qui pourrait aboutir à une criminalisation de l’homosexualité.

En effet, cette question, au cœur de l’actualité soulève les passions, surtout depuis le rassemblement du 23 mai dernier organisé par le collectif « And Défar Jikko Yi ». Ayant reçu l’approbation des chefs religieux et de la majorité des franges de la société, elle a servi de prétexte pour demander la criminalisation de l’homosexualité. Avec l’adoption des projets de loi modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale, le gouvernement semble aller dans le sens des populations, malgré les pressions des organismes internationaux.

Dans son « Analyse des lois modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale’ » produit en 2016, Amnesty International retenait que « la loi portant révision du Code pénal contient des dispositions visant à restreindre la liberté d’expression, notamment en ligne qui pourraient être utilisées pour cibler les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), les journalistes, les lanceurs d’alerte et les défenseurs des droits humains ».

L’organisation de la société civile dénonce l’article 431.43 du projet de loi n°22/2016 modifiant la loi n°65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal. En ce sens qu’elle criminalise, selon elle, « la fabrication, l’affichage, l’exposition ou la distribution, par un moyen de communication électronique, de tous imprimés, tous écrits, dessins, affiches, gravures, peintures, photographies, films ou clichés, matrices ou reproductions photographiques, emblèmes, tous objets ou images contraires aux bonnes mœurs ». Elle continue en faisant remarquer que la notion de « bonnes mœurs » n’est pas définie dans le Code pénal et a été utilisée au Sénégal pour restreindre la liberté d’expression et réprimer les personnes en fonction de leur orientation sexuelle ou de leur choix vestimentaire.

Amnesty International estimait également que l’article 431.61 du nouveau Code pénal, à travers la notion d’ « acte contre-nature », « criminalise les relations sexuelles entre individus du même sexe consentants », car les considérant comme une forme d’ « attentats aux mœurs ». Des crimes punis d’un à cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 F CFA.

Des modifications du code pénal et du code de procédure considérées comme un pied de nez aux associations de défense des homosexuelles.

Une question qui revient sans cesse au devant de la scène avec des pressions tous azimuts. Barack Obama avait posé la question au cours d’une de ses visites et Macky s’était montré intransigeant sur la question. Récemment, il a encore été obligé de se prononcer sur le sujet se montrant intraitable là-dessus.

La politique politicienne elle, a repris ses droits depuis que les dés ont été jetés et le départ des élections locales donné. Macky Sall, comme il avait fait à la veille de la présidentielle qui fera de lui, un président, a pris ses adversaires de court et repris avant l’heure, ses tournées économiques. Pardon politiques. Après les étapes de Kaffrine et Kédougou, le patron de l’Apr et de la coalition Benno Book Yaakaar a enfourché son cheval pour aller à l’assaut de la partie nord du Sénégal. Un bastion pulaar qui semble acquis à sa cause. Mais, admettons que pour des élections pour lesquelles, il n’est pas directement concerné, difficile de comprendre l’ardeur avec laquelle, il se déploie sur le terrain. Il semble en tout cas jouer son va-tout dans des locales où il aura donné des conseils dans le sens d’attendre son go avant de  déclarer les candidatures.

Une consigne qui ne semble toutefois pas suivie dans certaines zones, notamment à Grand Yoff où son beau-frère Adama Faye s’agite ; à Saint-Louis où Mary Teuw Niane a déclaré sa « candidature irréversible » ; idem aux Parcelles Assainies où des partisans d’Amadou Ba disqualifient la candidature de Moussa Sy et menacent. Mais au-delà de ces localités, et pas dans les moindres, à Kaffrine, Kaolack, dans le nord, à Podor, Dakar, la rivalité est à plein régime. Dans la capitale par exemple, Diouf Sarr et Amadou Ba sont aux aguets, etc. De quoi préfigurer d’âpres combats voire des oppositions à ce mot d’ordre, si d’aventure le choix n’était pas porté sur certains candidats d’envergure.

Mêmes rivalités dans les rangs de l’opposition où Soham Wardini, actuelle maire, a déclaré sa candidature « au féminin » face à un Barthélémy Dias, bagarreur et ambitieux. Ce dernier n’a pas d’ailleurs au passage manqué de dévoiler les plans du camp du pouvoir qui sont « d’organiser une farce électorale en janvier 2022 » et alerte. Malick Gackou appelle ni plus, ni moins l’opposition et la société civile à l’unité, pour un changement de régime. Lui et Bougane vont talonner le président Sall dans ses tournées économiques. Une tournée pour Gackou déjà démarrée jeudi, dans le bassin arachidier.

Quoi qu’il en soit, Macky Sall a lui démarré sa campagne en trombe, question de reprendre la main sur une situation qui lui avait un moment échappé, suite aux évènements violents consécutifs à l’arrestation d’Ousmane. Ses partisans qui avaient organisé des meetings de remobilisation tous azimuts, n’arriveront pas à inverser la tendance.

L’opposition elle, n’a pas dit son dernier mot. Le Mouvement pour la défense de la démocratie (M2D) a réuni une foule immense ce vendredi 11 juin et réussi  le pari de la mobilisation. Des centaines de jeunes ont ainsi répondu à son appel pour le grand rassemblement de ce vendredi 11 juin à la place de la nation. De nombreux leaders de partis ou responsables de mouvements citoyens présents. Parmi eux, Ousmane Sonko de Pastef, Barthélemy Dias, Guy Marius Sagna, le rappeur Simon de “Y’en a marre”Ils y étaient pour réclamer la libération des huit jeunes détenus dans les prisons de Ziguinchor et de Diourbel depuis les violences de février-mars 2021.

Et même si Sonko a tenté de faire comprendre à Bougane que cette plateforme n’est pas politique, l’ambiance était au duel à distance avec Macky Sall qui fait ses tournées économiques dans le nord avec des inaugurations et réglages politiques sur le terrain. Une sorte de prélude à ce que certains journaux comme « L’Info » ont appelé « un cycle de manifestations » avec comme titre « Sonko lance la 2ème vague », citant le leader de Pastef qui déclare que « le combat ne fait que commencer » ajoutant que « Macky Sall ne respecte personne… il ne connaît que le rapport de forces ». Dias lui a demandé de se « mobiliser pour le 23 juin », ajoutant que Sonko sera arrêté en septembre. Cheikh Tidiane Dièye déclare que « le peuple n’est plus dans la résistance mais dans l’offensive », là où Guy Marius Sagna voit un « référendum pour stopper le projet du 3ème mandat de Macky Sall » en demandant aux jeunes de se « mobiliser fortement »

En des termes bien chocs, le leader de Pastef a menacé. Personne ne l’empêchera d’être candidat, a dit celui-ci, estimant que « le seul qui ne le sera pas, c’est Macky Sall ». Il n’a pas dit que cela. Il a même ajouté « 2024 avec présidentiel tu pars, pas de présidentielle tu pars »

Des manifestations qui semblent finalement être de la foule contre de la foule. Une sorte de course-poursuite infernale qui ne fait que commencer, en attendant que Samedi, Macky Sall fasse sa démonstration de force au nord, même si d’aucuns ont fini de crier au convoyage du bétail électoral.