NETTALI.COM - Le directeur général de la Comptabilité publique et du Trésor, Cheikh Tidiane Diop, était, vendredi 4 mai, invité à l’émission « Kassabor » sur la RTS, sur le thème « Eurobond : le Sénégal à l’assaut du marché financier ». Ce haut fonctionnaire du ministère des Finances a détaillé l'Eurobond que le Sénégal vient de réaliser. A l'en croire, la stratégie d'endettement est maitrisée et prudente. 

D’emblée, M. Diop a rappelé que ce n’est pas la première fois que l’on parle d’Eurobond au Sénégal. C’est ainsi qu’il est revenu sur les fortes sommes d ’argent levées en 2009, 2011, 2014, 2017 et 2018. A l’en croire, l’opération vise « une gestion active de la dette ».  « Pour l’eurobond de 2021, il devait expirer en 2024 », précise-t-il. C’était 500 millions de dollars avec une couverture relative aux  risques de change, liés aux fluctuations de la monnaie américaine. « Avec la reprise économique en vue, on prévoit une hausse de la croissance qui va tirer la consommation, la consommation va tirer le pétrole, le pétrole va tirer le dollar. Cette couverture va alourdir la dette. C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire de procéder par conversion, en reprofilant l’eurobond de 2014. Cette fois-ci, l’eurobond s’est fait en euro et non en dollar, pour jouir des fruits de la parité fixe. On pouvait le faire en Cfa, mais le marché lié au Cfa n’a pas cette profondeur. En termes de volume, le marché couvert par le dollar est plus profond que le marché européen. Grâce à la confiance dont le Sénégal jouit auprès des investisseurs du fait de la politique budgétaire qu’il mène, on a pris de l’euro pour racheter ce qui est en dollar, car il y a la parité fixe entre l’euro et le F Cfa. Le taux d’intérêt est plus souple cette fois-ci, car la dette libellée en dollar, c’était un taux d’intérêt de 6,25 %, alors pour cette dernière opération, le taux est à 5,375 %. On a réalisé un gain de plus de 1% », renseigne le directeur général.

Le Directeur du Trésor mentionne que le Sénégal doit encore payer 230 milliards sur la dette de 2014. « Donc, explique-t-il, il y a une partie active pour refinancer la dette avec un différé  de 15 ans, sur une dette qui devait arriver à échéance dans 3 ans. Cela permet aussi de libérer des marges budgétaires pour l’Etat et financer les projets gaziers et pétroliers ».

Cheikh Tidiane Diop de préciser que « le refinancement par le marché est une pratique courante ». Pour lui, y a pas de quoi s’alarmer. « On appelle ça soul boubi souli bouki en wolof, mais le marché financier l’admet. L’on ne prête qu’à ceux qui ont une certaine solvabilité. La preuve, tous les 8 pays de l’UEMOA ne peuvent pas lever des fonds sur le marché international. Le Sénégal jouit d’une stabilité institutionnelle et d’un bon cadrage macro-économique. Dans la foulée du Club de Paris de 2014, il y a eu une tendance haussière du taux de croissance et on allait avoir un taux de croissance à deux chiffres. Malgré le Coronavirus, le Sénégal fait partie des rares pays au monde à avoir un taux de croissance positif autour de 1,5 %  et avant le Coronavirus cette croissance était projetée à 6,8%», éclaire-t-il, ajoutant : « On emprunte pas pour payer des salaires, cet argent, c’est pour réaliser des infrastructures. On a une politique prudente et rationnelle d’endettement. En 2009, on a injecté l’argent de la dette dans la prise en charge des coupures intempestives d’électricité pour édifier des centrales. Un pays qui ne dispose pas de certaines infrastructures de base ne capte pas les investissements directs étrangers. Le Plan Sénégal émergent se décline en deux phases : d’abord il y a les investissements publics, ensuite les investissements privés ».

De l’avis de M. Diop, le Sénégal a réalisé « un succès » car on lui a proposé plus que ce qu’il recherchait. « On nous a proposé 6 fois plus. Là où l’on recherchait 755 millions d’euros, on a obtenu 4,5 milliards de d’euros », ajoute-il.

Il croit savoir que le pays de la téranga emprunte au meilleur taux (5,3 en 15%), par rapport aux autres Etats de la sous-région. Pour prouver que cette opération de levée de fonds est encadrée, il relève : « Si en 2018, on avait levé 2, 2 milliards de dollars, c’était parce que cette somme suffisait à couvrir nos besoins. Le Sénégal a assez de ressources pour financer ses projets. On pouvait tout prendre, mas on a pris que ce dont on a besoin ».