NETTALI.COM - Le président Macky Sall, se souvient-il encore de ces fameux slogans qu’il avait vendu aux Sénégalais : « gouvernance sobre et vertueuse », « la patrie avant le parti» ? Il semble bien que non, puisqu’on est loin de cette époque d’avant 2012 et l’on s’achemine vraisemblablement vers une fin de second mandat, alors qu’il montre les signes du président qui ne médite vraiment pas sur les leçons issues des différents résultats des urnes qui se succèdent dans le temps.

 Ce qui se donne en tout cas à lire, ressemble plus à une politique de l’autruche. Macky refuse manifestement de lire et d'entendre les complaintes ainsi que le ras le bol des Sénégalais.

Le nouvel acte qu'il vient de poser, est tout simplement incompréhensible surtout au regard du contexte où beaucoup d’actes de mal gouvernance lui sont reprochés. Y compris même jusque dans la gestion des sociétés publiques avec des interventions répétées du secrétariat général de la présidence par rapport à des marchés où des réserves de l’ARMP et de la DCMP ont été notées.

Le décret n°2022-1538 modifiant et complétant le décret n°2014-1212 du 22 septembre 2014 portant Code des marchés publics, pris ce 12 août 2022 par Macky Sall, pour modifier le Code des marchés publics dans le but de permettre à des sociétés telles que la Société africaine de Raffinage, la SAR, Petrosen et ses filiales, le Réseau Gazier du Sénégal et l'institut du Pétrole, de pouvoir acheter du pétrole brut, des produits pétroliers, gaziers et chimiques ainsi que l'acquisition d'équipements, sans respecter la procédure d'appel d'offres édictée par le Code des marchés publics, est une dérive de plus. Nombre de spécialistes pensent d’ailleurs que cette décision du chef de l'Etat peut engendrer des détournements de deniers publics et autres pratiques douteuses, si le processus d'acquisition de ces produits en faveur des sociétés nationales ciblées, n'est pas encadré.

 Et les explications d’Adama Diallo le directeur général de Petrosen Holding qui soutenait que cette mesure répondait juste aux réalités du marché, afin de gagner du temps sur les commandes, devant la forte demande et les tensions sur le marché des hydrocarbures, ne convainc personne. « Il n'est pas dit qu'on ne fait pas d'appel d'offres, mais on nous demande d'avoir un manuel de procédures qui est conforme pour la pratique du secteur, que tous les acteurs qui sont dans les mêmes métiers que nous, utilisent et qui permettent à ces sociétés de ne pas connaître le goulot d'étranglement et d'être flexibles pour répondre aux besoins d'approvisionnement en hydrocarbures, afin d’amener de l'électricité aux Sénégalais », a assuré celui-ci.

Il devient en tout cas bien compliqué de demander aux Sénégalais, de plus en plus préoccupés par les questions de transparence, au regard de la gestion cavalière des deniers publics qu’ils constatent chaque jour, de juste un quitus aux agents de l’Etat et du gouvernement sur la simple base de la bonne foi. L’on semble en effet ignorer que le rôle d’une procédure, est justement de mettre des garde-fous et d’éviter les dérives inhérentes à la nature humaine. Si le terme «procédure d’urgence» existe dans le jargon administratif, c’est justement pour parer au plus pressé. C’est pour davantage de célérité dans la gestion des affaires urgentes.  Lorsqu'une urgence se justifie par exemple dans le cadre d'une inondation, elle se comprend aisément. Les Sénégalais sont loin d'être dupes en effet. Permettre des  approvisionnements à coup de milliards et sans appel d’offres, ce n’est en vérité rien d’autre qu’une manière d’ouvrir la porte à la dilapidation des ressources déjà bien maigres des Sénégalais.

Les termes du décret sont en tout cas clairs. Il n’est pas question d’autre chose, que de « soustraire les activités des sociétés publiques du secteur de l’énergie du champ du code des marchés ». Vouloir convaincre du contraire, relève tout simplement du sophisme.

Birahime Seck du forum civil a d'ailleurs son idée sur la question. Le membre de la société civile a en effet fait un constat selon lequel, à chaque approche d'élections, les régimes tentent de modifier le Code des marchés publics. Il en veut pour preuve, ces « marchés extirpés du code des marchés publics en octobre 2010 » Ce qui, selon lui, « avait même provoqué une modification en 2011, et une autre en 2014. » ajoutant qu’ « entre cette dernière année et 2022, la même chose s’est produite en 2019 ».

De quoi attiser des soupçons chez lui puisqu’il entend dénoncer l’affaire auprès des partenaires techniques et financiers tels que l’Union européenne, l'USAID, la Banque mondiale ou encore le Fonds monétaire international qui financent l’économie sénégalaise. Ce qui constitue pour lui, et à ne pas en douter, un grand recul dans la transparence des affaires publiques.

Ce qui le pousse d’ailleurs à noter « une faillite de cette régulation des marchés publics au Sénégal » ainsi qu’un « retour à 40 ans en arrière ». Et Seck n’a d’autre choix que de demander que l’Autorité de régulation des marchés publics soit délogée de la présidence de la République afin d’éviter des difficultés liées à la régulation

L’autre difficulté relative à ce décret, c’est la délimitation et de manière claire et non équivoque, du périmètre de ce qui est concerné par ces domaines cités. Il y a un risque évident et la tentation est grande de s’engouffrer dans les brèches pour confondre des marchés non prévus dans le lot.

Une raison impérieuse qui plaide d’autant plus à l’encadrement drastique des marchés publiques, c’est le fait que les campagnes électorales, sous tous les gouvernements, nous livrent des spectacles désolants et insolents de dilapidation des ressources publiques, dans un contexte sénégalais où les dépenses de campagne ne sont pas plafonnées. C’est en effet une évidence que les seuls salaires des ministres et DG, impliqués dans les campagnes, ne peuvent suffire à financer ces tournées fastueuses et folkloriques. C’est la raison pour laquelle, il devient d’autant plus impérieux de surveiller, comme du lait sur le feu, les deniers des Sénégalais. Et pourtant, tout cela, à y regarder de plus près, est inutile. Les achats de conscience ont montré leurs limites. De même que le transport du bétail électoral mobilisé à coups de perdiems. Tout comme les débauchages. Aucun de ces vieux stratagèmes n’a produit une quelconque preuve de son efficacité. Le président de la république, en demandant à ses ministres et DG, de produire des résultats, non pas sur la base de leur gestion, mais plutôt sur le terrain politique, est tout simplement à critiquer. Il sème inéluctablement les germes du décryptage d’un message si peu clair. Ce qui n’est pas sans conséquence dans la gestion des sociétés publiques globalement si peu reluisante.

Mais à y voir clair, la coalition de la majorité n’est peut-être pas si pauvre que puisqu’elle a maintenant un siège digne de son rang et la charge du pouvoir ! Peut-être finance-t-elle toutes ces manifestations ?

Les nombreux avertissements lancés par les Sénégalais par le biais des urnes, ne semblent pas pouvoir arrêter les gouvernants. Le verdict sorti des urnes le 31 juillet dernier, prouve à souhait une dégringolade sans fin qui a d’ailleurs permis à l’économiste et écrivain Khadim Bamba Diagne, de déclarer sans sourciller que « c’est fini pour Macky Sall ». Passer de 125 à 82 députés, n’est-ce pas une chute avec une majorité absolue qu’on obtient que grâce à Pape Diop, avec le risque d’avoir des défections dans ses troupes. C’est désormais un pouvoir que Macky contrôle difficilement, qui est entre ses mains. Il marche, comme qui dirait sur des œufs.

Même la percée d’Ousmane Sonko, l’adversaire le plus frontal et le plus redoutable de Macky Sall qui progresse très vite au fil des élections, ne semble pas freiner l’insouciance de la majorité à changer de paradigme dans la gouvernance. En effet, avec la coalition "Yeewi Askan Wi" a opéré, lors des locales dernières, une percée dans les grandes villes. Cela non plus, n’a pas semblé ébranler la majorité qui n’a eu rien d’autre chose à faire que de jubiler, estimant être majoritaire dans les départements. Or, l’on n’était point dans une configuration d’élections législatives qui ont par la suite révélé une perte de vitesse des troupes de Benno. Ce même Ousmane Sonko avait obtenu 15 et quelque pour cent derrière Idy et Macky Sall, lors de la présidentielle de 2019. Qu’expliquer de plus surtout si le leader était devenu député grâce au système du plus fort reste lors des législatives d’avant présidentielle 2019 ?

Les législatives dernières ont en tout cas montré que les réalisations de Macky aussi flamboyantes soient-elles, n’ont pas suffi pour séduire l'électorat. La plupart des députés élus, étant des inconnus au bataillon, il semble que cela soit un vote contre la personne du président qui a été accompli. Une sorte de référendum "pour ou contre un 3e mandat", qui ne dit pas son nom, suivant une campagne de Yewwi askan wi-Wallu qui a fait mouche. Même les augmentations de salaires ciblées et injustifiées voire de la dernière minute, les bourses de sécurité familiale XXL, les distributions d’argent dans les quartiers... , n’ont pas été les bons chemins à emprunter face à un défaut de prise en charge de la flambée incontrôlée et vertigineuse des prix, du manque d’emploi des jeunes, du coût exorbitant des loyers, des inondations qui pourrissent la vie des citoyens, de l’appauvrissement des masses sénégalaises et d’un système de santé et d’éducation de masse en faillite.

L’on semble oublier la bonne gouvernance qui est l’objet d’une grande préoccupation. Entre ces ministres, cités dans la fameuse liste des 25 dignitaires libéraux, recyclés par Macky Sall dans des gouvernements ou institutions de l’Etat et ce casting d’incompétents pour occuper des postes de ministres et de directions générales, il y a de quoi perdre espoir quant à une prise de conscience de la réalité par ceux qui nous dirigent.

A y voir de plus près, il semble que l’on teste la capacité d’indignation des Sénégalais, quitte à la pousser jusqu’à ses limites.  Dieu sait que des actes sources d’indignation, il y en a à la pelle.

Le dernier acte posé par le gouvernement, est à ne pas en douter, la vente déjà conclue (ou pas) des 3 hectares de l’hôpital Aristide Le Dantec avec un montant avancé de 30 milliards. Le discours sur ce sujet nébuleux, n'est rien d'autre qu'une sorte de bras adressé aux populations, tant il est loin d’être convaincant et l’opération pas aussi transparente que l’on veuille faire croire.

Souleymane Diagne, le directeur général de d'ingénierie et de technologie (Genitec), l'entreprise choisie comme promoteur du projet de reconstruction de l'hôpital Aristide Le Dantec, est d’ailleurs monté au créneau pour faire des précisions sur son désaccord avec l’Etat. Aussi, il n'a pas manqué de mentionner les avantages de leur offre. “Genitec International, promoteur du projet, va récupérer l'argent qui avait servi de financement à travers les recettes de l'hôpital sur une durée de 23 ans dont trois ans de différé avec un taux d'intérêt de 2 %. Et durant ces trois ans prévus pour la reconstruction, l'hôpital ne va rien rembourser. Pour ce qui est du paiement de la dette, par exemple, Le Dantec va empocher 100 millions de francs CFA le mois, selon nos estimations. Genitec, quant à elle, ne va prendre que le 10e des recettes pour le remboursement de la dette qui est étalée sur 23 ans. Cela va permettre à l'hôpital de rembourser cette dette sans même le sentir dans son fonctionnement”.

Mieux, M. Diagne explique qu'avec cette offre, l'État n'intervient que s'il y a cas de force majeure, au cours des 20 années d'exploitation de l'hôpital. De plus, il a fait savoir qu'ils ont même prévu d'installer une centrale solaire de 2 mégawatts, afin de permettre à l'hôpital d'avoir une autonomie énergétique. Cependant, malgré les décisions prises par l'État, à la grande surprise de Genitec International, choisie comme promoteur du projet de reconstruction de Le Dantec, il faut retenir que l'entreprise n'a reçu jusque-là aucune notification de rupture de contrat.

Des propos en tout cas bien éloignés de ce que tout ce qu’on a pu dire.

Macky Sall semble en tout cas résolument engagé dans une marche forcée vers on ne sait quel objectif. Une marche dans laquelle, il ne semble décidément en faire qu’à sa tête. On espère juste qu’il sache ce qu’il fait puisqu’il ne semble pas y avoir autour de lui, des hommes pour lui dire stop. Car à vouloir trop jouer, il risque de se prendre à son propre jeu. Il se retrouve contre son gré dans un schéma où il est obligé de négocier et de rappeler quelques-uns des "fils bannis".