NETTALI.COM - Macky Sall ne semble pas très prêt à oublier l’affront qu’il a subi avec ces récents évènements ponctués de violences, de saccages et de vols. L’affaire doit certainement lui être restée en travers de la gorge pour qu’il l’évoque avec autant de véhémence. C’était lors du Conseil présidentiel pour l’insertion et l’emploi des jeunes à Diamniadio devant des jeunes venus des 14 régions du Sénégal et de la diaspora. 

Le président Sall n’est pas en effet d’avis qu’il soit « possible, dans un pays, de se réveiller, de tout détruire sans conséquence. », estimant que quelque démocrate qu’il puisse être, « il y a des limites que tout le monde doit respecter », ajoutant que « ce serait commettre une erreur de prendre les concessions de l’Etat pour une faiblesse ». De quoi afficher sa détermination à ne plus laisser se reproduire ce qui s’était passé. Un message directement adressé à ceux qu’il appelle « les instigateurs des récentes émeutes », faisant remarquer au passage que s’il devait aller à la confrontation, cela « aurait été difficile pour eux ».

Cheikh Tidiane Dièye de la plateforme « Avenir Senegaal Bi Nu Begg », a une autre lecture de la situation. Il a récemment condamné à travers un communiqué « les propos tenus par plusieurs ministres dont ceux de l’Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice qui, gagnés par la peur et dépassés par la résistance inédite et inattendue du peuple, notamment les jeunes qui ont tenté de faire croire que « des forces obscures », « des terroristes » ou « des rebelles » seraient rentrés sur le territoire sénégalais afin de déstabiliser le pays ».  Des propos qu’il a jugé « irresponsables, dangereux et dégradants pour l’image du Sénégal, fort heureusement vite démentis, selon lui, par de hautes autorités de l’armée, de la police et la gendarmerie, à l’occasion de la fête de l’indépendance du 4 Avril 2021 ».

Une fois ces mises au point faites, Macky Sall a incité les jeunes, au premier chef, à respecter les valeurs civiques. Une invite d’autant plus étonnante que les premiers à bafouer ces valeurs, sont ses partisans. Des adultes qui ont organisé des meetings tous azimuts et des combats de lutte. L’ont-ils fait avec son onction ? Ou juste parce que ceux-là voulaient lui prouver, avec ces rassemblements, qu’il reste populaire malgré la révolte des jeunes ? Des actes posés qu’on ne peut de toute façon assimiler qu’à une mise en danger la vie de ses concitoyens, en créant les conditions de la propagation du virus ? Où est le sens civique dans tout cela ? Ils sont même allés à l’encontre de ce que Macky Sall, en tant président de la république, a si souvent recommandé, à savoir le respect des mesures barrières après sa décision d’instaurer un couvre-feu et un état d’urgence sanitaire ? De quoi se demander si les politiques ne se perdent pas souvent dans leurs nombreuses déclarations et prises de position, oubliant eux-mêmes qu’ils se doivent d’être au premier chef, exemplaires. Avant les jeunes ? Evidemment.

Là où toutefois le président Sall a raison, c’est lorsqu’il déplore l’incendie et les assauts contre des postes de gendarmerie, des tribunaux et les propriétés privées. Difficile en effet de reconstituer des documents d’état civil voire des dossiers judiciaires. Des vies et des carrières en dépendent.

Le chef de l’Etat ne peut s’empêcher de penser que ceux à qui il s’est adressé sans les nommer, font « miroiter des chimères » aux jeunes en prétendant les « sortir des difficultés ». Ne devrait-il pas commencer par s’interroger sur le cas de Gaston Mbengue qui a soutenu mener une action plus utile que celle des politiques qui organisent des meetings sans utilité. Presser pour sa paroisse, voilà ce que le promoteur, estimant qu’il « calme la jeunesse de Macky Sall » oubliant que la lutte est une activité qui, contrairement à ce qui est dit, ne fait que le bonheur que huit (8) à dix (10) lutteurs qui en tirent des revenus conséquents. N’est-ce pas une chimère aussi ? Ou peut-être un instrument pour distraire le peuple ?

Un conseil présidentiel qui a finalement viré au règlement de comptes politiques. Et même s’il ne les nomme pas, l’on doute bien que Macky Sall s’adresse à Ousmane Sonko et à ses soutiens. Une situation qui augure certainement d’une volonté de poursuite des dossiers judiciaires pour le moment en suspens. Ceux qui avaient été arrêtés, sont en liberté provisoire. De même la procédure pour viol reste intacte. D’ailleurs Ousmane Sonko ne demande ni plus, ni moins que le dossier sur les accusations de viols soit confié à un autre magistrat. « Il faut qu’on en finisse avec ce dossier complètement vide », a-t-il laissé entendre sur « Jotna Tv » ajoutant qu’il n’acceptera pas « que l’on fasse traîner les choses ou qu’on attende la veille d’élections pour nous convoquer ». Il rappelle d’ailleurs qu’il est un homme politique et qu’il n’acceptera pas que ses activités soient entravées par cette affaire. Le leader de Pastef s’étonne d’ailleurs d’entendre le ministre des Forces armées, Me Sidiki Kaba, dire qu’il y aura procès dans l’affaire des accusations de viols. « Il ne lui appartient pas de dire qu’il y aura procès ou pas. Le juge d’instruction peut classer le dossier sans suite s’il se rend compte qu’il est vide », a-t-il souligné, rappelant que le cas des plaintes contre Aliou Sall et contre Mamour Diallo. Deux plaintes classées sans suite par le juge d’instruction.

Sur la question de l’emploi qui était plutôt ce qui a réuni l’assemblée de jeunes, le président de la république a surtout répété ce qu’il avait déjà dit. A savoir que dès le mois de mai, 65 000 jeunes seront recrutés sur l’ensemble du territoire national, dans les activités d’éducation, de reforestation, de reboisement, d’hygiène publique, de sécurité, d’entretien routier et de pavage des villes, entre autres. « Un quota spécial, rappelle-t-il, sera réservé au recrutement de 5 000 enseignants pour le préscolaire, le primaire, le moyen et le secondaire, y compris les Daaras modernes et l’enseignement arabe ». De quoi se demander si ces enseignants subiront une formation de qualité à un moment où le niveau de l’enseignement demande à être relevé ? Régler un problème ponctuel, ne doit pas pousser à enfoncer l’éducation. Mais au-delà se pose la question de la pérennité de ces emplois dont on redoute qu’ils ne soient que des boulots d’appoint.

De bonnes initiatives sont toutefois sorties de cette rencontre. Mais certainement pas suffisantes. Entre autres, l’annonce faite par Macky Sall de la généralisation des tenues scolaires, dès la rentrée prochaine, pour le préscolaire, le primaire et dont la confection des tenues sera exclusivement locale, « pour soutenir le secteur couturier dont le savoir-faire est apprécié bien au-delà de nos frontières ». Ne faut-il pas aller au-delà et booster la commande publique qui, contre vents et marées, ne devrait nullement aller entre les mains d’étrangers ?

De même, le président mise également sur le numérique, où « s’exerce avec brio le génie créateur de la jeunesse » pour booster l’emploi. Il a à ce titre rappelé la création du Data Center qui sera inauguré en mai prochain à Diamniadio et qui va favoriser l’éclosion de plus de 4 600 entreprises, pour générer plus de 15 700 emplois, dont 720 directs. Des chiffres qui laissent toutefois songeurs !

L’ancienne Premier ministre Aminata Touré, Bougane Guèye et le député Cheikh Oumar Sy ne voient pas ces fonds et initiatives en faveur de l’emploi, d’un bon œil. Ils ont une approche différente de la question. Le patron de D-média trouve que « Macky Sall est très fort, car commente-t-il « chaque fois que l’on a de vrais problèmes, il nous propose de fausses solutions. ». Mimi Touré, même si elle a fait quatre propositions, estime que « pour sortir d’un trou, il faut d’abord arrêter de creuser » et préconise de « conserver les emplois existants et retrouver les emplois perdus dans les secteurs très touchés par la COVID 19 comme le tourisme, l’hôtellerie, la restauration qui sont des secteurs clé de notre économie ». Cheikh Oumar Sy, l’ancien député a lui retenu deux choses : la première c’est que, selon lui « les organisations patronales du secteur privé sont quasi inexistantes dans les 13 autres régions. », notant « le secteur privé de Dakar et l’entreprise sociale étatique dans les 13 autres régions » ; pour ce qui est de la deuxième, il indique qu’il est temps de revoir les missions des gouverneurs. S’ils sont capables de réunir les jeunes dans les 14 régions pour faire le diagnostic socio-économique, ils peuvent aujourd’hui gérer des budgets pour le développement territorial de chaque région.

Me Abdoulaye Wade est pendant ce temps à Doha dans la prison à ciel ouvert de son fils et doit discuter du Parti démocratique sénégalais (Pds). Il s’agira notamment de réfléchir sur la meilleure stratégie pour aller aux prochaines locales, mais aussi voir comment redynamiser un Pds en léthargie depuis de nombreux mois et qui semble désormais dépassé par de jeunes formations comme le Pastef d’Ousmane Sonko. Une visite qui laisse toutefois penser que la question de l’amnistie ne peut pas ne être au menu, agitée qu'elle a été au lendemain des émeutes. Elle est le noeud même du problème. Ousmane Sonko l’avait même appelée de son vœu dans un discours qui a suivi sa garde à vue et en faveur de Karim Wade et de Khalifa Sall. Ce dernier s’active aussi sur le terrain politique pour se repositionner politiquement depuis son élargissement de prison. Il compte à cet effet reconquérir Dakar avant d’aller à l’assaut du reste du pays.

Rentrera-t-il bientôt au bercail comme semblent l’espérer beaucoup de ses proches et soutiens ? L’on nous a en effet annoncé que c’est le Jaaraaf de Dakar qui a décidé de verser les 300 millions de F CFA de caution qui retiennent Lamine Diack sous contrôle judiciaire, en France. Un geste du reste très apprécié par sa famille, si l’on en croit Papa Massata Diack qui l’a expliqué, même s’il a par ailleurs nuancé sur I-Radio que selon les informations qu’il détient, « la caution était la seule condition pour la levée du contrôle judiciaire et la restitution de son passeport ». Y aurait-il d'autres conditions ? Affaire à suivre.

Espoirs déçus pour Hissène Habré qui comptait humer l’air de la liberté.  Non seulement le l’Organisation des Nations Unies, à travers un rapport de la commission mise en place, a mis son véto et estimé que le maintien en détention de M. Habré est essentiel pour lui permettre de répondre à des graves crimes qu’il a commis, mais encore pour garantir l’accès des victimes à la justice et à la réparation, tout en assurant l’intégrité physique du détenu.  Même son de cloche du côté de la justice sénégalaise qui a refusé une demande de libération de l’ex-président tchadien Hissène Habré, condamné à perpétuité par une juridiction africaine à Dakar pour crimes contre l’humanité, a-t-on appris dimanche auprès de ses avocats. Pour rappel, Hissène Habré a été condamné le 30 mai 2016 à la prison à vie à l’issue d’un procès sans précédent à Dakar, après avoir été déclaré coupable de crimes contre l’humanité, viols, exécutions, esclavage et enlèvement. Une commission d’enquête tchadienne a chiffré à 40 000 morts le nombre des victimes de la répression sous le régime Habré.

Dans son pays, c’est un dernier hommage qui sera rendu par la junte militaire dirigée par le fils du défunt président tchadien Idriss Déby Itno, vendredi 23 avril. Le Président Macky Sall, lui, n’a pas fait le déplacement. Il s’est fait représenter par une délégation conduite par Sidiki Kaba, ministre des Forces armées et Aïssata Tall Sall, ministre des Affaires étrangères qui ont ainsi présenté les condoléances du chef de l’Etat à Mahamat Idriss Deby Itno, fils du défunt président et nouvel homme fort du Tchad. Un homme dont la prise de pouvoir est dénoncé comme un coup d’Etat par l’opposition et la société civile tchadienne. Le Tchad, un pays qu’a dirigé le défunt président d’une main de fer, 30 ans durant. Idriss Déby est mort lundi, selon la présidence tchadienne, à l’âge de 68 ans, des suites de blessures subies au front contre des rebelles. Comme quoi, certains présidents africains ont beau duré au pouvoir, mais Dieu finit toujours par rappeler à eux tous qui se croyaient tout puissants, à leurs conditions de mortels.