NETTALI.COM - Jamais affaire n’avait autant divisé la société sénégalaise. Entre pro, anti et ceux qui, quelle que soit la situation, ne souhaitent qu’une chose, la vérité. C’est une confusion indescriptible et sans précédent que l’affaire du salon « sweet beauty » a engendrée. Une plainte pour viol et menaces de mort qui ne devait pourtant être envisagée que sous l’angle privé, même si elle doit être traitée au niveau pénal. On a, en tout cas affaire à une ambiance bien délétère où se mêlent, vérités, mensonges, jugements de valeurs, manipulations, prises de position flagrantes, analyses équilibrées et commentaires tendancieux.

Des dérives constatées, il y en a beaucoup eues dans la manière de présenter les faits de ce dossier. Surtout avec cette tentative de discréditer la jeune masseuse Adji Sarr en la qualifiant de « prostituée », de « fille de mœurs légères », oubliant que le jugement de valeur, est proscrit en journalisme.  Là n’est pourtant pas la question, même si ceux qui brandissent ces qualificatifs indignes, ne cherchent au finish qu’à accréditer par ricochet, la thèse du complot.

C’est ce constat qui a certainement conduit Gabrielle Kane, communicante et invitée de l’émission « Jakarloo » de ce vendredi 12 février, qui relève un problème social à la base, à demander que les droits de la jeune femme soient respectés, bien qu’Ousmane Sonko soit un homme politique d’envergure et charismatique. « Le fait qu'une fille de 20 ans se soit retrouvée dans un salon de massage, est tout simplement le résultat d’un échec éducatif ainsi que l’échec de toute la société sénégalaise », fait remarquer la dame.

Charles Faye ne dit pas autre chose : « Notre jugement ce n’est pas ce qui importe. A 20 ans, la jeune femme devait être en train de chercher le savoir et non l’argent à cette heure. »

Même son de cloche chez Aïssatou Diop Fall, invitée de l’émission « Ndoumbélane » de ce vendredi 12 février sur la Sen TV. « La fille est une écorchée de la vie. Selon moi, elle est manipulée. Elle est jeune et fière d'être la masseuse de Sonko. Malheureusement, des personnes de mauvaise foi ont profité de sa naïveté pour la manipuler afin de faire tomber Sonko. »

Recevant une délégation de femmes de son parti, Ousmane Sonko a estimé ne pas en vouloir à Adji Sarr qui, selon lui, a été manipulée par des hommes.

L’émission « jakarloo » a en tout cas, à certains moments, viré à la plaidoirie, surtout avec la présence du tonitruant avocat, Me El Hadji Diouf, qui s’est cru dans un prétoire, suite à son opposition avec « Fou Malade ». A l’endroit de ceux qui pensent que le massage doit se faire ailleurs que dans ces salons, ce dernier répondra que le massage est culturel et en même temps un métier respectable : « Gabrielle, tu dis que Diagne (invité) stigmatise les jeunes filles, mais en disant cela vous stigmatisez aussi les masseuses. Il n’y a pas de sots métiers. Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’Ousmane Sonko a prêté le flanc. Il est peut-être victime de son humilité. Si on analyse les différents éléments, il y a des procès-verbaux qui sont sortis et c’est à la décharge de Sonko. Mais lorsqu’on viole quelqu’un, on entendra la personne crier… »

Pape Djibril Fall semble abonder dans le même sens que « Fou malade » même s’il relativise ses propos : « on n’est ni pour, ni contre. Je condamne les propos de Diagne. La dignité humaine doit être préservée. Chaque individu a eu dans sa vie une expérience de massage notamment une entorse ou dans le cadre d’une nouvelle naissance, chez le spécialiste du coin (…) En période de covid alors que tous les instituts et même les commerces sont fermés, Ousmane ne devait pas aider d’autres gens à violer le couvre-feu, même si on lui permet d’être hors de chez lui. ». Avant de demander : « Où est la responsabilité de l’Etat qui est totalement engagée, puisque c’est lui qui octroie les autorisations. Quelqu’un qui se cache, peut-il poser une enseigne ? Dans cet épisode, on nous parle de viols répétitifs, d’une voiture noire et une avocate et un médecin qui lui ont permis de sortir ». Et celui-ci d’embrayer sur la posture de l’Assemblée nationale qui lui « parait problématique », estimant qu’elle « doit évaluer en son sein si la levée de l'immunité est appropriée ou pas ». Avant de s’étonner : « Pourquoi l'avoir convoqué et rétropédaler ? » Il parlait évidemment de Sonko. Mais là où on ne suit pas Pape Djibril Fall, c’est lorsqu’il cherche à démontrer qu’il n’a « pas le numéro de Sonko et vice-versa », avant de citer les actions citoyennes telles que les dons de sang et autres auxquelles se livre celui-ci. Qui l’accuse de connexion avec Sonko ? Une attitude de justification en tout cas particulièrement étonnante.

Mais c’est le discours de Me El hadji Diouf qui sera particulièrement à charge contre le leader patriotique. « Les histoires d’Etat ne nous ont a pas amenés ici. On n’est pas en politique, ni dans une séance de propagande. Il y a « Y en a marre » qui est allé soutenir Sonko. Qu’est-ce qui s’est passé ? Une guerre France-Allemagne ? Il y a une fille qui a les mêmes droits qu’Ousmane Sonko. Elle est une orpheline et tout le monde n’a pas les mêmes chances (…) », a dénoncé celui-ci avant d’enfoncer le clou : « Un texte de PV, si tu en retires des parties, ça dénature tout. L'instruction est secrète. Ce n'est pas parce qu’on ne crie pas qu’on n’est pas violé.» Et l’avocat de citer les dates où les viols ont eu lieu. L’on a bien compris qu’au-delà d’être avocat d’Adji Sarr, Me El Hadji Diouf est dans une logique de croisade contre Pastef, accusé en son temps qu’il a été, au cours d’un débat d’être « un violeur » par Bassirou Diomaye Faye. Une accusation qui n’a toutefois pas été confirmée par la justice française, lieu où cette accusation de viol a eu lieu.

Au cours de l’émission « Jakarloo », Bouba Ndour n’était pas loin de penser qu’il y a trop d’informations qui circulent à tel point que plus personne ne sait plus rien de cette affaire : « un homme qui quitte son domicile en plein couvre-feu qui se déshabille, qui s’allonge, se fait masser et rentre chez lui, c’est trop difficile qu’il se fasse accuser de viol comme ça. Là où on parle de viol, c’est sans doute parce qu’il y a un muscle qui s’est réveillé. On est au Sénégal et il ne faut pas qu’on ait la prétention qu’on est tous des saints. Il ne faut pas qu’on soit hypocrites. Si c’était un Samba Ndiaye ça n’aurait pas eu le même impact. Lorsqu’on aspire à certains postes, tout ce qu’on fait devient un problème national. Si on me réveillait à 3 h pour me dire que Sonko a sorti une arme pour violer une fille, j'aurais eu du mal à le croire. Si on me dit qu’il a violé une fille avec tout ce qu’il incarne et représente, ça m'étonnerait également. Vouloir être président, ce n’est pas juste faire des dénonciations. C’est aussi avoir un certain comportement éthique (...) Tout sympathisant de Sonko, au fond de lui, doit se poser des questions en se demandant s’il n’a pas fait quelque chose. Chacun voit ce qui l'arrange et ferme les yeux sur les choses qui ne l’arrangent pas ...»

Mais ce qui a marqué l’émission de la TFM, « Jakarloo », c’est surtout la vulgarité de certains propos utilisés, ainsi que les a pointés du doigt, le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (Cnra). Ce dernier relève ainsi pour le déplorer, « un usage de propos dégradants et dévalorisants pour la femme, le vocabulaire, d’une vulgarité extrême et inacceptable » et « sans apport aucun dans la satisfaction des besoins d’information du public sur l’affaire dite Adji SARR – Ousmane SONKO pendante devant la Justice. ». Avant d’ajouter que « les termes injurieux et obscènes utilisés, faisant clairement place à un sexisme débordant » et qui « sont de nature à porter atteinte à la dignité et à la considération de la femme tout en agressant les valeurs morales de notre société. »

Sur un autre plateau du vendredi « Ndoumbélane » en l’occurrence sur la Sen Tv notamment, Oumar Faye leral askanwi a abordé la question. C’est pour charger Ousmane Sonko : « Je ne parle pas de Sonko président du Pastef, mais de Sonko en tant que député du peuple. Nous lui avons donné une voiture, du carburant, un passeport diplomatique au même titre que ses deux épouses, et c’est lui qui dit que s’il tombe malade, on s’occupe à hauteur de 80 % de ses charges médicales. S'il a une immunité parlementaire, c’est parce que le peuple lui en a donné et pour cette simple raison, il doit revoir sa démarche surtout quelqu’un qui prétend gérer ce pays. Il ne doit pas aller n'importe où et n'importe quand. Ousmane Sonko a commis une faute lourde. Il n’avait pas le droit d’aller au salon de massage qui n’a d’ailleurs pas d’agrément. Il doit nous demander pardon car on l’a porté pour qu’il devienne député. (…) Par ailleurs, il nous avait habitués à dénoncer les contrats des multinationales tout en défendant les intérêts du pays. Ce, dans sa posture de potentiel président de la République, s’il ne mesure pas sa dimension, nous devrons prendre notre responsabilité en le condamnant. En plus il y a beaucoup de contradictions au sein de Pastef. Ils ont commis beaucoup de contradictions dans leurs différentes sorties. Concernant la séance de massage avec le kiné coréen, Sonko parle de plus de 200 mille, Bassirou Diomaye Faye évoque 300 mille". »

Aïssatou Diop Fall elle, a une position plus mitigée. Elle accrédite certes la thèse du complot politique, mais la justifie par la posture hostile de toujours du leader de Pastef vis-à-vis du pouvoir : « Moi j'ai deux convictions : je ne crois pas en cette histoire de viol mais aussi je crois en la théorie du complot. Je m'explique : Ousmane Sonko s'acharne toujours sur le gouvernement donc cette personne l'Etat ne lui fera pas de cadeau. C'est ça la règle du jeu. La fille est une écorchée de la vie. Selon moi elle est manipulée. Elle est jeune et fière d'être la masseuse de Sonko. Malheureusement des personnes de mauvaise foi ont profité de sa naïveté pour la manipuler afin de faire tomber Sonko. Dans cette affaire, je dis que Ousmane Sonko a fauté et il va payer cash (…) Aujourd'hui, Ousmane Sonko n'a pas besoin d'avocats. Ses avocats sont dans la presse. La preuve, la presse s'est rendue au salon de beauté pour interroger la patronne sans aller voir le kiné que Sonko avait payé 200 mille pour une seule séance de massage. Ousmane Sonko aurait vu Rose Wardini qui pouvait le soigner gratuitement et avec plaisir. Je déplore le traitement de l'information dans cette affaire. Ousmane Sonko est très futé dans la victimisation, la martyrisation... Au Sénégal, les femmes ne sont pas prises au sérieux. Et puis nous les femmes nous ne sommes pas solidaires, nous sommes jalouses. Toutes les femmes devaient faire bloc au tour de Adji Sarr pour l'aider. Je pense qu'elle est massacrée publiquement".

L’offensive de Pastef

Dans cette affaire, Pastef semble jouer son va-tout, dans ce qu’une certaine presse a dénommé « Mortal combat » convaincu que l’Etat veut la peau de son leader. Aussi, s’est-il lancé dans une offensive communicationnelle pour déconstruire toutes les accusations qui pourraient peser lourd sur la balance. Pastef était sur tous les plateaux : « Faram Facce », « Soir d’Infos » et Infos du Matin de la TFM ; sur la 7 TV aussi, « Ndoumbélane » sur la Sen TV, Walf TV et bien évidemment dans la presse écrite.

A l’émission “Grand Jury” de ce dimanche 14 février, Diomaye Faye a soutenu qu’ils étaient avertis que “le pouvoir allait coller (à Sonko) une histoire de mœurs dans ce même salon, afin de le liquider politiquement”. Une révélation qui a semblé dès lors bien suicidaire aux yeux du journaliste Babacar Fall, même si M. Faye a défendu bec et ongle que leur leader n’a rien à se reprocher. Après avoir défendu l’impossibilité de « viols répétitifs dans une maison où il y a une famille qui vit là-bas, l’épouse, le mari, les enfants et les employés …des caméras de surveillance, des employées qui se mettent à deux“, a fait savoir M. Faye qui souligne que “ce salon de massage dispose d’un agrément de l’État“.

Mais l’on a senti une évolution dans le discours de déconstruction des accusations. Alors qu’ont été évoquées des histoires de prélèvement, Bassirou Diomaye a senti nécessaire d’évoquer sa préoccupation quant à la possibilité de la manipulation du test d’ADN qu’il redoute fortement. ”Cette histoire d’Adn, je vous invite à en discuter avec les spécialistes. On peut tout faire quand vous avez des substances d’un individu. C’est totalement possible, une manipulation. Le président Ousmane Sonko a donné son sang cette année. Quand il a appelé au don de sang, il a donné l’exemple en donnant de son sang. Il contient l’Adn du président Ousmane Sonko. Même le salon dans lequel il s’est fait masser, il suffit d’un cheveu, d’une salive ou de la sueur pour retrouver un Adn“, s’est-il soucié.

Une affaire qui semble en tout cas se compliquer au fur et à mesure que le feuilleton avance.

L’on a par exemple appris du journal « L’Observateur » de ce lundi 15 février que le député accusé de viol, a vu une nouvelle charge planer sur sa tête. Il lui est reproché le délit d’appel à l’insurrection au moment où la machine est mise en branle pour la levée de l’immunité du député. Cela, suite à ses propos tenus lors de son face-à-face avec la presse, dimanche 7 février dernier. A en croire le journal, comme dans le dossier du viol présumé, le procureur de la République a visé X. Une procédure ouverte depuis le placement sous mandat de dépôt de bon nombre de ses partisans, vendredi dernier, par le juge du 1er cabinet d’instruction. L’on se rappelle en effet qu’il y a eu des affrontements entre policiers et militants de M. Sonko dans plusieurs villes du pays, entre lundi et mardi, la semaine dernière, après que le parlementaire a appelé ses partisans à résister.

Le journal « Enquête » de ce lundi 15 février nous apprend que le régime procède à des arrestations tous azimuts de responsables du Pastef, citant en cela samedi, une injonction venue du ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Diom, demandant d’arrêter des responsables de cette formation politique sur tout le territoire national. Pour le quotidien, il s’agit de l’arrestation d’individus qui ont été identifiés comme ayant participé ou diligenté des troubles à l’ordre public. Elles concernent des responsables considérés comme de futurs fauteurs de troubles, mais aussi des auteurs, dit-on, d’audio qui ont fuité et dans lesquels ils annoncent des saccages ou des incendies de biens publics, de maisons de responsables du régime, entre autres.

Des informations qui ne vont toutefois pas dans le sens du dégel déduit dans un autre article du même numéro qui a informé d’un entretien entre le khalife général des mourides et le chef de l’Etat. Le même quotidien a aussi rendu compte d’une réunion, vendredi 12 février dernier dans l’après-midi, un peu après 17 h entre le président de la République et ses ministres de l’Intérieur et de la Justice pour une séance d’information sur l’affaire. Macky Sall souhaiterait en effet que cette affaire soit résolue, afin que le calme revienne dans ce pays et cela, conformément à la demande du khalife général des mourides.

Un invité qui en a surpris plus d’un dans cette affaire, c’est Me Wade. « J’ai le sentiment que Sonko a manqué de prudence et a été piégé. Apparemment, son inexpérience a été exploitée par un adversaire puissant et futé qui connaît ses faiblesses. Je condamne cette façon d’éliminer un adversaire politique. Le PDS exige que la provocation soit constatée et qu’il soit dit qu’il n’y a pas de délit. En conséquence, le PDS s’oppose à la levée de l’immunité parlementaire du député Sonko ». Un communiqué bien polémique à tel point que les libéraux Mame Diarra Fam, Cheikh Dieng et Lamine Ba se sont constitués en boucliers de Me Wade fortement critiqué. Une sortie jugée en tout cas bien vicieuse de la part du Pape du Sopi, qui même s’il accrédite la thèse du complot politique, discrédite Sonko en relevant son inexpérience et révèle au grand jour, ses faiblesses. La preuve que Me Wade semble toujours être dans la manœuvre pour le compte de son fils.

Une affaire qui est loin d’avoir livré tous ses secrets au moment où la machine de l’Assemblée nationale est enclenchée. Les avocats d’Ousmane Sonko, sentant des coups fourrés, sont en train de s’activer en s’engouffrant dans des brèches. Ils s’en sont ainsi pris au procureur Serigne Bassirou Guèye, relevant que « pour la première fois dans l’histoire judiciaire du Sénégal, un réquisitoire est pris contre X, et sans que le juge d’instruction n’ait pris aucun acte ».  Ils trouvent que ce dernier s’est attelé à saisir l’Assemblée nationale, pour une levée de l’immunité parlementaire de X, identifié avant l’heure, comme étant Ousmane Sonko. « Il nous est revenu que suite à un rejet par le Bureau de l’Assemblée nationale de la saisine par le juge d’instruction du huitième cabinet, vous auriez diligenté une nouvelle saisine, malgré l’existence d’un réquisitoire contre X qui vous dessaisit en vertu de la saisine du juge d’instruction », alertent Me Cheikh Khoureyssi BA et Compagnie dans une note, ce lundi 15 février. « Ce réquisitoire contre X, accusent les robes noires, a pu faire l’objet d’un retrait ce qui serait une autre violation très grave de la loi, en l’état de l’ouverture d’une information judiciaire sur la base du premier réquisitoire au juge d’instruction du huitième cabinet qui avait déjà saisi l’Assemblée nationale. »

L’opposition parlementaire pendant ce temps va apporter son soutien à Ousmane Sonko, dans l’affaire « Sweet Beauty », tout en désignant ses représentants dans la commission Ad hoc chargée de diriger la procédure afférente à la levée de l’immunité parlementaire de Ousmane Sonko. Elle sera représentée par Moustapha Mamba Guirassy et Serigne Cheikh Mbacké Bara Dolly, membres du groupe parlementaire Liberté et Démocratie. Affaire à suivre.