NETTALI.COM - Après la Pointe de Sangomar et la Pointe de Sarène, le Sénégal va réceptionner, le 16 juillet prochain, le troisième avion de commandement de son histoire. Au-delà du prix qui suscite la curiosité, entre experts de l’aéronautique, la livraison de ce mardi du quotidien Enquête pose surtout le débat du point de vue de la pertinence de l’acquisition, de son opportunité, en plus de la transparence de l’acquisition.

Alors que le Sénégal s’apprête à réceptionner un avion de commandement, la question qui se pose est de savoir pourquoi l’Etat du Sénégal a tardé à communiquer sur cette opération qu’il estime pourtant “judicieuse’’. En effet, dans son communiqué, le porte-parole du gouvernement a annoncé que le contrat a été passé, depuis juin 2019, auprès de la compagnie française Airbus. Pour beaucoup, ceci est une preuve suffisante de l’absence totale de transparence dans cette procédure d’acquisition. Ce d’autant plus que, le gouvernement a eu énormément d’occasions pour informer les Sénégalais de ce contrat qui était déjà en cours d’exécution, entre 2019 et nos jours. Mais, il n’a daigné donner l’information qu’hier.

Il y a quelques années, réagissant à l’acquisition de la Pointe de Sarène par l’Etat du Sénégal, Abdou Latif Coulibaly, aujourd’hui secrétaire général du gouvernement, disait : “L’achat d’un avion est différent de l’achat d’un véhicule ou d’un ‘car rapide’. Un avion est une chaîne de montage. Si vous vous rendez à l’usine de la compagnie Boeing ou Airbus, vous constaterez que ceux qui désirent commander un avion s’inscrivent sur une liste. (…)’’. Cet argument vaut aussi aujourd’hui. L’Etat a entamé la procédure depuis fort longtemps, mais l’a tenue secrète. Même les supposés représentants du peuple n’ont rien vu venir. Joint par téléphone, ce député montre, par sa réaction, que le débat n’a jamais été posé à l’Assemblée nationale. Comme pour se dédouaner, le porte-parole du Gouvernement invoque l’aspect sécuritaire pour justifier la non publication de certaines informations.

Le ministre Oumar Gueye, interpellé par Iradio sur le prix du nouvel avion, s’est retranché derrière le secret défense. Cet expert s’interroge : “En quoi la publication du prix de l’avion peut compromettre la sécurité du Président ? Cela témoigne seulement de l’aversion de nos gouvernants pour la transparence’’. Pour lui, il serait trop hâtif de considérer le prix catalogue comme prix réel. “Le prix catalogue n’est jamais le prix après négociation. Souvent, il est revu à la baisse’’.

Sur l’absence d’information des parlementaires, beaucoup ont montré leur étonnement. Pourtant, la loi organique 2020-07 du 26 février 2020 est formelle. “Aucune dépense ne peut être engagée ou payée si elle n’a été au préalable autorisée par une loi de finances. Toutefois, conformément aux alinéas 3 et 4 de l’article 5, des recettes non prévues par une Loi des finances initiales, peuvent être liquidées ou encaissées à condition d’être autorisées par un décret et régularisées dans la prochaine loi des finances’’. Sur la procédure de passation du marché, un expert des Finances publiques renseigne : “Tout dépend du budget qui a servi à acheter l’avion. Si c’est le budget de l’Etat, il faut en effet un appel d’offres ou, sur autorisation de la DCMP, un marché par entente directe. Dans ce cas, le paiement est effectué par le Trésor public’’.

Maintenant, souligne-t-il, si ce n’est pas par le Budget, l’achat n’est soumis à aucune procédure. A la question de savoir si le secret défense peut permettre à l’Etat de se soumettre aux procédures normales, il rétorque : “Le secret défense, c’est juste une notion ou sceau qui permet d’entourer le dossier d’un certain niveau de traitement et de discrétion. Il ne permet pas de se soustraire de la procédure normale’’. Mais hormis le budget, quels peuvent être les autres moyens que l’Etat pourrait emprunter pour financer une telle opération. Il s’agit, selon le spécialiste, des fonds secrets.